Chapitre 14 : Battements frénétiques
𝒫𝑜𝒾𝓃𝓉 𝒹𝑒 𝓋𝓊𝑒 𝒹𝑒 ℒ𝒾𝓋𝒶𝒾̈
Adossé contre un mur, observant le vide pendant que le temps défile, un divers passant me frôle, me piétinant le pied au passage. Me faisant revenir à la réalité. Automatiquement mes yeux se posent sur l'individus, ce dernier continue son chemin tranquillement. Comme si tout cela était parfaitement anodin. Une journée classique. Supposant qu'il l'a fait exprès, je me demande pourquoi arborer une telle attitude, aussi déplaisante soit-elle. C'est en pestant dans ma tête que j'observe de nouveau ce qui m'entoure, sans ne plus m'évader. Précisément tous ces automates qui traversent cette rue passante, le regard fixe, le visage fermé, l'envie de mordre quiconque osera s'approcher. Comment a-t-on pu en arriver là ?
-Livaï ! Retentit une voix que je connais bien.
Je me retourne vers sa propriétaire et le visage essoufflé de Petra se matérialise sous mes yeux. Les joues rouges, la respiration allant au decrescendo, la rousse reprend son souffle avant d'expliquer la raison de son retard :
-Excuse-moi, il fallait que je ramène quelque chose à Gunther. Apparement ça ne pouvait définitivement pas attendre. Ca fait longtemps que t'es là ?
-Oh une dizaine de minutes je dirai, Je lui réponds, commençant tous deux à marcher pour se rapprocher de notre destination.
-Encore désolé, s'excuse mon amie.
-Ça va, depuis qu'on se connaît tu as toujours été à l'heure. Je ne vais pas t'en tenir rigueur juste pour aujourd'hui.
-Alala...tu es si génial Lili.
-Lili ? Je répète, en levant un sourcil tout en arborant une expression narquoise. On m'a déjà donné des surnoms douteux mais celui-là je crois bien que c'est le pire.
-T'exagères pas un peu ?
-Quoi ? Tu trouves ça jolie toi ?
-Hum...pas vraiment, rit-elle.
-Je ne t'aurai jamais plus vu de la même manière si tu m'avais dit le contraire.
-J'ai raté une occasion de voir ça alors, plaisante la jeune femme. Sinon comment s'est passé ta semaine ? Je me rends compte qu'on ne sait pas reparlé depuis la dernière fois.
-J'ai envoyé un message à Eren, je n'ai pas eu de réponse.
-Comment tu te sens par rapport à ça ?
-Déçu et un peu triste. Si tout devait prendre fin...j'aurai aimé que ce soit dans de bonnes conditions.
-Dans un accord commun ?
-Ouais...
-Je comprends. Tu as bien fait de sortir du silence. L'important est d'avoir été et d'être toujours en paix avec ce que tu as pu dire. La façon dont il a pu prendre tes mots ne dépend plus de toi. Maintenant, c'est juste lui avec sa propre conscience. Il a peut-être besoin de temps pour te répondre. Ou peut-être qu'il ne le fera jamais. Peut importe ce que l'avenir dressera sur ton chemin, ne t'accroche pas à l'envie de recevoir quelque chose des autres. Tu finiras par tomber, et qui sait si après de multiples déceptions tu réussiras à te relever. Bien entendu je serai là pour te tendre la main, mais est-ce que ce sera suffisant ?
-Tu dis ça comme si ça allait forcément arriver, je fais remarquer.
-Je ne veux pas dire que je ne crois pas en toi ! Je...désolé, j'ai été maladroite dans ma façon de dire ça...je-
-T'en fait pas, j'ai compris. Je rassure Petra avant de lui embrasser la joue. Merci d'être présente pour moi, et surtout d'être toi. Je ne te le dis pas assez.
-Et bah ! Tu es plein de tendresse à mon égard aujourd'hui !
-Qu'est-ce que tu racontes encore ? J'ai toujours été très affectueux comme garçon.
-Ça dépend avec qui, me charrie-t-elle.
-Haha, tu as raison. Sinon je me suis pas mal reposé cette semaine, rien de bien extravagant en soit. Parlons de toi maintenant, c'était comment pour toi ces derniers jours ?
-On fait aller. J'ai juste eu une altercation avec la nouvelle membre de l'équipe sur ma pilosité, autant te dire qu'elle a vite été remise à sa place et qu'elle a eu le droit à une leçon de morale.
-J'ai toujours été admiratif de ta façon d'assumer celle que tu es, je lui avoue.
-Ça n'a pas toujours été facile, mais personne n'a le droit de cracher sur la femme que je suis. La haine n'est-elle pas la faiblesse de l'humanité ?
-L'enfer sur Terre.
-Oui, et c'est pour ça qu'il ne faut pas se brûler les ailes, déclare Petra, laissant le silence flotter entre nous avant de reprendre : Au fait, je me suis enfin inscrite au hapkido !
-Miracle ! Je m'exclame exagérément, je finissais par penser que ça ne resterai qu'un fantasme.
-Tu t'es trompé !
-Merci j'avais remarqué.
-Fais gaffe petit salopard, je vais finir par te défier quand j'aurai plus d'expérience en la matière !
C'est en parlant de nos vies respectives pendant plusieurs minutes, non sans avoir bousculé une vieille dame au passage ; que l'on arrive finalement sur le lieu dans lequel nous nous étions donné rendez-vous il y a de ça une semaine plus tôt : la fête foraine !
La voix fluette d'un artiste en herbe résonne jusqu'à l'entrée, m'électrisant par ailleur des pieds à la tête. Prenant le dessus sur les rires des gens, ainsi que les lamentations des mauvais perdants. En étant un moi-même, je cesse aussitôt de leur jeter la pierre.
-Par quoi veux-tu commencer ? Me questionne la rouquine.
-Les auto tamponneuses !
-On dirait que tu as attendu ça toute la semaine vu ton enthousiasme !
-Bien sûr ! À défaut de créer des accidents dans mon quotidien, autant en faire ici.
-Qu'est-ce que tu me racontes encore ? T'as même pas le permis !
-Oui, c'est bien pour ça que je dis ça.
Petra éclate de rire, la main sur mon avant bras pour se redonner contenance, avant de m'entraîner dans l'attraction souhaitée.
-On est d'accord pour dire qu'on est adversaire n'est-ce pas ? Me demande mon amie, j'ai toujours rêvé de te rentrer dedans Livaï.
-Bordel Petra, j'ai sortie cette phrase de son contexte.
-Comme ce doit être traumatisant, déclare t-elle, complètement hilare sous le regard intrigué d'un père de famille quelques mètres plus loin.
Une fois installés dans l'attraction, nous nous défions pendant un temps qui passe bien trop vite. Mêlant dualité, rire et alliance contre un jeune homme de mon âge qui n'avait rien demandé, et qui pourtant n'a eu aucun moment de répit. À bon entendeur, il s'est amusé lui aussi. Les activités s'enchaînent aussitôt, passant par le palais des glaces, l'échelle pivotante ainsi que des jeux de tir, m'ayant fait l'honneur de devenir l'heureux propriétaire d'un perroquet en peluche. Petra s'est, elle, attaquée au punching-ball, voulant faire "péter les scores"comme elle me l'a expressément dit. Cette dernière se met en place, les yeux rivés sur la machine qu'elle prend surement comme son adversaire, sa pire ennemie présentement. Son visage sérieux me fait légèrement pouffer, et mon amie me lance un regard, sourcil levé sans aucune humilité. L'air de dire : "on verra qui rira quand j'aurai dégommer ce sac de merde devant tes yeux ébahis".
Certaines personnes attendant leur tour, observent Petra avec curiosité, se demandant sûrement si elles auront une chance ou non de faire mieux.
La jeune femme met soudainement un direct à la machine, un coup aussi rapide que précis lui valant le magnifique score de neuf cent trente-cinq. Étant fière d'elle et ayant l'ego grossissant, cette dernière se rapproche de moi, remarquant mes applaudissement elle déclare, vaniteuse :
-À ce rythme là je vais rapidement finir ceinture noire au hapkido.
-Dégonfle tes chevilles, tu vas peut-être te faire laminer à ton premier cour. J'aimerai bien voir ça d'ailleurs.
-Tu me fais de la peine, dit-elle, mettant la main sur son cœur, l'expression faussement grave.
-Tu m'en vois ravi.
-Putain enculé.
Nos rires s'entremêlent, et nos estomacs nous guident à un stand de nourriture, qui, par ailleurs à l'air de proposer des mets aussi délicieux que gras. Nos ventres étant remplient, l'envie de faire le train fantôme s'empare de nous et c'est ainsi que nous nous retrouvons rapidement fessier sur siège, accompagnés de gens dans des costumes parfois étranges dans le but de nous effrayer. Comme je l'imaginais, Petra se prête au jeu à sa manière, et tacle les acteurs qui ont pour certains l'air agacé. Tandis que d'autre se retiennent de rires et que certains restent neutres. Accompagnant mon amie dans ses bêtises, j'oublie tous mes problème, n'induisant plus mon esprit à des idées peut-être délusoires.
Le soleil se meurt, se préparant à laisser les étoiles sur scène. Pour un immense spectacle comme elles ont l'habitude de le faire. Et qui pourtant ne perd pas sa beauté.
Voulant profiter une dernière fois de cette journée, une ultime fois avant de laisser nos rires ici ; Petra et moi décidons de nous rapprocher du ciel. Montant dans la grande roue, la fraîcheur nous fouettant le visage, contraste de la chaleur de cet euphorie constante quelques mètres sous nos pieds. Sans réellement réfléchir, je prends mon téléphone en main, capturant cet instant qui se verra loin ce soir. Cet écran, est le seul qui se souviendra de nos deux visages souriants. Un tableau si simple, pourtant si beau. Si vivant. Un vague soupir de nostalgie s'empare de mon être, laissant l'étrange sentiment que je ne reverrai pas mon amie de sitôt. Me donnant le vertige sans que je ne comprenne pourquoi.
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-Bon, commence Petra, je suppose que c'est ici que nos chemins se séparent.
-En effet, je me suis bien amusé.
-Et moi donc ! Ça m'a fait plaisir de retrouver notre duo. La prochaine fois je t'invite à la maison. Une session piano comme à la vieille école ça te tente ?
-Et faire râler monsieur Moreno ? La question ne se pose même pas très chère, je réplique.
Petra rit, laissant son amusement fuser le long de cette rue escarpée.
-Bon, je te souhaite une bonne soirée, je déclare.
-À toi aussi, je te dirai quand je serai disponible pour fixer une date.
-On fait ça, salut.
-Salut.
La jeune femme me tournant le dos, je l'observe un court instant avant de rentrer chez moi à mon tour. M'attendant à trouver ma mère le nez dans un livre, lunette sur ce dernier et tasse fumante à la main. Une fois passer la porte il n'en est rien. Et ce n'est qu'en faisant quelques pas de plus que j'aperçois ma génitrice, dans la cuisine, les bras croisés. Les yeux rivés sur l'immensité de l'univers et ses trépas. L'air soucieuse.
-Bonsoir, lui dis-je, ne sachant pas vraiment comment réagir face à cette expression qu'elle me dévoile soudainement.
-Bonsoir mon chéri, me répond-t-elle. Comment s'est passé ta journée ?
-Génial, je me rends compte que j'avais besoin d'un peu de légèreté. Ça m'a fait du bien, vraiment. Et toi ?
-Bien. J'ai juste...j'ai rencontré une jeune femme au cabinet ce matin...elle s'est faite agresser sexuellement, déclare ma mère sans me regarder.
Mon cœur se serre à la prononciation de ces mots, et je m'approche d'elle, s'installant à ses cotés. L'espace devient plus lourd, ne sachant pas vraiment si je souhaite en savoir plus.
-Elle voulait me poser des questions, continue maman, se confier...me raconter son histoire...je...j'étais surprise qu'elle vienne dans un cabinet de sexologie plutôt que d'aller voir un psychologue mais...en soit pour sa situation ça fonctionne aussi. Je l'ai écouté...et... ce qui m'a le plus blessé c'est que...quand elle me parlait...c'est...c'est comme si elle pensait mérité ce qui lui était arrivé. Je...je ne sais pas comment ont a pu en arriver là Livaï...Comment peut-on agresser quelqu'un comme ça ? Continuer à faire souffrir autrui. Comment peut-on faire croire aux victimes qu'elles sont fautives ? J'étais consciente que ça existait...qu'il y a pleins d'atrocités...partout...Pourtant là, c'est comme si j'ouvrai réellement les yeux maintenant. Doit-on directement faire face à ce qu'il y a de plus terrible pour en avoir vraiment conscience ? Cette entrevue m'a laissé un goût amère...Je l'ai conseillé comme j'ai pu, je lui est dit de ne pas garder le silence...de porter plainte...C'est si dur de vouloir aider, en sachant que la justice trouve souvent le moyen de rester sourde, de réduire les victimes aux silences...à la honte...Il faut toujours se battre, pour tout. Mais ce n'est pas tout le monde qui a la force d'avancer jusqu'à son dernier souffle. Par faiblesse ou parce que les gens sont briser avant même d'avoir du vécu.
-C'est pour ça que tu n'as pas l'air bien ? Je lui demande doucement, la main sur son épaule.
-Pas seulement, me déclare t-elle, les yeux rivés sur moi avec une douleur que je ne comprend pas.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Je questionne, avec un peu d'appréhension.
-Eren est venu tout à l'heure.
-Quoi ?
Mon cœur fait un bond à l'évocation de son prénom. Ne sachant quoi penser ni quoi faire, mes yeux s'écarquillent. La légèreté que je possédais plus tôt prend congé au même instant, me laissant seul, en proie face à mes sentiments.
-Il est venu il y a quelques heures, il voulait te parler si tu étais d'accord. Comme tu n'étais pas là il a dit que tu pourrais le rejoindre au dôme demain après-midi si tu le désirais. Il n'est pas resté plus longtemps et il est parti.
-Il était comment ? Je demande, la voix devenue plus rauque.
-Comment ça ?
-Est-ce qu'il avait l'air d'aller bien ? Est-ce qu'il avait l'air soucieux ? Triste ? Honteux ? Heureux ? Me mis-je à m'exclamer, la voix commençant maintenant à se briser.
-Je...je ne sais pas vraiment chéri, son visage était indéchiffrable.
-Il faut que je le vois.
-Ne te fonce pas tête baissée.
-Tu me demandes d'attendre et d'y aller à tête reposée ?
-C'est ça, fait ce qui te semble juste sur le long terme. Mais ne fait rien de précipité qui pourrait te faire regretter ta décision.
"Parce que tout ce que tu entreprends a un impact sur l'avenir."
Il faut que je marche, j'ai besoin d'air.
Le ventre se serrant, j'erre, je ne sais plus où. Tiraillé par l'indécision, l'envie de savoir et la peur de connaître. Le son de mes chaussures sur le sol, je me demande si toi aussi tu as laissé tes pas ici. Toi qui a laissé ton empreinte sur le pas de ma porte et ton odeur dans la rue. Je bouscule quelqu'un. Il est pourtant si tard, et malgré l'obscurité, je me rends compte que ce quelqu'un c'est toi. Ton éclat semble ne jamais s'éteindre. Toi aussi tu m'as reconnu. Je le vois dans tes yeux, surpris que nos chemins ne se croisent avant demain. Je crois voir du remords chez toi, l'envie de m'étreindre en sachant que je ne l'accepterai pas. Même si peut-être au fond je le voudrai. Je ne veux pas être soumis à la déraison. Même si c'est ton âme qui est face à la mienne. Même si elle veut m'embrasser. Même si je t'aime. Je te contemple, pour un temps trop long aux yeux des autres, trop court aux nôtres. Sachant que j'ai mal, tu ne sais pas quoi dire même si tu souhaites le contraire. Alors je t'épargne cela, et le fait à ta place :
-Tu es conscient que rien ne sera plus jamais comme avant ?
Ton regard se fait plus douloureux sachant que je t'ai coupé l'herbe sous le pied. Que tu fais face à la réalité.Tu te mords la lèvre, ce soir, il n'y a rien de sensuel là dedans, sachant que tu as l'air de souffrir autant que moi. Et c'est en pensant que tu ne me répondra pas, que ta voix se réveille. Que même encore tu me fascine.
-Je le suis depuis que j'ai réalisé que je t'ai laissé tombé.
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Lexique :
*Hapkido : Art martial Coréen, basé principalement sur l'harmonie (hwa), la fluidité (yu) et le cercle (won).Sa pratique consiste à la connaissance du corps, notamment le contrôle des articulations pendant le combat, l'action des muscles et tendons par exemple. N'étant pas que physique, le hapkido comporte aussi des armes traditionnelles comme le kunai, la fronde ou encore des techniques d'éventail...Choi Yong Sul est le fondateur de cette art martial, ainsi que d'autre moins connus
*Direct : Terme utilisé dans le milieu de la boxe. Représentant un coup de poing direct du bras pour être envoyé au visage ou encore au corps de l'adversaire.
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