ᴺᴼᵂ ᴼᴺ ᵀᴴᴱ ᴿᴬᴰᴵᴼ: ᴹᴱ ᴸᴵᴷᴱ ʸᵁᴴ; ᴶᴬʸ ᴾᴬᴿᴷ

Parfois, j'ai l'impression de ne pas être.
Quand je me regarde dans le miroir, il y a quelques secondes où je me demande qui se trouve devant moi, avant de comprendre que, depuis le début de l'univers et jusqu'à la fin des temps, c'est bien moi.

J'ai cette sensation en me regardant dans le miroir des toilettes femmes de l'Oasis. Je stoppe mon geste vain de remettre du rouge à lèvres, elles sont déjà assez rouges en soi, mais je ne sais pas, c'est comme une sécurité supplémentaire. Je reste immobile, les lèvres closes et le tube en l'air. C'est dur de se regarder dans les yeux. Je veux dire, pour de vrai. Se voir vraiment, se rendre compte que l'on est vraiment là. Pas juste un autre corps, pas juste nous. Non, moi, vraiment moi. Moi et personne d'autre. La musique trop forte me vrille le cerveau. J'en oublie que je suis venue là pour oublier. Oublier la voix tremblante de papa qui m'annonce la nouvelle au téléphone. Oublier moi, qui fait comme si de rien n'était, mais qui se met à se briser de l'intérieur.

— Thaïs ? Tu es là ma belle ! s'écrie Seulgi toute sourire.

Elle se jette à côté de moi, n'hésite pas à se remettre du rouge à lèvres, la musique se fait plus forte parce qu'elle n'a pas refermé la porte derrière elle. Je pince mes lèvres entre elles. J'ai trop chargé sur le maquillage des yeux, en fait je crois avoir envie de me démaquiller, mais l'envie me passe quelques secondes plus tard, c'est toujours comme ça avec moi. Rien ne dure.

— Tu es bourrée ? Tu fais une drôle de tête, sourit ma meilleure amie en se tournant vers moi.

Deux nanas entrent en trombe et l'une d'elle se rue vers les toilettes pour vomir. Je fixe Seulgi dans le blanc des yeux, et, je lâche la bombe.

— Seul', ma mère est morte.

La brune met un certain temps à se remettre de mes paroles. La vérité est que je ne sais même pas pourquoi j'ai osé avouer ça, maintenant. D'habitude, j'arrive à garder un secret plus longtemps.

— Qu'est-ce que tu viens de dire ?

Je hausse les épaules et répète ma phrase. Seulgi se perd, ça se voit, elle entrouvre les lèvres et les referme trois fois de suite, le regard dans le vide.

— C... comment ? Quand ?

— Papa me l'a dit tout à l'heure, quand je suis rentrée du lycée. C'est mon grand-père qui l'a prévenu et il a téléphoné à ma tante dans la foulée. Apparemment elle a fait une crise cardiaque. Papa prévoit de partir de Séoul demain pour aller à l'enterrement, à Paros.

— Nom de Dieu, Thaïs...

Je ne sais pas pourquoi, sûrement parce qu'elle ne sait plus quoi dire, mais elle me serre dans ses bras. La vérité est que j'aimerai beaucoup pleurer, en fait. Serrer ma meilleure amie dans mes bras et lui avouer que j'ai le coeur en miette là, maintenant, tout de suite. Mais rien ne sort. Je n'avais jamais prévu cette possibilité à chaque simulation mentale de ce genre de situations. Dans chacune d'elles, je m'effondrais. Je ne restais en aucun cas de marbre.

— Tu... tu veux qu'on s'en aille ? Viens dormir à la maison ?...

Je fais non de la tête.

— Continuons de danser avec les autres.

— Tu es sûre que...

— J'ai besoin de voir Baekhyun.

L'excuse semble être d'une importance capitale, d'une évidence pure. Seulgi prend ma main dans la sienne et me traîne à sa suite, à travers le dédale de corps ivres qui tanguent en rythme de Jay Park. Inutile de préciser que la brune cherche Baekhyun pour moi, je me contente de la suivre, de marcher dans ses pas, d'attendre que mon ange vienne me retrouver. Ange déchu, similaire à mon pire démon quand j'y pense.

— Je ne crois pas qu'elle aille bien... sa mère... morte... cardiaque... tout à l'heure... occupe-toi... elle ne veut que toi... je sais... soin d'elle... je t'en prie...

Je ne fournis plus d'efforts, fatiguée de déchiffrer ce que peut bien raconter Seulgi, la musique est trop forte. Montez le son, plus fort, plus fort... je veux que la musique cloue mon corps sur place et m'empêche de me rappeler de mon propre prénom. On attrape lentement mon poignet, ma tête tombe lourdement contre le torse de quelqu'un.

— Thaïs... repose-toi sur moi.

Si seulement je le pouvais réellement. J'y pense quand Baekhyun me serre dans ses bras, ses lèvres près de mon oreille. La question qui ne cesse de tourner dans mon esprit me dévore le cerveau. Que vais-je faire maintenant ? J'aimerai que la réponse soit tragique, vraiment, vous savez. Que ça ressemble à l'une de ses séries, où le personnage principal se déchire de l'intérieur pour l'amour du grand public. Sauf que je ne suis pas une héroïne, et personne n'attend la suite de mes aventures. Le vide est juste là, en toutes circonstances, et la seule flamme qui pourrait briller dans ma nuit ne fait que vaciller, Baekhyun ne fait que partir et revenir, je ne peux même pas me reposer sur lui, au final. Il est trop instable.

— Regarde-moi.

Il prend mon visage dans ses mains, le métal froid de ses bagues me fait du bien sur ma peau brûlante. Nos regards s'attachent. Je suis si faible nom de Dieu, et il est si beau... J'aimerai résister, mais c'est trop dur.

Je l'embrasse.

Il y a quelques secondes où il reste de marbre, je sais qu'il va craquer, je le connais pas coeur, un, deux, tu vas craquer, trois, quatre, il approfondit le baiser. J'ai gagné. Ses lèvres contre les miennes, je pourrai dépeindre le tableau avec dix mille mots, mais rien ne me vient à l'esprit, le vide est toujours là, plus fort que jamais, mais étrangement, je le supporte mieux quand son corps est contre le mien.

La vérité est que je suis éperdument amoureuse de Byun Baekhyun, la vérité est que j'en suis si amoureuse que ça en devient mauvais. Pour moi, pour lui. Mais impossible e renoncer à tout ça. Nous nous séparons, à bout de souffle, le club ne s'est pas arrêté de vivre, il nous consume de l'intérieur.

— Tout ira bien, souffle Baekhyun en prenant mon poignet.

— Amène-moi loin d'ici, je réponds, le regard dans le vague.

Il comprend, c'est si évident putain, il m'entraîne à sa suite parmi les corps qui s'entrechoquent sur ce son de Jay Park, je pense tout à coup, quand je vois ses mèches voler autour de lui et sa chemise rouge, que je pourrai le suivre jusqu'au bout du monde. Seulgi nous coupe dans notre périple.

— Putain, vous faites chier. Je te demande de prendre soin d'elle et quoi, là tu vas coucher avec elle ? Bordel, Baekhyun.

Je ne comprends pas ses plaintes, Baekhyun non plus, nous arrivons enfin dehors, l'air est frais et reposant, la plage est à deux pas, nous courrons en riant dans le sable. Il m'attire contre lui, nos cœurs battent irrégulièrement, la mer à nos pieds est calme, reposée. Il fait si chaud que nous entrons dedans sans même y penser, mes jambes autour de sa taille et ses bras dans mon dos.

— Je ne t'appartiens pas, tu le sais ça, n'est-ce pas ? fait-il entre deux baisers dans le creux de mon épaule.

J'ai du mal à respirer tellement mon cœur se comprime dans ma poitrine, il me rend dingue, il me fait tout oublier, Baekhyun est une drogue, bordel...

— Je ne suis pas non plus à toi, je réponds sans le regarder, ma main perdue dans ses cheveux humides.

— Jamais tu ne me quitteras, hein ?

C'est finalement lui qui saisit délicatement mon visage entre ses mains et attire mon regard dans le sien. Une drogue.

— Si je pars, tu me suivras, je chuchote contre ses lèvres.

Et, parce que j'ai raison et qu'il en a conscience, les mots se taisent et les baisers prennent le relai.