pluto | 27
Таенуuиg
Yoongi: pointe-toi à la gare à 17h.
Tout était foutu, c'était certain. Déjà deux heures que j'avais reçu ce stupide message sur mon vieux portable que Seokjin m'avait forcé à acheter en cas de besoin. Si c'était pour recevoir des menaces de mort, ce n'était vraiment pas la peine. Ces simples mots n'auraient pas effrayé un autre homme, sauf que je connaissais Yoongi plus que quiconque, et je savais parfaitement comment ça allait se finir. Devais-je y aller ? J'hésitais. Pourtant, il fallait impérativement qu'on parle, que je lui dise bien qu'il pouvait s'accrocher, il n'aurait pas ce qu'il voulait. Pour une fois, il allait devoir m'écouter.
Je n'avais rien dit à Jennie, bien évidemment. C'était la première fois que je la voyais rire autant avec Jimin autour d'un Monopoly. Personne ne voulait jouer avec lui parce qu'il était un mauvais perdant qui foutait le plateau en l'air dès que la partie ne tournait plus à son avantage. Pourtant, ce jour-là il se retint, sûrement car Jennie était devant lui et que Seokjin lui lançait de longs regards pleins de sous-entendus depuis le fauteuil où il lisait un vieux livre ayant appartenu à sa grand-mère. Il pleuvait dehors, c'était un jour horrible, moche, alors on avait décidé de tous rester au chaud, à jouer à des jeux de sociétés. Jimin avait retrouvé un job de serveur et Seokjin avait à contre-coeur, accepté le chèque de Jennie pour rénover le Singularity.
- Comment veux-tu que je te paie ce loyer alors que je suis fauché ?! s'exclama Jimin après avoir poussé son pion sur une case que Jennie possédait.
J'aurais voulu sourire face à la mine déconfite qu'il abordait, mais j'en étais incapable. Les mots et le visage en sang de Yoongi repassaient toujours en boucle dans mon esprit. Je n'avais plus touché mon tout nouveau saxophone depuis toute une semaine. Et pourtant, Dieu savait à quel point je l'aimais, puisqu'il s'agissait du cadeau de Noël de Jennie. Miss Jennie, l'amour de ma pauvre vie. Quelle vie...
- Toi, fauché ? rit Jennie en arquant un sourcil. Tu as plus d'argent que moi je te rappelle !
Jimin bougonna et donna à contre coeur ses billets, au plus grand sourire de ma petite-amie. Elle était tout simplement magnifique. Vraiment. Après tout, je comprenais désormais pourquoi elle avait du succès sur ces réseaux sociaux. Elle était belle dans n'importes quelles circonstances, c'était un plaisir pour les yeux. Seokjin attira mon attention en penchant exagérément la tête dans mon champ de vision. Ses sourcils froncés, il m'adressa un signe de tête pour me demander ce qu'il m'arrivait. Je haussai les épaules et balayai sa question silencieuse d'un geste de menton. Personne ne devait savoir. Un bref regard sur l'horloge murale m'indiqua que dix-sept heures arrivait à grands pas. Je devais partir sur le champ pour être à l'heure.
Je partis chercher ma veste noire et me regardai quelques secondes dans la seule glace de l'appartement. Qu'est-ce que je voyais ? Une sale gueule, un type tremblant de peur, mais un gars qui n'avait pas le choix. Je soupirai un grand coup en enfouissant mes poings serrés dans mes poches. À quoi ressemblait la vie avant Jennie ? Je n'en avais plus la moindre idée. Toutes mes nuits à composer seul dans mon apart' miteux, je les passais désormais à écrire de douces mélodies en écoutant sa calme respiration contre mon cœur. C'était un endroit chaud et rassurant, je ne connaissais plus la solitude et le froid d'une chambre vide. Alors si je voulais vivre heureux avec elle le plus longtemps possible, il fallait que j'affronte mes pires démons une bonne fois pour toute. Que je replonge dans le passé, dans le sang et la peur, avec Yoongi. Mes prunelles foncées ne laissaient rien passer dans le reflet.
Je sortis de la chambre et les trois regards se posèrent sur ma silhouette parée à sortir dehors.
- Tae' ? fit Jimin en fronçant les sourcils. Tu pars où avec ce temps ? Tu veux choper la crève ou quoi ?
- Je dois aller voir un type qui recherche un pianiste pour jouer quelques soirs dans son bar.
- Sérieux ? Pourquoi tu ne nous en as pas parlé ? demanda Jimin toujours trop curieux.
- Hum... Surprise ? J'ai cherché dans votre dos pour vous faire la surprise, souris-je.
Ça eut l'air de marcher et ils me laissèrent partir. À l'intérieur de mon âme, je m'accrochais à Jennie comme si ma vie en dépendait, et c'était peut-être le cas. En surface, je liai ma main avec la sienne et déposai lentement mes lèvres sur les siennes douces comme du miel. Elle me sourit en me souhaitant bonne chance, et je partis. Dans les escaliers, le visage suspicieux de Seokjin me revint en mémoire et pile à ce moment-là, je l'entendis prononcer mon prénom. Il se tenait debout depuis notre pallier, alors que j'étais déjà descendu un étage plus bas.
- Au moindre problème, tu m'appelles.
Je ne répondis rien mais le regardais simplement quelques longues secondes. C'était lui mon seul ami. Je hochai finalement la tête et poursuivis mon chemin. Il avait déjà tout compris et mon cœur se serra en même temps que ma main serrait mon portable dans ma poche.
La gare était abandonnée, c'était celle du Nord. Je savais que c'était celle-là car il y avait à peu près la même dans notre petit village et on adorait se retrouver là-bas pour refaire le monde à coup de cigarettes et de débats sans intérêts. Mon cœur s'accéléra quand je le vis attendre tout en haut d'un immeuble, sur le toit donnant sûrement sur une grande partie de la ville. À contre-coeur, je montai les escaliers, mais un réflexe me poussa soudain à appeler Seokjin. Il répondit dans la seconde.
- Taehyung ?
Sa voix calme trahissait pourtant son inquiétude.
- Je vais bien, soufflai-je en m'appuyant contre le mur délabré. Juste...
Pourquoi je l'appelais en fait ? Je me mordis la lèvre alors que j'essayais de faire le vide dans mon esprit.
- Il m'attend. Je ne sais pas s'il sera armé ni rien, mais...
Je jetai un coup d'œil à ma montre.
- Jin', si je ne suis pas revenu dans une heure, viens à la gare.
Il y eut un silence.
- D'accord. Sois prudent.
Je hochai la tête comme s'il pouvait me voir et raccrochai. Le vent soufflait assez fort là-haut et mes chaussures claquaient dans les flaques laissées par le récent orage. Yoongi était appuyé contre la vieille rambarde et regardait la vue. Je m'appuyai à côté de lui, sans un mot. On resta comme ça, cheveux au vent, un bon moment.
- C'est plutôt marrant qu'on se retrouve là, tous les deux, fit-il alors en frottant ses mains entres elles.
Je déglutis difficilement. Un long silence suivit, je me contentais de contempler la vue qu'offrait ce bâtiment sur Séoul.
- Qu'est-ce que je devrais faire, Tae' ?
La voix rauque du rappeur m'indiquait qu'il n'était pas dans son état normal. La drogue et l'alcool étaient passés par là. Pour mon plus grand malheur.
- Fais ce que tu veux, ça ne m'intéresse pas.
- Et après tout ça tu oses te foutre de la situation ? ricana méchamment Yoongi. Je te savais con, mais pas à ce point.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Oui, j'ai couché avec ta copine, et plus d'une fois. Je ne suis pas désolé pour ça, je sais que tu détestes entendre ça de toute façon. Je ne suis pas désolé parce que je suis amoureux d'elle et ce n'est pas de ma faute, de la sienne non plus.
- Et c'est de la mienne peut-être ? Je vous hais l'un comme l'autre mais elle reste introuvable, alors je vais devoir m'en prendre à toi.
Nos regards se croisèrent pour la première fois mais le sien n'était plus vraiment là, il planait à dix mille. Et il était encore plus dangereux. Donc il voulait s'en prendre à Jennie ? Ce type était malade mentalement parlant et ça, je le savais depuis notre enfance. Une sorte de sale goût amer sur la langue quand nos regards se croisaient.
- Tu vas le regretter Yoongi, dis-je calmement. T'es pas méchant et on le sait tous les deux. T'as pas envie de faire du mal à Jennie.
- Non, t'as raison. Je vais pas lui faire du mal. J'vais vous tuer tous les deux d'un coup, vous n'aurez pas mal. Estimez-vous chanceux, ça ira vite.
Il se recula un peu et je le suivis des yeux. Son arme brillait, dépassant de la poche de son jean. J'affrontai son regard sans broncher.
- Si tu tires, tu vas te suicider juste après.
Il éclata de rire. Un rire glaçant et maladif.
- T'inverses les rôles, connard. C'est toi le dépressif, pas moi. C'est toi qui n'a pas une tune, toi qui galère à survivre et qui ne connaîtra jamais le succès. C'est toi qui a voulu te suicider Taehyung, pas moi.
Mes dents se serrèrent. Mes poings aussi. Il allait trop loin.
- Comment tu...
Il me coupa en rigolant fortement, tendant les bras au ciel.
- Tu vois ce monde ? Un peu d'argent et il t'appartient, il s'abaisse à tes pieds et te sert tout ce qui t'intéresse sur un plateau en or. Je sais que t'as voulu en finir en arrivant ici et que ce type là, le grand blond, t'as sauvé. Putain, j'ai oublié son nom... Oh peu importe.
Il m'effrayait de plus en plus. Ses doigts jouaient avec son revolver alors que je reculais, comme contrôlé par la peur. Ouais, parce que je restais un humain après tout. Il sortit l'arme d'un geste habile, habitué. Mes lèvres restaient scellées entre elles.
- Tu ne dis rien ? Putain, c'est vrai que t'étais vraiment un gamin étonnant. T'as pas changé.
- Que veux-tu que je dise ? On savait tous les deux que ce moment allait arriver. Ça ne t'as pas suffit de buter ton père, tu vas aussi en finir avec le seul gamin assez con pour te suivre dans tout ce que tu faisais alors que tout le monde te fuyait déjà à l'époque ? ricanai-je amèrement, l'histoire devait sortir. Et après m'avoir tué, t'iras trouver Seokjin, Jimin et puis même Jennie tiens, et tu les butteras aussi ? Il te restera quoi après à part les remords ? Le néant, Yoongi. Tu es fais de néant.
Il m'observait sans rien dire. Sa main tremblait.
- Un néant maladif, continuai-je les dents serrées sous l'immense colère qui montait. Le pire c'est que tu es doué pour tout un tas de choses mais que tu gaspilles tout ton talent dans la beuverie. T'es vraiment qu'un sale con. T'avais tout pour être heureux et c'est toi qui as tout foutu en l'air.
- Tu te fous de moi ? Tu m'as volé ma copine, t'as déjà oublié Taehyung ?
- Et pourquoi elle est venue en pleurs ce soir-là ?! Parce qu'elle venait d'apprendre que tu la trompais ! C'est toi le fautif, elle était vraiment amoureuse de toi, et t'as tout foiré comme un abruti ! Alors tu ne peux pas lui en vouloir d'avoir voulu trouver un peu d'amour après ça.
On tremblait tous les deux. Il faisait trop froid sur ce putain de toit.
- Alors maintenant, tue-moi.
Rien ne se passa.
- Tue-moi.
Toujours rien. Nos regards se battaient entre eux.
- Tue-moi bordel Min Yoongi ! Et va tuer les autres après ! Fais-le, appuie sur la gâchette !
Je hurlai tellement que je ne m'entendais même plus parler. Mes oreilles sifflaient, et des larmes de rages roulaient sur mes joues rougies par le froid et la colère. Je lui répétais de me tuer, mais il était tellement cruel qu'il me laissait hurler dans le vide.
Et puis soudain, le coup de feu.
Il tomba par terre dans un bruit sourd.
Sa tête rebondit contre le sol trempé et l'arme fut propulsée quelques mètres plus loin, alors que sa main tombait elle aussi, contre le goudron. Je restais comme paralysé. Le sang commença à s'écouler le long de son menton et par son oreille gauche, alors que le trou béant dans sa gorge saignait abondamment. Il resta immobile quelques longues secondes jusqu'à ce que je ne me rende enfin compte qu'il était mort.
Min Yoongi s'était tué, devant moi. Et les derniers mots qu'il avait entendu étaient mes hurlements, haineux et désespérés, lui répétant de me tuer et qu'il allait tuer les autres, ceux qui comptaient pour moi. Il était parti avec en fond sonore ma voix lui répétant qu'il était un monstre.
Les minutes défilèrent, plus rien ne bougeait. Même les arbres semblaient s'être arrêtés.
J'avais tué Min Yoongi.
Mon téléphone sonna et je le pris les doigts tremblants. Seokjin me hurla presque dans l'oreille mais je comprenais un mot sur deux. Mon cœur loupa plusieurs battements à l'entente de ses mots.
- Taehyung ! Reviens immédiatement, c'est urgent ! Jennie est à l'hôpital, elle a fait une crise épouvantable ! Putain de merde, ça a l'air grave... Et toi ?! Tu vas bien ?! Tu veux que je vienne te chercher ?!
Il parlait vite mais mes yeux se fermèrent tous seuls.
- Par pitié, soufflai-je, je t'en prie viens... viens me chercher...
Ma voix se brisa sur mes derniers mots et je sombrais dans les sanglots.
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