3. Un peu de stress c'est tout.
Je contrôle mon envie de claquer la porte de la salle de bain derrière moi mais je jette avec énervement mon tee-shirt sur un meuble et, rapidement, penché en avant, m'éclabousse le visage espérant que mes idées confuses disparaissent avec l'eau qui dégouline sur ma peau. Ça fait plus d'un mois maintenant que je suis sur les nerfs. Oscillant sans cesse du plaisir de le voir, de lui parler à la peur.
Mes mains aggripent le lavabo et je contemple d'un air furieux le type qui me fixe dans le miroir, l'air crevé. Le brun aux yeux verts qui me fait face a le front plissé de colère mêlée d'une bonne dose d'incompréhension.
Mon visage me paraît étranger. Aussi étranger que les trucs que je ressens depuis un mois.
— Derek, c'est quoi cette merde ? Tu nous joues quoi là ?
Les grands yeux verts m'interrogent. La fureur a maintenant disparu. Remplacée par une interrogation proche de la panique.
Je ne sais pas comment tout ça a commencé mais mon regard sur mon meilleur pote, celui qui m'a aidé à reprendre le dessus après mon divorce, celui qui m'a permis de trouver cet appart et un nouveau job passionnant et cool dans sa boîte de pub, a changé. Et je ne comprends pas ce qui m'arrive.
Je ne suis pas homo. Je ne l'ai jamais été. Mais... J'aime quand il vient me voir ici. Quand on sort boire un verre ensemble. J'aime son arrogance et son humour de merde. J'aime le regarder réfléchir quand un truc le perturbe et qu'il ne peut me voir. Quand il est agacé par un client, il a un petit tic nerveux : il desserre sa cravate, pose ses mains à plat sur le bureau quelques secondes, puis il sourit doucement dévoilant sa fossette. J'ai envie de ...
Merde. STOP. Mon poing heurte le miroir et mon visage se décompose bruyamment en mille morceaux.
Une seconde plus tard, la porte de la salle de bain claque contre le mur et l'objet de mes pensées, de mes désirs tordus, est là.
— Qu'est-ce que ...
Il s'est arrêté sur le seuil et me fixe, son regard oscillant du miroir à moi.
— Putain ta main !
J'abaisse mon regard sur ma main droite que je maintiens serrée contre mon ventre. Des gouttes de sang maculent ma peau et coulent sur le carrelage. Je ne sens absolument rien mais je grimace. L'hémoglobine, clairement, je la préfère dans un film d'action.
— Assieds-toi sur le sol.
Sa main pèse sur mon épaule nue, me forçant à plier les genoux. Je lui obéis et il s'accroupit entre mes cuisses écartant mes bras pour mieux examiner les blessures qui parsèment mes doigts.
Avec rapidité, il se relève et ouvre la pharmacie, saisissant sans ménagements, pansements, pince et désinfectant. Quelques flacons et tubes volent sur le sol. Mais j'en ai rien à foutre. Morgan s'occupe de moi. Je décide de laisser couler et me laisse faire.
Appuyant mon dos nu sur le carrelage froid, je l'observe agir en silence avec efficacité. Une petite veine palpite vivement dans son cou traduisant sa nervosité. Il est beau. L'envie de tendre la main vers ce mouvement quasi-imperceptible qui traduit la vie circulant en lui, vers sa peau chaude me saisit. C'est pas la première fois. Fatigué, je ferme les yeux quelques instants. Evidemment lorsque je l'entends s'asseoir, je ne résiste pas et les ouvre à nouveau. Morgan s'est assis juste en face de moi, repliant ses longues jambes sur le côté de ma cuisse. Il reprend ma main blessée et la détaille en la retournant doucement. Il grimace.
— Tu t'es pas loupé, mon vieux. Je sais pas qui t'a mis en colère, mais je ne souhaite pas être à sa place quand il croisera ton chemin.
Je ne peux pas retenir un ricanement bref qui le fait sourire.
Posant ma main sur ses genoux, sans égard sur son jogging, que je suis en train de foutre en l'air avec mon sang, patiemment, il entreprend d'ôter les éclats de miroir. Il ne parle pas, je sens sa concentration totalement focalisée sur ma main. Quelques minutes plus tard, il désinfecte le tout. Le silence me pèse.
— Franchement t'es bon, comme toubib.
Il termine d'enrouler une bande de gaze stérile autour de ma paume, ses doigts fins frôlant lentement mon pouce pour fixer le velcro. Je retiens un frisson. Ne rien trahir. Puis il relève la tête et nos regards se croisent.
— Ouais. C'est ce que disent mes patients en général. Voila. Bobo soigné. Tu veux un bisou magique ?
Il me tapote l'épaule comme si j'étais un môme. Je préfère ne pas relever sa plaisanterie finale. Si je le prenais au mot, notre histoire s'arrêterait là.
J'esquisse un geste pour me lever mais à nouveau le poids de sa main sur ma peau me maintient au sol.
— Sois patient, Derek. Reste assis. J'ai pas envie que tu tombes dans les pommes. Je sais que tu détestes la vue du sang et en ce moment, t'es plus blanc qu'un vampire déshydraté.
L'envie de rire à ses blagues débiles se mêle à la peur de me trahir. Son parfum mâle et naturel a envahi mon espace vital. Nous sommes face à face. Plus proches que jamais. Enfin. C'est le sentiment que j'ai et dans le bordel qui embrouille ma tête, je sais que c'est pas bon pour moi d'être demi-nu sous son regard attentif. La main chaude se déplace de mon épaule, parsemant des picotements sur ma peau, pour m'attraper le menton. Je ne peux retenir un nouveau frisson de ... de quoi d'ailleurs ? De froid ? De peur ? Ou d'autre chose que je refuse de nommer. Morgan s'approche encore de moi, inclinant son visage trop proche maintenant. Ses prunelles gris pâle me sondent comme s'il voulait me mettre à nu.
— Qu'est-ce qui t'arrive Derek ? Je ne te reconnais plus. Y a un truc qui cloche depuis quelque temps.
Je me dégage d'un geste sec.
— Laisse-moi. Il n'y a aucun problème. Un peu de stress au boulot c'est tout.
Il a une moue dubitative.
— T'es sûr qu'il y a pas une fille là-dessous plutôt ? Ça fait longtemps que tu ne m'as présenté personne. Si une meuf te fait des misères, je peux t'aider si tu veux. Ou t'en trouver dix autres.
Il a sorti son sourire de mâle alpha. Monsieur a la technique. Il sait séduire et veux me faire profiter de ses tuyaux pour draguer la femme de mes rêves. Un fou rire menace d'exploser. Il me tapote sur l'épaule.
— Allez, lâche le morceau. Dis-moi qui c'est ! Loïs ? La jolie petite blonde à l'accueil ?... Attends, non la nouvelle voisine ? Je sais qu'elle a toujours le regard braqué sur tes fesses quand on prend l'ascenseur ensemble.
Un espoir tordu et fragile comme une bulle de savon naît dans mon esprit à ses mots. Qui regarde mes fesses ? Puis la bulle explose alors que ma tête heurte le mur et c'est plus fort que moi, j'explose de rire. Je secoue la tête plusieurs fois et son rire rejoint le mien.
Il me faut plusieurs secondes pour reprendre mon sérieux. J'expire lentement, savourant ces quelques minutes de complicité. Basées sur un malentendu mais agréables.
— Ecoute quand j'aurais besoin de conseils pour draguer, promis je t'en parlerais. Mais...là. Pas de filles dans le problème. Je te jure. Allez, aide-moi à me lever.
Il se met debout en un éclair et me tend une main secourable. J'hésite pas à la saisir et il ne lui faut qu'un petit effort pour balancer mes un mètre quatre-vingt-dix en position verticale. Immédiatement, ma tête tourne et mes jambes flageolent comme si j'étais ivre. Le bras solide de Morgan contourne mon dos et me ceinture contre lui.
— Hep, jeune homme, reste avec moi. T'es vraiment une mauviette. Ou alors c'est un prétexte pour te frotter contre mon corps parfait.
— T'es vraiment con quand tu t'y mets.
Que dire d'autre quand ses idioties flirtent avec la vérité ?
Il me guide vers ma chambre, puis vers mon lit où il me lâche brutalement. Mon corps proteste de la séparation alors que mon cerveau cherche comment se sortir de cette situation merdique. Je ne suis pas homo. Enfin, je crois pas. En tout cas, je ne l'ai jamais été. Avant. Mais mon pote m'attire. C'est clair. Je ne peux plus me mettre la tête dans le sable. Assis sur mon lit, je regarde Morgan qui fouille dans mes tiroirs. Je ne sais pas si il a, comme la voisine, maté mes fesses, mais je pourrais rester des heures à contempler les siennes. Il a apparemment trouvé ce qu'il cherche et se retourne vers moi. Dommage. Morgan me jette au visage un tee-shirt vert sombre.
— Habille-toi et rejoins-moi au salon. T'as des choses à me dire.
Il veut que je m'habille ? Il a peur que je prenne froid ? Je hausse les épaules et enfile mon vêtement alors qu'il sort de la pièce. J'ai plein de choses à lui dire. Mais je lui dirais rien. J'aime trop son amitié pour risquer de le perdre parce que mes hormones deviennent folles.
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