17. Just love
Evidemment, je ne mets qu'une seconde à comprendre pourquoi Derek m'a laissé Rose. C'est d'ordinaire une vraie maman poule avec notre fille. Il a confiance en moi, certes, mais il ne peut s'empêcher de la couver comme si la moindre pécadille pouvait nous la prendre. Je comprends sa peur. Les morts brutales et tellement inattendues de Kelly et de Jack, qui était devenu son meilleur ami -après moi bien entendu- ont rendu Derek assez inquiet et très protecteur. Rose n'est avec nous que depuis deux mois et il a besoin de temps pour trouver ses repères.
En attendant j'ai une couche à changer et un bébé absolument mécontent de sentir ses fesses souillées. Quelques minutes plus tard, assez fier de l'habileté acquise dans ce domaine de compétences, je souffle sur l'abdomen de ma fille qui rit aux éclats. L'odeur si particulière de sa peau toute propre me fait craquer ainsi que le bonheur qui brille dans ses yeux. Un bébé, c'est tellement fragile et fort à la fois. Lorsque je la regarde, comme maintenant, dans l'intimité de notre chambre, je suis fasciné. Elle possède d'infinies potentialités et nous, ses parents, avons la chance de pouvoir l'aider, la guider tout au long de notre vie. Je ne remercierais jamais assez les services sociaux qui ont accepté notre candidature et nous l'ont confié. Le respect pour le travail de l'assistante sociale qui nous a suivi, guidé, et surveillé aussi il faut bien l'avouer, lors du montage de notre dossier s'est transformé au fil des années en une sorte d'amitié très particulière. Le chemin de l'adoption a été long et complexe, presque quatre ans, mais une fois notre décision prise, Derek et moi n'avons rien lâché : nous voulions avoir la chance d'être parents. Les circonstances nous en ont confiés deux.
Vu la canicule, je décide de laisser la puce avec un simple body bleu ciel, accordé à l'azur de ses yeux. Derek jure qu'elle aura plus tard les mêmes yeux gris que moi et j'en retire une satisfaction idiote. Notre petit rouquin a les mêmes yeux verts que sa mère...et que Derek. Nous ne sommes parfois que de jeunes idiots et lorsque je me souviens de nos débuts de jeune couple, j'en ris encore.
*** 7 ans plus tôt***
Je déteste les tenues de pingouin et être engoncé dans ce costume noir taillé sur mesure, identique a celui de Derek me dérange un peu . C'est si éloigné de mes tenues habituelles plus décontractées mais mon compagnon a tenu à la choisir pour moi et je ne peux résister à l'envie de lui faire plaisir. De plus, il m'a promis certaines choses en échange et je sais que l'après-soirée va être très ...chaude. Surtout si j'arrive à m'en tenir à mon plan de bataille. Le stress commence à me saisir mais je ne dois rien montrer : la soirée doit être parfaite pour Derek. J'ajuste le dernier détail de mon costume : un masque de velours noir ornementé de motifs argenté. Celui de Derek est garni de paillettes vertes. Quitte à être ridicule devant mes employés autant y aller gaiement.
Je me décide à contempler le résultat devant le miroir de notre chambre. Un grand mec d'une trentaine d'années aux cheveux blonds pour une fois assez ordonnés, dont les yeux gris ressortent pas mal avec ce putain de masques, me fixe. Pas mal. En souriant à mon reflet, je me dis que si je le souhaitais, je pourrais encore avoir un peu de succès... mais ceci ne m'intéresse pas et Derek veille avec jalousie.
Derek d'ailleurs.
— Eh mec tu fais quoi ? On va être en retard
Je crie pour que ma voix surmonte le bruit de l'eau qui coule dans la salle de bain. Nous avons emménagé dans notre nouvelle maison il y a près de six mois et mon compagnon ne se lasse pas de notre superbe douche à l'italienne. Moi non plus. Surtout quand nous y sommes tous les deux. Bref. Je parcours rapidement la distance qui me sépare de la salle de bain pour le plaisir de le surprendre mais la porte de celle-ci s'ouvre avant
Putain.
Superbe. C'est moi qui vais passer ma soirée à éloigner mes rivales (et rivaux) de mon homme ! Mon mec est superbe. La coupe de ce costume lui va à ravir, mettant en évidence sa silhouette musclée. Sa chevelure noire qu'il a légèrement gominée resplendit et ses yeux verts brillent de plaisir derrière son masque.
— Respire Morgan, respire.
— C'est ça, moque-toi, dis-je en rajustant plus ou moins discrètement mon pantalon.
Après trois ans de vie commune, il me fait toujours le même effet et je suis assez régulièrement atteint de son syndrome "arrêt respiratoire". Fier de son effet, il passe à côté de moi et je l'attrape avec une certaine brutalité pour échanger avec lui un baiser plus que sensuel.
— Tu n'auras la suite que ce soir, tard. Nous devons retrouver nos collègues, dit-il assez essoufflé en se dégageant de mon étreinte.
— Ouais, débarrassons-nous vite de cette soirée, grogné-je.
Je fais semblant de râler mais il ne le sait pas. Car je veux que cette soirée de Saint-Valentin soit une des plus belles que nous vivions.
Une demi-heure plus tard, nous garons le SUV de Derek devant la salle louée par Green Extrem Tour et sommes accueillis sur le seuil par John et Evie, les deux standardistes, promus ce soir hôtes de la soirée, et par Vickie, ma fidèle secrétaire qui supervise leur travail.
– Salut, mes boss préférés, fait-elle en nous embrassant sur la joue.
Je la regarde intriguée. Elle ne m'a pas habituée à tant de familiarité.
— Ben quoi ! J'ai pour une fois l'occasion de faire la bise, amicalement à mes deux beaux patrons, j'en profite.
Elle en profite aussi pour me glisser à l'oreille que tout est prêt pour ma "surprise" et le trac renaît aussi vite. Pourvu que tout se passe bien. Derek m'aime, je l'aime mais je prends un grand risque ce soir. Pour lui. Mon estomac se met à faire des loopings assez désagréables quand je pense à ce qui m'attend. Prendre des risques, c'est pas mon truc. Soudain, ma rétine périphérique enregistre une image qui me change les idées et je grince des dents. Evie s'est rapprochée de Derek et a posé sa main aux longs ongles rouges sur son biceps. Merde, j'ai toujours pas digéré la nuit (ou les nuits, je ne veux pas savoir) qu'elle a passée avec mon amant il y a .... sept ans. Oui je suis jaloux.
Pourquoi est-ce que j'ai pas encore viré cette fille ?
En une seconde j'ai rejoins mon cavalier et ai posé mon bras sur son épaule, marquant grossièrement mon territoire.
— Salut Evie. Tout va bien par ici ? Tout le monde est arrivé ?
Un sourire hypocrite plaqué sur mes lèvres que j'ai l'impression de retrousser comme un loup en colère, je fais mine de m'informer de ce qui ne m'intéresse absolument pas. Pas dupe, Derek tente d'étouffer un fou rire.
Rigole bien mon bonhomme. Tu vas voir ce qui vas t'arriver tout à l'heure, après aucune femme douée de bon sens n'osera s'approcher de toi.
Finalement nous rentrons et la salle est clairement comme je l'attendais, enfin comme nous l'avions imaginé il y a trois ans : typiquement Saint-Valentin. Un truc rempli de ballons en forme de cœur rouge et décoré de multiples bouquets des roses rouge passion. Je hausse les épaules. Finalement c'est pas si mal. Surtout que chaque table comporte de jolis grandes coupes emplies de chocolat. J'adore les chocolats. La Saint-Valentin, c'est pas si mal. Surtout quand ton superbe Valentin personnel marche à côté de toi.
Pas pour longtemps, nos collaborateurs ne mettent pas longtemps à nous séparer, nous félicitant de l'organisation de la soirée, de la qualité du disc-jockey ou tout autre détail. Derek, qui a accepté de devenir mon associé depuis un an, a droit aux mêmes compliments, parfois un peu hypocrites des employés. Comme d'ordinaire à chaque fois que nous sommes dans une même pièce, un curieux sixième sens fait que nous savons toujours où se trouve l'autre élément du couple. Régulièrement, je croise son regard, tantôt rieur, tantôt assombri par un éclat de désir et je dois lutter contre l'envie de le rejoindre et de l'attirer dans un recoin discret pour l'embrasser à ma guise. Patience Morgan. Patience.
Soudain, je reconnais les premières notes de la musique que j'attendais. Notre musique. "Wait for me" de Kings of Leon. Immédiatement, les yeux verts de Derek croisent les miens et il esquisse une mimique de surprise. C'est lui qui a concocté le programme musical avec le D.J. C'est d'ailleurs la seule chose que je lui ai laissé le loisir de faire. C'est pas vraiment une chanson romantique. Pas forcement celle à laquelle on s'attend. Mais c'est celle qui est passée en boucle sur nos playlists avant même que nous ne nous déclarions. C'est le moment. Je respire profondément et lui fais signe de me suivre sur l'une des terrasses sur lesquelles la salle s'ouvre. Rassuré, je constate en arrivant que Vickie a joué son rôle. Personne. Je veux bien me déclarer mais pas forcément devant le personnel de mon entreprise, aussi sympa soit-il.
— Que se passe-t-il Morgan ? Ça va ? me demande immédiatement Derek en scrutant mon visage crispé.
Punaise, j'ai beau être sur de moi. J'ai une frousse terrible. Il me connaît trop bien. Il me tend sa bière. Sans répondre, le regard sombre, je la saisis et engloutis en deux gorgées peu élégantes.
Allez Morgan. Un peu de courage, Derek a toujours fait le premier pas dans votre relation. Montre-lui que toi aussi tu tiens à lui.
Alors, je l'attrape par les revers de son costume et le pousse dans un coin un peu sombre où la musique nous parvient de façon assourdie.
— Donne-moi un peu de courage.
Je me jette sur sa bouche sans plus d'avertissement. Il cède immédiatement à mon envie et nos langues s'entremêlent dans un ballet si familier et à la fois perturbant car le masque cache une partie de son visage. Ses prunelles s'assombrissent encore sous le feu du désir qui nous saisit. Je m'arrache à sa bouche.
— Désolé Derek, c'est ...
— Chut, tu n'as pas à t'excuser d'avoir eu envie de m'embrasser. Ça me convient très bien. Même si on avait prévu d'attendre d'être de retour à la maison.
Je ne peux retenir un petit rire. Et j'enlève mon masque avant de lui ôter le sien et de les fourrer dans la poche de ma veste, juste à côté du petit écrin.
— Je t'aime Derek. Je t'adore et .... merde, me mettre à genoux c'est vraiment pas mon truc mais...je ...
Courage. Tu vas y arriver !
Il m'interroge du regard. Avec sa tranquillité et sa gentillesse habituelle. Il est celui qui m'a rendu ma personnalité. Celui qui me rend heureux tous les jours et s'il refuse.... s'il refuse, mon coeur se serre,... tant pis, je plonge.
— Je souhaiterais que tu acceptes de m'épouser. Je veux dire que toi et moi on pourrait official...
Avant que je ne m'embourbe dans de fausses raisons il a saisi mon visage et à son tour se jette sans ménagement sur moi, me dévorant de baisers brutaux alors que mes bras entourent ses épaules.
Apres de longues minutes d'un échange passionné qui dérange quelque peu l'arrangement de nos costumes, nous nous éloignons de quelques centimètres, je scrute son regard
— Ta réaction signifie-t-elle que tu acceptes de m'épouser ?
— Ta question signifie-t-elle que tu aurais quelque part dans tes poches un truc à m'offrir pour la Saint-Valentin ?
— Putain, répond-moi ! Mon coeur va faire un arrêt cardiaque, idiot.
— Putain, oui...plutôt deux fois qu'une. Je pensais que ça ne t'importait pas vraiment ?
Je sors l'écrin qui contient deux anneaux argentés identiques, garnis d'un fin liséré et gravé à l'intérieur de nos initiales. Je saisis sa main et, sans le quitter des yeux, enfile l'anneau à son annulaire.
— Merci, Derek. Je suis pas doué avec les mots mais merci pour tout ce que tu m'as offert et tout ce que tu me permet d'être depuis trois ans. C'est inestimable.
Il semble aussi ému que moi et saisit alors l'anneau jumeau et le passe à mon doigt. Le baiser que nous échangeons alors est plus posé. Plus tendre et nous laissons nos fronts se s'appuyer l'un contre l'autre, savourant cet instant magique.
- Disons aussi que cet anneau est une garantie qu'Evie n'osera plus poser un seul doigt sur toi si elle tient à son boulot.
Le rire de Derek est un morceau de bonheur qui reste gravé dans mon coeur alors que la foule de nos employés nous rejoint derrière Vickie.
— Alors me demande-t-elle ?
Je me contente de lui montrer nos mains enlacées. Les félicitations pleuvent et je frissonne de peur retrospective à l'idée que Derek ait refusé de m'épouser.
*** *
Les enfants dorment enfin. Derek est allongé nu contre moi et sa respiration régulière rythme la mienne. La porte fenêtre donnant sur le jardin est largement ouverte laissant entrer enfin l'air un peu frais de la nuit. La brise rafraichit un peu nos corps transpirant après l'échange un peu musclé et torride que nous venons d'avoir.
— Derek ?
— Mhmm ?
Je souris et embrasse furtivement la chevelure de mon compagnon. C'est pas ce soir que nous allons avoir une longue conversation. La vie de parents est épuisante.
— Tu sais que ça fait quinze ans aujourd'hui que nous nous connaissons ?
Il soupire et se love un peu plus contre moi malgré la chaleur. Monsieur Marmotte.
— Je me demande parfois pourquoi on est si heureux ? C'est quoi le truc ? Pourquoi nous ?
Derek lève alors la tête et me regarde longuement, puis il pose ses lèvres sur mon mamelon gauche, juste sur mon cœur avant de murmurer.
— Love, Morgan. Just love.
FIN
Merci à tous et toutes de m'avoir suivi jusqu'à ce dernier mot.
Merci à Umi et Helyne de m'avoir encouragée et suivie quotidiennement
Ce petit OS d'un défi #DEA "Saint-Valentin" fait finalement près de 30 000 mots.
Dommage que Derek et Morgan n'existent pas j'aurais aimé les rencontrer.
A bientôt sur une autre histoire.
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