CHAPITRE 4
Ils savaient plus très bien comment ils s'étaient retrouvés dans ce canapé désossé. Plus très bien quand ils étaient rentrés, aux premières lueurs du jour sans doute. Jisung se souvenait vaguement d'avoir envoyer un message à sa patronne pour lui dire qu'il ne viendrait pas. Il avait bien envie de lui dire que le karma l'avait rattrapé, que ça y était, le cancer avait fini par le chopper, mais non. Ce n'était là qu'un soit disant coup de chaud suivit d'une forte poussée de fièvre, rien de bien méchant évidemment, il pourrait revenir le lendemain. Il le lui avait assuré. Il fallait bien qu'il gagne de quoi payer le loyer de son taudis.
Cependant, pour l'instant il n'y pensait pas vraiment. Il ne pensait pas vraiment à grand chose en réalité. Le jeune homme s'était dirigé vers sa vieille radio, c'était comme si tout était vieux ici. Jisung il baignait dans son passé, dans ce chaos qu'était sa vie, il avait beau vouloir lui échapper il lui collait à la peau. Ce passé à la con dont il souhaitait se débarrasser, pendait comme des chaînes à ses poignets abîmés, rafistolés, comme la chaise du tabac. Tabassé par les années, meurtris de sa propre main il y avait de cela quelques années, quand le pathétique était au sommet, lorsque le censé ne faisait plus sens et que le sourire n'était plus vraiment un sourire. Plutôt une grimace. Et puis maintenant, il dansait au-dessus de cet état d'affliction, narguait son désespoir, tanguait entre sa déchéance et un taux de je-m'en-foutisme inquiétant.
"Je m'en fou moi si je crève, tu sais ?"
qu'il avait dit un jour. Et Minho, il avait voulu pleurer, mais il n'avait rien dit. Il l'avait juste fixé de ses grands yeux tristes. Le sanglot tremblant au bord des lèvres et l'océan dans les yeux.
Jisung alluma finalement la radio, réglant celle-ci sur un faible volume. Il était tard après tout. Mais une main surgit derrière lui et fit glisser son doigt. La musique explosa alors à plein volume dans le petit appartement.
"Putain Minho ! J'ai des voisins moi ! S'écria le plus jeune en paniquant. T'es con ou quoi ? S'énerva-t-il en tendant la main pour baisser le son.
- Ji', qu'est ce que ça peut faire ? Fit-il en retenant sa main. On s'en fou des voisins."
Et derrière ces mots il voulait peut-être dire : "On s'en fou des gens, de ce que vont penser les autres, vis ta vie Jisung. Vis là pour de vrai". Ça résonnait dans sa tête sans qu'il n'ai rien dit. Et peut-être bien qu'il n'avait pas besoin de le dire. Sa main retomba mollement contre son corps et les basses continuèrent de pulser et de faire trembler les murs. Elles continuèrent d'hurler à leurs oreilles et il se fit entraîner contre le corps bouillant de Minho, une main autour de son poignet qui le fit valser. Ils tournèrent ensemble sans but en manquant de se prendre la table basse, sautèrent, crièrent, chantèrent, parfois leurs corps se serrèrent. Leurs mouvements ne faisaient pas sens, mais au final, qu'est-ce qui avait vraiment du sens ? Rien, absolument rien. L'esprit de Jisung n'était que brouillard, accalmie, un orage qui grondait sourdement mais qui pour l'heure semait le bazard dans son esprit, Minho réveillait une tempête dans son âme et elle tremblait sous sa peau. Sa main soudée à son poignet le brûlait, le contact de sa peau sur la sienne lançait un feu de forêt tout contre celle-ci. Jamais il n'aurait penser que cet homme aurait pu être le feu, pourtant part bien des façons il le ravageait, il ravageait ses entrailles comme le feu détruisait tout sur son passage, incontrôlable. Pourtant il n'oubliait pas que Minho était tout. Absolument tout. Indescriptible et infini. C'était cela, et Jisung avait absolument horreur de le définir, s'aurait été comme une injustice vis-à-vis de tout ce qu'il représentait, terriblement réducteur.
Il lui paraissait plutôt comme l'eau, apaisant ses blessures et ses brûlures. Il était comme ça Minho, apaisant, et pourtant il attisait le feu qui courait en lui. Deux mains se plaquèrent sur ses hanches et le jeune homme se fit balader de droite à gauche, le corps plongeant vers l'arrière et les bras vers le ciel. Jisung laissa le plus vieux faire ce qu'il voulait de lui, il s'était donné au garçon du cosmos, depuis bien longtemps déjà maintenant, lui, le garçon de l'infini. Il le laissa le faire plonger dans l'océan des notes de musique. Ils étaient plongés dans une bulle hermétique, faite de titane pour que personne ne puisse jamais la briser, même pas la voisine insupportable du plus jeune qui tambourinait à la porte. Jisung rit lorsque le brun le ramena vers lui, collant leurs torses et faisant se rencontrer leurs yeux qui ne se lâchèrent plus dès lors.
Ils se sourirent et leurs yeux en firent de même, complices. Et puis une nouvelle musique éclata et le plus jeune se mit à crier, sautant dans tout les sens. Le jeune homme s'offrit une valse à lui même, tournoyant lascivement sur Creep de Radiohead, il adorait cette chanson. Son être tout entier vibra sous la musique, les paroles vinrent glisser d'entre ses lèvres tandis qu'il fermait doucement les yeux. Et Minho il restait planter là, à observer cet étrange spectacle. Sur le visage de son cadet, subsistait un apaisement jusque là inédit. La tourmente qui possédait son âme semblait s'être envoler pour ne laisser que la musique. Comme envoûté il continua ainsi, des frissons parcouraient sa peau, les paroles résonnant en lui, s'enroulant autour de son cœur pour le compresser. Jisung sentait son rythme cardiaque s'accélérer, les larmes lui monter aux yeux et une boule se former dans sa gorge. Les paroles résonnait fort, trop fort.
«But I'm a creep, I'm a weirdo»
Il pleurait à chaude larmes désormais et si d'aventure, il avait toujours été seul, pour la première fois des bras vinrent l'enserrer, pour la première fois on vint le réconforter. La chaleur qui l'entoura alors, ne le fit que pleurer encore plus tandis qu'entre ces bras, il pouvait enfin se sentir en sécurité, trouver un semblant de paix. Son corps s'affaissa contre le torse de celui qui plus que l'homme qu'il aimait, était celui qui le sauvait aussi chaque jour. Et ces mots chantés au creux de son oreille, qui avait beau n'être que la continuité de la chanson qui tournait toujours, le touchèrent bien plus qu'il n'aurait pu le penser.
«You're so fuckin' special»
Il se laissa gentiment tirer vers le canapé, ils s'enfoncèrent tout deux dedans, tant et si bien qu'il cru qu'ils allaient finir noyés et engloutis par celui-ci. Presque plus aucun ressort, la mousse qui dégueulait du moindre trou, ce n'était plus qu'une épave. Épave aussi échoué que lui. Sans plus aucune attache, plus aucune terre en vue, seulement l'infiniment bleu : Minho. Ramenant ses genoux contre lui tandis que la voix de Thom Yorke se taisait petit à petit pour laisser place à celle de Robert Smith. Boys don't cry. C'était imperceptible, minime, mais il le vit, le sentit, le tremblement qui ébranla le garçon à ses côtés. Et pendant quelques secondes, au travers de son regard incertain il perçut ce petit garçon terrifié qui n'avait jamais cessé de subsister en lui.
La main tremblante, l'œil légèrement hagard, de ses doigts maladroits le plus âgé des deux sortit de sa poche un petit sachet accompagné des feuilles à rouler que le plus jeune lui avait vendu plus tôt. A la manière d'une cigarette, le brun versa l'herbe sur une feuille, prit soin de bien placer le filtre avant de rouler consciencieusement son joint, tassant l'herbe émiettée en son sein avant de le porter à sa bouche. Jisung le vit s'agiter à la recherche d'un briquet jusqu'à ce qu'il lui tende le sien, couvert de plein de petits dinosaures verdâtres. Lorsqu'il l'avait déniché, le jeune homme avait trouvé les lézards géants qui le parcourait particulièrement adorables, désormais, ils disparaissaient dans la grande main de Minho. Et puis la flamme surgit, toujours aussi envoûtante, enflammant l'extrémité du joint.
La fumée, opaque, vint envahir la pièce dès lors que la première taffe fut inhalée puis soufflée lourdement. Chacun des muscles du brun se détendit doucement, il lui en fallait un peu plus pour planer, un peu plus pour trouver le monde plus rose et un peu plus pour oublier la véracité de ces paroles : "I tried to laugh about it ; Hiding the tears in my eyes ; 'Cause boys don't cry". Beaucoup plus pour oublier cette putain d'hypersensibilité qui le faisait pleurer beaucoup trop fort, qui rendait ses pensées si bruyantes, qui rendait le moindre contact électrisant et le moindre son trop brutal, qui le faisait aimer beaucoup trop fort une certaine personne qui parlait trop violemment et s'évertuait à cacher son âme brisée derrière l'indifférence.
Il sentit vaguement un corps se blottir davantage contre lui et fourrer son nez tout froid contre son cou. La vague de froid frissonnante qui le parcouru l'incita à prendre une nouvelle taffe qui embruma son cerveau. Dès lors le monde devint planant, il était comme en apesanteur, et puis Minho croisa les deux grands yeux noisettes de son ami qui le détaillait, le regard quasiment aimanté au joint entre ses lèvres, ou peut-être était-ce celles-ci justement qu'il fixait, le plus grand n'en savait rien. Il était définitivement incapable de réfléchir de toute façon.
"T'en veux ?" se surprit-il à demander, et le plus petit acquiesça, semblant ailleurs. Ce n'était peut-être pas le joint qu'il fixait finalement. Rapidement, il fut glisser entre ses lèvres. Cinq minutes plus tard il était euphorique et Minho l'observait avec amusement bondir sur place comme un enfant, puis balancer la tête vers l'arrière, posée contre le dossier et la bouche grande ouverte. Le jeune homme laissa échapper de petits sons extatiques, subjugué par le plafond miteux, un soupir de bien être fila d'entre ses lèvres alors qu'il dirigeait son regard vers le brun à ses côtés. Un sourire débile s'installa sur son visage tandis qu'il prononçait en rigolant le prénom de son aîné.
Soudainement, il s'approcha de celui-ci, grimpant sur ses genoux tel un bambin avant de laisser tomber lourdement sa tête contre l'épaule de son ami toujours en riant, continuant de le fixer. "T'es beau Minho tu sais ? J't'aime bien, j't'aime beaucoup en fait" , il ricana tout en jouant avec le col du susnommé. Puis il se leva, tournoya, dansa, cria, sauta et cela fit éclater de rire le brun toujours assis. Le jeune homme se laissa tomber dans le canapé tel une gigantesque étoile de mer et ils partirent tout les deux en fou rire. En réalité y'avait pas grand chose de drôle mais tant que leur deux êtres pouvaient rire ensemble cela n'avait aucune sorte d'importance pour l'un comme pour l'autre.
Ils rirent longtemps, si longtemps que Jisung cru bien que son ventre allait exploser. La suite ? Ce n'était que du flou. Des formes éparses et fantasmagoriques, des rires stupides perdus dans le néant, des mots criés à travers la fenêtre, des confessions dites mais aussitôt oubliées et puis peut-être bien des gestes un peu trop puissants pour s'en rappeler. Y avait-il eu des embrassades ? De ça, l'un comme l'autre n'en savait strictement rien. Et au final, ils s'en fichaient éperdument. Seuls les couleurs qui dansaient devant leurs yeux semblaient faire sens.
Seulement, la redescente elle, fut rude pour Minho. Et si d'habitude c'était lui qui consolait le plus jeune, cette nuit là (ou ce matin ?), ce furent les bras de Jisung qui le serrèrent fort, très fort. Ce furent ses mains qui caressèrent tendrement ses cheveux, ses doigts qui passèrent délicatement entre ses mèches et qui vinrent doucement sécher ses larmes. Ce furent ses mots soufflés avec douceur et affection qui vinrent chatouiller ses oreilles pour alléger sa peine immense. Ce fut Jisung qui vint consoler son âme. Souvent, il se perdait dans la drogue pour oublier toutes ces émotions, ces sensations, cette myriade de sentiments entêtants, beaucoup trop puissants pour lui. Et quand il revenait, quand le monde le frappait comme à cet instant là, il se sentait submergé. Submergé par toutes ses angoisses, tous ses démons, son anxiété et toutes ces choses qu'il avait souhaité fuir vainement le temps de six pauvres heures. C'était trop lourd à porter pour lui.
Cependant, entre les bras de ce garçon qui lui chuchotait monts et merveilles, il se sentait plus léger, peut-être un peu plus libre aussi, c'était tout ce que la drogue ne lui offrirait jamais. Et soudainement, la raison inexplicable qui l'avait poussé à venir s'installer dans ce trou paumé lui paru limpide. Il devait le trouver lui, il l'avait toujours su.
«You were sayin' all the words I'm dreaming»
Ce n'était qu'une nouvelle chanson qui commençait.
☄. *. ⋆
Hey shinies !!
Enfin un nouveau chapitre, j'ai vraiment du mal à trouver l'inspiration et la motivation en ce moment j'suis vraiment désolé :')
En tout cas j'ai de nouveau essayé un nouveau format pour la deuxième partie, c'est un peu court j'avoue mais votre dévouée autrice (lol) n'avait plus assez d'inspi jpp
J'espère que ça vous aura plu !
Prenez soin de vous <333
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