pluto | 29
Jеииiе
- Tu es sûre que c'est ce que tu souhaites ?
Je levai faiblement les yeux vers mon paternel, dans son éternel costume noir tiré à quatre épingles. Il était debout à côté de moi, les mains le long du corps, peut-être qu'il était un peu nerveux, mais peu importait. Je fis un léger hochement de tête et signai au bas de la feuille, les doigts tremblants. Il prit le papier sans me regarder, avant de le mettre dans une enveloppe scellée et le fourra dans une chemise comportant plusieurs documents qu'il m'avait déjà lue et que je venais d'approuver. Je ne le quittais pas des yeux. Il m'avait manquée. Sa longue silhouette se laissa tomber sur la chaise près de mon lit, et s'en suit un long silence pas particulièrement pesant, seulement rythmé par les bips qui résonnaient inlassablement dans la pièce.
Papa était devant moi, et ce depuis une bonne heure. Après toutes ces années passées à ignorer les appels et les messages, il venait de réapparaître sous mes yeux fatigués, et peut-être pas pour le bonheur de Maman. Et au fond, ça me faisait mal de me dire que c'était la dernière fois que je le voyais.
- Pourquoi... tu n'as jamais répondu à mes appels ? chuchotai-je les sourcils froncés.
Son regard fuyant et infiniment triste passa une demie seconde sur mon visage blafard.
- Je...
Il hésitait. Au fond, je le comprenais.
- Depuis que tu es née, je sais que... que c'est de ma faute si tu es malade, alors comprends-moi... C'était trop dur de se dire que tu avais des chances de mourir avant moi.
Je pinçai mes lèvres entres elles.
- Ce n'est pas ta faute.
- Si, bien sûr que si. C'est moi qui suis malade, Jennie, et c'est de ma faute si tu en es atteinte toi aussi... Ta mère me l'avait bien assez fait comprendre.
J'avais toujours su que Maman reprochait quelque chose à mon père, mais je n'avais jamais compris que c'était par rapport à ça. Peut-être que j'avais refusé de comprendre, aussi. Elle lui en voulait pour quelque chose dont il n'était même pas coupable. C'était comme ça, c'est ballot comme on dit, mais la nature en avait décidé ainsi.
- Elle n'avait pas le droit de t'en vouloir pour ça.
- Je n'en sais rien, ma fille, dit-il d'une voix triste. En tout cas, tout ce que je sais, c'est que je ne pouvais plus te regarder en face, te voir grandir en passant des journées entières à l'hôpital alors que les autres s'amusaient dehors... C'était au dessus de mes forces. Parce que moi, j'avais eu la chance de connaître une enfance facile, plaisante, on ne m'avait pas encore détecté la maladie... Et pas toi... C'est pour ça que je suis parti. Pardonne-moi. Peut-être que j'aurais mieux fait d'être fort, d'ignorer les reproches de ta mère et de rester à tes côtés... Peut-être que tu avais besoin de moi...
Sa voix se brisa sur sa dernière phrase et il se prit la tête dans les mains. Et moi qui pensait que tout ne tournait qu'autour de l'argent chez les Kim. Que les billets étaient la cause de tous nos malheurs, mais faisaient également notre bonheur, mon bonheur. Quelle utopie. En fond d'histoire, la maladie, elle, nous observait et frappait aux moments propices. Je fermai les yeux.
- Bien sûr que j'avais besoin de toi, papa. Mais je ne t'en veux pas.
Il releva lentement la tête, il pleurait. Ça me brisa le cœur car j'en avais encore un. Je tendis lentement la main vers lui et nos doigts se croisèrent pour ne plus se lâcher pendant de longues minutes. Ma tête tournait un peu. Cette énième « crise » allait m'être fatale. Tant pis.
- Jennie... Je ne veux pas que notre dernière rencontre ne se résume seulement qu'à des signatures sur des documents officiels... Ma fille, je suis certain que tu peux tenir un peu plus longtemps...
« Je ne veux pas te voir partir avant moi », j'avais compris. Je lui serrai un peu plus fort la main, pour le rassurer. Sûrement.
- Peu importe, papa. J'ai fais une bonne action, au moins pour une fois dans ma vie.
Il hocha la tête, avant de pleurer davantage. Son portable sonna, et son faciès changea un peu d'expression.
- Allo ?... Oui, S... Minhae... D'accord, j'arrive.
C'était Maman. Elle était passée me voir un peu plus tôt dans la journée. En pleurs elle aussi.
- Ta mère m'attend en bas... Je devrais aller lui parler...
- Elle s'en veut elle aussi, finis-je par dire. Pardonne-la, elle avait peur.
Il hocha simplement la tête et la porte de la chambre s'ouvrit, sur Taehyung, Seokjin et les deux policiers qui les avaient emmené. Mon cœur s'accéléra et on l'entendit dans les bipements des machines. Mon père se leva et s'énerva.
- Si vous apportez de mauvaises nouvelles, sortez de la chambre de ma fille, vous lui faites du mal !
Le policier calma le jeu.
- Monsieur Kim, ne vous inquiétez pas. Nous avons eu une entrevue avec ces deux jeunes hommes et Mr. Kim Taehyung bénéficiera d'un avocat performant pour l'enquête ouverte. Cependant, il n'y aucun risque qu'il soit jugé coupable de meurtre sur la personne de Min Yoongi, puisque les vidéos de surveillance prouvent bien le contraire. L'affaire est gagnée d'avance pour lui.
Mon regard croisa celui de Taehyung, et un fin sourire étira nos lèvres au même moment.
- J'enverrai personnellement un de mes avocats pour ce jeune homme. Ceux de l'Etat ne m'inspirent pas confiance.
Taehyung écarquilla les yeux. Quelle drôle de rencontre pour eux deux.
- C'est tout à votre honneur, Mr. Kim.
Le flic lui léchait bien le cul car mon père était puissant. Taehyung s'abaissa en même temps que Seokjin et ils le remercièrent. Mon père posa sa main sur l'épaule de Taehyung et lui glissa quelque chose que je n'entendis pas. Un sourire fendit leurs faciès et ils se serrèrent la main. Mon père m'adressa un signe de main, et disparut avec Seokjin et les deux policiers. La proximité n'avait jamais été notre point fort.
La chambre retrouva son calme, alors que Taehyung s'avançait doucement vers moi. Avec précaution, il s'assit sur le lit à ma gauche et enveloppa ma main dans une étreinte tiède et rassurante.
- Tu vas mieux ? osai-je demander.
Il regardait par la fenêtre qui renvoyait un ciel gris, couvert de nuages bas.
- Il est encore trop tôt pour le dire. Je suppose que Seokjin et Jimin seront là pour me rassurer. Et puis, je t'ai toi.
Son fameux sourire rectangulaire refit surface quand son visage soudain un peu plus malicieux s'approcha du mien. Ses doigts pincèrent gentiment mes joues et j'esquissai un sourire. Un vrai. Un sincère. Rien que pour lui.
- Ton père est un homme drôlement impressionnant. On s'était déjà croisés dans le hall.
Je ne su quoi répondre car j'étais comme envoûtée par sa beauté. Ses mèches argentées, un peu trop longues sur le dessus, retombaient sur ses yeux chocolats, et j'aurai tout donné pour qu'il me fasse l'amour, à ce moment-là, dans cette putain de chambre d'hôpital.
- Taehyung ?
- Hum ?
Son air rêveur s'arrêta sur mon visage, et mes lèvres sèches s'entrouvrirent.
- Sers-moi dans tes bras.
Jamais je ne lui avais demandé une telle chose. C'était lui le plus affectueux de nous deux, alors il prenait toujours les devants. Ma demande le laissa un peu perplexe, mais quelques secondes plus tard, ses bras entourèrent mon corps, en prenant bien soin de ne toucher aucun fil et de ne pas me faire mal, et mon visage atterrit dans son cou. Bordel, ce truc sur ma bouche me gênait. Excédée, je me reculai et l'envoyai bouler, sous les gros yeux paniqués de mon petit-ami.
- Nom de Dieu, Jennie remets-ça immédiat...
J'enfouis mon visage au creux de sa peau et fermai les yeux.
Quel beau souvenir à emporter en Enfers.
Mes bras encerclèrent son dos et sa nuque, alors que mes doigts traçaient déjà leur chemin dans ses cheveux fins, et je respirai autant que je pouvais sa délicieuse odeur. Cette odeur qui me rappelait son saxophone, la vieille scène de Singularity, son regard envoûtant et ses doigts se déplaçant agilement sur l'instrument. Oh mon Dieu, j'avais envie de tout recommence à cet instant précis. L'amour, les mélodies, les regards et les baisers. Tout, tout, tout.
- Jennie, je t'en prie remets ça.
Sa voix rauque me passait au dessus de la tête, j'étais juste bien contre lui, dans son étreinte chaude et protectrice.
- Je t'aime.
Il hésita, puis finalement, ses lèvres se posèrent délicatement dans mon cou, me laissant ressentir un million de frissons. Nos lèvres se rencontrèrent, et le baiser fut le plus beau de notre histoire, oh oui, je vous le promets.
- Amour, fit-il avec un petit sourire d'enfant, amour, mon amour...
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