Agathe se demandait dans quelle merde elle s'était foutue. À passer la journée entre l'asiat de ses fesses, les pimbêches riches d'anthologie et les gros beaufs de service, elle aurait mieux fait de se faire un mot.

Sortir avec la classe au marché de Noël de Berlin, quelle idée ! Entre celles qui râlent parce qu'elles ont froid, celles et ceux qui courent comme des gogoles, Agathe avait préféré lorgner sur le jus de pomme chaud.

Après avoir reçu son jus de pomme miracle -après tout on fait ce qu'on veut avec son argent ; elle entendit des jappements de chien. Dans un coin du marché avait été installé un petit stand où se promenaient gentiment des huskies et des shibas inus, ces boules de poils adorables. Utilité 0, mais les gamins étaient heureux de faire un tour dans les tout petits traineaux que pouvaient tirer les chiots et les grands s'extasiaient devant les chiens à la robe de couleur sésame rouge.

«Tu peux aller les caresser si tu veux » indiqua une voix sortie de nulle part.

Agathe leva alors la tête vers l'homme qui venait de parler. Agé très certainement de la cinquantaine, il portait un long et chaud manteau de couleur kaki, ainsi qu'un bonnet noir très mal disposé sur sa grande tête. Malgré l'air froid qu'il pouvait dégager à vue d'œil, il adressait tout de même un petit rictus qui se voulait aimable à Agathe

« Je n'ai jamais approché de chiens, les seuls que je vois sont des chiens abandonnés, et ils me grognent dessus. Alors j'ai un peu peur.

-Ces chiens-là ont été abandonnés par leur maître tu sais. Je les ais recueillis pour la plupart dans les rues mal famés de Berlin. Au début, ils étaient tous méfiants, leurs regards étaient remplis de crainte de l'être humain. Mais les animaux sont comme les hommes, il faut les aider à surpasser leurs peurs et à aller de l'avant. C'est pour cela que je les amène sur les marchés, comme ceux de Noël par exemple. Là, ils reçoivent de l'amour de la part d'autres personnes que celui qui s'occupent d'eux. Essaye, tu verras. Ils ne sont pas méchants, juste épuisés par tout ce qu'ils ont vécus et indéfiniment tristes. Viens, je t'en présente un. Celle-ci s'appelle Kanda. Elle a été abandonnée à l'âge de 1 an, livrée à elle-même, puisque ses maitres n'étaient pas aptes à s'occuper d'elle. Caresse la, elle ne te fera rien, elle demande juste de l'amour ».

Agathe se baissa à la hauteur de la chienne qui avançait craintivement vers elle, alors qu'elle tenait toujours son jus de pomme dans la main. Sur les conseils de l'éleveur, elle tendit sa main vers le shiba inu, qui commença à lécher doucement le bout des doigts gelés de la jeune fille. Au fur et à mesure que le temps passait, la chienne arborait de plus en plus de confiance en Agathe, jusqu'à finir à sauter sur ses genoux pliés, glapissant joyeusement.

Alors qu'elle écoutait l'éleveur parler avec passion et ferveur de son refuge pour chiens, Agathe sentit du mouvement au niveau de son gobelet en plastique. La petite Kanda avait réussi à boire dans celui-ci sans que sa propriétaire ne s'en rende compte, provoquant son rire et celui de l'éleveur.

« Je ne voudrais briser ce joyeux moment, mais je crois bien que ta classe est prête à partir, indiqua l'homme aux chiens en montrant la classe d'Agathe qui s'était rangée sur la place principale du marché de Noël. Mais tu sais, si tu veux revoir les chiots, vient quand tu veux, je suis ici pour tout le mois de décembre ».

Foutu chienne de vie va.

Agathe remercia vivement et joyeusement l'éleveur pour ce moment magique, puis serra une dernière fois Kanda dans ses bras, pour finalement repartir tristement vers sa maudite classe. L'air déprimé, Agathe rentra chez elle, ayant la perspective d'ouvrir très rapidement la fenêtre du jour de son calendrier. La quatorzième image représentait une ferme, dans laquelle se tenaient un fermier et sa vache, enlevant le lait des pis de celle-ci. Très chouette journée dis donc !