Retour parmi nous
- Raph, dis-moi, depuis quand j'ai arrêté d'être insouciante ?
Assis au bureau de l'agence, le jeune homme haussa les sourcils.
- Tu l'es toujours.
- Dis pas de conneries ! Je sais que j'ai changé en deux ans.
Raphaël se pencha vers elle avec un sourire. Il posa sa joue contre son poing.
- Tu es devenu une femme, c'est tout.
Romi rougie.
- Ne me regarde pas comme ça. Je n'ai pas du tout l'impression d'en être une.
- Et pourtant...
La porte d'entrée de l'agence s'ouvrit. Le couple reconnut Olivia, la femme qui cherchait les sceaux de son meilleur ami devenu esprit pour les briser et le libérer. Dans son aventure, elle était partie avec Hémon, le parchemin volant. Tout de suite, l'esprit se rua sur Romi et virevolta autour d'elle.
- Nous sommes de retour ! Je suis de nouveau à ton service, tu vas pouvoir me rappeler.
- En même temps qu'Aki, dis donc, fit la jeune femme. Ça ne ferait pas un an qu'on s'est rencontré ?
- Je crois que c'est ça, répondit Olivia, tout sourire. Je vous ai apporté des gâteaux !
La femme posa une boîte sur le bureau. Si Romi la fixa sans retenue, Raphaël avait d'autres pensées en tête.
- Olivia, tu as réussi ?
Le sourire de la femme s'effaça. Puis, les larmes aux yeux, elle eut un sourire triste et hocha la tête.
- J'ai réussi.
Le couple se regarda.
- Et... donc ? s'enquit Romi.
La femme secoua la tête.
- Mon... meilleur ami ne se souvient plus de moi, il a tout oublié. Et évidemment, il est resté un adolescent.
Olivia mit la main dans son sac et en sortit une vieille photo qu'elle tendit à Raphaël. Dessus se tenaient deux adolescents bras dessus, bras dessous, un garçon était sur la gauche et Olivia sur la droite. Ils portaient tous les deux un uniforme.
- C'était pendant le lycée, vous le reconnaîtrez si vous le croisez. Je n'ai plus besoin de cette photo, vous pouvez la garder.
Romi décida de la ranger dans sa sacoche.
- Tu vas faire quoi, maintenant ? demanda Raphaël.
- Je ne sais pas... Je vais déjà rentrer chez mes parents. Ça ne va pas être une partie de plaisir. Peut-être que les chasseurs vont me tomber dessus, en fait j'ai peu de doute sur ce fait, ils peuvent être assez insistants et pénibles quand ils s'y mettent. Je vais sûrement, encore, faire plein de petits boulots, j'aimerais rapidement avoir un chez moi.
Olivia soupira.
- Je ne sais pas si je vais réussir à sortir de cette vie de vagabondage.
Il y eut un silence. La femme rigola.
- Enfin ! Je verrais bien. Je vous rends Hémon, il m'a été d'une grande aide, il le sait. J'espère qu'on se reverra.
Raphaël eut juste le temps de lancer avant qu'Olivia sorte de l'agence :
- Donnes-nous des nouvelles !
Un ange passa. Romi se tourna vers son esprit.
- Tu as passé un an avec elle, jour et nuit, sans la quitter. Comment c'était ? Comment elle allait ?
- La plupart du temps j'étais dans son sac pour ne pas que le vent ne m'envole. Les journées étaient sympas, certains boulots un peu moins et les nuits beaucoup moins. On a beaucoup parlé. Elle est forte, elle se relèvera mais je n'ai aucune idée de ce qui pourrait se passer.
Le portable de la jeune femme vibra. Elle regarda l'écran et vit que Valens lui avait envoyé un SMS. « C'est Damien, il semble qu'il revient. Venez écouter K ! »
Le couple ferma l'agence et se dépêcha de monter en voiture. Le véhicule de Romi étant fidèle à lui-même, ils mirent un temps fou pour arriver à la maison des Collet. Raphaël avait bien insisté pour prendre sa moto mais sa copine, qui n'était pas folle de ce transport, avait énergiquement refusé.
Valens les accueillit.
- Ils sont dans la cuisine.
Ils y allèrent. Toute la famille était réunie autour de la table de la cuisine, Leslie avait une tasse de thé en main, la mère de Valens avait les bras croisés à côté de son mari et comme à son habitude, K virevoltait de partout, les bras ballants.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Romi.
La jeune femme fixait Damien, assit à la table à côté de Najya, en face à sa grand-mère, et la tête dans les bras. Si elle n'avait pas rêvé, elle l'avait vu sursauter au son de sa voix.
- K te l'expliquera mieux.
L'esprit tourna un peu avec Hémon que Romi n'avait pas rappelé puis il se planta devant son humaine pour expliquer :
- Comme d'habitude, je l'ai possédé pour le repas et c'est là que j'ai eu accès à un de ses souvenirs. Un souvenir récent. Très récent. Son père regardait la télé et je l'avais laissé à côté de lui. Quand je l'ai de nouveau possédé, j'ai vu. J'ai vu la télé, le coussin, son bras, le canapé... bref. Ça n'a duré que quelques secondes mais j'ai vu. En un an, ça ne l'avait encore jamais fait.
- J'ai aussi remarqué que lorsque K le laissait seul, ajouta Valens, Damien réussissait à accrocher nos regards. C'est rare mais c'est bien là.
- Je l'emmène à l'hôpital demain, fit Isabelle, on verra ce que vont dire les médecins mais avec un peu de chance tu pourras reprendre K.
Raphaël soupira de soulagement. Même s'il avait du mal avec Damien, il n'avait pas pu s'empêcher de s'inquiéter.
- Vous auriez pu nous dire tout ça au téléphone. Pourquoi nous avoir fait venir ?
Valens mit une main sur sa hanche.
- Depuis que nous enquêtons sur Erick et ses sbires on a appris beaucoup de choses, notamment celle-ci ; Erick Vidal s'est échappé.
- Quoi ? s'écria Raphaël. Vous vous vantez d'être les meilleurs et vous ne réussissez pas à garder un mec enfermé ?
- Apparemment il a été aidé par des personnes extérieures. On est sur les traces de tous ceux qui le suivent et ils sont nombreux.
Valens soupira.
- Ce n'est pas un secret, quand des personnes dotées de vision sont abandonnées au milieu de ceux qui ne voient pas, toutes n'ont pas la force de faire face ou de se relever. Elles rejoignent des groupes qui les comprennent et qui ont les même idées, et visiblement, Erick est un bon leader pour eux. J'ai entendu dire qu'Erick s'y attendait mais qu'à aucun moment il n'aurait demandé à qui que ce soit de le sortir de là-bas. C'était le prisonnier idéal d'après ceux qui le gardaient.
- Romi, fit Isabelle, si tu as besoin d'une protection, on peut t'en fournir une.
- Non, ça ira.
Il y eut un silence puis la jeune femme s'exclama soudain :
- Grand-mère !
Ils sursautèrent. La grand-mère de Valens, visiblement peu étonnée, la regarda en souriant.
- Tu me fixes depuis tout à l'heure, que veux-tu me demander ?
- Quand nous étions à côté de la porte des esprits avec Erick, j'ai réussi à invoquer mes esprits alors qu'ils n'étaient pas sur moi et malgré la barrière installée. Lorsque je me suis fait enlever, j'ai réessayé, mais je n'ai pas réussi. Je sais que c'est grâce à la proximité du monde des esprits que j'ai fait ça mais... ma grand-mère...
Silvia hocha la tête d'un air entendu.
- Elle pouvait le faire dans une certaine mesure. Ça, aussi.
La grand-mère claqua des doigts et un esprit coloré apparut à côté d'elle. Valens la regarda, stupéfait. Sa mère soupira et Najya préféra les quitter.
- Tu sais faire ça ?! s'écria son petit-fils.
- Je ne l'ai montré qu'à mes enfants et mes amis. Toi Valens, ça ne servait à rien, il faut avoir un lien fort avec ses esprits. Romi, tu sais, tu n'es pas loin de pouvoir le faire, en soi, la phrase que tu dis en prenant tes contrats ne sert à rien. Tu es jeune, tout ce qu'il te faut, c'est de l'entraînement. Ne t'en fais pas, le jour où tu sentiras cet infime point de lumière, tu ne le lâcheras pas. Ensuite, ça deviendra une habitude. Rappel-toi ce que je t'ai dit, tu ressembles beaucoup à Madeleine et jamais rien n'a arrêté ta grand-mère. Isabelle, peux-tu me faire du thé ?
Sur ce, Valens raccompagna Romi et Raphaël à leur voiture.
- Romi, lança-t-il alors que la jeune femme allait fermer la portière du véhicule, Erick est loin d'être con, il a reçu la même formation de chasseur que nous, il est fort et assez puissant. Faites très attention vous deux. On a beau utiliser des techniques pour se protéger des esprits, il n'y a rien à faire contre les humains.
Durant tout le trajet de retour, Raphaël resta perdu dans ses pensées. Même la voiture de sa copine ne réussit pas à le sortir de son état. Romi avait laissé le son de la radio, l'annonce de Valens les avait quelque peu démoralisés. Aussitôt à la maison, Raphaël s'approcha de Romi qui lui tournait le dos et l'enlaça. Il se colla à elle et la serra comme si elle était sur le point de partir pour ne jamais revenir.
- J'aimerais te protéger mais je ne sais pas comment faire et ça me tue. Tu es plus forte que moi, je ne peux rien faire. Je ne suis qu'un humain normal et malheureusement, seule la richesse et la notoriété de ma famille peut te protéger. Moi non.
Romi se tourna et prit le visage de Raphaël entre ses mains.
- Arrête de dire des conneries. Si je suis forte c'est parce que tu es là, sans toi je ne peux rien et je ne suis rien, alors je compte sur toi pour me supporter encore plusieurs années.
Raphaël secoua la tête de droite à gauche avec un petit sourire.
- Ça ne servirait à rien si je te disais de ne pas foncer tête baissée ?
- Tu sais bien que non.
Ils s'embrassèrent.
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