Chapitre 2 - Bill
Les regards intenses des autres finirent par le rendre mal à l'aise.
- Peu importe. Se résigna-t-il dans un souffle.
- Qu'est-ce que j'entends ? S'exclama George.
- Comment ça "peu importe" ? Insista Ron. On veut savoir maintenant !
- Pas le choix, tu dois finir ce que tu as commencé ! Déclara Ginny.
- Tout à fait. Ajouta Charlie. Que s'est-il passé ce matin ?
Percy se sentait pris au piège. Il n'aurait sûrement pas dû ouvrir cette discussion. Il regarda sa mère pour se donner du courage. Elle l'encouragea d'un mouvement de sourcils affectueux en lui souriant. Il prit une grande inspiration.
- Il y avait une femme dans mon jardin.
Un silence succéda à cette déclaration.
- Dans ton jardin ? Demanda Ron ahuri. Attend. Pourquoi dans ton jardin ? D'habitude c'est plutôt dans une cham...
Il s'arrêta net lorsque Hermione lui écrasa violemment le pied en le fusillant du regard.
- Que disais-tu Percy ? Demanda Molly très intéressée.
Un bruit d'explosion se fit entendre dans la cheminée.
- Harry ! S'exclama Ginny en se levant brusquement, surexcitée.
Elle courut jusqu'à l'autre pièce alors que la tablée se levait à son tour pour saluer Harry. Au milieu du raclement de chaises, George glissa à Percy qui soupirait de soulagement :
- Ne croit pas y avoir échappé, mon frère. Personne ici ne va oublier ce que tu viens de dire.
Percy ouvrit la bouche pour répondre. Comme il ne savait pas quoi dire, il finit par la refermer alors que George ricanait avec un rire farceur.
Il fut le dernier à franchir le seuil du salon pour accueillir Harry. A l'instar de la honte qu'il avait du comportement qu'il avait eu à l'égard de sa famille, il ne savait pas comment se comporter avec Harry. Il connaissait sa famille depuis toujours, pas Harry. Il ne savait déjà pas comment se faire pardonner de sa famille, alors de Harry ?
Il lui serra sobrement la main.
Harry demanda des nouvelles et tout le reste du repas fut orienté sur celle de la future naissance. Comment Harry continuait-il à sourire ? Comment celui qui avait porté la guerre sur ses épaules et perdu tant arrivait-il à continuer à diffuser de la joie autour de lui ? Percy aurait payé cher pour connaître son secret.
Quelques semaines plus tard...
Des éclairs magiques perçaient la nuit. Le tonnerre lui crevait les tympans. Le vent cinglait par rafales, la poussière de roches laissaient des creuvasses brûlantes sur ses joues.
"Sois maudit Fred !" Hurla-t-il à la nuit.
A peine eut-il prononcé ces mots qu'un éclair vert traversa Fred et le brûla. Il s'écroula aux pieds de Percy. C'est alors qu'il put lire sur son regard blanc et fixe : C'est de ta faute, Percy.
Percy se réveilla essoufflé, en sueur, le coeur battant si vite et si fort qu'il avait l'impression qu'il allait sortir de sa poitrine. Tout comme ses tripes. Il sauta hors de son lit et courut jusqu'à ses toilettes. Il rendit ses repas de la veille.
Quel cauchemar atroce. Ce genre de rêve se répétait et le hantait. Et Percy ne pouvait se pardonner à lui-même. Il avait tant de fois maudit ses frères, parfois leur souhaitant véritablement du mal. Non, Percy ne pouvait se pardonner.
Il se rinça la bouche plusieurs fois.
La journée commençait aussi mal que toutes les autres journées depuis des mois.
Il se lava, puis descendit l'escalier. Comme tous les matins depuis quelques semaines, il guetta une ombre grise dans son jardin. Il ne vit rien. Déçu, il se dirigea vers sa machine à café. Pourquoi espérait-il encore qu'elle apparaîtrait comme par magie dans son jardin ? Comme par magie...
Il avala sa première gorgée de café en regardant le calendrier épinglé sur la colonne de bois qui trônait au milieu de son salon. Il avait plusieurs entretiens d'embauche prévus cette semaine. Peut-être que cette fois... Il se rembrunit.
Depuis qu'il avait quitté le Ministère, beaucoup de ses anciens camarades de classe et collègues lui proposaient des postes. Cependant Percy n'arrivait à en obtenir aucun. Oh, il s'était rendu à tous ses entretiens, mais il n'était plus qu'un pâle reflet de lui-même. Comment quelqu'un qui se déteste peut-il se vendre au plus offrant ? Il était impossible de faire bonne impression.
Il fit quelques pas dans la pièce, lisant les titres de ses livres. Sur son passage, il en saisit quelques-uns et relut la quatrième de couverture avec un air soucieux. Il avala une nouvelle gorgée de café dont l'amertume le fit grimacer. Aucun d'entre eux ne lui plaisait. Il fallait autre chose.
C'est ainsi qu'il enfila son vieux pardessus et se rendit à la librairie du quartier. Ils avaient une arrière-boutique avec plusieurs beaux rayons sur la magie et le monde magique. Percy était heureux d'avoir découvert cet endroit. Il n'y avait en général personne, c'était une bénédiction pour quelqu'un comme lui qui avait une préoccupation majeure : éviter la majeure partie de la communauté magique.
Il allait saisir le livre sur Vie et habitat des Dragons lorsqu'une main menue passa devant ses yeux et le prit à la place. Il se tourna vers l'impérieux prêt à s'insurger et découvrit devant lui la petite femme à la robe argentée.
- Bonjour... Commença-t-elle d'une voix douce.
- Ce livre. Dit-Percy un peu brutalement.
Cette femme avait le don de le surprendre et cet air de chipie de lui faire perdre ces moyens plus vite qu'un sombral au galop.
- Oh... Désolée, j'en ai besoin ! Mais je te le donnerai dans deux semaines.
Sur ce, elle tourna les talons devant un Percy désemparé. Il la suivit, cherchant ses mots, mais lorsqu'il tourna après la première rangée de livres, elle avait disparu.
Dans deux semaines ? Peinant à comprendre ce qui venait de se passer, Percy erra encore plusieurs heures à la librairie, incapable de se décider sur le livre à acheter. Lorsqu'il rentra chez lui, le soleil de midi commençait à décliner.
Il avait fini par se saisir d'un livre intitulé "Humour et blagounettes" qu'il avait trouvé côté moldu. Il s'assit dans son vieux fauteuil et se décida à le lire. Ah, le lire, oui, ce n'était pas très difficile. Le décrypter, là était le véritable défi. Il n'était pas franchement convaincu ni par le titre, ni par le fait que ce livre pourrait réellement l'aider. Son sens de l'humour avait toujours été désastreux. Pire que cela, il lui semblait hors de portée. L'humour évoluait dans un univers parallèle au sien dont il ne connaissait ni la porte, ni la clé.
Il avait terminé à grand peine le premier chapitre quand son horloge tonitruante se mit à crier : "Rendez-vous chez Bill ! Rendez-vous chez Bill !". Il fut heureux de pouvoir poser ce bouquin de malheur. Cela lui avait totalement retourné le cerveau. Aussi déprimant que cela puisse lui paraître, l'humour lui semblait encore plus inaccessible qu'avant la lecture de ces pages.
Il se prépara rapidement.
Une poudre de cheminette plus tard, il arrivait dans le foyer de la chaumière aux coquillages. Il n'avait jamais vraiment apprécié les déplacements en cheminée. Alors que l'estomac de Percy essayait encore de se remettre du voyage, il se retrouva nez-à-nez avec Ron.
- Salut Percy ! Dit-il en lui assénant une tape dans le dos.
Le concerné faillit s'étouffer avec sa propre salive. Lorsque sa toux cessa, il salua son frère, ainsi que Bill et Fleur qui se tenaient devant l'âtre.
- Merci d'être venu. Dit Bill l'enlaçant. Il y a du boulot.
Fleur le salua d'un signe de tête. Elle caressait distraitement son ventre qui commençait tout juste à s'arrondir. Percy répondit à son sourire.
- Ça tombe bien. Allons-y.
- Cette petite nièce aura une chambre digne de ce nom ! Ajouta Ron.
Sûrement parce qu'il était un digne fils des Weasley, Bill tenait à ce que la préparation pour l'accueil de sa fille soit faite en famille et dans une certaine mesure sans magie. Il avait débuté l'aménagement de la pièce quelques jours auparavant mais son travail ne lui laissait pas beaucoup de temps.
Percy soupçonnait qu'il avait autant besoin que ses frères de se retrouver en famille. La perte de l'un d'entre eux n'avait fait que renforcer leurs liens et la conscience qu'ils pouvaient à tout moment passer de l'autre côté de la barrière. De plus, le travail manuel était exactement ce dont il avait besoin pour oublier ses entretiens désastreux, la pression sur son estomac et la femme à la robe argentée.
Alors qu'il ponçait des barreaux du berceau, Percy se laissa bercer par ses pensées.
- Au fait. Finit-il par dire. J'ai lu un truc sur Stonehenge l'autre jour. Je me suis dit que ça t'intéresserait, Bill.
- Ah oui ?
- Cela parlait du mystère de l'alignement des pierres et leur signification.
Il fit une pause pour se concentrer sur un barreau particulièrement réticent puis reprit.
- Un sorcier qui faisait des recherches sur le sujet depuis une dizaine d'années a réussi à reproduire un rite qui devait s'y passer autrefois. Apparemment, il s'agit d'une magie très ancienne liée aux sonorités que peuvent produire la pierre. Il appelle ça le chant des roches.
- Wah... j'ai déjà entendu parler de ça. Dit Bill. Mais c'était encore à l'état d'embryon. Un cercle de magiciens écossais qui misaient tout sur la magie contenue dans des roches très anciennes. C'est eux qui ont découvert le Cratère de Vix il y a quelques dizaines d'années. Le bronze dans lequel il est fait contenait une énergie particulière. Ils l'ont gardé des années pour l'étudier avant que le Ministère de la Magie ne les obligent à le donner aux Français.
- Il fait sûrement partie de ce cercle. Il attestait qu'au centre de Stonehenge se trouvait un objet chargé de recevoir toute la puissance magique engendrée par les cérémonies musicales de Stonehenge. Il est persuadé qu'il s'agit du Cratère de Vix.
Bill resta silencieux quelques minutes.
- Damn ! Tu viens d'attiser ma curiosité. Je n'ai jamais vu ce vase en vrai, il paraît qu'il est impressionnant.
- Tu devrais y aller avec Fleur, avant que vous ne soyez trop occupés. Il est exposé dans un musée français, en Bourgogne. Je me suis renseigné, il existe une route par poudre de cheminette vers le musée du Pays châtillonnais.
- Tu y as été ? Intervint Ron qui, concentré sur le cirage d'une armoire, n'avait rien dit jusque-là.
- Non. Répondit Percy.
Percy ponça avec application le dernier coin du berceau et s'éloigna pour vérifier son ouvrage.
- J'ai fini Ron. Dit-il. Je te laisse le cirer.
- Faisons une pause. Déclara Bill qui finissait d'accrocher un mobile de coquillage à une poutre du plafond. Maman devrait être arrivée.
En effet, deux voix féminines semblaient se répondre au rez-de-chaussée. C'est à cet instant que la porte s'ouvrit sur Arthur.
- Papa ! S'exclamèrent les trois hommes surpris.
- Salut les garçons !
Il se frotta les mains.
- Alors ? Je peux aider ? Dit-il avec un grand sourire.
- On va faire une pause. Répondit Bill. Vient manger un morceau avec nous et ensuite, on trouvera quelque chose pour t'occuper les mains !
- Ce n'est pas ce qui manque. Ajouta Ron avec un sourire taquin.
Le reste de la journée passa à toute vitesse. Percy se rendit à peine compte de l'heure, jusqu'à ce que la fenêtre ne lui renvoie son reflet sur un écran noir. L'été arrivait et pourtant, la journée était déjà terminée. Hermione les rejoignit pour le dîner. Ils mangèrent tous ensemble avec Bill et Fleur. Puis, ils partirent les uns après les autres. Fleur s'occupa de la vaisselle et il ne resta bientôt plus que Bill et Percy autour de la table.
- Tu sais, je pense que tu devrais aller voir le Cratère de Vix. Déclara Bill.
Percy haussa les épaules.
- C'est pas facile de trouver du travail. Reprit Bill. Je sais de quoi je parle. Ca te changerait un peu les idées.
- Tu as sûrement raison, mais Fleur et toi ? Vous devriez y aller aussi.
Bill regarda la porte entrouverte de la cuisine.
- Je ne suis pas sûr qu'on aura le temps. Les voyages par poudre de cheminette ne sont pas très conseillés aux femmes enceintes.
Percy fixa lui aussi la porte entrebâillée. Il y décela les imperfections que l'humidité avait causée au fil des années.
- Je ne savais pas... Cela ne va pas poser un problème pour les dîners du dimanche ?
- Papa nous a proposé de nous prêter la voiture. Et franchement, un confort comme ça ne se refuse pas. Répondit Bill en lui faisant un clin d'œil.
Bill avait été conjureur de sorts en Egypte. Percy doutait que le confort soit sa première préoccupation. Néanmoins, quand il s'agissait de sa femme, Percy savait que Bill aurait pu soulever le monde et le découper en petits morceaux.
Il hocha la tête.
- Très bien.
Il se leva et mit son manteau.
- Je vais vous laisser en famille.
- Percy. L'interrompit Bill. Toi aussi, tu es ma famille.
Un pauvre sourire étira les lèvres de Percy. La tristesse qui filtra dans ses yeux perça le cœur de Bill. Il ne pouvait s'empêcher de penser que son frère avait définitivement besoin d'aide. Et cette aide là ne viendrait pas de sa famille. Bill savait à quel point il se reprochait son comportement d'autrefois, mais il était tant qu'il ouvre les yeux sur le présent. Il était comme accroché à un rocher à demi sous l'eau, assommé par les persistantes vagues d'une marée sans fin. Percy n'attrapait pas les mains que sa famille lui tendait. Il pensait qu'il ne le méritait pas.
- Je vais faire un tour sur la plage avant de rentrer. Déclara Percy. Cette fois, pas de cheminée pour moi. Je rentrerais par transplanage.
Il salua son frère et s'en alla. Bill soupira en regardant sa silhouette disparaître dans le noir. Si seulement quelqu'un d'autre pouvait lui tendre la main.
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