Chapitre 38 - Frustration
À peine remis du choc, nous voyons les garçons revenir la mine déconfite. Visiblement ça ne s'est pas bien passé du tout. Et franchement, comment aurions‑nous pu en douter?
- Alors? demandais-je à Ludrey.
- Comment dire? soupira-t-il. Elles vont partir chez la mère d'Auriane pendant quelques jours avec les enfants. Seule Joy restera ici parce qu'elle a bientôt ses partiels et qu'elle ne peut pas louper les cours.
- On a foiré les gars, nous dit Lucane.
- Ça tu peux le dire, soufflais-je. Ne jamais rien leur cacher sous peine de représailles!
- Où est l'inspecteur? nous demanda le mari d'Audrey.
- Il discute avec les policiers qui sont en train d'évaluer les dégâts et de recueillir les témoignages, lui expliquais-je. Il voulait que vous soyez là pour prendre nos dépositions.
Olivier est assis ou plutôt affalé sur le dossier de la banquette sur laquelle nous sommes assis. Il est pâle et semble complètement ailleurs. Je mets ma main sur sa jambe histoire de le faire réagir mais je n'ai qu'un faible sourire en retour.
- Ça va? m'inquiétais-je.
- Pas trop. Je ne me sens pas bien.
- C'est probablement le contre-coup, le rassurais-je.
- Ça et le fait que je n'ai pratiquement rien mangé depuis hier, ajouta-t-il péniblement.
- Il fallait le dire mon cœur, rouspétais-je. Je vais aller te chercher quelque chose, je reviens.
Je peux comprendre qu'avec toute cette histoire il n'y ait pas pensé mais il devrait faire plus attention. Je commande un sandwich et un bol de soupe au bar, avant de le rejoindre.
- Voilà, ton repas va arriver.
- Merci, que ferais-je sans toi?
- Tu mourrais d'inanition? plaisantais-je.
- Très drôle! rit-il.
Le serveur arrive déjà avec de quoi sustenter mon petit-ami. Que j'aime prononcer ce mot! J'ai bien cru que ça n'arriverait plus mais j'espère que ce sera pour plus longtemps cette fois. L'inspecteur Miels arrive enfin, suivi de près par les inspecteurs chargés de l'accident.
- Vous êtes tous là, enfin, sans ses demoiselles mais nous nous en passerons, nous dit-il en riant, gêné.
- Ouais, je ne crois pas que nous devrions encore les déranger, lui répondis-je.
- Bon, avec tout ça... J'aimerais recueillir vos témoignages un par un, nous explique Miels. Duet et Tuck ici présents vont m'y aider. Vous connaissez Jack, dit-il aux deux autres qui acquiescent. L'un de vous va donc s'occuper de lui pendant que nous nous occupons des autres.
L'inspecteur Tuck se dévoue pour venir avec moi et m'emmène à l'extérieur. C'est une bonne idée, j'avais un grand besoin de prendre de l'air et de là où je suis, je peux tenir un œil sur Olivier qui est, quant à lui, assis à une table à l'intérieur avec Miels.
- Alors Jack, commença-t-il, quelqu'un vous en veut vraiment. Avez-vous une idée de qui cela peut être?
- Une vague idée mais j'en ai déjà parlé avec Miels, lui rappelais-je. Pour moi, c'est Antoine Vlemings qui est derrière tout ça.
- Votre ex, c'est ça?
- Oui.
- Et pourquoi vous en veut-il? Il ne supporte pas d'avoir été largué?
- Vous faites fausse route. C'est lui qui a mis un terme à notre relation il y a de ça deux ans. Quant à ses raisons, c'est la question à 1000 euros, continuais-je.
- Donc nous n'en sommes pas beaucoup plus loin qu'avant, soupira-t-il.
- Juste une précision: vous vous tenez au courant entre collègues? m'énervais-je. Parce que je leur ai transmis pas mal d'informations et vous n'avez pas l'air de le savoir.
- Je vais me renseigner, rétorqua-t-il contrit. En attendant, que pouvez-vous me dire sur ce qui a eu lieu ce soir?
- Nous étions attablés dehors en train de discuter quand Lucas nous a hurlé de rentrer dans le café.
- Avez-vous vu la voiture?
- Non, j'étais de dos. J'ai juste réagi à l'ordre de mon ami.
- Heureusement qu'il était là. Comment se fait-il qu'il ait d'aussi bons réflexes?
- Il est militaire et entraîné à des situations beaucoup plus dramatiques que celle-ci.
- Je comprends mieux, marmonna-t-il. Auriez-vous vu quelque chose, un détail qui pourrait nous aider à identifier le véhicule?
- Je peux juste vous dire qu'il était bleu foncé. Vous avez d'autres questions? m'enquis-je.
- Pas pour le moment. Mais restez à notre disposition si jamais.
- Très bien, lâchais-je sèchement avant de partir.
Non mais il pourrait au moins faire son travail correctement! S'il agit comme ça tout le temps, je commence à comprendre pourquoi l'enquête n'aboutit à rien. Logan est parvenu à trouver plus que lui en moins de temps! C'est quand même le monde à l'envers! Olivier n'a pas fini donc je rejoins Geoffrey et Tonio qui sont toujours attablés, attendant probablement leur tour.
- Alors? me questionna Geof.
- Alors rien! Ce fichu flic ne s'est même pas renseigné sur l'avancée du dossier, râlais-je. Et vous, comment ça va? Pas trop secoués?
- J'ai connu mieux mais t'en fait pas pour nous, me répondit l'aîné.
- Ouais t'inquiète, ajouta Tonio. Entre nous, c'est toi qui devrait être le plus remué. Après tout, c'est toi qui est visé là-dedans.
- Je n'en suis pas sûr à 100 % mais c'est ce qu'il semblerait en effet.
- Comment ça pas sûr? s'enquit mon beau-frère.
- Va savoir ce qu'il y a dans la tête de mon ex! Il a un esprit tordu quand il veut avoir quelque chose, rétorquais-je en haussant les épaules.
Olivier et Lucane reviennent, laissant leur place à mes compagnons de tablée. Mon ange vient s'asseoir près de moi et va même jusqu'à déposer sa tête sur mon épaule. Ce geste si intime me réchauffe aussi sûrement qu'un baiser torride. Je me recule un peu et lui ouvre les bras. Il en profite pour venir se blottir contre moi, mort de fatigue.
- Tu veux que je te ramène? lui demandais-je.
- J'ai ma voiture mais c'est gentil de proposer. Tu crois qu'ils ont bientôt fini?
- J'imagine que tu vas pouvoir partir. Je vais aller me renseigner.
- Ne bougez pas tous les deux, intervint Lucane, je vais aller voir si vous pouvez vous en aller.
- Merci, t'es un vrai pote!
Il s'en va et interrompt l'inspecteur Miels. Ils discutent quelques minutes avant que notre ami ne revienne vers nous.
- Vous pouvez y aller, nous confirma-t-il. De toute façon, ils ont nos coordonnées dans le dossier s'ils ont besoin d'autre chose.
- Génial. Et toi, tu vas faire quoi? m'enquis-je.
- Je vais attendre les autres, nous expliqua-t-il, je n'ai pas trop envie de voir la maison vide.
- Désolé pour tout ça vieux...
- Je suis responsable aussi, soupira-t-il. J'aurais dû lui en parler mais il est trop tard pour revenir en arrière. Et d'un côté, ça me soulage un peu qu'elles aillent loin d'ici tant que ce n'est pas terminé. Au moins, elles seront en sécurité.
- Un mal pour un bien en somme...
- Exactement. Allez dormir, vous tenez à peine debout, me dit-il en regardant Oli qui n'a pas pipé mot depuis quelques minutes. Tenez-moi au courant et surtout soyez prudents.
- Même chose pour vous.
Je tire mon cœur par la main et nous sortons du café. Les débris ont été ramassés et la terrasse a retrouvé un semblant de normalité. Le ciel est dégagé nous laissant admirer les étoiles et la lune presque pleine. Si un fou ne venait pas de tenter de nous écraser, j'aurais pu trouver cette soirée agréable. Nous arrivons enfin à nos voitures mais je ne suis pas sûr que l'homme à mes côtés soit apte à conduire.
- Si tu venais dormir chez moi? On pourrait venir récupérer ta voiture demain, lui proposais-je.
- Excellente idée! Je ne me sens pas de prendre le volant, me répondit-il en baillant. Je vais prévenir Tonio pour qu'il ne s'inquiète pas.
Une fois assis dans mon véhicule, il sort son smartphone et tape rapidement un texto. Je pense fugacement à Antoine et tout son manège mais j'en ai marre de me cacher, surtout que ça ne change rien.
- Tu vois toujours Marc et Thomas? lui demandais-je histoire de nous changer les idées.
- Assez régulièrement! Je fais du sport avec Thom tous les samedis. Pourquoi?
- Oh comme ça, pour savoir. C'est bien de continuer avec eux.
- Ça me fait du bien d'être loin de toute cette histoire, m'expliqua-t-il. J'adore notre groupe mais j'ai de temps en temps besoin de voir d'autres têtes.
- C'est tout à fait normal! affirmais-je. Désolé de te mener la vie dure, ce n'est pas ce que je voulais.
- Arrête de t'excuser pour quelque chose dont tu n'es pas responsable, s'exclama-t-il. Nous savons tous que ce n'est pas ta faute.
Tandis que le silence retombe dans l'habitacle, la culpabilité me ronge. Même s'il essaie de me convaincre du contraire, c'est parce que je suis rentré dans leurs vies qu'ils en sont là aujourd'hui. Depuis que ça a commencé, je me creuse la cervelle pour trouver le pourquoi du comment mais je n'y arrive pas. Il me manque la pièce centrale du puzzle et tant que je ne l'aurai pas, je ne pourrai pas mettre cette affaire au clair. Pourtant j'ai l'impression que la solution est à ma portée ce qui est encore plus frustrant! Tout ça me fait involontairement penser à mon père. Cette envie de détruire et plus précisément de me détruire lui correspondrait plutôt bien. Après tout, c'est ce qu'il avait cherché à faire quand je vivais encore chez eux. Mais je ne vois vraiment pas ce qu'il aurait à voir là‑dedans après autant d'années. En plus, aux dernières nouvelles, il voulait s'excuser. Non, décidément, cette piste ne mènera à rien. Par contre, je vais aller le voir comme il le voulait. Je suis curieux de savoir ce qu'il me veut exactement.
Nous arrivons enfin à mon appartement. Il était temps parce que mon compagnon commençait à dormir sur place. Complètement exténués, nous prenons à peine le temps de nous déshabiller avant de filer sous les draps pour un repos bien mérité. L'avoir dans les bras me rassure et c'est le sourire aux lèvres que je rejoins les bras de Morphée.
La voiture fonce sur Olivier et Tonio. Je vois l'impossible se produire et je ne peux pas réagir. Mes pieds sont cloués au sol et aucun son ne sort de ma bouche. Je suis le spectateur involontaire de la mort de mon compagnon.
- Non! hurlais-je.
Une main se pose sur mon épaule et me secoue délicatement. Je ne comprends pas, ils ont disparu. Où sont-ils?
- Mon cœur? entendis-je.
C'est sa voix mais d'où vient-elle? Je me débats pour échapper à la pression des doigts que je sens sur mon corps mais elle se fait plus forte, comme si elle ne voulait pas me lâcher.
- Mon cœur, réveille-toi. C'est moi Oli.
Mais...
- Allez, reviens parmi nous mon ange. Ce n'était qu'un cauchemar.
Un cauchemar... j'ouvre les yeux pour en avoir la confirmation. Une douce lumière empli la pièce tandis que mon compagnon se trouve à mes côtés, visiblement paniqué.
- Vous étiez...
- Chut mon ange, me susurra-t-il en me prenant dans ses bras, c'est fini. Tout va bien, je te le promets.
Je ferme les paupières pour profiter de sa chaleur et me remettre dans la réalité.
- Vous allez bien, murmurais-je.
- Oui, tout le monde est sain et sauf.
Je souffle et m'installe au plus près de son corps. J'ai besoin de lui. Je ne veux pas le perdre, il est mon tout. Mais je dois régler tout le reste avant de pouvoir le lui avouer. Je veux bâtir ma vie avec lui, loin du danger qui rôde. Je ne laisserai personne lui faire du mal, peu importe les conséquences.
- Tu vas mieux? me demanda-t-il doucement.
Pour toute réponse, j'attrape son visage et colle mes lèvres aux siennes. Ma langue cherche bientôt sa compagne avec un sentiment d'urgence que je n'avais encore jamais ressenti. Je veux sentir sa peau contre la mienne, que nos corps s'imbriquent pour ne former plus qu'un. Je veux être à lui et que lui soit à moi. Je veux annihiler le moindre millimètre de distance qu'il y a entre nous. Les couvertures vont rejoindre le sol, la transpiration coule le long de nos muscles tandis que notre union prend une saveur d'infini. Pour les quelques heures qu'il nous reste en-dehors de la réalité, nous ne pensons qu'à nous, oubliant les menaces et les actes odieux dont nous avons été les victimes.
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Quelle est la fameuse pièce manquante? Et si Jack n'était pas la personne visée par toutes ces attaques? Mais alors qui?
Les revoir si proches me fait du bien pas vous? Jack a visiblement décidé d'aller voir son père... En parlant de paternel... qu'en est-il de celui d'Olivier?
Bon dimanche les enfants, profitez bien de ceux qui vous sont chers et n'hésitez jamais à dire que vous les aimez, peu importe s'ils ne vous répondent pas. On ne sait jamais de quoi demain sera fait ;-).
Bisouilles les crapouilles.
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