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55. Cet endroit est parfait


Rien ne m'effraie plus que de devoir, un jour, confier cette bibliothèque à quelqu'un d'autre.

Caelus, Notes


Au même moment, au plus profond de la Noosphère, sur une île solitaire séparée des autres rêves par un vaste océan, le Dragon Caelus, pour la première fois, se sentit prisonnier de sa retraite.

Ce sentiment tomba sur lui comme un couperet. Il referma le livre qu'il tenait en main d'un geste brutal, le laissa tomber et quitta sa bibliothèque à grands pas. Les rayonnages mouvants qui l'entouraient, feuillages infinis d'étagères qui se déplaçaient comme des vagues de bois, aspirèrent l'ouvrage abandonné, car la bibliothèque pouvait s'organiser sans son aide.

Au dehors, Caelus enfonça ses pieds dans le sable aux reflets azurés qui, à quelques dizaines de mètres, s'enfonçait dans un océan sombre. Quelques embruns flottaient dans l'air. Tout ceci était un rêve, mais ce rêve était sa seule demeure, et il ne s'y sentait plus en sécurité. Comme si quelque démon, quelque Creux ou quelque Sidhe des confins de la Noosphère avait traversé cet océan protecteur, affronté la tempête lointaine qui fermait l'horizon et nichait désormais au creux des rochers de l'île.

Rien de tout cela, comprit-il.

Pour la première fois, Caelus connaissait le doute ; un sentiment de malaise auquel il est impossible d'échapper.

Il tourna son regard vers la bibliothèque. Vue de l'extérieur, il s'agissait d'une tour fabuleuse ; il avait cessé de compter ses étages, et cela n'avait guère de sens, car elle se poursuivrait à l'infini s'il le fallait.

Où mène cette tour ? Songea Caelus.

N'était-ce pas la même que la Tour de Babel, celle construite par l'Imperium Draconis, effondrée sous le poids de l'ambition de Jupiter ?

Cette question ne tombait pas par hasard.

Sous l'apparence d'un homme vêtu d'une robe de bure, au regard bleu sombre toujours fixé sur quelque chose, Caelus avait accueilli en ces lieux de nombreux visiteurs, venus puiser à la source de savoir la plus grande et la plus fiable de l'Omnimonde. Toujours occupé par ses travaux de collecte et de classement, il ne perdait pourtant jamais une occasion de paraître, à leurs yeux, cet ermite austère et sage si absorbé par les livres qu'il était devenu un livre lui-même. Il n'en venait que tous les dix ou vingt ans, mais ces voyageurs venus chercher ici une personne disparue, une épée de famille perdue à la guerre, un codex ancien dont les formules permettaient d'invoquer les morts, lui permettaient d'exister de la manière qui le satisfaisait le plus, comme un marchand généreux distribuant gratuitement des pièces de son précieux savoir.

Mais l'art de voyager dans les rêves se perdait dans l'Omnimonde. Peut-être même que les mortels ne rêvaient plus, absorbés par leur monde matériel au point que la Noosphère, la toile invisible étendue entre leurs planètes, finirait par se défaire en lambeaux pathétiques. Aussi ceux capables de rejoindre Caelus se faisaient-ils plus rares, ne s'échouaient sur ce rivage que par le plus grand des hasards et n'avaient aucune question à lui poser.

Quant aux dieux qui avaient autrefois régné sur ces milliers de mondes reliés entre eux par la carte des ponts d'Arcs, qui avaient bâti leurs religions et leurs empires, ils avaient tous disparu. Kaldor, le dernier de cette ère de titans, s'était éteint quelques années plus tôt à peine. Caelus ne s'était pas senti le courage d'achever sa biographie, pressentant que dans l'achèvement de cette ode aux gloires passées, il périrait à son tour.

Les deux grandes batailles contre Hélios, le dieu-soleil, avaient scellé le destin des derniers dieux. Par deux fois, l'Omnimonde s'était approché de la destruction totale, et par deux fois, Caelus était resté sur le banc de touche, persuadé qu'il faisait un meilleur observateur que guerrier, certain de n'avoir aucune aide à apporter dans le conflit.

Il méprisait désormais ce raisonnement qui l'avait gardé en vie au prix de toute notion d'honneur ou de devoir. Cette sécurité avait fait de lui le dernier des dieux, prisonnier de sa solitude. Il n'avait eu de cesse de tirer des leçons de l'Histoire, mais il n'avait jamais fait partie de cette Histoire ; en vérité, il n'avait rien à apprendre aux civilisations mortelles, et c'est bien pour cette raison qu'elles l'avaient oublié.

« Tu sembles si absorbé par tes pensées que tu n'as pas remarqué ma présence. »

L'océan qui entourait son île rejetait sur le rivage les voyageurs dignes d'accéder à ses secrets, trempés, comme pour rafraîchir leur orgueil. Mais l'homme flottait par-dessus sa surface et, lorsqu'il toucha terre, seules les commissures de sa cape portaient des traces de sel.

Il portait des gants noirs, épais, à moins qu'il ne s'agît de matière onirique fusionnée avec sa forme astrale. Son visage exprimait une certaine curiosité. Des réseaux de veinules violettes surgissaient par transparence sous sa peau diaphane, comme des hématomes.

Quelques minutes plus tôt, Caelus aurait accueilli cet invité avec joie, mais il se sentait désormais dérangé.

« Qui es-tu et que me veux-tu ? Je n'ai rien pour toi.

— Je suis Samaël, et je voudrais te rejoindre parmi les dieux.

— Tu arrives trop tard. Le temps des dieux est révolu. »

Caelus ne désirait qu'une seule chose : que l'océan sortît de son lit et engloutît cet homme orgueilleux et insipide, pour l'emmener parmi les ombres qui rôdent entre les rêves. Qu'on lui rende quelqu'un d'intéressant, Christophe-Nolim, par exemple. Il se tourna de biais, contemplant de nouveau la bibliothèque, ce phare gigantesque qui n'avait plus besoin de lui, dont il n'était plus le bâtisseur, mais un élément de décor.

« Au contraire. Votre place est vide ; quelqu'un doit la prendre.

— Toi, je suppose ?

— Je suis tout indiqué.

— Pourquoi ?

— Je possède un grand pouvoir. »

Samaël se frappa la poitrine au niveau du sternum ; le choc résonna comme un mur creux.

« Ici se trouve le Stathme d'Eden, la source d'atman que j'ai volée à la cité des anges. Nous sommes désormais... associés. Je veux rendre à l'univers sa pureté originelle, le remettre en mouvement, abattre tous les carcans des ordres établis. Et lorsque ce sera fait, le Stathme sera libre de bâtir un empire éternel.

— Encore ? »

Caelus eut un éclat de rire ; il désigna du doigt le phare glorieux qui s'élevait dans la lumière, dont les arches de pierre supportaient d'innombrables étages.

« J'ai là-bas une liste des « empires éternels », et je n'ose pas les compter. Toutes les choses passent et disparaissent. Même ce Stathme que tu possèdes est une bougie qui finira par s'éteindre, non sans avoir changé cent fois de propriétaire, sans jamais trouver celui qui lui convient.

— Ces mortels avaient une ambition limitée. Ils ne voyaient pas plus loin que leur planète d'origine. Mais ce n'est pas mon cas ; je sais que je ne peux me contenter du Stathme, et je dois remonter à la source de la magie d'atman, m'en nourrir, et devenir son maître universel.

— Tu veux remonter jusqu'à Draconis ?

— Je ne parle pas de Draconis. Je sais que la singularité de Sol Draconis s'est effondrée, et que cette planète n'appartient plus qu'à ton souvenir. Non, je veux la Cité de cristal, et quiconque m'aidera à la rejoindre siégera à côté de moi dans le panthéon futur de notre univers.

— La Cité de cristal... murmura Caelus avec un sourire en coin, surpris et amusé, tel un joueur d'échecs poussé à révéler sa botte secrète bien plus tôt qu'il ne l'envisageait. Et ton Stathme ne peut-il pas t'y mener lui-même ? »

De siècle en siècle, il avait mené des recherches approfondies. Il avait remonté la piste de l'Atman jusqu'à la cité disparue du roi Ozymandias, l'homme choisi par les Mille-Noms pour bâtir l'Empire universel. Un projet inscrit si profondément dans l'histoire que toutes les civilisations n'avaient fait que le décliner, tour à tour, démontant les ruines d'un empire pour en bâtir un autre. Tous ces empires prenaient fin. Mais l'Empire n'avait jamais pris fin ! Pas tant qu'Atman, la puissance originelle du roi des rois, sauterait d'un monde à l'autre en se cherchant de nouveaux instruments de conquête.

« Mon Stathme est un vieillard affaibli, un peu comme toi. Il me faut une source d'atman plus jeune. Le tout dernier souffle du roi Ozymandias. Je cherchais la Cité sur Terre, mais je pense que ta bibliothèque me permettra de la localiser plus aisément.

— Qu'Océanos t'engloutisse, grommela Caelus, ce qui était l'équivalent pour lui de : « va en enfer. » Seuls ceux que j'ai choisis accèdent à cette bibliothèque.

— Tu penses sans doute qu'Atman est une simple forme de magie, une forme impure de magie d'Arcs, mais je ne le crois pas, ô Dragon. L'atman est la vie même ! La vie dans toute son ingéniosité, dans toute sa cruauté, dans toute sa puissance duale de création et de destruction. Le pouvoir de bâtir l'univers que je souhaite. Je vais te montrer. »

Un courant d'air traversa la forme astrale de Caelus.

La bibliothèque ne réagit même pas à l'approche de Samaël. Cette accumulation exagérée de savoir ne l'avait pas rendue sage, ni intelligente, ni capable de distinguer le bien du mal, mais fourbie des mêmes contradictions que l'histoire des mortels et des dieux. Elle se trouvait dans le même état d'ignorance philosophique qu'un enfant de quelques années.

« C'est un outil remarquable que tu gardes ici, ô Dragon. Ce phare est fait de la même pierre que l'Empire. Le savoir que tu possèdes fait de toi un être puissant... tu as renié les projets grandioses de ta race, mais ce que tu as bâti ici n'a rien à envier à l'âge d'or de Draconis.

— Dehors !

— Un instant. »

Samaël murmura une demande à l'intention de la bibliothèque ; un livre tomba d'un rayonnage en hauteur, rebondit sur une étagère et sauta dans ses mains. Il en parcourut quelques pages.

« Oui, je n'avais besoin que de cela. Ce sera suffisant pour remonter à la source. »

Sur son chemin de retour, en direction de l'océan, Samaël parut glisser sur le sable. Le contraste entre sa couleur de peau et les cicatrices violettes de son visage était effrayant. Avec un demi-sourire, il fit à Caelus ce qu'il interprétait comme un compliment :

« Lorsque j'aurai absorbé les derniers souffles d'atman, ô Dragon, je reviendrai ici, et je ferai de ton phare ma propre Cité de Cristal. Cet endroit est parfait. »

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