³⁶ | ⌫
³⁶ | 𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚃𝚛𝚎𝚗𝚝𝚎-𝚂𝚒𝚡
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⁰¹ ¹² ²⁰²⁴
²⁰²⁴
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⁴⁹⁷⁶ ᵐᵒᵗˢ
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|• 𝓑𝓸𝓷𝓷𝓮 𝓛𝓮𝓬𝓽𝓾𝓻𝓮 •|
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LEE JENO
15 Avril
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MES FICHES DE COURS SONT UN PEU ÉPARPILLÉS SUR LE LIT, des stylos et des fluos calés sous un coussin ou sur l'étagère. J'ai même sorti un manuelle, ouvert à une page aléatoire et, lui aussi, délaissé sur le côté, ouvert sur mon parquet. On a fait plusieurs exercices, peut-être une dizaine : quelques exos pas trop long, pas trop court, juste pour que Jaemin puisse revoir et approfondir ses bases rapidement.
On a fait l'histoire, la géographie et les maths. On y est depuis ce matin, neuf heures pétantes.
Ça fait dix minutes que Jaemin en est lassé, distrait il est parti sur son téléphone et je lui ai proposé de faire une pause. Pause qu'il a bien évidemment immédiatement acceptée.
On est donc là, tous les deux, étalés sur le lit, mes jambes qui dépassent et allongé sur le dos. Jaemin sur moi, couché en partie sur mes jambes et ses bras croisés sur mon torse à regarder son portable. Son visage penché à quelques centimètres du mien. J'y vois presque chaque minuscule mètre carré de parcelles de sa peau, qu'elle soit abîmée ou clairsemée, je me trouve niais de simplement la trouver parfaite.
Ça fait dix minutes que mes mains sont perdues dans ses cheveux à les décoiffer et qu'il n'en est, pour le moins du monde, dérangé.
C'est quand il esquisse un sourire vers son écran qu'il ne m'adresse pas à moi que je laisse mes mains glisser jusqu'à son dos, jusqu'au bout de son haut. Ma main droite qui s'infiltre sous le vêtement, qui caresse la ligne droite de sa colonne vertébrale. Sa peau frissonne quand il se replace convenablement sur moi dérangé par mon intrusion. Pourtant, son visage ne se défait pas de son écran, même quand je fais descendre mes doigts un peu plus bas, que certains passent sous l'élastique de son pantalon sans dépasser la barrière de son sous-vêtements, il ne réagit pas.
Même si, franchement, c'est tentant, je fais en sorte de ne pas le toucher plus que nécessaire. On devait étudier, pas autre chose.
Mes mains toujours sur lui, je ferme les yeux apaisé par une ambiance trop calme, trop reposante.
Au bout de quelques minutes, quand il finit par bouger et que je coupe tout contact entre sa peau et la mienne, j'ouvre un œil après l'autre.
Il pose son portable sur le côté, sur le matelas, il le pose sur une feuille qui se plie sous son poids.
Je le regarde, interrogatif, nos regards déjà imbriqués l'un dans l'autre. C'est lui qui brise l'échange, il baille avant de laisser tomber son visage sur mon torse, sa joue contre mon pectoral gauche. Contre mon cœur.
J'ai la sensation qu'il va éclater.
Qu'il bat déjà trop fort en temps normal mais là, quand jaemin est collé à lui et que je sens qu'il le sent, qu'il l'entend, il finit toujours par battre beaucoup plus fort.
J'ai l'impression d'étouffer en même temps de mourir bousculer par un tremblement de terre.
Le tic-tac insistant, incessant d'une horloge. En continu, en infini. Sans répit, sans repos : juste ce bruit parasite d'un cœur qui ne court plus très droit.
Jaemin reste comme ça un instant, j'ai les joues affreusement rouges. J'ose pas le décaler, l'enlever brusquement, sûrement que ce serait encore plus cramé si je faisais ça. Alors j'attends juste, juste une réaction. Ses lèvres qui frottent contre le tissu de mon t-shirt dans une mimique amusée.
Il se lève rapidement, poussé par une force qu'il a appuyé sur mes côtes. Jaemin fait coulisser ses genoux de part et d'autre de mes hanches, s'installe en califourchon sur mes cuisses.
Jaemin avec un sourire étrange aux lèvres, c'est souvent un mélange d'hantise et d'excitation.
Hantise parce-que je sais déjà qu'il va dire une connerie.
D'excitation parce que voir son visage comme ça, éhonté, effronté, ça me donne envie de lui faire des choses qu'il n'imagine pas sur le moment.
— C'est parce que j'te touche que ton cœur bat aussi vite ?
Il bouge sur moi, s'installe mieux, cherche à s'installer mieux.
Mais la seule chose qu'il fait c'est faire frotter son bassin contre le mien.
Et ça, il le sait très bien, parce qu'il fait souvent ça en me regardant dans les yeux, et qu'il fait tout le temps bouger ses lèvres dans des mots que je n'écoute qu'à peine.
— Ça te fait la même chose, Jeno, quand c'est ta meuf qui te monte comme ça dessus ?
Il sait que c'est pas le cas, sinon il ne l'aurait pas dit.
J'agrippe sa taille, l'empêche brutalement de bouger. Il est coincé, le dos droit alors que je sens les creux de sa fine taille s'imprégner à travers mes mains.
Jaemin a levé ses mains en direction des miennes déjà posées sur son corps, j'ai senti la peau douce de ses doigts caresser les quelques phalanges de mes deux mains, sensuellement, il a fait glisser nos deux mains placées l'une sur l'autre vers le haut de son torse.
Il les a lentement fait glisser du haut de sa poitrine jusqu'aux deux os de ses hanches.
Lentement. Délicieusement. La difficulté que j'ai eu à déglutir m'a prise de court.
— Sexy.
Il dit, d'une voix moqueuse et d'une mimique amusé.
J'ai ressenti chaque plis de son vêtement, chaque millimètres de laine me séparant de sa réelle peau.
J'ai pourtant, surtout, senti chacun de ses muscles se tendre sous mon toucher, chaques pores de sa peau frissonner sous mes caresses.
Si j'étais dingue de Jaemin, lui, il était tout autant obsédé par moi.
Et ça me rassurait de me dire ça.
Ça me rassurait tellement dans un sens que ça ne me gênait pas du tout ce qu'il me faisait.
J'm'en foutais de s'il m'avait jeté un sort ou qu'il l'avait jeté à tout le monde.
Je m'en foutais du moment qu'il savait que ça marchait dans les deux sens.
Et que même si je lui disais que je l'aimais, il pouvait ne pas me croire. Mais moi, ça me rassurait de le lui dire. J'avais envie, peut être égoïstement, qu'il se sente aimer.
•
J'ai quitté ma chambre, Jaemin à mon bureau, un stylo à la main en train de griffonner sur du papier. Mon téléphone contre mon oreille, je me suis placé derrière la porte, stressé.
Je commençais sans doute à comprendre ce qui n'allait pas. Et je sais que j'avais besoin de trouver une manière pour tout arranger sans faire s'effondrer le château de cartes.
— Je suis en bas de chez toi, tu peux venir m'ouvrir ?
Un sourire.
C'est ce que j'ai entendu à travers sa voix.
La mienne, si tant est que j'avais parlé, elle aurait été crispée.
Complètement fractionnée, comme désertée.
Pas de sensations, juste du ressentiments.
Quand je suis retourné dans ma chambre, le visage dressé de Jaemin en direction de la porte m'a arraché malgré moi un sourire.
— Il y a Hye-sun, en bas...
Son visage s'est décomposé, il l'a baissé en direction de sa feuille, je déteste le voir comme ça.
Je déteste tellement le voir comme ça.
— J'me casse en discret ou on fait genre qu'on travaillait ?
Surtout que c'est de ma faute s'il est comme ça.
Alors, mes mots sortent d'eux même, sans barrière, j'avais juste envie de le rassurer.
— Restes. Elle va pas tarder longtemps.
Le rassurer à tout prix même si c'est un mensonge. J'aime le voir quand il est heureux pas quand il est agacé.
— Ok.
Il se lève de sa chaise, son portable qu'il laisse endormi sur ma table, il laisse même sa veste sur le dossier de la chaise. Il prend juste son corps, tout entier, qu'il déplace lascivement vers la sortie. Je le suis et ferme la porte derrière nous. Juste pour garder ma pièce fermée, l'endroit secret, l'ambiance calme de quand on y est tous les deux.
Il s'accroche à la rambarde des escaliers pour descendre les marches, un regard en ma direction :
— Tu sais pourquoi elle vient ?
Je l'attrape par la taille par automatisme, juste mon bras qui l'entoure par derrière, parce que j'avais envie de sentir son corps collé au mien même si ce n'était que par un lien fébrile.
— Aucune idée.
Il hausse les épaules.
— Chelou...
Il le dit d'une petite voix, celle qu'il garde en lui. Celle qui me rend faible.
Parce que, sérieusement, y'a rien de bizarre dans cette situation, Hye-sun est ma copine. Même si mon vœu le plus cher était d'être avec Jaemin, Hye-sun est ma copine.
Je délaisse mon appuie sur lui quand on arrive devant la porte d'entrée, c'est d'une respiration calme que je fais tourner la poignée vers le bas.
Jaemin recule un peu quand j'ouvre la porte et que la silhouette d'Hye-sun s'affiche, souriante, sur le pas de la porte.
Mon sourire, je sais qu'il est tiré quand je le lui réponds. Je sais que ça se voit, je sais que ça se sent. Pourtant, elle n'y fait pas attention, elle vient me prendre dans ses bras, un baiser qu'elle dépose à la volée sur mes lèvres.
Je l'ai esquivée, au dernier moment, ça m'a pris de court autant qu'à elle.
Ce silence, ce regard qu'elle m'adresse. Qui me blesse parce que je venais de la blesser. Elle y est habituée, pourtant, elle me tient la main parfois, des fois m'embrasse puis rien d'autre. Elle sait que j'aime pas ça, que j'ai jamais aimé ça, mais aujourd'hui spécifiquement, ça l'a blessé.
Comme ça aurait blessé Jaemin s'il m'avait vu l'embrasser elle plutôt que lui.
À la place, sur le côté, il ricane mesquinement, silencieusement. J'espère juste qu'Hye-sun ne l'a pas entendue.
Mais ce qui est sûr, c'est qu'après s'être reculé, gêné de ma réaction, ses yeux d'abord vide se sont calés dans ceux de Jaemin.
— Oh... (déception) Jaemin ? (Accusations) Je savais pas... que t'étais là ?
Elle était déçue de le voir là. Vraiment, ça se voyait à son expression, elle gardait son agacement de côté, fallait pas que Jaemin voit qu'elle était déçue, je sais qu'elle déteste avoir l'air médisante devant les personnes qu'elle ne connait pas vraiment.
— Bah visiblement...
Il lui sourit faussement en s'appuyant contre le mur de l'entrée. Ils jouent aux jeux du plus faux et j'étais au milieu.
— On bossait sur les maths.
Il le dit de manière rieuse.
Ça ne l'a fait pas rire mais elle se plie au jeu, un sourire compatissant.
— Vraiment ? Ils sont trop chiants les exos sérieux... Je savais pas que Jaemin était fort dans cette matière ?
Elle se tourne vers moi, c'est à lui qu'elle répond mais à moi qu'elle s'adresse. Elle voulait savoir des choses que je ne lui avais pas dites. Elle voulait comprendre comment, comment Jaemin s'était retrouvé chez moi, un samedi matin.
— Ah mais c'est pas le cas ! C'est lui qui m'aide justement !
Elle a l'air réticente.
— Vous avez fini ?
Cette fois-ci, c'est pas elle qui me lance un regard mais c'est Jaemin. Il veut que je réponde parce que lui, ne sait pas quoi répondre.
Même si on a finit, même si on n'a pas fini, je lui aurais donné la même réponse :
— Non.
Ses traits s'effacent, Jaemin, lui, il ajoute derrière moi comme pour appuyer mes propos :
— J'suis pas très fort comme t'as dis mais en plus j'suis pas un élève fastidieux.
— Oh... Ouais... Bon... Bah.... Je repasserais plus tard j'imagine ?
Elle s'adressait exclusivement à moi, ici.
— Mes parents seront là ce soir, ce sera compliqué de se voir.
Ses yeux s'ouvrent de surprise, ça rend son regard plus ouvert, plus expressif. Ça me rend plus mauvais, moins bon menteur.
— Je savais pas qu'ils rentraient aujourd'hui... On se voit demain alors ?
Parce que c'était faux. Que j'avais promis à Jaemin que j'allais passer ma soirée avec lui avant qu'il ne parte, après-demain, jusqu'à chez sa mère.
— Oui, parfait.
Elle a fait un dernier sourire, je lui ai rendu en plus bancale. Quand elle nous a adressé son dos, j'ai sorti des derniers mots d'entre mes lèvres.
— Tu veux boire quelque chose ?
Elle s'est tourné vers moi, un authentique sourire aux lèvres. Hye-sun n'a pourtant rien répondu, s'est contentée d'un signe de main.
•
NA JAEMIN
17 Avril
•
LES GENS S'ENTASSENT SUR LES QUAIS, il y a des rails de partout, plusieurs arrêts pour plusieurs trains. Quand je suis arrivé à Séoul avec mon père, il avait loué une voiture, juste un peu plus grande que la sienne pour transporter tous nos effets personnels à lui et à moi. J'ai jamais pris le train au niveau d'une capitale, toutes ces voies ferrées qui se suivent, un seul chemin pour y accéder et des pancartes à chaque coin de ma vision.
Je traîne mon sac de cours sur le dos, et un bagage que je tiens en bandoulière, des vêtements pour une semaine j'espère juste que la machine à laver de ma mère fonctionne toujours.
Le train qui s'arrête au quai fait trembler le vent, le bruit qu'il fait en s'arrêtant presque net, me fait grimacer. Les portes s'ouvrent, les gens s'y pressent, même si y'avait un gosse, je suis sûr qu'il serait prêt à le pousser sur les rails pour être sûr d'être le premier à rentrer.
Quand l'aller se désengorge un peu, je m'infiltre dans la file, un siège qui m'attends à peine l'entrée traversée.
Je pose mes affaires sur mes cuisses, au cas où quelqu'un veut savoir à la place vacante. Mon portable extirpé de ma poche, j'en sors aussi mes écouteurs que je branche à mes oreilles et au téléphone.
| Bon voyage ! <3
Je roule des yeux au message mais ça me fait quand même sourire. Je like son texte sans y laisser de réponse. Je lui répondrais plus tard, sans doute même que je l'appellerai, juste parce-que l'envie m'en prendra.
Et je me demande comment il y réagira, s'il n'y répondra pas. Même si je sais que c'est impossible. S'il sera trop occupé pour y répondre. Après tout, hier, il a bien dit à Hye-sun qu'il allait passer du temps avec elle.
Je me sens dépassé rien qu'en y pensant. Dépassé par quelque chose de trop grand pour ce que je suis.
J'ai l'impression de m'éloigner d'un problème sans pouvoir rien y faire, Qu'est-ce-qu'il va se passer là bas, quand j'y serais pas ?
Deux semaines, c'est tellement long. Rien que cette soirée, je l'ai trouvé interminable, seul dans mon lit je me suis demandé comment ça allait être, quatorze jours sans le voir. Sans passer de nuits avec lui, sans l'entendre rire ou le voir sourire.
Ce n'est pas tant ce fait qui me dérange mais plus l'idée que ce temps que je vais passer seul avec ma mère, lui, il allait le passer au même endroit qu'avant. D'une certaine manière, pour lui, ce sera littéralement comme avant.
J'ai un sérieux problème, je vois en lui quelque chose que je ne devais pas voir. Je lui pose trop de poids sur ses épaules, j'ai l'impression d'être un boulet, sans qu'il le sache, accroché à son pied.
J'aime l'entendre me dire je t'aime parce que personne ne me l'a jamais dit, mais est ce qu'un jour, moi, j'oserais le lui dire ?
L'égoïsme à son paroxysme, attendre quelque-chose, dépendre de cette chose mais ne rien pouvoir offrir en retour.
C'est peut être ça, cette unilatéralité, qui me perdra.
Qui me fera le perdre.
Ou peut-être que j'ai rien à perdre, que comme un rêve, ça ne dure pas, ça s'évapore, voué à s'effacer.
À mesure que le train avance, les différents bâtiments de la capitale disparaissent, lentement remplacés par le vide des champs et des collines.
Ce paysage m'est familier, presque trop. Le genre de décor qui vous rappelle tout ce que vous avez oublié en un si petit laps de temps. On s'habitue à un ailleurs et quand on rentre, tout est bizarre, différent mais tellement similaire à l'avant.
J'ai quitté ma ville natale que quelque mois pour Séoul, et pourtant, j'ai la sensation d'être cet étranger qui n'y connaît rien.
Quand j'arrive enfin à destination, le quai est presque vide. C'est pas le dernier arrêt et c'est loin d'être l'un des plus fréquentés. Il n'y a que deux ou trois types de je ne sais quel wagon qui descendent en même temps que moi.
Mon sac jeté négligemment sur une épaule, l'autre entre mes mains, pendu sur mon flanc droit. J'ai jamais transporté autant de choses, ça me dérange de transporter autant de choses. Souvent, dans une vie, il n'y a que quelques petites choses qui nous sont importantes, pourquoi trimballer toute une maison ? Je me suis toujours basé sur l'idée que pour vivre, autant le faire simplement.
Peut être que dans la vie, penser simplement, ça facilite les choses.
Il y a un froid mordant dans l’air, le genre qui vous pince les joues et fait rougir vos mains. Je suis presque reconnaissant envers ma mère quand elle m'a dit, hier, qu'elle sortirait plus tôt de son boulot pour venir me chercher.
Et c'est ce qu'elle a fait, elle m'attends au pied de sa vieille Peugeot grise, son manteau beige trop grand pour elle. Elle me remarque avant même que je ne le fasse, un signe qu'elle me fait au loin, un sourire timide sur le visage. Je ne savais même pas que c'était possible de se sentir gêné de voir son gosse qu'elle a vu, toute sa vie, grandir.
Je traverse la rue en regardant à droite puis à gauche, un pied devant l'autre jusqu'à arriver devant sa voiture garée dans un coin du trottoir.
Elle me prend dans ses bras, immédiatement quand je suis à son niveau. Ça me réchauffe le cœur, je crois. De ne pas être un parasite dans sa vie aussi. Quand elle me libère, elle laisse ses yeux tomber dans les miens.
Elle me sonde, de bas en haut, chaque traits de mon visage, de ma plus fine expression à la plus exagérée. Elle n'y trouve rien, je le sais, mon visage n'a pas changé. Épuisé peut-être que je le suis mais elle n'y trouvera rien d'autre.
Elle place ses mains sur son coffre et l'ouvre pour que j'y dépose mes sacs. Je les cale au milieu de quelques sacs de courses.
— T'as fait un bon voyage ?
Elle me sourit, referme le coffre et se dirige vers la porte avant.
C'est quand on est tous les deux installés dans l'habitacle qu'elle se tourne vers moi, un sourire qu'elle n'arrive plus à dissimuler et une réponse qu'elle attendait visiblement.
— C'était long mais ça va.
Je dépose mon portable sur mes cuisses, regarde partout sauf vers elle. J'ai toujours eu l'impression que ma vie était un condensé de non-dit, de secrets et de phrases bloquées. Que ce soit avec mon père, avec Jeno, avec Mark ou avec n'importe qui d'autre. Mais mon rapport à elle a toujours été plus poussé que de simples non-dit, ça a toujours été sa vie et la mienne. Elle m'a toujours demandé comment j'allais, le soir, en rentrant des cours, je lui répondais vaguement sans jamais aller dans des détails. Elle ne connaît ni mes amis d'avant ni ceux d'aujourd'hui. Peut être qu'elle a déjà entendu des noms, sortis de certain contexte, mais c'était tout le temps elle et moi et mon silence.
Alors, aujourd'hui, ça n'a jamais été pire.
Elle n'a jamais réellement su comment s'adresser à un enfant, je crois. Personne quand elle était petit ne s'occupait de lui raconter des histoires, elle vivait la boule au ventre, sa petite sœur dont elle devait s'occuper et son père, même si elle ne me l'a jamais dit de vive voix, violent.
Je crois, aussi, qu'elle aurait infiniment préféré avoir une fille, pouvoir lui expliquer la vie de son point de vue. Avoir un garçon, c'était comme savoir devoir le déléguer à son mari.
J'étais son fils, le seul, celui qu'elle a toujours chéri mais j'étais, et je le suis encore, celui égoïste qui n'a jamais su comment se comporter avec elle.
Il faut tout dire à ses parents, savoir oser évoquer ses premières fois, parler de son amoureuse du collège, raconter quelques histoires, celles du lycée. Demander, quand un nœud se crée, comment le désamorcer.
J'ai osé, une fois, lui dire, en cachette, que mon père, son mari me faisait peur. Qu'il s'énervait contre elle, toujours trop, toujours plus sans jamais la blesser. Je lui avais dit, peut-être en étant trop jeune, que ses larmes me donnaient envie d'en verser aussi. Elle m'avait sourit, timidement, et m'avait confié, dans le plus grand des secrets que ce n'était pas de sa faute.
Elle ne parlait pas d'elle mais de lui.
Que ce n'était pas de sa faute à lui, qu'il avait des problèmes. Et que des problèmes, tout le monde en a.
Elle l'a dit gentiment, d'une manière bienveillante, je n'ai jamais pris quelque chose aussi mal.
C'est peut être pour ça que je ne lui ai plus jamais rien demandé ni même raconté. C'était la seule chose, il y a des années qui me dérangeait, y'a jamais eu rien d'autre.
Et ce n'est certainement pas aujourd'hui que j'allais tout lui raconter.
Pendant tout le trajet, c'est elle qui parle, elle parle sans s'arrêter de choses banales, inutiles et inintéressantes. La voisine et son nouveau chien; l'arbre du jardin, un soir de pluie qui s'est brisé en deux et l'argent qu'elle a dû débourser pour tout faire disparaître. Je lui répond par des hochements de tête et quelques monosyllabes.
Ce n’est pas que je ne veux pas parler, mais je ne sais réellement pas quoi dire. Et elle, elle semble ne pas attendre plus.
C'est sûrement ça que j'aime le plus chez elle, je n'ai pas besoin de me caler à son rythme, elle s'est toujours inconsciemment calée au miens.
Elle parle pour ne pas que je le fasse.
Elle se tait quand elle repense à lui, qui lui a toujours dit qu'elle parlait trop. Elle doit croire, du plus profond d'elle, que je suis comme lui, que si je ne parle pas, c'est parce qu'elle parle dans le vide.
Peut être que d'un autre côté, ça lui fait plaisir de me voir en lui, c'est vrai, elle l'aime toujours après tout. Et moi, rancunier, je ne trouves rien de mieux à faire que de finir par lui en vouloir à elle. Parce que je n'aime pas mon père et le fait qu'elle, elle lui pardonne tout, ça la rend irritable de mon point de vue.
Je sais que c'est stupide, je sais qu'elle ne sait rien, je le sais ça, je le sais même très bien. Et c'est ça, qui m'effraie le plus.
Parce que si elle savait, elle réagirait de la même manière.
Mon téléphone vibre, toujours posé sur ma cuisse. Elle l'a évidemment entendu aussi, mais quand je lui jette un regard, concentrée sur la route elle ne fait pas vraiment attention à ce que je fais.
| Alors, t’es arrivé ? Ça va ?
Je le relis plusieurs fois avant de répondre :
Ouais, ça va |
Je me demande, en réalité, ce qui n'allait pas pour que je pense à lui envoyer le contraire. C'est peut être cette légère boule qui écrase mon ventre, ce stress qui provient de je ne sais où et qui me fait mal. Est-ce que Jeno, pendant deux semaines, il va penser à autre chose ? Est ce que ses yeux qui ont pris l'habitude de se poser sur moi, ils vont visiter d'autres silhouettes ? Est ce que je devais en parler à mère, de moi, de mon père, de Jeno ?
Peut être que si je parlais de Jeno à ma mère, j'allais réellement pouvoir avancer vers quelque chose. Qu'il ne resterait qu'Hye-sun et... Et les parents à Jeno... Qu'il ne resterait que quelques problèmes à régler pour que... Pour que... Réellement, lui et moi... Lui et moi on puisse...
J'aurais préféré rester avec toi ⌫ |
... Être ensemble ?
Le message reste là, sur l’écran, sans être envoyé. Cette barre qui avance habituellement au fil des lettres qui s'ajoutent, qui, actuellement, reste au bout de mon message à clignoter.
Finalement, je soupire, efface les mots, et éteint mon téléphone. Je laisse l'arrière de ma tête reposer sur l'appuie-tête, le regard fixé sur la route, tout comme ma mère. Ce n’est que le début des vacances, et je le sais. Mais tout semble déjà trop lourd.
S'il m'a dit qu'il m'aimait, c'était bien pour un jour, être avec moi, non ?
— T'as l’air fatigué.
Elle fait taire le silence, doucement, son visage tourné de quelques degrés vers moi.
J'avais raison, de la fatigue, c'est la seule chose qu'elle a vu sur mon faciès.
Je relève à peine les yeux, les siens coincés dans le rétroviseur intérieur, elle les a plantés sur ma silhouette. Effrayé quelques secondes par leur couleur, je détourne le regard vers le côté, le trottoir qui défile à toute vitesse, les quelques maisons du quartier, du coin de l'œil, j'arrive même à repérer mon école primaire.
Ma mère travaillait tous les soirs et mon père ne venait jamais me chercher le soir, je devais rester à la garderie jusqu'à ce que ma mère sorte du travail. Lui, il commençait très tôt, et, fatigué plus que moi aujourd'hui, elle disait qu'il devait se reposer.
— Rien de nouveau, en plus je me suis couché tard hier.
Elle me fixe arrêté à un feux rouges comme si elle cherchait à lire entre les lignes de mes mots. Je ne lui rends aucun regard, tourné vers ma droite. Elle adresse un sourire à mon reflet, mes yeux qui tombent dans les siens à travers la vitre.
Le feu passe au vert, la voiture repart et son regard avec.
— Ah oui ? Tu faisais quoi ?
— Rien.
Rien. Absolument rien, j'essayais juste de dormir.
Sans succès. Perturbé par tout plus que fatigué partout.
Ma réponse ne la brusque pas. Son sourire s'il disparaît, c'est seulement parce-qu'il devait bien partir au bout d'un moment. Que ce soit maintenant ou bien plus tard, ou bien plus tôt.
Pourtant, je me demande si dans un sens, je n'étais pas en train de faire payer à ma mère ce que mon père me faisait ?
•
Je suis allongé sur le lit de mon ancienne chambre, les volets ouverts qui laissent filtrer la lumière de la rue jusqu'aux draps de mon lit. Je me revois hier, à des centaines de kilomètres d'ici, toujours allongé, les yeux fermés sans le reste qui suit.
Il fait lourd, la porte fermée, j'ai l'impression de suffoquer, l'air qui stagne dans cette pièce que j'ai redécouvert en arrivant. En y rentrant, il n'y avait plus aucune décoration, plus aucune étiquette qui pourrait prouver qu'il y a à peine quelques mois, c'était ma pièce à moi. J'ai tout emmené chez mon père, pourtant, je sais que je suis autant étranger là bas qu'ici.
Là-bas, il y a les bruissements de la ville, les voitures qui passent sans jamais s'arrêter, y'a des feux rouges là-bas, presque à chaque coin de rue.
Ici, y'a ni voiture, ni piétons. Juste des passants, des passants qui passent une fois tous les trois jours.
Tout ce que j’entends, c’est le bourdonnement d’un insecte quelque part dans la pénombre de dehors.
Et Là-bas, il y a Jeno.
Ici, je n'ai que cette sensation : la sensation des bras de Jeno autour de ma taille qui revient avec une précision presque cruelle quand j'essaye de m'endormir sans succès. J'entends aussi, à moitié assoupie, ce murmure tout contre mon oreille, ces deux mots qui n’ont rien de compliqué mais qui bousculent tout : Je t’aime.
Je sens ma gorge se nouer, un poids s’écraser contre ma poitrine. C’est d'abord l’air qui manque, ensuite le cœur qui s'affole et le calme qui essaye de me gagner. Je me retourne sur le matelas, mais rien ne change. Mes pensées s’enchaînent, elles s’emmêlent, elles s'entremêlent, s'entretuent.
Elles vont finir, menteuses, un jour ou l'autre, mesquines, par me tuer moi.
Je me redresse, mes pieds touchent le sol froid. Je me passe une main sur le visage, mes doigts glissent sur ma mâchoire tendue. Tout ce que je ressens, c’est un mélange de vide et de trop-plein. Une angoisse sourde, comme une vague qui se retire avant de revenir avec force.
Je me lève jusqu'à la fenêtre, pas plus de trois pas pour traverser la pièce entière. La poignée râle un peu quand je la tire, mais immédiatement quand elle est ouverte, le vent de dehors vient caresser mes traits tirés. Quand je referme le tout après quelques minutes, à l'intérieur de moi, ça s'est un peu calmé. Du coin de l'œil, dans un bout de la pièce, la peluche qui pends accroché à la fermeture de mon sac se fait aspirer par la lumière faible de dehors. Elle m'attire, comme ses yeux m'attirent, elle m'attire.
Je m'étais moqué de Mark pour avoir acheter une peluche ressemblant à Donghyuk. Et c'est moi qui me retrouve dans la même situation.
J'attrape mon téléphone posé sur ma commode, j'hésite un instant puis finit par écrire à Jeno. En relisant plusieurs fois, j'hésite encore à effacer.
Tu me manques. Je sais pas pourquoi j'arrête pas de penser à toi |
Peut-être que c'est cette même peluche qui m'a donné le courage d'appuyer sur envoyer. Cette lumière blanche qui s'est écrasée, qui s'est reflétée dans les billes noires en plastique du chiot.
Peut-être qu'il est une heure ou deux, je sais pas trop. Mais je sais que quand quelques secondes passent, l'heure n'a pas changé.
Mon écran qui s'allume,
| Moi aussi, Jaem
| Je peux t'appeler ?
Il y a un sourire, un sourire fragile mais sincère, mes doigts qui tapent rapidement,...
Oui, t'es pas occupé ? |
...,mon message qui s'envoie et l'appel qu'il lance aussitôt.
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TELLEMENT LONG À ÉCRIRE...
Gidle qui renouvellent leur contrat je sais pas trop quoi en penser... jme dis qu'au moins on est sûr d'avoir de nouveau album en 2025 sans difficultés derrière mais d'un autre côté... cest de Cube qu'on parle quoi...
NewJeans enfin libéré ! Mais comment ça va se passer jsuis terrifiée mdrr genre leur sons et tt elles ont plus aucun droit dessus ? En plus ça doit être galère avec le nom du groupe... mais au moins elles sont toujours ensemble !
Et dernières excellentes nouvelles : une collaboration entre Ten et Natty ???
Got7 qui vont faire un comeback en 2025 lskxkzldkkd
Mon seul rêve maintenant c'est que Soobin revienne en pleine forme pour 2025 !
Gaeun 🩵🩵🩵🩵🩵🩵
Fromis_9 🩵
Loossemble 🩵
Courage au gg Stan en tout cas ! J'avoue que je suivais ces groupes de relativement loin mais je sais ce que ça fait quand des groupes disband...
Bref...
Koeur koeur ! <3
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