45☆ the chance of your life
☆ LITHIUM°45
— Lâche cette merde, j'ai sifflé en lui volant le joint des lèvres.
Han Jisung râle, c'est son truc. J'pense même que c'est la première chose qu'il a dû faire après sa naissance, une sorte de seconde nature, comme on dit. J'éteins le joint et le range dans mon paquet de cigarettes, c'est pour plus tard. Pendant ce temps-là, Monsieur le Rocker me fait l'Acte IV, scène 2 : je le regarde tourner sur lui-même, visage vers le ciel, mains dans les poches, yeux fermés. J'esquisse un sourire comique, autant dé-dramatiser la situation.
— Tu te la joues diva Prince ?
Le brun me lance un regard noir, je lève les yeux au ciel. Derrière lui, un building séoulien, semblable aux autres; tous pareils de toute façon, avec une belle enseigne au dessus des portes d'entrée coulissantes : Atlantics Records. Personnellement, ça ne m'a rien dit, quand Chan en a parlé, mais pour les connaisseurs, apparemment, c'est pas mal. Loin des agences multi-millionnaires de k-pop, bien entendu, mais aussi loin de leurs règles et de leurs univers parfois trop édulcorés.
— Seigneur, Ji', tu ne veux pas arrêter de bouger deux minutes ? j'ai finis par dire, exaspérée de le voir tourner en rond devant l'entrée depuis un quart d'heure.
—Tu ne comprends pas, il me répond doucement, sans me regarder.
Je ne sais pas pourquoi j'ai repensé aux premières fois où il m'avait adressée la parole, notamment au club, et à quel point il avait été odieux. Là, pas une once de méchanceté, même si je sais qu'il est nerveux, voir complètement malade à l'idée de ce qu'il s'apprête à faire. Je me suis dit que l'on avait franchi un cap, et que plus jamais il ne me parlerait mal, dans un coin de ma tête, ça m'a ravie, mais je n'ai rien dit, évidemment.
— Si, bien sûr que si, abruti, j'ai souris. T'es mort de trouille parce que tu détestes parler avec des inconnus.
— Il n'y a pas que ça, a râlé Jisung. Comment je vais réussir à convaincre ce type de venir écouter... Non, pire, comment je vais réussir à lui expliquer ce qu'on fait, et...
— Oh, stop.
Je l'ai pris par les épaules, et même s'il était un peu plus grand que moi, j'ai eu l'impression d'être géante face à lui à ce moment-là. Il a les lèvres pincées et le regard noir, profond. Un tas de trucs se bousculent dans sa tête, ça crève l'écran. Comme un personnage de fiction mal écrit, qu'on aurait voulu gavé de tous les maux possibles. J'essaie de capter son regard, c'est dur, parce que je sais que même s'il me voit, il est à dix mille lieux d'ici.
— Tu y vas, tu te présentes à l'accueil, et tu dis que tu souhaites voir Mr... C'est comment déjà ?
Il redescend sur terre, voyant que je cherche, nos regards se croisent vraiment; j'ai gagné.
— Min Hyojin.
— Voilà, Min Hyojin, je fais avec le plus terrible des accents pour le faire rire. Tu verras bien ce qu'on te répond. Et ne te contente pas d'un "non" débile, insiste. Dis que c'est vraiment important... non, dis que c'est la chance de ta vie. Dis-ça, ça sonne bien.
Ses yeux se couvrent d'un voile doux et le coin de ses lèvres se relève un peu; il redevient Jisung, celui un peu arrogant, un peu moqueur, un peu naïf. Mon préféré.
— Ça ira parfaitement si je finis le joint, il a fini par dire.
— Putain, Jisung, tu peux y arriver sans, j'ai soufflé, yeux au ciel.
— Aïka... C'est la pire connerie que j'ai entendu d'ma vie; à chaque fois que j'touche une guitare ou que je monte sur scène j'suis obligé d'en pr...
— Parce que tu t'es créé ce besoin, je le coupe parce qu'il m'énerve, à s'inventer des peurs qu'il est capable de surmonter. Il n'y a personne de plus apte que toi à défendre ta musique, c'est la tienne, Jisung. Rien n'existerait sans toi.
— C'est Chan qui...
— Chan a le sens du baratin et il est né pour être leader, okay, on est d'accord. Combien de temps encore tu comptes te planquer derrière lui, hum ? Tu peux le faire. Fais-toi confiance. T'as besoin de rien ni de personne pour le convaincre ce type.
Il ne répond pas, mais je vois qu'il prend sur lui. Il est redevenu le spectre de Jisung, terrifié par les autres et sa propre prise de parole. Je me demande si c'était différent avant que sa soeur ne parte. Il souffle un bon coup, et même si je vois dans ses yeux qu'il meurt d'envie de me demander de l'accompagner, on sait tous les deux qu'il ne le fera pas, et puis, c'est à lui d'y aller, je n'ai pas à interférer. Alors, il m'adresse un sourire un peu bancal et moi un clin d'oeil se voulant rassurant, et je le regarde s'engouffrer dans l'immeuble.
Clope au bec, mains dans les poches, il n'a jamais fait aussi froid dans ce putain de pays et j'envie les gens avec leurs longues doudounes, que tous semblent avoir acheté pour une bouchée de pain tellement il y en a partout. Presqu'une heure que Jisung est là-dedans, j'en ai déduis que le boss avait accepté de le recevoir, mais apparemment l'immeuble l'a gobé et refuse de le laisser ressortir. Je reçois un message de Seungmin, il me dit que Chan et Changbin ont réussi leurs rendez-vous avec les deux autres maisons de disques indépendantes et qu'ils rentrent tous se préparer pour le show. Faut que Jisung se dépêche parce qu'il est attendu par les gars pour les reverbs, et moi, à part répondre que je l'attends devant le building à Seungmin, bah, je ne sers pas à grand chose.
Et puis, Jisung ressort. Il a un petit sourire qu'il a du mal à cacher, et je le regarde se diriger droit vers moi, ça pue l'espoir à plein nez, alors je souffle la fumée sur le côté, et le guitariste m'attrape par la taille et me soulève pour me serrer fort dans ses bras.
— Il vient !
Mon sourire me bouffe le visage, alors j'embrasse Jisung en pleine rue, pour la première fois, et il plaque ses mains sur mes joues rouges de froid, et son nez chaud caresse le mien gelé, et on est jeunes et il a réussi à surmonter sa peur, et tout est beau, si beau, que j'en crèverai bien sur le champ s'il le fallait, pour garder l'instant, à jamais dans ma mémoire et dans celle du monde entier.
☆☆☆
Vingt-deux heures, showtime, la salle est comble, les fans de la première heure crient en barricade et les trois potentiels futurs patrons de Lithium sont assis au balcon, en VIP, comme l'a appelé Félix en entrant, des yeux sérieux rivés sur la scène. Je les ai vu se serrer la main, ayant l'air de se connaître, et discuter en attendant le début du concert. Jamais la salle n'a été aussi pleine, et je ne sais pas mais je sens comme une sorte de fierté émanée de notre groupe, Seungmin, Félix, Jeongin, Minho, Soojin et moi, alors qu'on a été invités en VIP également, à l'autre bout des patrons. Mes yeux surplombent la salle et les lumières bleues s'allument au moment où je crois voir le groupe passer en backstage.
— Je suis si stressé, fait Félix en se posant à côté de moi. J'espère que ça va le faire et qu'ils vont les convaincre !
Il n'est pas au courant de l'ultimatum posé par Hyunjin, et ça se voit. J'ose un regard vers Soojin, qui elle, semble tout à fait au courant. Elle scrute la scène l'air sérieux, je glisse deux ou trois mots à l'australien et me faufile vers ma copine.
— Ça va ?
Elle craque un rictus bancal.
— Je n'en reviens pas qu'il se comporte comme ça, lâche la brunette de but en blanc.
— J'aurais envie de dire "moi non plus" si je ne le connaissais pas, j'avoue. Il est comme ça, ça se voit dans tout ce qu'il fait. Il veut la lumière sur lui.
— Si tu le voyais en dehors de tout ça, déclare Soojin avec une drôle de voix, et je réalise que c'est la première fois que je la vois dans cet état, il est si différent... Il m'a parlée de son envie de tout plaquer parce qu'ils prenaient trop de temps à se décider, au départ j'ai cru que c'était bien de saisir l'opportunité une bonne fois pour toute, mais là... Je ne sais plus. Les autres ont l'air... si peu sûr d'eux, ça en crevait les yeux au studio tout à l'heure.
— Ils ont peur de perdre leur chanteur, ça se comprend. On peut dire tout ce que l'on veut de Hyunjin, une fois sur scène il est phénoménal, ils ont besoin de lui.
— Peut-être, mais je déteste comment les choses tournent, et cette... emprise qu'il a sur eux. On s'est disputés tout à l'heure, bien évidemment.
J'ai été navrée pour Soojin, à cet instant. Elle méritait tellement mieux, mais à quoi ça servait que je lui répète encore et encore ? Ça devait venir d'elle, obligatoirement. Je lui ai adressé un sourire peiné.
— Jisung n'est pas prêt de céder, il dit qu'il manque des sons dans l'album.
— Ça devrait me rassurer, mais tu les connais... Ils ne savent pas communiquer, ils ne sont bons qu'à se gueuler dessus.
— Je suis sûre que Chan et Changbin sauront prendre la bonne décision.
Le concert commence, alors on arrête notre discussion. Voir son chéri sur scène ne semble pas vraiment remonter le moral à Soojin, au contraire. Hyunjin, lui, agit telle la bête de scène qu'il est, en toute circonstance, et ce soir-là, il pète la forme, peut-être aussi à cause des trois directeurs présents au balcon. Il se déchaîne, embrase la foule (et les nanas au premier rang), fait monter la pression dans la salle entière... Rien ne semble l'arrêter.
Jisung est derrière, plus discret. Il se fond entre le bleu et le rouge et son visage se construit différemment à chaque changement de couleur, moi, je n'ai d'yeux que pour lui, il est fascinant. Il ne me regarde pas, d'ailleurs je crois qu'il ne regarde personne, il doit être stressé par les présences professionnelles. Lithium entame Slow Down quand, pour changer les idées à Soojin et surtout parce que je ne sais comment me rendre utile à ses yeux et être une bonne amie, je me propose d'aller lui chercher un verre. Elle accepte, je demande aux autres s'ils veulent quelque chose, et seul Minho, qui ne m'a pas adressée la parole depuis des lustres, me répond qu'il prendrait bien un rhum Coca. Je lui envoie un sourire bancal, plus gênée qu'autre chose, et descends du balcon, direction le bar. Pour l'atteindre, il me faut traverser une marée humaine, digne des plus grands concerts de rock de tous les temps. J'arrive enfin au comptoir, le refrain prend fin et enchaîne sur le deuxième couplet, tout le monde chante. C'est ce soir-là que je me rends compte de l'ampleur qu'ils ont pris en peu de temps.
Je suis en pleine fascination, les yeux rivés sur Jisung qui maitrise la guitare électrique à la perfection, quand on me tape l'épaule.
— C'est toi la copine de Jisung ?
Et là, vous n'allez pas le croire, et moi-même j'ai eu un mal fou à le croire, je suis tombée nez à nez avec la nana que j'avais croisé à la fête d'anniversaire de Seungmin, deux semaine après mon arrivée en Corée, et qui se préoccupait de savoir qui pouvait bien être cette nana que Jisung galochait en plein jardin sous les yeux de toute l'assemblée. J'ai mis du temps à la reconnaitre, mais c'est sa voix nasillarde qui m'a fait réalisé la ressemblance, cette même voix qui avait crié en passant à côté de moi quelques mois plus tôt "On l'aurait su s'il avait une copine !". J'ai été si étonnée de la voir, qu'elle me parle (au fond j'ignore pourquoi, après tout, c'était une fille comme les autres), que j'ai mis un temps fou à lui répondre.
— Pardon ?
La petite coréenne a levé les yeux au ciel, les bras croisés sous sa poitrine. Ses deux acolytes, telles des gardes du corps derrière elle, me dévisageaient avec un tel dédain que j'ai même cru que j'avais un truc en plein visage.
— T'es sourde en plus d'être moche ? T'es sa copine oui ou non ?
J'en ai perdu mes mots dans sa langue, et la seule chose que j'ai trouvé à dire a été :
— Mais c'est qui cette cinglée ?
Et en français. Elle ne m'a bien évidemment pas comprise, et j'ai fait mine de ne pas entendre la suite, de toute façon, les verres étaient prêts. Je les ai pris, remerciant le serveur, et la seconde suivante : les deux verres par terre, leur contenu sur ma robe noire toute propre. J'ai relevé la tête, abasourdie.
— T'es malade ?! j'ai crié cette fois-ci, folle de rage.
— Tu prends les gens de haut ? a répondu cette pétasse en s'approchant de moi. À ne pas me répondre ? Tu te crois importante parce que tu te fais baisée par Jisung ? Laisse-moi te dire qu'elles ont été des dizaines avant toi, et que se faire une européenne ça a toujours été sur la liste à cocher du groupe, alors... félicitations, t'as ton petit quart d'heure de gloire, mais à quel prix ?
Elle débite tellement qu'avec la forte musique et les cris je peine à entendre tout du début jusqu'à la fin, mais j'ai saisi le principal. Au lieu de m'énerver et de me défendre, je me décompose sur place, allez savoir, et je la fixe, incrédule, telle une pauvre idiote, sans bouger. Le petit bonhomme se rue sur la porte, qui l'a pris par surprise en claquant contre le mur, menaçant de laisser entrer l'eau, opaque et froide.
— Dis-moi, tu veux un micro Miss Cruche ?
Je tourne la tête, toujours dans un état second. Lee Minho est planté à côté de moi, un regard si noir vers la fille que n'importe qui aurait déjà tourner de l'oeil. Celle-ci prend ses grands airs.
— Lee Minho... comme quoi tout arrive. Tu es donc doté de la parole ? J'ai cru que Soojin te l'avait enlevé après votre rupture. C'est vrai que j'ai été surprise quand tu t'es transformé en présentateur de talk show à l'anniversaire de Seungmin...
Il la coupe en s'approchant d'elle, menaçant. La nana le regarde, soudain moins sûre d'elle.
— Ouvre encore une fois ta grande gueule et j'te jure que tu vas le regretter.
Silence radio. Je ne sais pas trop ce que Minho a raconté ensuite, toujours est-il que quelques secondes plus tard, il s'est tourné vers moi, quelques billets en mains. "Elle s'excuse", il m'a dit en me montrant les billets qu'il pose sur le comptoir, et je le regarde commander la même chose au barman. Nos regards se croisent. Il a un truc, je ne peux pas le nier. C'est dans ses yeux, c'est calme et ça inspire la confiance. Pas étonnant que Soojin ai craqué.
— Ça va ? il me demande, accoudé au bar, tout à fait à l'aise. La robe est morte ?
— M... Merci, je fais simplement, ne sachant trop quoi dire.
— T'occupe de ce qu'elle a raconté, c'est une pauvre meuf. Des années qu'elle veut Jisung et des années qu'il ne lui adresse même pas un regard.
J'ai hoché la tête, sans rien dire. Slow Down a pris fin, sous les applaudissements du public. J'ai tourné la tête vers la scène.
Jisung me fixe, sourcils froncés.
Je tourne la tête, Minho me tend un verre, que je n'avais pas commandé.
— Pour le dédommagement.
J'ai la nette impression d'être prise au milieu d'un schéma que je n'aime pas, avec en arrière-fond le bonhomme qui se bat contre les mots acerbes de cette fille, qu'on lance sur la porte, fissurée de toutes parts. J'aurais dû comprendre que c'était le premier signe que tout allait foirer. J'ai eu soudainement mal au coeur, et alors que ça ne m'était pas arrivée depuis un moment, je me suis ruée aux toilettes. J'y ai laissé mon bide, c'était pas beau à voir, et je m'en suis voulue d'être aussi faible. J'ai eu envie de voir Jisung, de me retrouver seule avec lui, loin du concert et des gens, de pleurer devant lui et laisser enfin ma garde tomber, mais j'ai entendu le début d'une autre chanson, le concert n'était pas terminé bien entendu, alors ce sont mes désillusions que j'ai laissé tomber et je suis retourner dans la salle, nouvelle couche de rouge à lèvres et sourire au visage.
☆ LITHIUM°45
han jisung
heyyy mes stars ⭐️
comment allez-vous?
bon vous l'aurez compris je crois qu'un chap/semaine comme avant ça va devenir compliqué mtn, alors je vais faire de mon mieux pour vous en sortir un toutes les 2/3 semaines... je lâche rien, on arrive bientôt à la fin 🥲
merci encore une fois pour votre soutien et tous vos votes, à chaque fois lire vos retours ça me fait super plaisir, j'espère que vous êtes encore là! ❤️ cette fic c'est ma safe place alors j'espère qu'elle vous plaît tjrs autant 🥰
gros love, portez vous bien,
à bientôt! 🫶🏼🫶🏼
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