²⁹ | ⌫
²⁹ | 𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚅𝚒𝚗𝚐𝚝-𝙽𝚎𝚞𝚏
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²³ ⁰⁷ ²⁰²⁴
²⁵ ⁰⁷ ²⁰²⁴
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⁴⁴¹⁹ ᵐᵒᵗˢ
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|• 𝓑𝓸𝓷𝓷𝓮 𝓛𝓮𝓬𝓽𝓾𝓻𝓮 •|
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NA JAEMIN
Janvier
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IL EST DIT que les chiens ne font pas des chats.
En naissant, en grandissant, en vivant, notre mode de pensée et de vie se calque à celui des personnes avec lesquelles l'on grandit. Un enfant, qui, toute sa vie s'est levé le matin en écoutant un vieux vinyles de rock tourner en fond, sera plus enclin à apprécier ce genre de musique. Ou peut-être pas, peut-être justement qu'il détestera ça.
Tout ça pour dire qu'un gosse qui, chaque matin savait d'avance que les voix commenceraient à monter, s'est aussi habitué à hausser le ton pour se faire entendre. Ou peut-être pas, peut-être justement qu'il demeurera silencieux.
— Dis à ta mère d'arrêter de m'envoyer des messages, si elle veut savoir comment tu vas qu'elle te demande à toi.
Mon père, c'est un homme qui ne parlait que très rarement.
Il ne souriait pas souvent, rigolait fort en faisant des blagues pour lesquelles il attendait qu'on rigole. Il travaillait, rentrait et traînait devant la télé, il mangeait en cuisinant de temps à autre.
Puis il critiquait, trouvait toujours de petites bêtes à pointer du doigt. Il, parfois, se moquait (gentiment) des repas que préparait ma mère, il s'agaçait d'un mot, d'une parole qu'il estimait déplacée. Et surtout, il criait.
Il criait pour tout et pour rien, quand il n'arrivait pas à quelque chose, aussi stupide soit elle : à rentrer le bout d'un fil dans une aiguille, à arracher le bout en plastique du scotch lorsqu'il se perd.
Il, parfois, cassait des objets dans la maison, criait sur Dieu sans même vraiment y croire.
Mais, jamais, au grand jamais il n'a levé sa main sur sa femme. Jamais il n'a ne serait ce qu'effleuré sa peau pour lui faire du mal. Il haussait le ton, s'énervait contre elle, lui demandait de se taire quand elle parlait trop ou quand elle parlait tout court.
Mais, jamais il n'a ne serait ce qu'eu l'idée de blesser ma mère. Peut être (sans aucun doute) qu'il la blessait continuellement émotionnellement mais mon père, ce qu'il déteste par-dessus tout, ça a toujours été les violences physiques injustes.
Et, je pense (ma mère l'a toujours défendu de cette manière là d'ailleurs) que s'il criait, c'est parce qu'il ne savait s'énerver autrement. Qu'il y avait, qu'il y a et qu'il y aura toujours un problème dans la gestion de sa colère.
Je suis son fils, qui suis-je pour le juger ?
Si je devais finir comme lui, plus tard, dans des dizaines d'années, qui étais-je pour le juger ?
Sa victime. Mon père ne me bat pas, si mais pas vraiment, il s'énerve, se met en colère puis je l'énerve, le met en colère. Et c'est là, seulement là, qu'il me tape.
Dommage que ce soit mon existence entière qui l'énerve. Alors, sa victime, je l'étais en quelque sorte.
Oui, peut-être. Mais ma mère aussi l'était. Touchée par ses mots et par ses actes, bien-sûre qu'elle l'était aussi.
Mais elle n'a jamais rien dit. Elle lui souriait quand il s'énervait de trop, qu'il criait trop haut. Elle s'approchait toujours, lentement, sûrement tremblante, vers lui et essayait continuellement de le calmer, moi derrière, je les regardais sans comprendre.
Sans comprendre comment ça pouvait marcher.
Pas entre eux à proprement parler, mais comment ce genre de relation, en général, pouvait marcher.
Une relation, c'est pas le genre de truc qui se construit sur la confiance ? Alors pourquoi celle-ci avait-elle en fondation des cris et quelques insultes ?
Est-ce que, un gosse de dix ans, se doit de comprendre que si ses parents ont réussis comme ça, c'était comme ça que tout ça marchait ?
Qu'il ne fallait pas de l'amour, ou si, mais pas forcément en très grande dose.
Qu'il ne fallait ni respect, ni dialogue, ou si, mais seulement si ces deux aspects se basent sur des échanges inégaux.
La seule chose réelle que ce gosse de dix ans pourrait comprendre, c'est qu'une relation aussi malsaine soit-elle fonctionne dès lors qu'à la fin de sa journée ponctuée de cris et de frustration, il y avait ce sourire que sa mère avait à lui adresser, heureuse. Toujours heureuse d'être avec son mari.
Après, il y a eu ce gosse qui devient adolescent, la tête tournée vers la table du salon, des papiers manuscrits qu'il sait lire parce-qu'il n'est pas con. Fin de relation, levée de rideaux, fin de cette histoire, spécifiquement celle-là.
Dans la logique : plus d'amour, plus de respect, plus de dialogue, plus d'entente.
Plus de mari et femme pour le meilleur et pour le pire. La suite, elle était logique dans un sens, plus logique que le début.
Alors pourquoi ? Pourquoi j'avais l'impression que ces papiers de divorces n'avaient plus aucune valeur, qu'ils avaient été signés pour espérer, aujourd'hui, être déchirés.
Fallait pas être stupide pour comprendre que si mon père voulait ne plus avoir affaire à ma mère, elle, elle s'y attachait comme on s'attache à une bouée de sauvetage en plein océan sans avoir pieds.
— Putain mais c'est pas possible !
Cette fois-ci, c'est moi qui m'agace, c'est moi qui m'énerve.
Mon téléphone vibre entre ma main, incessamment, continuellement. J'ai éteint la sonnerie depuis hier mais je n'arrive pas réellement à l'éteindre.
Je suis pas comme mon père, non, ça je le sais mais putain, des fois, j'ai autant envie de crier que lui.
Je suis monté à l'étage, sans lui fournir de réponse, j'ai monté l'escalier, marche par foutus marche, le pas pressé, agacé.
Y'a toujours quelque chose pour me souler ici, dans cette maison.
Ma porte est ouverte, celle de ma chambre, je sais pourtant l'avoir fermée avant d'être sortie dehors. Rien n'a bougé, tout y est en place. La corbeille est toujours pleine sous mon bureau, mes cahiers empilés, ma recharge branchée qui pend jusqu'au sol. Même mon lit est toujours en désordre, les draps tordus, froissés jamais refaits, bien pliés au petit matin.
Ça doit être mon père, c'est toujours lui de toute manière. Il rentre sans rentrer, il ne ferme pas la porte, n'efface pas les preuves pour dire qu'il y est rentré. Je sais jamais réellement s'il a fouillé la pièce, il me dit juste de faire attention. Il essaye de me faire peur de manière subtile.
C'est terrifiant, non, que de savoir quelqu'un être entré dans notre intimité ?
Je ferme la porte, derrière moi, d'un coup sec sans qu'elle ne claque réellement. Je fait tinter le verrou, je sais qu'il déteste entendre ce son, alors j'essaye de le faire bruyamment même s'il ne doit même pas entendre.
Ma main, je la glisse jusqu'à mon visage. Je me retiens d'écraser mon portable sur le sol. À la place, je soupire juste, ma jambe qui tressaute sur le sol lorsque je m'assieds sur le bord de mon lit.
Mon téléphone vibre encore, ça doit bien faire la quinzième fois qu'il vibre aujourd'hui. À des heures espacés, certes, mais quinze fois quand même.
Je ne sais même pas de qui ça vient, toutes les notifications sont mélangées entre elles, perdues l'une sur l'autre. Elles s'ensevelissent l'une sous l'autre, l'une après l'autre.
Je ne comprends pas. Je ne sais même pas si ce qu'elle attend c'est une réponse ou juste que ça la rassure de bombarder ma messagerie d'appels et de messages.
Je me demande ce qu'elle faisait il y a deux heures, si elle se demandait déjà ce qu'elle allait encore m'envoyer.
J'en ai ouvert une poignée, de ces messages, j'y ai répondu à certains et en ai supprimé certains autres.
Mon doigt tombe fébrilement sur son contact, on y voit son visage. Sa peau pâle et ses cheveux longs fins et noir. Ma mère a toujours été une belle femme, je me demande si c'est pour ça, qu'au début, mon père l'a approché.
| Regarde j'ai retrouvé des photos de quand on était allé à la plage
Elle a un problème.
Pourquoi avoir signé ces foutus papiers, si c'est pour ça ?
Il y a une photo en pièce jointe, une seule sur le lot entier qu'elle doit avoir dans sa galerie. C'est la seule où il y a mon père.
La seule où il sourit et où, par hasard, elle aussi le fait. J'imagine qu'en le voyant sourire sur cette photo, elle se l'imagine me sourire tous les jours ici.
J'en rigole, amèrement.
Il y a une chose que je sais sur ma mère qui pourrait expliquer son comportement. J'en connais que les grandes lignes mais je sais que c'est suffisant.
Je ne connais pas mes grands-parents du côté de ma mère et ils ne m'en ont jamais parlé, ils ne les ont jamais évoqués et, silencieux, je n'ai jamais posé de questions dessus. Ma soeur a une petite soeur, qu'elle aime, je crois, plus que sa vie. Elles ont grandi ensemble dans une banlieue de je ne sais quelle ville fréquentée. Je sais surtout que leur mère est morte quand la plus jeune des filles a poussé son premier cri. Ma mère devait avoir aux alentours de treize ans.
Mes parents, eux, se sont rencontrés au lycée.
Je ne sais rien de son père de qui il était ou de ce qu'il faisait même si je m'en doute. Mais ce que je sais avec certitude, c'est que son sauveur, c'est mon père. Elle me le disait souvent, quand j'étais tout jeune, endormie à moitié sur mon lit à l'écouter me raconter des histoires d'un livre quelconque. Elle prenait du plaisir à me raconter leur rencontre, et je crois, qu'aussi petit que j'étais, j'étais celui qui appréciait son histoire le plus. Peut être parce qu'elle m'avait l'air féerique, qu'elle la racontait des étoiles dans les yeux.
Et, qu'aujourd'hui, elle doit y repenser avec ces mêmes étoiles.
En tout cas, après avoir essayé d'arrêter de me contacter quelques semaines, elle s'est mise à vouloir le faire tous les jours.
Je lui ai répondu une fois, par mégarde, et depuis, elle ne m'a parlé qu'au passé.
Je crois que j'étais malchanceux.
Je sais que je suis malchanceux.
Lundi 2 Janvier
2
1:30
•
Pourquoi quand on oublie quelque chose par autre chose, c'est toujours plus écrasant quand ce premier quelque chose réapparaît ?
Phrase longue et stupide juste pour dire qu'avoir embrassé Jeno m'a rendu heureux puis que la réalité m'a très vite rattrapé.
Heureux. Heureux comme dans "bonheur", comme dans 'je suis heureux de vivre'. Je n'ai pas été heureux en rejoignant ce lycée, en ayant une plus grande maison et un lit plus confortable. Je n'ai pas été très heureux non plus quand Donghyuk m'a surpris dans cette ruelle ou qu'il m'a présenté à ses autres potes. Je n'ai pas réellement et à cent pourcent ressenti de la joie quand Taeyong m'a pris dans ses bras le soir où Mark me l'a présenté, je me sentais bien. Oui, je me sentais bien sur le moment, je savais que c'était un sentiment plaisant que de passer du temps avec Mark, que j'aimais bien pouvoir parler normalement avec eux.
Mais, c'est ma professeur de philo qui, en faisant son cours ennuyeux, a clairement montré que c'était pas, à proprement parler du bonheur.
Qu'heureux, je pouvais l'être si ce sentiment restait un long moment, que cette plénitude pouvait être touchée de manière stable et constante. Or, le soir même, en rentrant chez moi, il n'y avait plus cet aspect de bien-être.
Sinon, être heureux, selon elle, c'est aussi la "bonne heure", littéralement la bonne heure. Passer un instant d'entière et complète complaisance. En gros, être heureux sur le moment mais l'être tellement puissamment que l'on sait qu'à ce moment-là, on est heureux.
Alors pourquoi je me permet d'attester qu'en embrassant Jeno j'étais heureux ?
Parce-que je m'en contre fou de ces cours de philo. Évidemment que c'est pas un baiser qui va me rendre heureux sur une période longue et évidemment que je n'ai pas ressenti cet échange comme un moment tellement puissant et plaisant que je savais être heureux.
J'ai juste envie de le dire.
Juste dire qu'avoir reçu son message en soirée, allongé sur mon lit, des écouteurs enfoncés dans mes oreilles, m'a rendu heureux.
Du moins, j'ai souri naturellement.
Et si ça, sourire sans fil pour le tirer, c'est pas la plus grande preuve qu'on est heureux ?
Alors oui, un instant, quand j'ai éteint mon portable après réception de son message pour ne plus en recevoir d'autres, j'ai oublié. J'ai oublié que ma vie ne va pas dans le sens que je veux.
Je viens de me réveiller, couvert par les draps, le visage écrasé par la lumière de dehors. Il fait jour, un peu trop peut-être. Il doit être dix heures sans doute un peu plus.
Je récupère mon portable de la poche de mon pantalon. Il est éteint. Profondément endormi depuis hier soir. C'est pas mon père qui risquait de me demander où j'étais et j'avais besoin des messages de personnes d'autre étant donné que j'étais avec la personne qui m'en envoie et pour laquelle j'apprécie recevoir la notification.
Réticent, je glisse mon doigt jusqu'au bouton d'allumage et y émet une légère et courte pression.
D'abord, il y a ce flash et cette marque quelques secondes. Ensuite, c'est au tour de mon écran de veille et ça finit toujours par une avalanche.
À vrai dire, je ne sais même pas si parmi ces messages il y en a un de Jeno et c'est ça qui m'agace le plus.
En survolant les quelques textos, sans surprise, la grande majorité viennent de ma mère : elle me demande comment se passent les cours, comment ça va au lycée. Si les examens se passent bien, si je me suis fait des amis.
On dirait qu'elle ne sait même pas que je suis actuellement en vacances et que mes premiers examens je les ai déjà passés dans mon ancien lycée.
Je les balaie d'un léger toucher avant de m'arrêter au dernier. Le moins surprenant, noyé dans la conversation qu'elle se fait toute seule. Peut-être qu'elle ne voudrait que je réponde qu'à celui-ci.
| Est ce que ton père va bien ? Il ne me répond plus.
Ça devrait m'agacer, qu'elle ne me parle que pour savoir par rapport à lui. Qu'elle me parle d'un type qui m'a déjà balancé de l'eau au visage, agacé pour une parole qu'il trouvait déplacée. Pour un gars qui me force à me changer seul, après tout le monde, dans les vestiaires. Pour un père qui, tout simplement, méprise son fils.
Mais surtout, ça me fait de la peine. Après tout, c'est elle qui a signé les bouts de papiers. C'est elle qui les a posées sur la table.
Mon téléphone finit sur les draps, jeté gentiment sur le côté.
Mes doigts s'accrochent frénétiquement à ma seconde poche, j'en sors, sans même en sortir le paquet, une cigarette.
Ces derniers jours, je fume beaucoup bizarrement.
Moi qui croyais ne pas en être addict, je crois que sur ça aussi je me suis trompé.
Je sors par le balcon de la chambre qui ne m'appartient même pas, les grandes portes fenêtres sont dures à ouvrir. Comme si elles étaient restées fermées trop longtemps.
Le briquet en main, le torse dénudé et gelé, mes doigts se crispent quand même un peu sur le bout de nicotine quand je l'emmène allumé jusqu'à mes lèvres.
En face, je vois la maison du voisin, son chien qui sautille derrière un oiseau dans le jardin.
Mercredi 4 Janvier
10:33
•
La porte tremble, malmenée par la poigne grave de quelqu'un de l'autre côté. Ça s'arrête un instant, mes yeux s'ouvrent en trombe, mon corps se dresse aux aguets, mon cœur bat soudainement fort. Il s'est calqué aux quelques coups rapides qui ont retenti à l'instant.
— Hé ! Jaemin !
La voix est forte, criarde même si légèrement essoufflée. J'ai l'impression de m'être réveillé d'un cauchemar pour finir par tomber sur un autre. Mon cœur se calme, lentement, il s'apaise en reconnaissant la voix de mon père. J'ai pourtant toujours les yeux éclatés en direction de la porte fermée.
Il y a un instant, sans un bruit, un râlement de l'autre côté et avant que je ne puisse faire un seul mouvement, il y a de nouveaux des coups.
Moins forts. Beaucoup moins fort. Des coups réguliers, une mélodie qui se répète.
Je me frotte les yeux, mal réveillé, mon cœur est reparti dans une course à laquelle il participe seul.
Il est qu'elle heure putain ?
— Dépêches toi !
Il ne crie pas, ne hurle pas. Mais parle fort, très fort. Il s'impatiente, je sais qu'il s'impatiente.
Je quitte mes draps, ma couverture qui tombe, mes pieds nus frissonnent sur le parquet. Je jette un coup d'œil par la fenêtre, pas une seule lueur de lumière, même les lampadaires sont presque tous éteints ou chancelants.
— Putain Jaemin !
J'expire une fois, mon coeur bat incroyablement vite. J'ai l'impression qu'il panique à ma place, ou, qu'il me fait comprendre que, moi, je panique.
J'accroche la serrure, délit le loquet et ouvre la porte par la poignée, d'un geste grisant.
Peut être que j'ouvre la porte du paradis ou de l'enfer, personne ne sait.
Boum. Boum. Boum.
Le visage de mon père est fatigué, dépravé, ses sourcils sont continuellement froncés, son front est assailli par des plis, un mal de tête qu'il essaye de camoufler derrière ses yeux durs. Sérieux. Tranchants.
Aucune tenue de travail, juste une chemise presque totalement ouverte. Il pu l'alcool à des kilomètres, et ses yeux sont rougeâtres. Fou.
Je recule un peu, par peur je ne sais pas.
Je ne l'ai jamais vu comme ça. Mon père, habituellement, il ne boit jamais.
D'un mouvement rapide, il m'attrape le bras, l'encercle de ses doigts durs et imprécis. Il y émet une certaine force sans même s'en rendre compte.
Boum.Boum.Boum.
— Quitte la maison,
y'a..
J'ai invité quelqu'un,
et,
Et je veux pas que tu sois là.
Son haleine écrase mon visage, je retiens une grimace. Sa main lâche mon bras, mon cœur se calme.
Il plisse ses yeux, passe une main dans ses cheveux. Il recule, sans marcher totalement droit. Il tourne dans le couloir, ouvre la porte des toilettes de l'étage. Celles qu'il n'utilise habituellement jamais mais visiblement les habitudes, un verre dans le nez, elles se perdent.
Je me tourne immédiatement vers ma chambre, j'enfile mes chaussures sans prendre le temps de trouver une paire de chaussettes. J'emporte rapidement une veste et mon portable.
Qu'est-ce-que je déteste cette maison de con.
Et mon cœur, putain, pourquoi il ne s'arrête pas de battre ?
En descendant, dans un coin de ma vision : une femme, un verre à la main sur le fauteuil qui attends. Je passe à côté en roulant des yeux comme si je ne l'avais pas vu. J'ouvre la porte d'entrée, la lumière automatique du perron s'allume au-dessus de ma tête, je claque la porte.
Dans quelle merde je suis encore ?
Il n'y a pas un son dehors, aucune télévision allumée qu'on pourrait voir à travers les vitres. Y'a même pas de chien dehors, prêt à aller faire un tour. Aucun oiseau pour piailler.
Et moi, je suis là comme un abrutis à faire grincer le portail de chez moi, virer de ma propre chambre à je ne sais même pas quelle heure du matin. Ce serait logique que de dire que j'ai sommeil mais sérieusement, je n'ai jamais été aussi réveillé de ma vie. Je sais que dans quelques heures, ça va me retomber dessus. Mais maintenant, tout de suite, mes yeux sont ouverts en grand et mon cœur qui battait plus fort que ces stupides coups à la porte, m'a servi de réveil.
C'est ironique quand on sait que mon père ne voulait pas que je sorte, au début.
Qu'il voulait que je reste, toute la journée dans ma chambre même si c'était pour de faux.
Je fais quelques pas sur le trottoir, ma veste qui ne me réchauffe qu'un tout petit peu sur le dos. J'aurais dû prendre une écharpe ou mon manteau pour avoir moins froid.
Je m'installe sur une murette d'une maison voisine. Mon pyjama finira à moitié crasseux, j'aurais des cernes encore plus grimaçantes pour le lycée, demain mais, ..., tout va bien.
En fait, je sais pourquoi j'ai pris cette veste et pas nécessairement ma parka. C'est pour ce bout de carton qui y dort.
Je pioche une clope dans le paquet, mon briquet éclaire mon visage, il incendie l'extrémité de la cigarette. Immédiatement, je glisse l'autre côté entre mes lèvres. J'en inspire une profonde bouffée puis l'expire l'instant suivant juste comme ça.
Que cette fumée noire fasse un tour dans mon corps et qu'elle le quitte aussitôt.
Je regarde mon portable que j'ai encore entre mes doigts. Je regarde l'écran éteint. Il y a en reflet sur ce dernier, le bout incandescent du bâton de nicotine. On y voit aussi, presque, mon visage. Mes lèvres, le dessous de mon nez et le bout de mes cils.
Je tire sur la cigarette, écoute les bruits alentour. Pas un seul.
Est ce que je devais lui dire, à ma mère, que son ex-mari qu'elle n'arrive visiblement pas à oublier avait dégagé son fils de chez lui pour ramener une femme ?
À vrai dire, je ne savais même pas qu'il était sorti.
Dimanche 8 janvier
03:27
•
D'un point de vue extérieur, je sais que ça a été la première fois et la dernière. Mon père ne s'est jamais re-remmené aux alentours de trois heures du matin pour venir tambouriner à ma porte à moitié bourré. Il ne m'a plus jamais demandé de quitter la maison que ce soit le matin ou en soirée pour faire ses affaires. Il se contentait de ramener des femmes de son travail ou de je ne sais où quand il rentrait de sa journée, en fin d'après-midi quand j'étais la grande majorité du temps absent.
À vrai dire, il n'a plus jamais emmené quelqu'un quand j'étais là.
Sans doute que ce jour-là, il était énervé et surtout, qu'il a regretté.
Qu'il s'est dit dans sa tête, qu'il ne recommencerait plus. Mais qu'il le fera d'une autre manière un autre jour. Car si c'était sa tête qui lui disait quoi faire, ça ferait longtemps que tout, absolument tout, irait parfaitement bien.
Finalement, peut être qu'il n'y avait pas que ma mère qui devenait folle mais que mon père aussi.
Qu'ils ont disjoncté.
À cause de moi, évidemment, mais qu'ils ont quand même disjoncté. Qui sait si je n'allais pas les suivre dans leur lancée ?
— Vous avez une idée de quelle école viser l'année prochaine, Jaemin ?
Viser ? Viser comme on vise avec un arc, qu'on tire dans le mille ou totalement à côté. C'est pareil ici ? Tu vises une école pour réussir à y entrer ou pour totalement te foirer. Dommage, fallait mieux viser, plus pratiquer.
— Je ne sais pas.
En réalité, je me retiens de lui dire : Non. Aucune.
J'irais à une école l'année prochaine, c'est ça le projet ? Celui de tous ceux qui vont en cours ?
Sa grimace n'est pas camouflée, elle déborde carrément sur son sourire poli qu'il essaye de me faire croire bienveillant. Il doit avoir la cinquantaine, un homme vieux et sage qui essaye d'aider des gosses à choisir leur avenir quand lui-même n'a que quelques années à tenir avant de finir à la retraite.
Pourquoi c'est pas un jeune, paumé au passé, comme moi qui ne savait pas où allait qui aide ? Pourquoi ça doit être un vieux de cinquante ans qui n'attend qu'une réponse de tous les élèves : le nom d'une école prestigieuse pour finir à la tête d'une entreprise ou médecin.
En réalité, même lui, même s'il fait son travail, je suis sûr qu'il n'en a rien à faire d'où je finirais l'année prochaine. Si c'est six pieds sous terre ou tout en bas de la liste d'une école prestigieuse.
— Vous devriez vous renseigner. Je peux comprendre que vous ne sachiez pas encore mais le minimum serait de commencer à s'y intéresser. Vous ne pensez pas, Jaemin ?
Il dépose une main sur mon épaule, amicale, je la vois comme celle de mon père, ce soir-là, une main qu'on pose sur quelqu'un pour mieux faire avaler, digérer le message.
Il l'enlève quand il voit à mon visage neutre que je ne suis pas réceptif, il la range sur son stylo, il note quelques mots sur son cahier à spirales.
— Je vous appellerai la semaine prochaine, tâcher d'y réfléchir, d'en parler avec vos parents pour avoir leurs avis.
J'acquiesce, il me sourit, m'autorise à quitter son bureau qui sent le renfermé. L'odeur de tous ces élèves qui passent d'affilés en chenille, qui posent leur sac sur le côté et leur cul sur la chaise.
Je suis sûr qu'il n'y en a qu'une poignée qui sont enthousiastes à l'idée de donner leur future en une phrase à un type qu'ils ne reverront plus jamais.
Un type qui note, sur son cahier des mots comme s'il comprenait quelque chose aux rêves des autres. Il note, il note quoi ? Il va en parler à qui de tous ces gosses qui ne savent pas quoi faire ?
J'espère juste qu'il n'appellera pas mes parents.
Je ferme la porte, sans la claquer, je lui dis au revoir et prie simplement pour qu'il oublie de me rappeler, la semaine prochaine même si je sais que c'est impossible. Que mon prénom est déjà inscrit sur son agenda, un rendez-vous déjà glissé au milieu de tous ses autres rendez-vous.
Il trouvera bien un créneau entre un élève en qui il a des attentes et un autre qui, comme moi, sait que ces rendez-vous ne finissent que par mettre la pression.
Je quitte le bâtiment administratif, il y a quelques personnes qui attendaient devant la salle, juste derrière moi.
J'arrive jusqu'à la table où j'avais précédemment laissé mon groupe d'amis, ils y sont tous toujours installés à regarder leur portable ou le nez plongé sur une feuille à finir un exo.
Tiens, il y a même Hye-sun, assise sur Jeno.
Ça m'arrache un rictus qui me fait bizarrement grimacer.
Ils ne me saluent pas, le seul qui le fait c'est Jisung. Il m'adresse un sourire et se décale de sur son banc pour me faire une place. Je m'y installe.
Jeno me fuit du regard, moi, je sourit comme si de rien n'était.
Aujourd'hui, comme jamais auparavant, j'ai décidé que tout irait bien dans ma vie.
Que je sourirait comme si de rien n'était ou plutôt, comme si tout n'était rien.
Mardi 10 Janvier
13:30
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