46☆ it's getting darker
☆ LITHIUM°46
Han Jisung.
— Bordel de merde c'était excellent les gars !
Je sors de scène, pose le pied par terre, la vie reprend son cours normal et le poids du monde entier se fracasse de nouveau sur mes épaules. Je check les gars, meme Hyunjin à la fin, qui, excité comme une puce, répète à qui veut bien l'entendre que c'était notre meilleur show et que c'est certain, on va signer. J'ai encore la guitare en mains que Félix déboule en coulisses, grand sourire; on devine la bonne nouvelle.
— Ils ont adoré, tous les trois !!
Je vois dans les yeux de Chan qu'il a de l'espoir. Mais je vois aussi, quand son regard croise le mien, qu'il marche sur des œufs. Je pense qu'il doit capter ce que moi j'en pense, parce que son sourire ternit et il fait un pas vers moi, sûrement dans le but de me parler mais trop tard, j'ai déjà fait demi-tour direction les chiottes. En chemin, les ingés son me tapent dans le dos, me disent qu'on a tout déchiré, que ça faisait longtemps qu'ils n'avaient pas vu un tel engouement. J'écoute sans répondre, handicapé social qui déambule parmi les spectres, je me fais l'effet du gosse dans Sixième Sens, toujours effrayé de tout, de toute le monde, tout le temps. Je claque la porte des chiottes derrière moi, double tour pour isoler ma peine, j'ai les mains qui tremblent.
Est-ce que je me souviens de ce qui s'est passé sur scène ? Non. Est-ce que tout ce que ces gens disent est vrai, est-ce qu'on a assuré ? J'en sais foutrement rien et ça m'angoisse. Mon cerveau, comme à chaque fois, a décidé de m'imposer un black-out du moment où j'ai foutu un pied sur scène jusqu'au moment où j'en suis descendu. C'est comme ça, à chaque fois. J'tâte mes poches, en sors le sachet transparent, mes gestes sont si habituels qu'ils en sont devenus automatiques, et mon cerveau se vide au fur et à mesure que je réalise mon œuvre, que je tasse, roule, lèche, allume.
Tu m'en as empêché, ouais, c'est vrai. Je t'ai écoutée, ouais, c'est vrai. Mais seulement devant tes beaux yeux. C'est la facilité de reconnaître qu'on est lâche, et que tout se fait dans le dos des gens, de ceux qui comptent, du moins. Le briquet roule entre mes doigts. Assis sur le battant de la cuvette, je laisse ma tête taper contre le mur sale, les yeux fermés. Il y a de la cohue dehors, on applaudit et on rit. J'crois discerner la voix de Changbin qui passe, puis ça disparaît, et le silence reprend son droit. C'est quoi la suite ? On retourne dans la salle, on va leur parler, on se vend ? On serre des mains, on plaisante, on rit jaune et on leur confie notre carrière ? Je tire une taffe plus importante que les autres, j'ai la jambe qui refuse de rester tranquille, et la bestiole au fond du bide qui se met à grogner, d'inconfort. Il manque un son calme dans ce putain d'album. Une chanson qui fasse office de pause, une oasis dans ce désert de névroses et de saxophone interminable... Il manque...
J'fronce les sourcils, sors mon portable, les notes. Il manque un son... Mes pouces sont en apesanteur au dessus du clavier. Le curseur clignote sur un amas de blanc inquiétant. Je souffle la fumée dans l'air. Une chanson douce, mais pas forcément à l'eau de rose. De toute façon, est-ce que je saurais en écrire ? Probablement pas.
Why'd you have to go and do it to me?
Your psychopathic-self went and cut the brakes on my car
Ça n'a aucun sens mais dans ma tête, j'imagine un homme qui vit la pire rupture du siècle, pas parce qu'il est fou amoureux et que cette séparation est tragique, mais parce que cette fille qui lui fait face est folle, au premier sens du terme, et qu'il ne veut plus plonger avec elle. J'ai du mal à commencer, et puis d'un coup, tout va très vite. Mes doigts tapent à une vitesse impressionnante sur l'écran, quand je relirai le texte il sera sûrement bien confus, mais peu importe, dans ma tête à cet instant-là tout est très clair. Le garçon n'en peut plus, alors il s'avoue vaincu, il baisse les armes et la prie de s'en aller; elle, elle s'accroche, plus toxique que jamais, parce qu'elle n'a que lui pour continuer.
Je ferme l'appli et éteins le tel' quand je sors des chiottes, joint terminé. Cette chanson n'existe que dans ces toilettes, pour l'instant. Quand je me mate dans le miroir, j'ai les yeux un peu rouges. Je m'observe comme si c'était la première fois que je voyais mon reflet, et puis je me rends compte que cette fille folle, c'est moi, et le garçon qui n'en peut plus, c'est Aïka. Ça me vaut un rictus plus triste que les autres, alors je sors, et mes mains ne tremblent plus.
☆☆☆
— Ah, enfin le voilà ! hurle Changbin en me tendant un verre de whisky Coca bien rempli.
Je le prends, j'ai un sourire idiot aux lèvres, c'est certain, c'est l'autre Jisung qui vient de débarquer dans la zone VIP, et ça craint. Je check les autres, il y a Seungmin, Félix et Jeongin, on est entre nous, je me sens étrangement bien. Je tape le verre en un seul coup, sous les acclamations de Hyunjin et Changbin, qui, surexcités, ne se rendent compte de rien. Ou peut-être que si, et ils préfèrent ce Jisung-là. J'fais taire la bestiole qui gigote dans le creux de mon estomac et me ressers un verre.
— Où est Chan ? demande Changbin.
— Il fait son job de leader, il nous obtient un contrat ! s'exclame notre chanteur en tapant dans ses mains, se laissant s'affaler dans le fauteuil en cuir, lunettes Gucci sur le nez.
J'réponds pas, je me prendrai la tête avec lui à propos de l'album demain. J'veux juste faire la fête et oublier, ce soir. Si tout le monde est content de notre prestation, tant mieux, autant en profiter pour picoler. Je me roule un deuxième joint, concentré au max', quand Seungmin se penche vers moi.
— Tu joues à quoi ?
Je relève à peine les yeux, les siens me fusillent sur place, j'comprends pas.
— T'as vu Aïka ?
Son prénom dans sa bouche me fait un espace d'électrochoc et je fronce les sourcils. Je regarde autour de moi, à part Chan au fond avec les trois gars, personne à part nous sur le balcon VIP. En bas, une marée humaine, la musique a repris de plus belle, c'est un DJ assez connu qui continue l'animation, les gens ont l'air de kiffer. Seungmin me fixe, l'air agacé. C'est rare.
— Elle s'est fait prendre à parti par des nanas pendant que vous étiez sur scène. Elles lui ont tachée sa robe.
Je m'immobilise. Comme je ne réagis pas, Seungmin ricane, l'air mauvais.
— Quand est-ce que tu vas commencer à te comporter comme son copain au juste ?
— Oh, pitié, je grogne, vexé.
— T'attends quoi au juste ? continue Seungmin et a ce moment-là je n'ai qu'une envie : qu'il ferme sa gueule. Qu'elle finisse avec Minho ? Il l'a accompagnée prendre l'air pendant que t'étais en train de te défoncer dans les chiottes.
Je sens la bestiole qui explose. Mes poings se serrent, j'ai envie de tout envoyer valser. Le semblant de lucidité que j'ai encore me hurle de lever mon cul et d'aller la chercher, parce que c'est elle, parce que je l'... Parce que c'est Aïka.
— T'as décidé d'être désagréable 'Min ? je lâche, acerbe.
Faut se défendre, parce qu'y a que le mauvais côté de ma personnalité qui sait rebondir quand on m'attaque. Seungmin lève les yeux au ciel et ricane.
— T'es mon pote, Ji'; mais elle c'est ma meilleure amie, alors je peux te dire que tu te comportes comme un connard. Et tu la fais pleurer.
C'est nouveau, ça. Mes doigts finissent de rouler mais mon cerveau est totalement ailleurs. Le pauvre Jisung, celui qui est amoureux, est en agonie.
— Sauve ce qu'il te reste de dignité et va la chercher, nom de Dieu.
Seungmin se barre, et va parler avec Félix, qui sourit, comme toujours. J'abandonne le joint sur la table et descends les escaliers en trombe. Dans la foule, en bas, des nanas que j'ai déjà vu à la fac' m'abordent, sourires aguicheurs aux lèvres. Laquelle d'entre elles s'en est pris à Aïka ? Je les foudroie du regard et elles ne comprennent pas. Dehors, ça gèle et il neige. J'en ai ras le bol du froid. J'ai bien évidemment oublié ma veste, et j'ai beau chercher du regard l'étrangère, le grand Séoul me l'a enlevée.
— Hé, c'est toi Jisung, le guitariste de Lithium ?
Je crois rêver quand on m'aborde, c'est un gars que je n'ai jamais vu de ma vie, et lui semble tout connaître de la mienne en me checkant.
— Ça se pourrait, je lâche du bout des lèvres, continuant de chercher Aïka des yeux.
— Mec, je suis un grand fan depuis le tout début, sourit le gars qui doit avoir à peu près mon âge. J'aimais trop quand c'était toi qui chantait !
J'ai un sacré coup de chaud, j'ose à peine croiser son regard tout à coup. Et puis, sur le trottoir d'en face, je vois Aïka avec ce baltringue de Minho, et mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines; je bredouille une excuse au pauvre gars avant de me lancer sur l'avenue. On m'accueille à grands coups de klaxons, tu m'étonnes, je fais chier tout le monde à traverser sans regarder, et je vois Aïka qui fronce les sourcils, en me voyant. Elle fait deux pas vers moi, l'air préoccupé. Minho, derrière, me mate avec un air condescendant, mains dans les poches.
— Ji' ? Ça v...
— Ça t'amuse de draguer ma meuf dans mon dos ?
Je passe à côté d'Aïka sans la toucher et pousse le brun contre le mur. Minho me toise, petit rictus moqueur accroché aux lèvres. Il est un peu plus grand que moi, j'ai envie de l'éclater au sol.
— Ta meuf ? il fait en ricanant. Première nouvelle, ça.
Il le fait exprès, c'est certain. Je suis à deux doigts de déclencher une bagarre. Tout ça parce que je ne sais pas contenir ma colère, ma jalousie. Parce que je ne sais pas dire à Aïka que j'ai envie qu'elle soit avec moi, et à tous les autres à qui elle fait tourner la tête sans s'en rendre compte d'aller se faire foutre.
— T'étais où après le concert, hum ? crache Minho l'air méchant. On t'a pas vu pendant une bonne demie-heure, ça laisse le temps de quoi ?... Demander à tes autres « meufs » de te sucer dans les toilettes ?
J'entrouvre les lèvres, abasourdi. Et pile au moment où je sens que la bestiole ne se contrôle plus, Aïka chope le bras de Minho et le retourne vers elle.
— T'es pas bien ou quoi ?! Comment tu lui parles ?! elle lui lance, droit dans les yeux, et je jure que je ne l'ai jamais vue aussi méchante.
Même Minho semble ne pas en revenir. On se regarde tous les deux, incrédules. Finalement, elle le lâche d'un coup sec, et m'attrape par le bras à mon tour, avant de me tirer à sa suite un peu plus loin.
— Aïk...
— Je veux rentrer chez moi, elle me coupe sans me regarder alors qu'elle me lâche et qu'on s'arrête de marcher. Je m'en tape de ce que t'es allé t'enfiler dans les toilettes et de ce que tu vas faire du reste de ta soirée, moi je me barre.
Elle a remis les mains dans ses poches, et elle regarde le trottoir d'en face. Ses cheveux en carré volent au vent. C'est une nouvelle coupe qui lui va bien, mais je n'ai pas osé lui dire. Elle a les lèvres pincées, elle fait ça tout le temps, sans s'en rendre compte. Il y a un tas de choses qui la concernent et dont elle ne se rend même pas compte. Que plus de garçons la regardent que ce qu'elle ne croit, qu'elle ressemble à une actrice quand elle met du rouge à lèvres, qu'elle est sexy quand elle fixe son ordi et qu'elle est concentrée sur son travail. Tout ça, tout ça.
Mais pour le moment, elle est face à moi, et... Je ne sais pas. C'est comme si quelque chose venait de se casser, et que j'avais tendu les mains trop tard pour le récupérer. C'est sur le sol maintenant, éclaté en mille morceaux. Je déglutis difficilement, j'ai la tête qui tourne à cause du joint.
— Bon, salut.
Elle tourne les talons et je réalise que je n'ai pas bougé d'un centimètre et qu'elle en attend beaucoup de moi, alors j'ai comme une décharge et je la rattrape, sa main dans la mienne. Nos regards se croisent. Le sien est vide.
— Pardon.
Je vois qu'elle en attend plus. La drogue me délie la langue, je me dis que je lui dois bien ça.
— Pardonne-moi, je... J'étais en train de fumer un joint dans les toilettes, après le show. Je... Je ne peux pas m'en empêcher, je stresse tellement si tu savais... Je ne me souviens même plus de ce que j'ai fabriqué sur scène, à chaque fois. Je black out. J'aurais dû te prévenir, pardon.
Elle entrouvre les lèvres, moi je continue parce que ça doit sortir.
— J'étais pas avec une fille. Ce connard de Minho a dit n'importe quoi. Je m'en tape de ces nanas, d'ailleurs... Je te rachèterai une nouvelle robe.
Aïka me fixe, et puis soudain, éclate de rire. Je reste penaud, grognant un coup. Des fois, là, j'la vois en double.
— T'es vraiment drôle quand t'es défoncé, elle finit par dire et je me vexe un peu. Un coup à la machine et ma robe sera comme neuve, tu sais.
— C'est pour que tu captes que j'suis prêt à tout, pour toi, je souffle.
Elle secoue ma main.
— Je suis ta copine alors ? elle me fait avec son petit sourire moqueur et je lève les yeux au ciel, gêné.
— C'est sorti tout seul, 'fin...
La brunette me sourit. Je suis...
je suis
amoureux.
— On va trouver une solution, pour tout ça, lâche Aïka en reprenant son sérieux. Je ne te laisserai pas tomber, Ji'. Mais arrête de me mentir et surtout, s'il te plaît... Arrête d'écrire sur moi.
En surface, je lui souris, et on repart ensemble. À l'intérieur, je me décompose. Comment je pourrais tenir une telle promesse ? Arrêter d'écrire sur elle, ça veut dire arrêter d'écrire tout court. Du moins pour le moment. J'mate les deux choix qui s'offrent à moi alors que l'on prend le métro, et ça me tue de l'intérieur.
Continuer d'écrire, choisir ma carrière, ma passion, la seule chose pour laquelle je sois doué, le seul truc qui m'empêche de sombrer totalement,
ou
la choisir elle ?
☆ LITHIUM°46
han jisung
holà todos 🥰
alors dites-moi tout, vous avez eu vos places pour skz?? c'était vrmt n'importe quoi 😭
coucou à tous les nouveaux lecteurs, il y en a eu pas mal ces dernières semaines, merci de votre soutien!! 🥰🥰
bisous bisous 🫶🏼🫶🏼
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