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7. Le jour du Déluge


Après le Déluge, l'humanité vint à sortir de nouveau de ses cavernes. Le devin Outa-Napishtim lui rendit la sagesse dont elle avait été privée. Ses disciples furent dix, puis cent, puis mille, puis tout un peuple, qui le suivit au long d'un périple millénaire, qui le porta d'un bout à l'autre de la Terre.

Ô sage parmi les sages, demanda un de ces disciples, tu nous parles des temps du Déluge, mais nous sommes nés bien après eux. Quand a eu lieu ce jour maudit ?

Outa-Napishtim fronça des sourcils. Ses yeux d'aveugle se levèrent sur un point bien précis du ciel. D'une voix assombrie, il déclara :

Ô mon enfant, c'est que le jour du Déluge ne s'est pas encore achevé.


Caelus, Histoire de l'Omnimonde


Alcmène traversa Nela comme un chemin de pénitence. La cité semblait s'être séparée en deux réalités distinctes.

Dans son ciel flottait désormais un centre-ville détaché de tout, qui dégoulinait encore de pierraille. Les bâtiments proches du vide, demeures planes des commerçants peu fortunés, coupoles dorées des seigneurs les plus puissants, roulaient sans cesse sur la ville en vague de poussière, car Ozymandias, après avoir arraché son morceau de Nela, secouait celui-ci comme pour en ôter le superflu.

En contrebas, à l'opposé du mirage jumeau s'élevant vers le firmament, Nela s'enfonçait dans les ombres de la terre. Le déluge d'Atman corrompait tout ; sa fumée tenace transformait l'aube en nuit perpétuelle. Elle se collait aux murs de chaux, puis s'insinuait au travers, changeait leur matière en une gélatine transparente. Atman rampait en direction de toute forme de vie, convergeait vers les hommes comme un groupe de rats avides, les prenait en étau et les dissolvait de l'intérieur, ainsi que procèdent les araignées avec les moucherons.

Les vagues naissaient au centre de la ville ; elles traversaient Alcmène sans l'atteindre. Sur son passage mouraient des regards suppliants, comme l'écume charriée par les flots, qui la prenaient à tort pour l'instigatrice du chaos ou pour sa complice. Comme le tourbillon ne cessait de s'étendre, et que disparaissaient de plus grands ensembles de bâtiments, de cours, d'écoles et de marchés, elle eut l'impression qu'elle ne progressait plus. Le sol lui sembla reculer sous ses pas, comme si la terre s'enfonçait derrière elle, emportant les vestiges de Nela dans les mondes souterrains.

Elle essaya de saisir les mains tendues vers elle, mais elles disparurent comme des mirages. Elle essaya de localiser les voix qui appelaient à l'aide, mais elles se répétaient aux alentours comme des échos. Car Nela avait déjà disparu. Seul Atman était réel ; elle se trouvait dans son rêve. Ce rêve était peuplé de femmes et d'hommes en peine, mais leurs images et leurs voix tressautaient sans cesse, car Atman les avait consommés, digérés et retranscrits sans tenir compte de leurs individualités. Leur moindre parole ressemblait à une foule qui murmure. Leur visage était l'esquisse d'un artiste débutant, qui hésite sur la place des traits ; et ce murmure et ce visage étaient partout identiques.

Quand elle atteignit les portes de la ville, Alcmène pleurait de rage et d'effroi. Grand ouverts, les battants laissaient se déverser la folie d'Ozymandias sur le reste du monde.

Les phalanges de Babylone s'étendaient devant elle à perte de vue, chaque casque de bronze posé sur une lance, chaque lance plantée dans le sol comme une tombe sommaire. Ses pieds s'enfoncèrent dans une épaisse couche de poussière d'os, que soulevait la tempête d'Atman par vagues entières. Elle avait quitté l'œil du cyclone et entrait dans le premier cercle du Déluge. La première chose qui lui vint à l'esprit était qu'au lieu d'avoir englouti le monde sous une marée exceptionnelle, ce que prétendrait pourtant la légende, il avait, au contraire, arraché toute l'eau de cette nappe de poussière.

Atman procédait ainsi, en séparant les éléments fondamentaux, pour ramener la Terre à son état primitif. Il jetterait ensuite l'eau contre la pierre, le feu contre le vent comme deux silex. La planète serait de nouveau plongée dans les tourments d'où avait naguère surgi la vie ; cette fois, une nouvelle humanité émergerait de l'enfer.

Alcmène eut l'impression d'étouffer. Elle ne pouvait se libérer de cette poussière qui peignait sa peau en blanc. Mais son regard rencontra un récif laissé intact, un homme sur lequel se brisaient les vagues d'Atman. Il portait de vieux vêtements princiers, dont les rubans s'effilochaient et flottaient autour de lui comme les derniers lambeaux de chair d'un squelette englouti. L'homme, moins âgé qu'il ne semblait de loin, s'appuyait sur un bâton de marche ; il avait senti sa présence et attendu qu'elle le rejoigne.

« Je te reconnais, dit-il, alors que ses yeux d'aveugle demeuraient figés dans la contemplation de mondes passés et de futurs envisageables.

— Qui es-tu ?

— Je suis Outa-Napishtim, l'oracle des Mille-Noms, et leur dernière voix dans cet univers. »

Alcmène tourna la tête à droite, à gauche ; la vague de destruction avait été plus rapide qu'eux, et des dunes de sable les précédaient désormais, poussées par le vent comme une armée inexorable.

« Pourquoi as-tu survécu ?

— Il était dit que je serais l'unique survivant du Déluge, annonça Napishtim avec un froncement de sourcils, qui se répétait sans cesse sur son visage à la manière d'une ponctuation corrigeant son ton monocorde. Le souverain-à-venir-de-tous-les-mondes, Ozymandias au palais de cristal, a décidé qu'il m'épargnerait ; du reste, les Mille-Noms m'ont autrefois condamné à l'immortalité et le pouvoir d'Ozymandias ne peut rien contre cette malédiction.

— Moi aussi, j'ai survécu.

— C'est juste. Mais c'est naturel. Car tu n'appartiens pas à l'Histoire. »

Sur le chemin de l'aveugle, son bâton traçait un sillon sinueux, aussitôt effacé par le vent.

« Où allons-nous ? s'exclama Alcmène d'une voix rauque.

— Je pars pour l'autre bout de la Terre, où je méditerai durant mille ans. Ensuite, lorsque les flots du Déluge auront regagné leur lit, et lorsque le nom d'Atman n'habitera plus que les songes des tyrans, je reviendrai ici même, accompagné de sept sages, bâtir la première ville de la nouvelle civilisation humaine. Cette ville se nommera Our. Elle sera rouge comme la peine des hommes. »

Elle ne comprenait pas que Napishtim, surgi des flots d'ombre rugissante tel un fantôme, ait des idées déjà arrêtées. La survenue du Déluge l'avait prise de court, comme elle avait plongé Nela et Babylone dans le désarroi. Napishtim parut comprendre ce trouble et il ajouta :

« Tout ceci m'a été révélé en rêve, car cela appartient au plan des Mille-Noms. L'empire dont rêve Ozymandias est leur dernier espoir.

— Explique-moi, l'implora Alcmène.

— Ne t'arrête pas de marcher. Suis-moi. Et ne te retourne pas vers Nela, car elle est perdue, et ceux qui regardent en arrière seront perdus à leur tour. »

Comme le paysage ne cessait d'avancer avec eux, les dunes de croître et de s'effondrer, Alcmène eut à nouveau l'impression qu'ils reculaient. Nullement importuné par le vent et la poussière, Outa-Napishtim continuait de parler en creusant son sillon.

« Ozymandias a convoqué le Déluge afin que ce monde reprenne forme, et l'univers avec lui, car nous sommes ici sur le berceau de la vie intelligente. Le roi des rois souhaite que son servant Atman conçoive l'empire qui reliera le ciel et la terre. Ne l'entends-tu pas ? Atman est partout autour de nous, et tout ce qu'il murmure, tout ce qu'il veut, c'est l'Empire. Mais l'Empire a existé avant Ozymandias et il existera bien après lui. Car il ne s'agit pas d'une lubie du roi des rois. Il n'est pas seulement l'œuvre maudite d'Atman. C'est une intention qui remonte aux Mille-Noms. L'Empire n'est pas qu'une structure politique, militaire ou économique, il est la hantise de devoir réaliser quelque chose, la fièvre de trouver une finalité grandiose, non seulement à son existence propre, mais à toutes les autres existences. Retiens bien ce que je te dis, enfant, car tu n'es qu'au tout début de ton chemin. Il viendra, dans les siècles à venir, quantité d'hommes, dont le point commun sera de croire qu'ils possèdent une finalité supérieure, qu'ils doivent transmettre cette finalité aux choses qui les entourent : cette finalité est l'Empire et ces hommes seront des tyrans. Mais la vérité est que les Mille-Noms ignorent eux-même la finalité de l'existence. Pour l'avoir compris moi-même, ils m'ont condamné à l'immortalité, à l'errance, et enfin, à la contemplation du Déluge et la fin de cette ère.

— Et l'Empire verra-t-il le jour ?

— L'Empire ne peut qu'échouer. Car l'Empire est soumis à la loi du Temps. Et Ozymandias mourra seul, traîtreusement poignardé par celui qu'il estime pourtant son meilleur allié. »

Le vent les balayait en gestes pendulaires, de sorte qu'Alcmène ne sut bientôt plus s'ils reculaient ou s'ils avançaient ; si Nela se situait derrière ou devant eux ; si la cité n'avait pas tout bonnement disparu dans la tornade d'Atman. Derrière les claquements incessants des bourrasques, elle entendit un léger tintement, un cri, un murmure et des sanglots arythmiques.

« Ne te retourne pas, ordonna Napishtim d'une voix plus forte.

— Mais il y a encore des gens là-bas...

— Il n'y a d'hommes ni devant ni derrière nous. Leurs esprits sont tombés dans le flot. Leur énergie astrale appartient à Atman ; quant à leurs âmes, elles seront charriées jusqu'aux eaux ténébreuses de l'Océan Primordial. Ceux qui survivront au Déluge seront retournés à l'état sauvage, car Ozymandias en a décidé ainsi, et derrière lui, les Mille-Noms, car ils souhaitent fonder une humanité nouvelle. Et ils n'y parviendront pas. Le monde sera tout à fait semblable à ce qu'il était auparavant. Toi-même, tu en seras témoin. »

Alcmène planta ses pieds dans le sable.

« Je ne peux pas les laisser seuls.

— Ils sont déjà morts. Ce que tu entends, ce sont les échos de leur souffrance, transportés par le vent. Ne peux-tu pas détourner le regard de cette souffrance ?

— Non, je ne peux pas.

— Alors même que tu ne peux rien pour eux, que tu ne peux pas les aider, ni même les accompagner, car ils n'ont pas conscience de ta présence ?

— Je ne peux pas. Tu es aveugle, c'est à toi qu'il revient de survivre au Déluge, car il sera toujours, pour toi, une métaphore. Mais je dois voir pour nous deux.

— Eh bien, sois témoin. »

Alcmène se retourna en direction de la ville.

Nela brisée en deux, prise dans un étau de brouillard violacé, n'avait pas encore tout à fait disparu. Les fragments arrachés au sol s'étaient réorganisés et répartis ; il croissait entre eux une sorte de gel grisâtre, filandreux, qui reconstituait une image fidèle de la cité. C'était le palais de cristal du roi Ozymandias, celui dans lequel il patienterait en attendant qu'un empire universel complet tombe entre ses mains.

Des larmes envahirent ses yeux ; elles roulèrent sur son visage et sur leur course, creusèrent des sillons sur la croûte de sel qui recouvrait sa joue. Alcmène tomba à genoux, mais garda les yeux ouverts, sans cesser de contempler la ville anéantie, et demeura ainsi figée sous forme minérale. Outa-Napishtim parcourut son visage statufié de la main pour en retenir les traits, que le vent creusait déjà ; ses cheveux se brisèrent à son contact.

« Ô, Aléane, ton destin est lié à celui de l'Empire » dit-il en guise d'oraison funèbre. Puis il disparut dans la tempête.

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