16. Lâcheur
Dix ans plus tard.
Tout en gardant mon attention sur le petit trésor devant moi, je relève la tête, attiré par les cris joyeux provenant du jardin. Je rigole doucement en voyant mon homme, en short de plage, poursuivi par le petit diable roux de huit ans qui nous mène par le bout du nez. Armé d'un tuyau d'arrosage, il éclabousse son père en hurlant de joie. Comme à chaque fois que je surprends ce genre de scène, je me demande ce que l'on a fait pour mériter un tel bonheur.
Inévitablement mes souvenirs me ramènent à cette première nuit, ce premier matin de notre vie commune.
*****
Sentant à mon éveil un corps masculin serré contre mon dos, mon esprit chavire un peu mais immédiatement, je reconnais l'odeur de Morgan et des images de notre soirée et de notre nuit reviennent.
Notre nuit ! Immédiatement mon corps réagit et le corps tiède de Morgan, lové contre moi, n'arrange rien. Il est appuyé de tout son long contre ma peau nue, son nez dans mon cou,ses jambes emmêlées aux miennes. Son bras me ceinture assez fortement dans une étreinte à la fois tendre et virile. La sensation du contact intime de nos peaux me fait frissonner, ce que ressent Morgan qui souffle alors contre mon oreille.
— Envie de poursuivre ?
Poursuivre la folle découverte de nos corps ? Oui. Nous avons été relativement sages cette nuit, et lorsque je sens les doigts de Morgan caresser mes abdos en effleurant la lisière de mon boxer, je me souviens que certaines barrières n'ont pas encore été franchies. Il nous faudra du temps. Mais on a toute notre vie pour "tester notre feeling".
— Envie bien sûr, mais mon patron est un type insupportable : totalement à cheval sur les horaires.
Ma réponse, énoncée d'une voix taquine et enrouée de plaisir, n'a pas l'effet attendu.
— Merde !
Immédiatement, Morgan panique et nous abandonne, le lit et moi, pour se jeter sur son pantalon qui traîne sur le sol. J'ai à peine le temps d'apercevoir, dans la lueur du jour qui perce à travers les rideaux, sa superbe silhouette et ses fesses, déjà masquées par son caleçon rouge disparaître sous le pantalon qu'il boutonne en toute hâte. Déçu de l'impact de mes paroles et gêné par la fraîcheur qui remplace le corps de Morgan, je m'enfouis sous la couette. Boudeur.
Mais je me sens bien. Furieusement bien. Je souris bêtement. Une sorte de bien-être post-coïtal, même si nos rapports ne sont pas allés aussi loin. J'ai eu une dose d'endorphines largement supérieure à ma dose habituelle. Repenser à notre nuit, à nos caresses, à la fois timides et brutales me ferait presque rougir.
J'entends l'eau couler dans ma salle de bains puis ma couverture est arrachée alors que mon... compagnon se jette sur moi et me mord le cou.
— Dorénavant, je te réveillerais ainsi, me menace-t-il en continuant de mordiller cette zone si sensible qu'il a repérée, alors que ses mains vagabondent sur mes hanches.
— Dorénavant, je ne me réveillerais pas avant que tu ne m'infliges ce traitement.
J'attrape sa mâchoire et capture ses lèvres dans un baiser qui menace de devenir torride. Puis mes jambes, entourant ses cuisses, bloquent ses mouvements afin qu'il ne se relève pas. Nos corps, quasi nu pour moi, et à moitié-nu pour lui, savourent ce contact intime et commencent à onduler l'un contre l'autre.
— Derek, sois raisonnable, me supplie Morgan, je dois passer chez moi, me doucher et me changer. Nous avons rendez-vous toi et moi avec les investisseurs new-yorkais à dix heures.
—Tu me promets quoi si je suis raisonnable ?
— Un bon dîner fait maison ce soir ?
Je secoue la tête. Il ne croit tout de même pas que je vais me laisser acheter pour si peu ? De toute façon, il cuisine toujours. Je croise alors son regard gris devenu sombre. Il est tellement sexy avec ses cheveux en bataille, légèrement humides. Son sourire, si dangereux, commence à se dessiner sur ses lèvres et immédiatement mon boxer se gonfle par anticipation. J'ai joui, nous avons jouis, à plusieurs reprises même, mais il semble que je sois loin, très loin, de la saturation. Ma réaction n'a pas échappé à Morgan dont le sourire s'élargit.
— Et cela, Derek, te satisferait-il ? souffle-t-il contre ma peau, dans mon cou, avant de chuchoter quelques mots terriblement crus à mon oreille.
Je rougis violemment et mon sexe durcit encore plus contre sa hanche.
Vaincu par sa promesse, je libère son corps à regret, en dénouant l'étreinte de mes jambes, et il claque sur mon épaule.
— J'ai ma réponse. Debout paresseux.
Vaincu,je lui obéis.
****
Evidemment, notre histoire a pris un sacré virage à partir de ce jour. Il n'a fallu qu'un petit mois à Vickie, la secrétaire de Morgan pour changer son éternel refrain "les jumeaux" en "les amoureux" pour nous taquiner. On ne se cachait pas vraiment mais il fallait avertir d'abord nos parents respectifs. Une étape pas très agréable mais nécessaire. Ensuite nous l'avons annoncé de façon informelle à nos collègues. Nous n'étions qu'une cinquantaine à travailler de façon régulière au siège et plutôt que de laisser les rumeurs courir, Morgan et moi avons fait face aux rares critiques et à une indifférence assez rassurante. Curieusement certains employés ou testeurs de circuits se sont rapprochés de nous à cette occasion. Nous avons compris que l'apparence ombrageuse de Morgan empêchait souvent les gens d'aller vers lui alors que le style plus tranquille et souriant que j'arbore assez naturellement avait l'effet contraire. Notre couple naissant s'est donc lié, entre autres, avec Kelly et Jack, deux jeunes baroudeurs d'origine écossaise, qui traînaient un peu partout autour du monde avec leur bébé et qui revenait régulièrement se poser chez nous tous les deux ou trois mois,en nous dénichant des destinations de rêve pour le catalogue d'Extrem Green Tours. De temps en temps, ils nous confiaient même leur môme quand ils estimaient que Jamie était trop petit pour faire du trekking sur l'Himalaya ou du cayak sur l'Amazone. Je me souviens d'avoir organisé notre mariage, il y a cinq ans, quasiment seul, Morgan étant en voyage d'affaires en Europe et pendant que je jonglais au téléphone entre l'organisateur et le traiteur, je devais consoler le gamin de l'absence de ses parents. On est devenus si proches qu'ils ont été tout naturellement nos témoins à notre mariage.
Tout n'a pas été simple non plus. Mon ex-femme, Laura, n'a pas accepté mon couple et a tenté, soi-disant, de me reconquérir créant quelques disputes mémorables entre Morgan et moi. Celui-ci, a priori peu possessif, ne supportait pas que Laura m'approche. Nous avons dû aussi affronter le rejet des parents de Morgan pour qui notre situation était "contre-nature" et avilissante. Même si Morgan ne se faisait aucune illusion sur eux, la blessure a mis du temps à cicatriser.
Puis il y a eu la mort brutale de nos amis, Jack et Kelly. Ironiquement ces casse-cous ont été renversés par un chauffard à quelques centaines de mètres de chez eux alors qu'ils rentraient d'une expédition en Islande. Kelly, à peine consciente, à l'hôpital, nous a supplié de prendre soin de leur enfant avant de décéder dans les bras de Morgan. Nous n'étions pas remis de leur mort que leur notaire nous a informés que nous étions les exécuteurs testamentaires du couple. Et qu'ils nous avaient confié leur fils, nous demandant de l'adopter s'ils leur arrivaient quelque chose. Jamie, mon petit protégé, avait cinq ans.
Voilà pourquoi, j'ai le plaisir, teinté d'un peu de tristesse, de me moquer de mon mari poursuivi par notre fils. Un sourire nostalgique aux lèvres, je reporte mon attention sur mon autre source de bonheur qui bave de plaisir en tentant d'avaler son poing. Elle est magnifique. Si petite et si forte à la fois. Mon cœur fond devant les grands yeux gris bleus qui me contemplent, semblant contenir toute la sagesse du monde. Soudain, un bruit que j'ai appris à reconnaître depuis deux mois me fait grimacer. Une odeur caractéristique confirme mon diagnostic. Je sors le bébé de son couffin et le pose sur la table à langer.
— Chipie. Franchement....
— Eh toi, tu te caches pour profiter tranquillement de notre Rose alors que j'affronte le diablotin sous la canicule ? Lâcheur.
Une main posée sur le ventre de la petite afin qu'elle ne chute pas, je me retourne vers celui qui me distrait. Après dix ans de vie commune, je le trouve toujours aussi séduisant et un éclair de plaisir me parcourt alors que j'admire sa silhouette élancée et musclée. La maturité a rendu sa carrure encore plus impressionnante et ses quelques rides d'expression me le rendent encore plus précieux.
— Tu veux que je prenne le relais avec Jamie ? Pas de problème, mon chéri, je te laisse un peu de sérénité avec Rose.
Etonné, mais heureux de mon facile consentement, car j'ai tendance à être un peu exclusif avec le bébé qui vient de nous être confié, il place sa main à côté de la mienne sur le ventre de la petite chipie qui a volé nos cœurs.
Je m'éloigne alors rapidement, non sans avoir déposé un rapide baiser sur son épaule, le laissant se débrouiller avec Rose, qui commence déjà à manifester son mécontentement de ne pas être changée aussi vite qu'elle le souhaite.
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