Il faisait nuit. Il faisait froid. La fenêtre était ouverte, laissant le vent glacé s'engouffrer dans la chambre. Ses cheveux étaient collants et gras. Il passa un doigt sur le coin de sa tempe, essuyant une coulée de liquide rouge. Il fixa la rue en face, plongée dans le noir. Il faisait vraiment froid. Il baissa la tête, se contentant de regarder à travers la pièce. Ça puait. 

Il était surement déja trois heures du matin passées et le sommeil ne venait pas. Une pensée ne cessait de l'envahir. Elle. 

Elle. 

La façon dont son regard avait croisé le sien, une fraction de seconde. C'était le genre de sentiment dont il n'avait pas la connaissance avant de l'avoir déjà expérimenté et c'était délicieux. Il ferma les yeux et se laissa tomber en arrière sur le lit. Ce dernier émit un bruit douteux en accueillant les 80 Kg. Une nouvelle latte devait s'être brisée. Il poussa un soupire agacé. La porte s'ouvrit doucement, laissant l'ombre de son frère s'écraser sur le sol. 

- Tu descends ? 
- Pourquoi ? 

Il se releva et fixa le garçon qui venait d'entrer, le forçant à penser à autre chose qu'à ce regard. 

- Le repas est prêt. 

Il éclata de rire.  Son frère le regarda sans comprendre. 

- Tu sais ce qui est marrant ? C'est qu'on aurait presque l'impression d'être dans une famille normale. Tu trouves pas ? Bouffer à trois heures du matin, tu trouves ça normal toi ? 
- Jeff, tout va bien ? 

Ce dernier regarda par la fenêtre. 

- Non. Tout ne va pas bien, Liu. 

Il soupira et se tourna vers son frère. 

- J'aimerai pouvoir avoir une "famille" normale. 

Liu recula de quelques pas. Il saisit la poignée de la porte et se contenta de la fermer derrière lui, laissant Jeffrey seul. Une latte du lit avait effectivement craqué et les deux morceaux tenaient étrangement en équilibre. La fenêtre était toujours ouverte et le froid remplissait d'avantage la pièce. Jeff jeta un coup d'oeil à son reflet. Ses joues cicatrisaient doucement, laissant de fines lignes rouges aux commissures de ses lèvres. Les bandages de ses avant-bras devenaient sales. Il les lui faudrait changer plus tard. 

Elle. Son regard froid. La façon dont ses cheveux se répandaient le long de sa nuque. Sa peau (c/p) parfaitement lisse le long de ses bras. 

Il grogna, laissant sortir un son roque de son œsophage. Ses doigts se serrèrent dans ses paumes, laissant la marque blanchâtre de ses ongles sur sa peau. Il fallait qu'elle soit à lui. Ce genre d'obsession était nouvelle. 

La porte s'ouvrit à nouveau. 

- Jeffrey ? 

Il tourna la tête. Son "père" le regardait inquiet, le visage barré de rides. 

- C'est Liu qui t'envoie ? 
- Pas vraiment, il m'a simplement dit que tu n'avais pas l'air dans ton assiette. 

Jeff éclata de rire. Froid, dur, inquiétant. 

- Pas dans mon assiette ? T'en fais pas pour moi, Bob*. Je descend dans deux minutes. 

Un silence s'installa entre eux. 

- Tu ne comptes pas descendre, n'est-ce pas ? 

Jeffrey haussa les épaules, un air moqueur sur le visage. 

- Peut-être. 
- Qu'est- ce que tu comptes encore faire ? 

Le regard de Jeff s'assombrit. 

Elle. Il ne parvenait pas à s'enlever son image. Bob le regardait étrangement, cherchant à comprendre les motivations du jeune homme. Jeffrey s'assit sur son lit, finissant de faire tomber la latte brisée. 

- Tu pourrais envisager de cesser de réduire ton lit en morceau ? 

Jeff grogna en levant les yeux vers Bob. 

- Il est pas solide, c'est pas ma faute. Rien n'est solide dans cette taule pourrie. 

Quand son paternel eut quitté les lieux, il saisit sa paire de baskets et les enfila à la hâte. Il sorti de la chambre et traversa le couloir rapidement, se rendant dans la chambre voisine où il s'assit devant un ordinateur démesurément grand. Très vite, le visage de la fille s'afficha sur un écran vert. Un sourire sincère illumina son visage. Ses yeux piquaient dans ses orbites. 

ELLE. 

Il était très tard, personne ne dormait jamais ici mais elle, elle devait dormir, comme toutes les personnes saines d'esprit. 

Il se leva et repoussa la chaise sous le bureau avant de quitter la pièce rapidement. Il voulait la retrouver. Pourquoi, il n'en savait rien. Il tapa dans l'angle du mur en tournant précipitamment. Il tourna la tête sur la gauche, regarda la fenêtre avec insistance. Il afficha un nouveau sourire avant de s'y diriger et de grimper sur son rebord. 

Cliché, mais efficace. 

Il sauta avec facilité en bas et parti en courant, titubant légèrement le temps que ses jambes accusent le coup. 

ELLE. 

Ses cheveux étaient glacés et collants. L'air était toujours froid. 

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* Bob Thompson : ce nom semble selon la communauté creepypasta être le nom "humain" du slender man. Dans cette fanfiction, je souhaite apporter une dimension plausible aux relations entre les "creepypastas". J'aimerai les faire apparaitre comme des être humains, certes dérangés, mais des êtres humains quand même.