C'est certainement à ce moment-là, que j'ai su.

Il n'y avait rien d'écrit à l'avance, pas de manuel qu'on pouvait trouver en librairie, vous savez, ceux qui ont pour titre "l'amitié, pour les nuls". Ce genre de chose n'avait jamais existé, et à vrai dire, je ne sais pas si j'aurais aimé lire ce genre de chose avant de tomber sur les garçons.

A ce moment-là, j'essayais de me souvenir ce que ma mère me racontait à propos des rencontres que l'on peut faire durant notre vie. J'avais beau chercher et creuser au plus profond de mon crâne, rien ne me venait à l'esprit.

Ce n'était pas parce que je n'arrivais pas à réfléchir, mais plutôt parce que ce que je cherchais depuis toujours était là, tout autour de moi.

Assis à l'arrière de la vieille voiture de Jin, sur les fonds de voix de groupe dont je ne connaissais même pas le nom, je m'étais allongé en plaçant ma main derrière ma nuque, afin de regarder les étoiles qui défilaient au-dessus de ma tête. C'est vrai qu'on avait l'air tout petit, nous sept, dans cette vieille carcasse tachée de boue causée par le mélange du sable et de l'eau déchaînée de l'océan.

Au final, je me disais que je n'aurais jamais acheter ce genre de livre idiot à propos de l'amitié, même s'il avait exister. Fut un temps, j'avais pensé en avoir besoin. Je pensais n'avoir que la moitié de ce dont j'avais besoin. Mais ce temps était révolu.

Et si on m'en avait donné l'occasion, j'aurais appuyé sur le bouton "replay" pour revivre toute notre histoire en boucle, sans jamais m'en lasser. Même si je devais repasser par des moments difficiles, pleurer pour les mêmes disputes futiles, être heureux pour les mêmes moments joyeux que nous avions vécus tous ensemble.

« Tout va bien pour vous les gars ? » hurla la voix de Seokjin, au volant de sa voiture délabrée.

Étant le seul encore éveillé, j'avais simplement levé le poing pour lui faire signe, devinant son petit sourire idiot avant qu'il ne se reconcentre sur la route.

C'était fou, de se dire que je pouvais deviner n'importe lesquelles de leurs expressions sans même les voir devant moi. Je les connaissais par cœur, sans aucun doute possible.

Nous étions partis sur un coup de tête de la capitale, avec la seule et simple envie de prendre la route pour s'aérer la tête. Je n'aurais jamais pu deviner que des actions aussi simples que celles-ci pouvaient être si trépidantes, faisant valser mon cœur à l'idée de vivre de nouvelles aventures en leur compagnie.

Autour de moi, dormaient paisiblement les doux visages de mes amis. A l'intérieur du pick-up, sur le siège passager, Namjoon laissait flotter sa main dans le vent, le coude appuyé sur la fenêtre qu'il avait laissé grande ouverte pour apprécier la brise d'été. Sur la plage arrière, Hoseok avait fini par s'endormir au bout de quelques minutes de trajet, et j'étais sûr qu'il devait laisser couler un petit filet de bave, puisqu'il dormait toujours la bouche ouverte. A l'arrière, et plus précisément à mes pieds, recroquevillés sur lui même, Yoongi avait les yeux clos et il devait certainement écouter la musique que nous avions enregistrée tous ensemble quelques jours plus tôt, au bord de la plage de Busan. Entre ses jambes, le visage d'ange de Jimin traduisait son paisible sommeil, dans les bras de son amant. Et en le regardant assez longtemps, je me suis dis que jamais je ne l'avais si heureux, bien qu'il dormait à poings fermés.

Quant à moi, je m'étais appuyé contre la vitre du pick-up, dans le coin droit, qui était ma place préférée. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais c'était devenu un rituel que je ne loupais jamais. Enfin, le plus doux et beau visage de notre petite troupe d'idiots, était délicatement posé sur mon torse. Lui aussi, avait les yeux clos, et je savais qu'il ne dormait pas.

Taehyung ne dormait jamais en voiture, cela ne lui était arrivé que quelques fois lorsqu'il avait trop bu. Comme cette fois-ci, lorsque nous avions loué cette belle maison à Incheon et qu'il avait fini par insisté tel un gosse pour hurler de tous ses poumons l'amour qu'il me portait, après avoir pris un superbe cuite.

Nous étions tous silencieux, profitant de l'air qui frôlait nos cheveux, les faisant danser avec le vent d'été, qui étrangement selon moi était parfumé par l'odeur de l'être que j'aimais le plus au monde.

Oui, l'air sentait la lavande, la douce lavande que j'adorais cueillir dans le jardin de ma mère quand j'étais enfant, le doux parfum de lavande que j'adorais humer lorsque je me réveillais chaque matins aux côtés du jeune homme le plus imprévisible qu'il m'avait été donné de rencontrer.

J'avais toujours pensé que je ne serais jamais arrivé à rien, dans la vie. Je n'étais pas pessimiste, disons que je m'étais seulement toujours concentré sur des choses futiles que la société nous imposait à tous. Je pensais appartenir au même monde que tous les autres, jusqu'à ce que mon chemin ne se croise aux mêmes carrefours que les leurs.

C'est pourquoi, tout en caressant les doux cheveux du noiraud, je me suis dit que dorénavant, que j'avais absolument tout dans le creux de mes mains, pour être heureux.

Il me suffisait simplement de lever les mains dans les airs, en gardant les poings fermés, pour ne jamais les laisser m'échapper.

Si la vie était un jeu, alors après avoir pensé que j'avais toujours été un pauvre loser, j'avais enfin la réponse à mes questions. Il ne s'agissait pas de devoir gagner, mais de le vouloir. De l'accepter.

La victoire pouvait prendre tant de formes différentes, et je ne l'avais jamais perçu ainsi avant. Je savais qu'il n'y avait pas plus réel que ce que l'on vivait, tous les sept.

Nous pouvions aller jusqu'au bout du monde à bord de cette voiture débraillée, nous pouvions construire des royaumes entiers, des rêves et des cauchemars, des idées et leurs contraires. Tout, autour de nous pouvait devenir noir, nous aurions été notre propre lumière.

« On est arrivé. »

Seokjin coupa le contact, et l'absence du doux ronronnement du moteur réveilla doucement mes amis un à un. J'entendis Hoseok bailler tout en étendant ses bras engourdis, je vis Jimin ouvrir petit à petit les yeux en clignant rapidement des paupières, Yoongi tirer les écouteurs de ses oreilles, Namjoon nous rejoindre sur le côté du coffre de la voiture, et enfin, Taehyung qui plongea sans plus attendre ses iris dans les miens.

Alors je lui avais offert un sourire réconfortant, avant de l'aider à se lever et de sauter les pieds joints contre le sable.

Je ne fis pas attention à la tendre remarque de Yoongi à Jimin pour éviter qu'il se fasse mal en sautant maladroitement sur le sol, et attrapa la main de Taehyung afin de l'inciter à me suivre.

Il faisait particulièrement bon, et nous étions les seuls sept imbéciles à se retrouver sur la plage vide et paisible de Busan. Nous avions fait des heures de route pour nous y rendre, et jamais la fin d'un voyage ne m'avait tant rendu triste et heureux à la fois.

Alors que nous étions plus loin que les autres, je sentis l'accolade de Namjoon sur mes épaules, suivi de Yoongi qui me donna un petit coup de poing timide dans l'autre. Je vis le sourire de Taehyung lorsqu'il s'écarta de moi pour rejoindre Jimin et Hoseok, et enfin, Jin un plus en retrait, son téléphone à la main.

Il adorait nous filmer, et je supposais que c'est ce qu'il était en train de faire en ce moment même. Alors je me mit à rire, en levant la main dans les airs, mimant mon éternel signe. Le poing serré, seulement deux doigts levés.

J'entendis le rire de mon ami, avant qu'il ne se mette à courir pour finir par sauter sur le dos de Namjoon.

Nous étions seuls, nous étions libres.

A cet instant, il n'y avait plus que nous sept, et le reste du monde qui s'offrait à perte de vue devant nous yeux fatigués.

Ainsi, se tenant tous les sept droit face à la mer, nous étions silencieux. Nous n'avions jamais été aussi proches qu'à cet instant, et je souhaitais intimement, les yeux clos, qu'il dure à jamais.

C'était peut-être étrange, mais durant un court instant, j'ai cru entendre de légères notes de piano, comme une lointaine mélodie, résonner dans mes oreilles. Pourtant, il n'y avait rien d'autre que les bruits des vagues qui s'échouaient sur le sable après s'être battues entre elles.

« Loin de nous...» murmura Taehyung en venant serrer ma main.

Ouvrant les yeux, je lui jetais un rapide coup d'œil avant de coller nos mains à ma cuisse.

« Plus prêt de toi. »

Nous ne nous étions pas éternisés, et après avoir pris de nombreux clichés de l'océan, nous étions remontés à bord de la voiture de Jin, en route pour de nouvelles aventures.

Et sous un ciel dégagé, offrant une pluie d'étoiles à perte de vue, à l'arrière d'un pick-up aux roues peintes de boue, je me suis dis que c'était peut-être ça, être vivant. C'était tout ou rien, et j'avais choisi de tout leur donner.

Pour la seule et unique raison que les rencontres dans la vie, sont comme le vent.

Certaines vous effleurent juste la peau, d'autres vous renversent.

Et comme le vent, elles finissent toujours par s'éloigner.

Loin de toi.

Loin de nous.

Mais à c'est à cet instant, que j'ai su ce qu'était un monde pour un univers.

Bien qu'au fond, une petite voix me rappelait sans cesse qu'un univers aussi, pouvait avoir ses propres faiblesses.