Chapitre 41
Plume viride, plume viride,
Amazonite de verre
Entre l'espoir et l'amertume.
Malgré ma fatigue et la nuit déjà bien entamée – il doit être deux ou trois heures lorsque nous rentrons –, j'ai du mal à trouver le sommeil.
Mes certitudes ne sont plus les mêmes et mes doutes aussi ont évolué.
Au cours de la soirée, Gauthier m'a prouvé qu'il était digne de confiance, même s'il garde en lui cette part sombre d'une profondeur inconnue ; cette même facette qui l'oblige parfois à me mentir.
Je réalise qu'en à peine une semaine, j'ai beaucoup changé. Jamais auparavant je n'aurais imaginé devenir si proche de quelqu'un en aussi peu de temps. Comme je suis plutôt réservée, ce n'est pas vers moi que les gens se tournent en premier. Ils trouvent toujours une personne plus intéressante avec qui nouer une amitié.
Moi, je suis un animal qu'il faut apprivoiser.
Le jeune homme constitue donc un allié de taille dans ce monde de ténèbres. Comme je l'ai appris cette nuit, un poison mortel peut facilement se refléter derrière le plus beau des arcs-en-ciel...
Ma rencontre avec Aaron, en revanche, m'a totalement déstabilisée. Ses intentions ne sont clairement pas désintéressées, d'après Gauthier.
Qui croire ?
Soit cet individu aussi mystérieux qu'aventurier s'est juste trompé de cible, soit il l'a fait exprès pour que je lui accorde ma confiance... Je dois me méfier de lui et particulièrement de son emprise. J'ignore si c'est l'effet de cette pseudo rivière mortelle qui m'a fascinée ou si c'est dû à son charisme, son charme naturel, mais Aaron ne se classe définitivement pas dans les sorciers à avoir dans sa liste d'amis...
💎💎💎
Au matin, je découvre Alix, ma voisine, en pleine effervescence.
Les joies de la colocation !
Contrairement à moi, elle semble avoir fini de dormir. Elle fait un tel vacarme que j'ai l'impression qu'elle se trouve dans la même pièce que moi.
— Je peux t'aider ? proposé-je en entrebâillant la porte avec un sourire forcé.
— Oh, tu es réveillée ! Je suis vraiment, vraiment désolée ! J'ai perdu ma robe et...
— T'inquiète, je vais t'aider à la retrouver.
— Tu vas mieux ? Acacia m'a dit que tu étais sortie de l'infirmerie, mais je n'ai pas eu l'occasion de te croiser.
— Oui, ça va. J'étais partie acheter mes fournitures – j'avais loupé le coche. Merci d'avoir appelé ma mère, c'était gentil de ta part. Elle n'était pas trop... surprise ?
— Non, elle est adorable ! Elle a compris tout de suite quand je lui ai expliqué que tu venais réviser le prochain devoir de sciences chez moi : elle m'a assuré que tu pouvais y rester plusieurs jours sans souci, tant que ça ne me dérangeait pas, bien sûr.
Alix se méprend sur mon froncement de sourcils et ajoute d'un air détaché, à nouveau focalisée sur ses vêtements :
— C'est un certain Gauthier Chame que tu dois remercier. Pas moi. Sincèrement, ça ne me serait jamais venu à l'esprit s'il n'était pas venu me suggérer l'idée.
Incroyable ! Le Diamant a eu une délicate attention à mon égard, et j'avoue que ça m'étonne. Peut-être qu'il lui arrive de penser aux autres, finalement. Il faudra que je lui en touche deux mots à l'occasion.
Il m'a vraiment sauvée, sur ce coup-là.
Ce que je trouve curieux, en revanche, c'est la réaction de ma mère. Me laisser sortir plusieurs jours en semaine, même pour des révisions, ça ne lui ressemble pas. J'espère que je pourrai vite m'éclipser de Talesia pour vérifier que tout va bien.
Ça ne devrait pas poser de problème, puisque ma chambre dans les Appartements s'accompagne de quelques privilèges.
Pas vraiment décidée à quitter mes draps de soie, j'attends une minute de plus avant de me lancer à la recherche de cette fameuse robe si importante aux yeux Alix. Croisons les doigts pour que ça ne soit pas le même remue-ménage tous les matins...
💎💎💎
Après un quart d'heure sans rien trouver, la jolie blonde commence sérieusement à déprimer. Elle qui s'est levée aux aurores pour faire bonne impression en ce premier jour de cours, voilà que ce misérable bout de tissu compromet sa journée entière.
— Attends ! Il doit bien y avoir un ou deux sorts qui feront l'affaire dans nos manuels.
Je farfouille déjà dans mes sacs lorsqu'elle intervient, hésitante :
— Rubis, je ne suis pas sûre que ce soit une super idée...
À tout hasard, j'ouvre un ouvrage intitulé Sortilèges et formules magiques pour jeunes mages inexpérimentés dans l'espoir d'y découvrir un sort de localisation.
Ce serait plus facile, si je me débrouillais aussi bien que le font les sorciers dans mes films et séries de référence.
Les pages du manuscrit sont vierges, dépourvues de la moindre indication. Ce n'est pas gagné pour retrouver la robe de ma colocataire.
— Tu vois, je te l'avais dit, déclare-t-elle, rassurée.
Le livre continue pourtant de m'intriguer. Puisque j'ai des pouvoirs, je ne devrais pas rencontrer de problème pour décrypter un manuscrit magique... si ?
— Il te suffit de croire en ce que tu veux savoir, Rubis.
Je n'ai même pas remarqué la présence de la féline. Confortablement installée sur l'étagère du couloir, elle ancre ses yeux verts dans les miens, toujours aussi énigmatique.
Rassérénée, je décide de suivre son conseil et pose ma main sur l'une des multiples pages blanches de l'œuvre. En rouvrant les yeux quelques secondes plus tard, je constate avec étonnement, mais aussi une pointe de satisfaction qu'elle a retrouvé ses lettres. Sous mes yeux ébahis, Alix lit les quelques mots présents sur la page :
— Sortilège de détection d'objet, à ne pas confondre avec le sort de localisation. Sort basique à utiliser sur un objet perdu ou volé qui a déjà été en possession du lanceur. Fonctionne uniquement sur des corps matériels.
[Objectum], redi ad me.
— C'est du latin ! s'exclame-t-elle, pleine d'espoir.
— C'était ma bête noire au collège, confessé-je, un peu anxieuse à l'idée d'étudier une langue que j'ai toujours eu du mal à apprivoiser. J'étais tellement nulle...
— Pareil pour moi. Mais heureusement, j'ai... ceci !
Triomphante, elle me tend un volume visiblement très ancien. Je comprends rapidement qu'il s'agit d'un dictionnaire de traduction latin-français.
Bon sang, pourquoi ma colocataire transporte-t-elle un Gaffiot dans son sac ?
— Je savais que j'avais eu raison de l'acheter ! Robe, robe, robe... ah, voilà : raubare. Tu le lances ?
— Passe ta main, alors. Comme je n'ai jamais touché ta robe auparavant, le sort ne fonctionnera pas sans ça.
Elle s'exécute docilement, bien moins sceptique que tout à l'heure quant à mes capacités magiques.
L'appel de la mode est plus fort que tout !
— Allons-y : Alix raubare, redi ad me.
C'est d'abord un sentiment d'échec qui m'envahit, bientôt suivi du regard rempli de compassion de ma consœur. Qui a dit que les sorts réussissaient à tous les coups ? Sûrement un sorcier surdoué doté d'une chance inouïe.
Soudain, un cliquetis métallique venant de sous le lit résonne dans la pièce. Une valise s'avance à nos pieds et s'ouvre dans un grand claquement, découvrant une robe noire parfaitement pliée.
Je lève les yeux au ciel, si bien que je ne remarque pas tout de suite l'expression de surprise qu'affiche Alix. Ce n'est que lorsqu'elle me dévisage ouvertement que je déclare perplexe :
— ...
Cette partie de transition nous a permis de faire la connaissance d'Alix, la colocataire de Rubis dans les Appartements. Vous croyez que les deux jeunes femmes pourraient être amies ? 🤗
– Possible...
– Impossible !
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