☆ LITHIUM°47

J'ai enfilé mon gilet, allumé une clope et posé la tasse fumante sur la table basse. J'ai frissonné en m'approchant de la fenêtre, et dehors, c'est la pleine lune.

Jisung feint les notes de Cry Baby de Janis Joplin sur sa guitare, affalé dans le canapé. Il ne regarde rien, pas même moi, perdu dans ses pensées, mais ses doigts, trop habitués aux heures de répet', caressent les cordes sans qu'il n'y ait à y penser plus que ça. C'est ça, pour moi, le talent. On y pense pas, ou plus, et il est là, stable, grandiose, suffisant, parfois. C'est ce qu'a Jisung, mais il ne semble pas le comprendre. Comme j'adore cette chanson, je le laisse divaguer, je fume ma clope, assise sur le rebord, la rue en contre-bas. Il est deux heures du matin, nous sommes bien silencieux depuis notre retour du club, mais ça a l'air de nous aller. La tasse de thé que je l'ai forcé à prendre git sur la table.

— Si tu bois tu ne paieras pas plus cher, je fais, entre deux taffes.

Ses yeux noirs se posent sur moi. Je me doute qu'il plane encore un peu, ça se voit. Je pince mes lèvres entre elles. Il esquisse un léger rictus, celui qui me plaît, celui qui se moque un peu.

— Encore une expression de chez toi, a fait le brun en rejetant la tête sur le dossier du sofa.

— J'en ai tellement plus, si tu savais, j'ai ricané à mon tour.

Jisung me suit, j'adore ce moment. Cette nuit-là, je m'en souviens si bien que c'est comme si je l'avais vécue hier. J'ai adoré Joplin, adoré l'odeur du thé vert dans l'appart' et celle de la nicotine dans ma bouche. Lui, le fait qu'il soit rentré avec moi plutôt que d'être resté là-bas, que ça soit calme, que les flammes des bougies vacillent dans l'air frais, que je sois venue m'installer en Corée et que je l'ai rencontré lui.

— Le thé refroidit, j'ai fait, sourcils froncés.

— Alors viens le boire, a renchéri le guitariste en ré-accordant sa guitare au passage. Et sors du courant d'air, par pitié. Ton but ici c'est de claquer d'une pneumonie ?

Il a toujours détesté cette manie, il me l'a dit plus tard. Sur le coup, j'en ai rigolé, bien sûr. Je suis descendue, au moment où Monsieur sortait un tout nouveau joint, de je ne sais où.

— Même pas en rêve, j'ai dit en lui chipant des doigts.

Jisung m'a regardée, étonné, puis il a eu son petit rictus.

— Si tu savais ce qu'il se passe dans mes rêves, tu...

— M'en fous, je l'ai coupé en m'asseyant en face de lui, sur la table basse. Je t'ai fait du thé et tu t'en tapes.

— Je ne t'ai rien demandé, il a dit en se penchant vers moi.

— Je prends soin de ta condition physique post-concert. C'est plein de bienfaits le thé vert.

Il m'a fixée, puis a ricané.

— Aller, file-moi ça, va.

Il parlait du joint, mais je lui ai flanqué la tasse dans les mains et ai coincé le joint entre mes lèvres. Le bout s'est enflammé sous ses yeux, il les a écarquillés, puis je lui ai soufflé la fumée dessus, m'appuyant sur la table avec un petit sourire joueur.

— C'est donnant-donnant.

Il a bu une gorgée sans me lâcher des yeux et j'ai senti mon ventre se nouer,
le bonhomme a flanché, 
là-haut,
et j'ai adoré ça.

Je me suis levée et j'ai mis un CD sur la chaîne hi-fi, une vieille compil' de The Doors que j'avais chiné en arrivant à Séoul pour une somme ridicule. En me rasseyant, j'ai regardé Jisung dans les yeux.

— Profite bien de celui-là, j'ai chuchoté en lui tendant le joint et il l'a pris, en me fixant, parce que demain, c'est fini.

Il a esquissé un sourire moqueur.

— J'ai hâte de voir ça.

— Tu vas me haïr, j'ai continué, très sérieuse. À chaque fois que je te verrai avec l'une de ces merdes, je t'empêcherai de continuer. On va se disputer, tu vas me détester et moi tu me sortiras par les yeux, mais je te jure que je serai pire qu'un ange vengeur sur toi, mon pauvre.

Il s'est approché, nous n'étions plus qu'à quelques centimètres. Fallait voir les loopings, là-dedans. Attraction interdite aux cardiaques, c'est clair. Le guitariste a porté le joint à ses lèvres, et a tiré une taffe, lentement, vers moi.

— J'ai tellement hâte de te détester, il a soufflé.

— Et moi donc.

La seconde d'après, on s'embrasse déjà. Un remake de la scène du Nouvel An. À bout de souffle, Jisung me file le joint, que j'ai à peine le temps de saisir qu'il me fait assoir sur lui, à califourchon, et mon visage bascule si près du sien que je sens son souffle contre ma joue. C'est moi qui en redemande, je me jette sur ses lèvres, tire ses cheveux, ça s'accélère, ses doigts contre ma peau brûlante, ça va plus vite que la dernière fois, Seigneur; il fait soudain si chaud que j'en meurs, et je sens son cœur qui s'accélère, parce que le mien aussi, et à cet instant, je n'ai pas l'impression d'être « une de plus », mais la première, et puis il est beau, il me charme, me fait rire, pleurer, aussi; mais c'est lui, et on bascule sur le canap', lui entre mes jambes, mes bras accrochés à son cou, ses lèvres dans le mien, et je frisonne quand il passe sa main sous mon haut, et son genoux remonte, j'ai le souffle qui se coupe une demie-seconde, assez pour que je distingue un petit rictus, et sa main qui replace une mèche de cheveux au bon endroit, nos yeux qui se croisent, les siens si noirs qu'on y verrait bien la nuit toute entière, et ses joues sont roses, c'est rare, sa main qui descend, mes doigts qui agrippent son t-shirt, et il sait ce qu'il fait, vous savez, et scelle nos lèvres entre elles, encore une fois.

J'ai le coeur qui bat vite, et son souffle court m'avoue la même chose. Je reprends mes esprits, et me redresse, il ne s'y attend pas, parce qu'il ne connaît pas encore tout de moi; les rôles s'inversent, je vois qu'il est gêné, mais partant, alors je le laisse me tirer vers lui, et la suite,

oui, la suite,
c'est que j'étais amoureuse de lui,
et lui de moi.

Et le joint a fini de griller, seul, sur la table basse, à côté de la tasse de thé quasi pleine.

☆☆☆

Lithium signé chez Atlantics Records, de Min Hyojin, le label de Gray et Lee-Hi, rien que ça, ça a été la grande nouvelle du lendemain. Peu dormeur, Jisung était déjà debout à sept heures, et peu de temps après, en me levant, je l'ai vu me flanquer son portable sous le nez avec un message de Chan, en toutes lettres et en anglais, « WE DID IT ». Jisung a eu un sourire bancal. Je n'en revenais pas, alors je lui ai sauté dans les bras, pour le féliciter. Ça a eu l'air de lui faire plaisir, je ne sais pas.

— C'est la cour des grands, j'ai fait.

— On est sûrement pas prêts, il a dit entre ses dents.

— Alors vous apprendrez, j'ai dit de manière très sérieuse, tu crois avoir la science infuse ? Vous avez encore beaucoup de choses à apprendre. Mais t'as réussi à convaincre ce type, et il vous a signé. C'est qu'il est emballé par ce que vous proposez, c'est génial ! C'est exactement ce que tu voulais, non ?

La réponse n'a pas fusée. J'ai eu du mal à le comprendre, à ce moment-là. Il s'est mis à jouer avec mes doigts, l'air préoccupé.

— Ji' ?

— Hum, oui, oui.

Je n'ai pas été convaincue. En me faisant un café, la question m'a tout de même brûlée les lèvres.

— Je ne comprends pas... Tu as refusé JYP parce qu'il ne partageait pas vos valeurs en tant que groupe... Ce Min Hyojin m'a l'air d'avoir des artistes qui se rapprochent plus de ce que vous faites, non ?

C'était vraiment dur de le suivre, pour être honnête. Sa façon de toujours voir tout négativement m'a pesée sur les nerfs. Si c'était un mécanisme d'auto-sabotage, il était très fort. Le guitariste s'est approché et a soupiré.

— Non, t'as raison... (j'ai été surprise d'entendre ça) C'est moi qui voit tout en noir. C'est une putain de chance d'être signés là-bas... C'est génial, il a fini par me sourire, sincère.

— Crois en toi, Ji', ça va le faire.

Il porte un débardeur noir qui fait ressortir ses muscles, et sa chaîne en argent, qu'il ne quitte jamais. Il me regarde alors que moi, je l'admire, et il finit par me sourire, de la plus douce des manières, contourne le bar et vient plaquer ses mains sur mes joues et sa bouche contre la mienne.

— J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit hier soir, il a fait en s'appuyant contre le plan de travail, sa main toujours sur ma taille.

Il a l'air sérieux, tout d'un coup, mais moi je ne pense qu'au fait que c'est la première fois que j'ai autant envie d'embrasser un garçon, putain.

— À propos de quoi ? j'ai réussi à souffler, du bout des lèvres.

Jisung penche la tête sur le côté.

— Je... je n'écrirai plus sur toi.

J'ai froncé les sourcils, je ne m'y attendais pas. Ça aurait dû me faire plaisir, mais j'ai senti que ça lui coûtait tellement de dire ça que ça m'a refroidie. J'étais prête à lui dire qu'au fond, je m'en fichais, que le plus important c'est qu'il soit fier de ses chansons, mais Jisung a continué sur sa lancée.

— Je te demande pardon pour le soir où... quand on a joué Dancer in the Dark. On en a jamais parlé parce que... il s'est passé ce qu'il s'est passé chez Chan ensuite et... Bref, t'as compris, n'est-ce pas ?

J'hoche la tête, lèvres pincées.

— Ji'...

— Attends, c'est pas tout, il me coupe sans me regarder. Ton carnet, je l'utilise, si tu veux savoir. Il est cool.

Les infos sortent et ne se ressemblent pas. J'ose un sourire moqueur. Jisung lui, est très sérieux.

— Je... J'veux bien essayer d'arrêter... tout ça, il a dit en faisant un signe de menton vers le joint sur la table basse, mais ça va prendre du temps. Je... je peux pas tout stopper du jour au lendemain, tu comprends ?

J'hoche la tête, une nouvelle fois. Je ne comptais pas lui arracher chaque joint que je verrai entre ses mains, bien sûr. Une addiction ne se soigne pas comme ça, j'avais blagué la veille.

— Et dernier truc...

Il a relevé les yeux vers moi.

— Et si... et si on sortait ensemble ?

J'ai écarquillé les yeux, rouge comme une tomate. Ce qu'avait dit Minho la veille avait dû faire son chemin dans le crâne du guitariste. Je n'ai même pas su quoi dire, sur le coup. Jisung a vu rouge, il a cru que je lui mettais un vent.

— Ouais enfin bon, tu vois le truc, on...

— Oui, je l'ai coupé, en souriant. Oui, sortons ensemble, imbécile.

Il a eu un sourire idiot, moi ça m'a plu, et c'est moi qui l'ai embrassé. Ça ne pouvait qu'aller mieux, maintenant. On ne pouvait qu'aller de l'avant. On allait s'en sortir.

On allait s'en sortir,
n'est-ce pas ?

☆ LITHIUM°47
han jisung

ARRRRGH MES BB OFFICIELLEMENT EN COUPLE 🕺🏻🕺🏻🕺🏻
je les aime trop jpppp

comment allez-vous?? vous allez passer Noël en famille? ☺️
jvous le dis à chaque chap mais vrmt merci pour tous vos votes et vos coms, ça me fait trop plaisir de vous lire!! 😭😭

gros love sur vous! 🥰🥰