La nuit fut courte, les coups de feu avaient recommencé à retentir tôt le matin, tirant les soldats de leur sommeil léger. Il était à présent presque midi et les tirs résonnaient toujours dans les deux camps. Au début, les combattants restaient cachés, mais les Nord-coréens avaient lancé l'offensive, quittant leurs planques.

Les soldats du Sud n'avaient pas hésité à passer à la charge en contre-attaques. Des cris s'élevaient, des grenades hasardeuses explosaient et des tirs essayaient d'atteindre leur cible. Chan avançait avec ses hommes, l'arme chargée à la main, il n'hésitait pas à presser la détente.

Les soldats d'en face faisaient de même et les camps se retrouvèrent rapidement mélangés. Le brun ne savait plus vraiment où donner de la tête, de nombreuses balles effleuraient, le forçant à se cacher dans les broussailles ou à se coucher au sol.

Il sentait son sang pulser dans ses tempes et les battements effrénés de son cœur résonner dans ses tympans. Sa tête tournait à plein régime, essayant de trouver le plan de l'ennemi tout en esquivant et contre-attaquant. Il avait l'impression d'étouffer dans son treillis, mais en même temps de grelotter à cause des nombreux frissons qui parcouraient son corps. Ses doigts et ses jambes fourmillaient à cause d'un drôle de mélange entre l'adrénaline et la fatigue.

Et il y eut ce soldat, quelques mètres devant, l'air perdu, le regard apeuré. Ses mains tremblaient alors qu'il dégoupillait sa grenade et dans un mouvement de panique, il la lança hasardeusement au loin. Chan, concentré sur autre chose, ne vit pas l'objet rouler non loin de lui. Certains eurent le temps de s'éloigner mais quand le brun s'en rendit compte, il resta figé en pensant que son heure avait sonné.

Mais au dernier moment, une main lui empoigna le bras et le tira contre un gros rocher à proximité et la grenade explosa, blessant certains au passage. Chan recommença enfin à respirer, se rendant compte qu'il était en apnée, et osa un regard vers la personne qui lui avait sauvé la vie.

Il fut bien surpris de reconnaître la chevelure ébène et le visage fin de Changbin qui scrutait les alentours.

- Je sais que je suis beau mais je pense pas que ça soit le moment de me mater lieutenant...

- Modeste en plus...

- De rien.

- Hein ?

-Merci Changbin de m'avoir sauvé la vie gngngng.

Chan leva les yeux au ciel et le remercia quand même avant de prêter plus attention à ce qui les entourait. La grenade avait éloigné pas mal de soldats de leur cachette alors ils pouvaient s'autoriser à souffler deux petites secondes.

Changbin finit par faire signe au brun de se lever, mais ils ne quittèrent pas le rocher pour autant. Au contraire, le noiraud s'était remis à tirer, dos à Chan, reculant légèrement à cause de son arme, se rapprochant légèrement du plus grand. Chan, qu'en à lui, avait fait de même, les deux hommes se retrouvant ainsi presque dos contre dos.

En voyant un groupe ennemi un peu trop proche et voulant changer de spot avant de se faire surprendre avec Changbin, le brun saisit une grenade lacrymogène et tira la goupille avant de la jeter au loin. Profitant de la discorde que cela avait créé, Chan pressa l'épaule de Changbin avant de quitter l'abri du rocher et de rejoindre les siens.

Ce n'est qu'en milieu d'après-midi que ça se calma un peu et se termina en début de soirée. Chan était courbaturé de partout et son ventre réclamait un vrai repas, chose qu'il n'avait pas pu avoir de la journée.

En grignotant des biscuits secs, Chan repensa à cet instant. Ils auraient pu s'entre-tuer à tout moment mais ils n'ont rien fait, il se sont juste occupés de leurs ennemis respectifs sans que l'un empêche l'autre. D'un certain côté, cela pouvait être considéré comme un acte de trahison et cette pensée le faisait frissonner.

Le noiraud traînait beaucoup trop dans son esprit à son goût, mais il ne savait pas comment l'en sortir. Comme un petit parasite qui s'accrochait, un gentil parasite qui lui avait évité la mort. Finalement, ils avaient réussi à cerner la tactique de l'ennemi et la surveillance fut renforcée, la pitié quittait petit à petit les cœurs des soldats.

Chan avait soigné les quelques éraflures dont il avait hérité et avait aidé aux soins de ses coéquipiers. Ils avaient malheureusement des morts à déplorer et leurs plaquettes d'identifications furent retirées, un médecin légiste allait venir les chercher à un point de rencontre et les familles des défunts allaient être prévenues.

Très peu de larmes avaient été versées, l'égoïsme les avait remplacées. Même Chan se surprenait parfois de ses propres pensées et s'en voulait toujours après mais il était humain. Lui aussi avait une famille qui l'attendait et qu'il voulait revoir. Cela pouvait paraître un peu stupide, mais Chan avait peur de mourir.

Du moins, il avait peur que s'il venait à mourir, personne ne s'en rende compte et qu'il se fasse oublier en plein milieu d'un champ de bataille à pourrir alors qu'on le considérait comme disparu. Il ne comptait plus le nombre de camarades qu'ils n'avaient pas retrouvé au fil des missions malgré les patrouilles de recherches organisées.

C'est aussi pour cela qu'il évitait de trop se lier d'amitié avec les soldats, il ne voulait pas endosser plus de deuils qu'il n'en avait déjà vécu. Hyunjin était l'une des rares exceptions et il priait toujours de le retrouver vivant après un assaut.

Il avait bien cru le perdre une fois et ça l'avait terrifié, le plus jeune gardait encore des séquelles de cet accident mais il vivait avec. Chan agissait comme un vrai papa poule par moment avec son cadet et ce dernier s'amusait souvent à le charrier avec ça même si au fond, ça le touchait beaucoup.

Hyunjin s'était engagé dans l'armée après une grosse dispute avec sa famille et il s'était retrouvé bien seul. Mais le brun avait réussi à lui apporter le soutien et l'attention nécessaire pour qu'il reprenne confiance en lui et devienne le jeune homme qu'il était à ce jour.

En d'autres termes, Chan était comme un grand frère pour lui et il ferait n'importe quoi pour lui rendre la pareille.