Chapitre 20
Après cette soirée où Yann m'a raccompagné chez moi à moto, nous sommes devenus un peu plus proches. On peut même dire que maintenant nous sommes amis, car jusque-là je n'en étais pas vraiment sûr. Pourtant, même si c'est le cas, il n'en reste pas moins très mystérieux, et pour le moment je n'ai aucun moyen de découvrir pourquoi il agit comme il le fait.
Il y a deux jours, alors que nous étions dans la cour, il a reçu un appel, et j'ai vu à son expression qu'il avait l'air en colère. Il nous a suite à ça, laissés en plan après avoir dit un mot discrètement à Kévin, puis il a disparu en escaladant la clôture de l'établissement et a couru vers sa moto. S'en est suivi le bruit du moteur rugissant lorsqu'il s'est éloigné.
Après avoir questionné Kévin, celui-ci m'a expliqué qu'un ami de Yann avait des ennuis, et qu'il devait aller l'aider. Il m'a ensuite confié que Yann est comme ça, dès que quelqu'un qui compte pour lui a des problèmes, il fonce, tête baissée sans penser aux conséquences. Qu'il a horreur de l'injustice et que bien souvent il se retrouve dans de sales histoires à cause de ça.
Il continue de recevoir des messages tous les jeudis, qu'il prend soin de bien dissimuler, et plus il les cache, plus je trouve ça louche. Et, plus je trouve ça louche plus je veux découvrir de quoi il s'agit, vous vous en doutez...
Aujourd'hui, je dois me rendre au « Blocks », mon amie Émilie qui y vit, souhaite que je l'aide à organiser une petite fête qui aura lieu dans une des salles sur place. Bien sûr, je suis invitée, et je compte bien y aller. Aurore n'a pas le droit d'y mettre les pieds, quant à moi, mes parents ne savent pas vraiment que je m'y rends parfois.
Mon bus s'arrête près du grand parc se trouvant au centre des « Blocks ». De là, je n'ai plus beaucoup à marcher pour arriver chez mon amie.
Lorsque je longe le parc, je peux entendre la musique provenant des enceintes que des jeunes du quartier ont placées sur les tables en pierre. Certains y sont assis et discutent, d'autres dansent, hip-hop, breakdance, battles. Ce côté-là du parc est assez calme, enfin, si on peut dire. Concernant celui que je m'apprête à passer, il en est tout autre... Bagarres, trafic en tout genre, course de voiture ou de moto, règlements de comptes... voilà ce qui rythme le côté nord de ce parc.
Alors que je marche tranquillement, j'entends des éclats de voix. Apparemment, un groupe est en train de chercher des histoires à un gang rival. Je continue tout droit, s'il y a bien une chose que j'ai apprise à force de venir aux Blocks, c'est de ne se mêler de rien si cela ne nous concerne pas. Beaucoup disent que je suis folle et inconsciente de me rendre ici... Et... Ils ont raison.
Ma curiosité, qui est un de mes plus gros défauts, et qui me joue souvent des tours, est à ce moment-là, plus forte que moi. Je tourne la tête en direction des deux groupes, essayant de distinguer ce qu'il se passe à travers le buisson tout en continuant de marcher.
J'aperçois trois mecs, face à cinq autres, l'un s'avance tandis que l'autre le pousse violemment en arrière. En me concentrant un peu plus, je distingue quelqu'un assis sur la table juste à côté d'eux. Je reconnais sa silhouette, et me stoppe net. Je m'approche du buisson pour mieux voir et, ne fais que constater que ma première impression était la bonne.
Yann est assis sur la table, il est calme, mais jette parfois un œil vers les deux groupes qui s'insultent et se cherchent des histoires. Apparemment, il connaît celui constitué des trois mecs, ce doit être des « amis » à lui. L'un d'eux me fait penser à Écho, le type que j'ai rencontré à la soirée et qui m'avait fait des avances, mais ce n'est pas lui, il est plus jeune. Écho avait l'air d'avoir quatre ou cinq ans de plus que Yann.
Soudain, le ton monte, et celui qui ressemble à Écho fonce vers un des autres types du gang rival. Il se plante devant lui en l'insultant. L'autre ne se laisse pas faire et le pousse très violemment, tout en lui répondant. Yann se lève alors, calmement, puis s'avance vers eux, plaquant sa main sur le torse de celui qui vient de bousculer son « ami » afin de le stopper.
Ce geste n'a pas l'air de lui plaire et il met un coup dans le bras de Yann, pour ensuite avancer d'un pas. Yann se place alors entre les deux jeunes hommes, faisant barrière.
Soudain, j'entends le début d'une phrase, mais le gars que Yann a bloqué n'a pas le temps de la terminer.
- Bouge fils de...
Le poing de Yann s'écrase au niveau de l'arcade du type qui a voulu l'insulter. Puis, voilà qu'une bagarre générale éclate, plus personne n'est là pour calmer le jeu. Yann aide ses « amis » un par un, allongeant l'un après l'autre les mecs du gang rival. J'ai déjà vu des bagarres, de sacrées bagarres même, mais là, il est presque tout seul face à cinq gars et c'est comme si c'était une ballade de santé, comme si pour lui il ne s'agissait que de la routine. Il les étale l'un après l'autre avec parfois l'aide de ceux qu'il défend. Le dernier lui assène un coup à l'arcade, mais Yann réplique immédiatement et le mec rejoint ses amis par terre.
Il se retourne alors vers ceux qu'il vient d'aider.
- Putain vous faites chier sérieux ! aboie-t-il énervé.
- Faut qu'on bouge mec, lance l'un d'eux.
Yann jette un coup d'œil aux alentours, et je me baisse pour qu'il ne me repère pas. Ensuite, ils se mettent à courir et disparaissent au loin. Je me relève lentement et mets un bref instant avant de retrouver mes esprits. Je n'y connais pas grand-chose, mais ce que je viens de voir, les techniques que Yann a utilisées... Ça sent le sport de combat, c'est certain.
Je me remets en route pour rejoindre mon amie qui doit m'attendre maintenant et tout le long du trajet, je ne fais que me rejouer la scène dans ma tête. C'est limite si ses « amis » ne l'ont pas laissé se débrouiller seul. À croire qu'ils ont l'habitude que Yann intervienne.
J'entre dans l'immeuble, rejoins l'ascenseur et appuie sur le bouton du quatrième étage, puis frappe ensuite à la porte rouge. Celle-ci ne tarde pas à s'ouvrir et je découvre une Émilie souriante et contente de me voir. Ses yeux noisette pétillent, a l'idée de commencer à tout organiser.
- Entre ! me dit-elle.
Émilie s'avance pour me faire la bise et j'entre dans l'appartement. Elle se dirige vers la table de la salle à manger, où une multitude de papiers y sont étalés. Je m'approche pour jeter un coup d'œil rapide, tandis qu'elle attrape un élastique et attache ses cheveux bruns en une queue de cheval. Nous nous asseyons, puis elle commence à m'expliquer pendant que je me perds encore dans mes pensées et que je réfléchis à ce que je viens de voir. Soudain, elle me sort de ma rêvasserie.
- T'es avec moi ? lance-t-elle.
- Hein ?
- Ça va ?
- Ouais, ouais, t'inquiètes j'étais ailleurs.
- On dirait que t'as vu un fantôme, s'inquiète-t-elle.
- Je ne le qualifierais pas de fantôme... Même si parfois il agit tout comme.
- Quoi ?
- Rien, une baston pas très loin, il y avait un mec que je connais un peu.
- Qui ça ? me questionne-t-elle curieuse tout à coup.
- Je suis pas sûr que tu connaisses...
- Dit toujours, j'habite ici j'te rappelle.
- Yann.
- Oh lui ! s'exclame-t-elle.
- Quoi ? demandé-je alors voyant qu'elle a l'air de le connaître.
- Non rien...
Sur ce, elle attrape un tas de prospectus et me le tend, semblant ne pas vouloir aborder le sujet.
- Tu peux t'occuper de ça ? C'est les invitations, tu en donnes un maximum possible. J'ai déjà fait passer dans les « Blocks » donc pas la peine et puis ici pas b'soin de ça, tout le monde sait tout, m'explique-t-elle.
- Ça marche.
- Plus il y aura de monde mieux ce sera.
- OK. Des personnes à éviter ?
- Pas spécialement, au pire, on les mettra dehors, lance-t-elle en m'adressant un clin d'œil.
Elle me regarde un sourire aux lèvres, si elle compte sur moi pour jouer les videurs on est mal barré surtout dans les « Blocks ». Je sais que je ne me laisse pas faire et que ce n'est pas un secret, mais quand même...
Une fois tout réglé, je repars en tenant la mission qu'Émilie m'a confiée dans les mains. Je longe de nouveau le parc comme tout à l'heure et je passe à quelque mètres d'un muret où son assis plusieurs personnes. Je n'y prête pas plus attention que ça, faire profil bas, c'est le mieux.
Je continue d'avancer, sans avoir ne serait-ce que tourner la tête dans leur direction. Il faut dire que je suis un peu à la bourre et que je risque de louper mon bus.
Après quelques mètres, une voix m'interpelle au loin.
- Hey !
Je me retourne, et je reconnais Yann, il se lève du muret où il était assis et trottine vers moi.
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