pluto | 02
Jеииiе
Il était déjà vingt-deux heures quand Yoongi se pointa dans le séjour, après notre dîner.
- Tu vas où ? demandai-je passivement au brun qui enfilait l'une de ses nombreuses vestes en cuir noire.
Mes yeux fixaient mon portable qui affichait la page d'accueil d'Instagram, et j'entendis vaguement la réponse de mon copain.
- En studio.
- T'enregistres quoi en ce moment ?
- Killer avec Jay. La troisième partie de Cypher, t'sais, pour mon prochain album.
Je hochai simplement la tête et la porte d'entrée de l'immense villa claqua, me laissant seule avec mon monde virtuel. Je vérifiais les graphiques des visites sur mon profil en entendant le moteur de la grosse voiture de sport de Yoongi gronder dans le garage. Les pneus crissèrent et il quitta la résidence déjà plus vite qu'il ne le fallait. J'étais habituée, apparemment il adorait toutes les sensations fortes, surtout en voiture, une vieille habitude que lui avait laissé son défunt père. Les visites étaient plutôt en hausse par rapport au mois dernier. Mes huit millions cinq cent mille followers augmentaient sûrement, et ça m'arracha un petit sourire de satisfaction. Mais il manquait quelque chose désormais. Le petit signe bleu à côté de mon nom. Comme Yoongi. Je basculai sur son compte et ses quarante millions d'abonnés. Mes dents se serrèrent. J'en voulais plus. Le dernier cliché qu'il avait posté daté déjà de quelques semaines, c'était une photo de lui de dos que j'avais prise lors d'une promenade nocturne dans un parc à Los Angeles. Il ne postait presque jamais de légende et ne répondait pas à ses fans, sauf à quelques commentaires laissés par des amis, mais les gens continuaient de le suivre. Je ne comprenais pas. Je postai tous les deux jours et je likais le plus de commentaires possibles pour faire augmenter ma popularité, ça ne marchait pas vraiment. J'en voulais plus, toujours plus. C'était un cercle vicieux mais j'y fonçai tête baissée, ne voyant que la popularité au bout.
Mon téléphone sonna entre mes mains, me faisant oublier mes rêveries le temps d'un instant. Ma mère, génial. Je levai les yeux au ciel en décrochant après quelques sonneries, pour ne pas lui faire penser que j'étais pendue à ses lèvres.
- Ouais maman ?
- Déjà comment tu me parles ? Ce n'est pas une manière de saluer sa mère.
Je soupirai le plus doucement possible, pour que madame n'entende rien.
- Bonsoir maman, tu vas bien ? fis-je en prenant ma voix de petite fille modèle.
Elle parut satisfaite de la comédie.
- Très bien. Je viens de recevoir une demande de partenariat, ils offrent gros.
- Je croyais que j'avais clairement dit que je voulais que ce genre de mails me parvienne en priorité plutôt qu'à toi ?
Un blanc s'en suivit, elle me soûlait déjà.
- Je suis ta manager, au cas où tu l'aurais oublier. Ses informations importantes sont prioritaires dans mon sens. Tu es juste l'image je te rappelle, c'est moi qui m'occupe de l'argent et des contrats.
Je ne répondis rien, attendant qu'elle ai fini.
- D'ailleurs tu n'as rien posté depuis avant-hier soir. Dépêche-toi de te refaire une beauté et poste-moi une belle photo. Oh non, mieux, poste-en une de Yoongi et toi ou seulement lui, les likes partiront plus vite.
- Okay, dis-je simplement.
- Sois prête à huit heures demain matin. Je passe te chercher pour aller à ce rendez-vous de partenariat.
- Je peux au moins savoir de quelle marque il s'agit ?
- Étude House il me semble.
- Mais c'est nul !
- Tu t'attendais à quoi, petite sotte ? Tu n'es pas Kim Kadarshian, donc oublie Gucci et Chanel.
Elle raccrocha sans me laisser le temps de répliquer. Mon IPhone X me resta un moment entre les mains, alors que je demeurais immobile sur le grand sofa en cuir noir. Agacée, je décidai de sortir un peu. De toute façon, je connaissais parfaitement Yoongi, il allait passer la nuit en studio avec ses potes à picoler et à fumer, peut-être à composer et enregistrer un peu aussi. J'enfilai un long manteau gris chiné ainsi que des Ray Bans et refermai la porte derrière moi. Mes bottines à talons me conduisirent jusqu'au centre ville, où des fêtes semblaient battre leur plein dans chaque bar d'Hongdae. Les gens riaient et se bousculaient, pris dans l'ivresse de la joie et l'euphorie de l'alcool, courant toujours plus vite par bande de jeunes cherchant une issue à la vie. Je les observai un petit moment, immobile sur un trottoir.
J'aurai aimé me joindre à eux et courir moi aussi, mais j'étais bien seule et c'était mon principal atout. Je pensai en éclair à Rosé, Jisoo et Lisa. Elles étaient toutes occupées et à part des commentaires mielleux sous les posts Instagram, je ne leur parlais presque jamais. Rosé était devenue une grande mannequin assez réputé dans le pays, du fait de sa grande taille et son visage doux. Jisoo faisait des choses dans la mode, elle travaillait avec des couturiers très connus à l'international et faisais défiler ses créations, quelque fois sur Rosé d'ailleurs. Quant à Lisa, elle enseignait à 1 Million, et ses cours étaient toujours en capacité maximale, bref, elles avaient toutes atteint le succès d'une manière ou d'une autre, en plus d'être considérées comme des ulzzangs exceptionnelles.
Elles avaient toutes le petit logo bleu à côté de leur prénom. Et ça me foutait la rage. Excédée par mes propres pensées, je décidai de bouger de mon trottoir miteux pour m'éloigner de tout ce bruit en centre-ville. Je marchais de longues minutes, observant les alentours qui devenaient progressivement plus calmes. Un air attira mon attention, et me conduisit naturellement dans une petite rue éclairée par des lanternes de couleurs. La nuit noire d'hiver faisait ressortir dans son manteau les loupiotes accrochées à des fils près des murs qui menaient à une entrée.
« Singularity ».
L'écriteau lumineux qui désignaient le nom du bar était suspendu en haut de la porte vernie. C'était visiblement un bar classé dans le type jazz, je détestais ça, clairement. Sauf que cette jolie mélodie apparemment jouée par un saxophone attirait inexorablement mon attention et me forçait à l'écouter. Intriguée, je passai le pas de la porte pour découvrir des escaliers un peu délabrés, éclairés par le même système de lanternes qu'à l'extérieur, qui descendaient à un espèce de sous-sol. Je descendis prudemment les marches, pour arriver dans un bar lounge aux teintes tamisées. De petits fauteuils en velour rouge étaient positionnés un peu partout dans la salle, ainsi que des tables basses en verre. Le bar longeait l'un des murs et plusieurs hommes y étaient accoudés, les visages tournés vers la scène, dans le fond.
Je m'approchai lentement, ne pouvant détacher mes yeux de cette fameuse scène. Un jeune homme aux cheveux rouge carmin se tenait debout, dans une chemise noire légèrement déboutonnée et aux manches retroussées, et mettait toute son âme dans un saxophone abîmé par le temps.
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