Chapitre 22
SILAS
Nous avions repris la route avec Charly après la nuit passée ensemble. J'avais touché une de ses cicatrices, mais elle avait retiré ma main et murmuré "ne dis rien s'il te plait" alors je m'étais laissé aller à la passion, parce que Charly était passionnante. Son corps était un appel à la luxure et je fis abstraction de ce que j'avais vu. Elle était gênée désormais, elle ne disait rien du tout, le regard rivé sur la route.
— Eden ne doit jamais savoir, lâcha-t-elle après plusieurs minutes de silence.
Elle venait de dire son prénom, et je fus tout de suite submergé par la culpabilité. Je venais de trahir la fille que j'aimais avec sa meilleure amie, sa seule amie. Je devais me l'avouer, Charly m'avait fait oublier Eden, même si elle m'avait oublié, ainsi que tous les moments que nous avions passés. Je ne pouvais pas lui en vouloir, elle était dans cet état à cause de moi, je lui rappelais Jonas, inconsciemment, et ça la perturbait.
— Elle t'aime Silas, tu ne le sais peut-être pas, mais tu es la seule personne qui a réussi à la changer. Elle est plus humaine avec toi, elle est plus sereine, plus heureuse, et je ne veux pas lui enlever ça, on ne peut pas. Alors, promets-moi que tu ne diras jamais à Eden que nous avons couché ensemble, jamais...
— Je ne sais pas comment les choses vont se passer maintenant qu'elle s'est réveillée et qu'elle a oublié toute une année.
— Même si elle ne se souvient de rien, ses sentiments pour toi ne changeront pas Silas, c'était beaucoup trop fort, j'ai vu son amour pour toi naître et je sais que tu l'aimes aussi. Cette nuit était une parenthèse que j'ai provoquée, mais elle mérite toutes les bonnes choses qui peuvent lui arriver.
Je ne répondis pas, j'étais autant responsable qu'elle, et imaginer le mal que ça causerait à Eden me retournait l'estomac. J'avais cédé, je regardai furtivement Charly et ses cheveux aussi blonds que ceux d'Eden étaient bruns. Ses yeux marron contrastaient avec ce blond, elle ressemblait beaucoup à sa défunte mère. Maman et elle étaient devenues très amies lorsqu'ils étaient arrivés à Sherwood, mais la maladie l'avait emporté laissant deux petites filles à un père effondré.
— Raconte-moi ton histoire Charlène, dis-je en baissant le volume de la radio.
Je ne savais pas pourquoi je lui avais demandé ça, mais son corps mutilé était le reflet d'une souffrance et je ne pensais pas qu'elle avait l'occasion de se confier à qui que ce soit.
— Lâche-moi Silas, c'est pas parce que ton oncle est pasteur que tu dois la jouer instant confession avec moi, je vais bien !
— C'est faux, tu ne vas pas bien... Je ne joue pas, je suis sincère Charly, on a tous nos problèmes, nos peines, et en parler ne peut faire que du bien.
— Quelles sont tes peines alors Silas Smith ?
Je regardai rapidement mon GPS, j'en avais encore pour une heure avant d'arriver au journal.
— Mon frère était amoureux d'Eden, lâchai-je.
Elle arrêta la musique et se retourna complètement pour me regarder, alors que j'avais les yeux rivés sur la route, ne comprenant pas pourquoi j'avais lâché cette phrase.
— Ton frère Jonas ? Mais comment c'est possible ? Il n'était même plus là...
— Je sais...
— Est-ce qu'elle le savait ? Non, c'est impossible, je ne peux pas croire qu'elle le savait et qu'elle a entamé une relation avec toi, tu es sur ?
— Oui je suis sur Charly ! Laisse tomber, je ne sais pas pourquoi je t'ai dit ça...
Je ne savais pas, j'avais l'impression de pouvoir tout lui dire, mais je ne pouvais pas la mêler à quelque chose dont je ne connaissais pas la teneur.
— J'ai eu une relation avec un homme marié, et il a décidé de tout arrêter, comme ça, du jour au lendemain... Juste au moment où je commençais à avoir le courage de parler, de nous sauver, Ava et moi...
Ses mots avaient mis un certain temps à faire leurs bouts de chemin jusqu'à mon esprit. Les sauver ? Sa soeur Ava et elle ? Alors je compris, je compris que la cause de sa souffrance était son père.
— Qu'est-ce qu'il a fait Charly ?
Elle haussa les épaules, le regard rivé sur ses ongles.
— Moi, ce n'est pas important, tant qu'Ava est épargnée c'est tout ce qui compte Silas. Je ne veux pas qu'il lui vole son innocence, elle mérite d'être heureuse alors si pour ça je dois souffrir, qu'il en soit ainsi...
Voler son innocence ? Oh mon Dieu... Son père abusait d'elle ? Je m'arrêtai brusquement sur le bas-côté.
— Charly...
— Je veux pas de pitié, ou de fausses promesses Silas. Je vais bien, j'ai encore quelques années à supporter et puis après je me tire de cette ville de malheur. Alors, redémarre, c'est bon, tu voulais savoir maintenant, tu sais !
— Et cet homme avec qui tu as eu une relation ?
J'avais posé cette question sans réfléchir, je ne comprenais pas. Est-ce que c'était un comportement normal ? Est-ce que j'avais profité d'elle la nuit dernière ? Comment avais-je pu faire ça ? Je ne savais pas ce qu'elle vivait, je n'avais pas le droit d'utiliser son corps comme je l'avais fait la nuit dernière.
— Je suis désolé Charly, la nuit dernière je...
— Non ! Stop ! C'est moi qui t'aie sauté dessus, alors arrête de culpabiliser, je m'en fiche Silas, quand quelqu'un d'autre me touche, ça efface ses marques, alors c'est une bonne chose.
— Ce n'est pas une bonne chose Charly ! Ton corps t'appartient, tu dois l'aimer, tu dois...
— Ne me dis pas ce que je dois faire de mon corps ! Il ne m'appartient pas, il ne m'appartient plus Silas ! hurla-t-elle. Dépose-moi à la gare je rentrerai en bus et va retrouver ton Eden, tout s'arrête lorsqu'elle a besoin de vous, ajouta-t-elle.
Elle sortit son casque et le posa rageusement sur sa tête avant de mettre sa musique au maximum. Je ne démarrai toujours pas, je ne pouvais pas ne rien faire, c'était impossible, elle ne méritait pas ça, c'était une fille solaire, elle était toujours là pour les autres alors que sa vie était un enfer. Je repris la route, écoeuré, par moi même par son père et par...
Mon temps de réaction avait été long, mais c'était logique.
— L'homme avec qui tu as une relation c'est John Moore n'est-ce pas ? C'est le père d'Eden, c'est pour ça que tu dis que tout s'arrête lorsqu'elle a besoin de quelqu'un...
J'avais retiré son casque avant de prononcer ces mots et la voir tétanisée et figée confirma ce que j'avais compris. John Moore avait une relation sexuelle avec une fille de dix-sept ans, est-ce qu'il connaissait son histoire ? Est-ce qu'il savait ce qu'elle subissait ? Surement, elle avait dit qu'il l'avait laissée tomber au moment où elle avait le courage de parler... Est-ce que tout le monde à Sherwood était complètement malade ? C'était peut-être hypocrite de ma part étant donné que j'avais couché avec elle, mais je n'étais pas un homme de cinquante ans, directeur d'hôpital et père de la fille qui était sa meilleure amie.
— Arrête la voiture Silas, nous sommes en ville, je vais me débrouiller, dit-elle d'une voix blanche.
— Non, je te laisserai pas, je vais te ramener à Sherwood et on va...
— Il n'y a pas de on Silas, que les choses soient claires, je te préviens, tu ne dirais rien à personne ! Sinon je te jure que je vais dire à tout le monde ce qu'il s'est passé cette nuit, et je dirai que tu m'as forcé, même si c'est faux, tu sais comment les choses fonctionnent à Sherwood. Les gens douteront de toi et tu ne seras plus jamais vu comme le parfait petit Silas Smith, je t'ai parlé parce que j'ai eu confiance en toi, ne me trahis pas, ça pourrait avoir des conséquences désastreuses. Je t'en prie Silas, Ava est une enfant, promets-le-moi...
Je savais que sa menace n'était pas sérieuse, et elle était passée si vite au désespoir que je cédai à sa demande, en me promettant de faire tout ce que je pourrais pour l'aider. Elle s'en alla et je ressentis tellement de peine et de colère pour elle et contre moi. Eden ne savait pas, c'était impossible, mais c'était son amie, elle aurait dû remarquer ce qu'il se passait ! Elle a forcément vu les marques sur son corps, elle a dû voir que son regard était vide par moment, que son sourire était trop radieux pour être vrai, elle avait forcément vu !
Je vis le journal d'Hot Springs en face de moi et je me garai sur le parking adjacent. Il fallait que je me concentre, lorsque j'aurai parlé à Casey Duncan, je pourrai réfléchir. Je sortis de ma voiture, et ouvris la porte du bâtiment en me dirigeant vers l'accueil.
— Bonjour jeune homme, je peux vous aider ? me demanda une femme d'une cinquantaine d'années qui avait tout de la mamie gâteau.
— Bonjour, oui je souhaiterai parler à Casey Duncan s'il vous plait.
— Vous avez rendez-vous ?
— Non, je... Mon frère est venu le voir il y a plusieurs mois, il est mort aujourd'hui, et je voulais lui poser quelques questions, dis-je.
— Oh, mon pauvre petit, je vais l'appeler et voir s'il est disponible.
Elle décrocha son téléphone et parla quelques secondes avant de me sourire.
— Il va arriver, dit-elle.
Quelques minutes plus tard, un homme arriva, il devait avoir la trentaine et portait un tee-shirt des Led Zeppelin et un jean déchiré aux genoux. Il me regarda longuement avant de s'avancer vers moi.
— J'ai presque cru voir Jonas, dit-il en me serrant la main, tu es surement son frère, Silas, je suis désolé pour lui. Viens, allons prendre un café et discuter tranquillement.
Je le suivis jusqu'à un café à quelques minutes et je m'installai en face de lui après avoir commandé.
— Dis-moi ce que je peux faire pour toi Silas ?
— Je sais que Jonas est venu et vous a donné un certain nombre de documents sur ce qu'il se passait à Sherwood, commençai-je.
— C'est vrai, il est venu en me racontant une histoire sans queue ni tête sur une fille, une certaine Eden quelque chose.
Mon coeur s'arrêta.
— Quelle histoire ? Est-ce que vous avez encore tout ce qu'il vous a donné ?
— Je n'ai pas saisi tout ce qu'il m'avait raconté et puis il est venu il y a tellement longtemps, mais il m'a beaucoup parlé de cette fille. Il a dit que c'était elle la clé de tout, il m'a dit que Samuel c'était elle, que son oncle avait tout initié, qu'elle était en danger si jamais elle se souvenait ou un truc dans le genre. Pour être honnête avec toi, il était dans un tel état, presque possédé, on aurait dit un junkie en manque, je n'ai pas retenu tout ce qu'il avait dit. Il m'a tendu un carton avec plein de choses à l'intérieur et...
— Où est ce carton ? le coupai-je.
— Une femme l'a pris, Jonas est tombé à mes pieds, il s'est écroulé. J'ai posé le carton et je lui ai administré les premiers soins, et une femme est arrivée, elle a pris le carton et a couru jusqu'à sa voiture avant de démarrer en trombe. Je n'ai plus le carton... Il est resté plusieurs jours à l'hôpital, j'ai été le voir chaque jour et un matin, il avait disparu, je ne l'ai plus jamais revu...
— Comment était la femme ? Vous avez vu son visage ou quelque chose ? dis-je.
— Je ne me souviens pas trop de son visage, la seule chose dont je me souviens ce sont ses cheveux, ils étaient roux, magnifiques.
Roux ? La seule femme que je connaissais et qui avait les cheveux roux était Ashley Moore, la mère d'Eden...
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