Une goutte. Deux gouttes. L'eau coulait depuis la rigole, s'échouait sur le bout de ses chaussures, créait une petite flaque autour. Il pleuvait à verse, depuis quelques heures à présent. Trempé, les mains et les pieds glacés, il n'avait plus bougé depuis sept heures à présent. Il ne sentait plus le bout de ses doigts. La chaîne qui liait ses mains était lourde, glaciale elle aussi. Il n'avait plus la force de lever les bras. Ses lèvres étaient devenues bleues, son regard fatigué. Il était épuisé, tout en lui le suppliait de s'allonger, de fermer les yeux et de s'endormir, juste le temps de reprendre un peu d'énergie. Son corps priait pour qu'il s'endorme, victime du froid et de la fatigue qu'il avait entraînée. Quelques minutes, pas plus.

Il cligna des yeux, une fois, deux fois. Le regard droit devant lui à présent. Il ouvrit la bouche, tira légèrement sa langue pâteuse afin de collecter quelques gouttes de pluie. La soif s'était manifestée après la faim, moins intense mais plus subtile, vicieuse dans sa lenteur. Il lui restait dix-sept heures. Dix-sept heures dans la pluie et dans le froid, à même le sol. Dans son dos, la structure pâle de la maison. Autour, le désert, des kilomètres interminables de champs, de terre boueuse. Pas une seule âme tout le long de l'année. Ce n'était que lui et cette maison. Il était interdit d'aller au-delà de la barrière qui séparait la maison du reste du monde. La punition, il la connaissait. Il avait essayé. Doucement, il n'essayait plus. Il s'accoutumait.

De temps en temps, un élan lui survenait, comme sept heures auparavant. Une fois par an, peut-être. De moins en moins. Il savait que c'était vain. C'était instinctif, irréfléchi.

C'était vain. C'état vain. C'était vain.

Il devait résister. Il devait faire face à la tentation et être plus fort qu'elle. Libérer son esprit. Se concentrer sur l'essentiel. Se tenir droit. Ne pas le regarder dans les yeux. Ne pas parler quand il n'avait pas reçu l'accord. Tendre les bras quand il avait été désobligeant. Rester dehors pendant vingt-quatre heures sans boire ni manger. Il n'aurait pas dû essayer de franchir la barrière. Il aurait dû écouter. S'il se retrouvait là, c'était de sa faute. C'était pour qu'il y réfléchisse, qu'il se rende compte que dehors le monde était misérable, que l'extérieur était inhospitalier. Que dehors, il ne mangerait pas, il ne boirait pas, qu'il n'aurait pas de toit sur la tête. Dehors n'était pas un cadeau. La maison était tout ce qu'il avait et la reconnaissance, elle, devait être sa seule pensée.