22☆ tobacco
LITHIUM°22
— Sérieux, ça tue ! s'est exclamé Changbin, vautré sur l'ordinateur, le lendemain matin.
— Ce n'est même pas le vrai clip, a fait Soojin. C'est juste la pré-prod'. Aïka a géré.
— Tu t'es couchée à quelle heure pour finir tout ça ? m'a demandée Chan, mains dans les poches, impressionné.
J'ai répondu que ça n'avait aucune importance. En fait, j'étais super gênée qu'ils soient tous penchés sur mon ordi', de bon matin, en train « d'admirer » un pré-montage qui n'était même pas au maximum de ses capacités. Je me suis un peu reculée, mal à l'aise. Même Hyunjin a l'air ravi. Il sirote un jus de fruit avec une paille, main dans la poche de son pantalon en lin. Il fait très riche héritier dans sa maison de vacances, et je pense que c'est le cas. Soojin se tient à l'autre bout de la table. Il faut que je me renseigne sur l'état de leur « relation », un de ces quatre.
— J'suis vachement beau gosse sur celle-là, a rajouté le chanteur en mettant carrément pause sur l'un des plans tournés pour la soirée.
Son visage est éclairé de néons violets et roses, c'est vrai qu'on ne peut pas faire plus photogénique que lui. L'audace dont il fait preuve m'étonnera toujours. Chan applaudit, doucement.
— Alors là, je suis agréablement surpris. Je ne m'attendais pas à ça, on dirait un vrai clip !
— Il manque encore l'étalonnage. Là, ça ne donne rien, j'ai rétorqué, gênée qu'ils puissent apprécier.
— C'est quoi, l'étalonnage ? a fait Changbin en se tournant vers moi.
— C'est quand chaque plan a à peu près la même colorimétrie que les autres, c'est ce qui donne une ambiance au film, et surtout ça permet de rester cohérent du début à la fin.
Le batteur a semblé satisfait de mon explication.
— Bravo pour le montage Aïka, a dit Minho en m'envoyant un petit regard de biais, suivi de son rictus habituel.
Je me force à ne pas regarder Jisung, qui mate l'écran, bras croisés. C'est le seul qui n'a pas ouvert la bouche de toute la session, et c'est le seul dont je redoute les mots, aussi. Avec le recul, c'est ridicule, mais les propos qu'il a tenu la veille m'ont retenue en éveil presque toute la nuit. Le fait que je ne sois pas sûre de moi dans mon travail n'a été qu'aggravé par son opinion de merde, et j'aurais aimé être assez forte pour m'en taper, mais malheureusement ce n'était pas le cas. Ce qu'il a débité dans mon dos m'a blessée, et c'est à peu près la même chose pour tout ce qu'il raconte, la plupart du temps. C'est comme ça, je suppose. Soojin m'a ramenée à la réalité en me prenant la main.
— T'as vraiment fait un bon boulot, ça va être super.
Je la remercie, du bout des lèvres.
— Il nous manque juste quelques scènes de playback et on est bons, j'ai dit une fois le deuxième visionnage terminé. Vous pensez qu'on peut le boucler dans la journée ? Comme ça on commence la post prod' de notre côté le plus vite possible.
Ils sont d'accord. Soojin chope le calepin avec les passages qu'il manque à filmer, et comme par hasard... la majorité sont ceux de Jisung.
— Je propose qu'on change de mood et qu'on filme chacun des membres dans des endroits différents, a déclaré Minho de but en blanc. Ça serait plus des plans d'ambiance, vous ne parlerez pas, juste vous agirez normalement devant la cam'. Vous pigez ?
Il semblerait que oui. Pour plus d'efficacité, et surtout car c'est notre dernier jour sur l'île, l'équipe décide de se séparer pour filmer en même temps, mais dans des endroits différents. Je n'ai le temps de ne rien décider, que déjà, Minho a choisi de shooter Chan et Changbin, et Soojin se retrouve avec Hyunjin (comme par hasard) et moi... et bien vous savez avec qui. Quand je vais pour demander à ma copine d'échanger, elle sautille vers moi et me glisse à l'oreille qu'elle est « trop contente d'être tombée sur Hyunjin », alors je me contente de lui sourire, écœurée. Ça n'a pas l'air d'être la guerre entre eux, au final. J'ignore le clin d'œil qu'elle m'adresse en partant se préparer, moi je rumine dans mon coin. J'ai plus de clopes, en plus. Je décide que je dois à tout prix en trouver, et chacun se sépare.
C'est donc comme ça que je me retrouve avec Han Jisung, sur la promenade, face à un océan déchaîné. Il fait un froid abominable et le vent souffle sans s'arrêter. Les autres filment ailleurs, je ne sais pas. Pour me donner de la contenance, j'ai la caméra, et ma dignité. Assez léger. Jisung, lui, est muet. Il attend visiblement que je lui donne des indications. Je décide de prendre mon courage à deux mains.
— Bon... il faut juste que tu marches, et que tu te retournes face cam' pour qu'on ai des plans ralentis de ton visage.
— Pourquoi faire au juste ? il a répondu du tac au tac, mains dans les poches. Sérieux, on tourne un clip de k-pop ?
Je suis restée bouche-bée, je ne m'y attendais pas. En fait, je n'ai pas compris pourquoi il était aussi désagréable, depuis ce qui s'était passé sur la plage. Est-ce que j'avais fait quelque chose de mal ? Sûrement pas, c'était lui qui était complètement timbré. J'ai soupiré, agacée.
— Gonflé pour un mec fan de Shinee, j'ai lancé froidement.
Il s'est immobilisé. Touché. J'ai continué, pour qu'il la ferme.
— Tu sais quoi ? Fais ce que tu veux, je m'en tape. C'est pas mon clip, pas ma soi-disant carrière, pas mon problème. Il nous manque dix secondes de clip à combler, donc t'as qu'à faire ta vie et je m'occupe du reste, ça te va ?
Il va pour répondre, mais je le coupe.
— Même si c'est pas le cas, je m'en cogne. Aller, magne-toi. Fais un truc, bon sang !
Il m'a regardée, l'air sérieux. Je vois son regard à travers la caméra. J'attends qu'il fasse un truc, tout, n'importe quoi. Sauf qu'il est resté stoïque, dos à l'océan, face à moi, mains dans les poches. Les mèches brunes tombent sur ses yeux noirs. Je m'en suis voulue de le trouver beau. J'ai pris mon air excédé, pour me donner de la contenance. Il m'a regardée jouer mon numéro, suivant chacun de mes gestes. Je me suis demandée s'il n'était pas défoncé, à un moment, mais à la manière qu'il a eu de regarder une seule seconde ailleurs, l'air intimidé, j'ai su que je me trompais.
— Tu comptes faire quelque chose ? C'est long, là.
— Je m'excuse pour ce que tu as entendu hier.
C'est sorti comme ça, de nul part, comme à chaque fois. J'ai fait semblant que ça ne m'atteignait pas.
— C'est pas le moment, j'ai rétorqué, toujours caméra en main.
— Faut me comprendre, il a poursuivi sans prendre en compte ma réplique. On ne vous connaît pas, et on vous confie notre tout premier clip, sans même savoir si vous en valez la peine. Ça m'a fait flipper.
Je n'ai rien répondu. Dans l'écran, il avait ce regard sérieux et infiniment triste qu'il tenait parfois, sans prévenir. J'ai eu du mal à déglutir. J'ai eu l'impression qu'il était sincère, mais le bonhomme dans ma tête se battait pour ne pas que je perdre la face, alors j'ai tout donné pour rester stoïque, comme si rien ne m'atteignait.
— Tout à l'heure j'ai vu que ça allait, en vrai. Le clip va en jeter. C'est tout ce que je voulais.
— Tant mieux pour toi, j'ai répondu, sèchement.
Je n'ai pas envie de lui taper la discut', tout comme je n'ai pas envie de rester toute la journée à filmer deux plans et demi. Jisung semble le comprendre, et finit enfin par bouger. Il marche, moi je fais en sorte de capturer à la fois son mood et l'océan derrière, puis il s'arrête, et je zoom sur son visage fin quand il se retourne. On s'immobilise, tous les deux. J'ai l'amère impression qu'il me fixe moi, à travers l'objectif. Le moment dure peut-être trois secondes, mais c'est déjà trop, alors je détourne le regard et déclare que c'est dans la boîte. Tant pis si je dois bidouiller des trucs, je n'en peux plus. Il est une heure de l'après-midi, et c'est comme s'il allait pleuvoir. Sans se parler, on décide de rentrer. Moi, je dois trouver des clopes, parce que c'est une question de vie ou de mort. Depuis cette histoire, j'ai arrêté de fumer.
— Pourquoi t'es venue en Corée ?
La question est sortie de nul part, comme à chaque fois. Ça semble être sa marque de fabrique. J'ai les mains dans les poches et la flemme de répondre. Alors, je ne dis rien. C'est un peu pour me venger, aussi. Et puis, une idée m'a traversée l'esprit.
— Pourquoi tu m'as embrassée, l'autre soir ?
C'est à son tour d'être glacial. Jisung me lance un coup d'œil, je le crame direct. Sur ma droite, bingo, un tabac presse.
— On peut continuer comme ça longtemps, il a rétorqué sur un ton un peu sec.
— De toute façon, qu'est-ce que tu veux que ça me fasse, hum ? T'es bipolaire et con comme tes pieds, ce qui s'est passé sur cette plage était une erreur parce qu'on était défoncés, ça s'arrête là, point. Je ne t'apprécie pas, et visiblement, toi non plus. Alors on finit ce séjour de merde, on vous livre le clip, et on ne se parlera plus jamais. Il me faut des clopes.
Encore aujourd'hui, je ne sais pas d'où j'ai tiré la force de lui débiter tout ça en face, l'océan en fond. Il s'est mit à pleuvoir et je me suis barrée en direction du tabac. Lui, ne m'a pas suivie. Je ne sais pas d'où j'ai tiré la force, parce que c'était faux. C'était le plus gros mensonge de l'histoire, et je m'en suis rendue compte au moment de passer la porte du tabac.
Oui, je suis attirée par Han Jisung,
non, je ne sais pas pourquoi,
et oui,
j'aurais aimé qu'il me rattrape, comme dans les films.
— Vous v'lez quoi, ma p'tite ?
À la place, j'fais face à un petit vieux coréen, avec un grand sourire édenté, recroquevillé de l'autre côté de son comptoir. Quand je tourne la tête vers la jetée, Han Jisung a disparu, et je soupire.
— Je vais prendre un paquet de...
Quelqu'un m'attrape le bras, sans prévenir, et je fais un demi tour incontrôlé, les yeux écarquillés. Mes lèvres s'entrouvrent, sous le choc.
— Je ne veux pas...
J'ai retenu mon souffle, complètement abasourdie.
— Je ne veux pas qu'on arrête de se parler, Aïka. J'ai besoin de toi.
Han Jisung
m'a rattrapée,
pour la première fois de notre histoire,
et moi j'ai su alors que ma vie allait changer,
un jour de pluie, comme ça, à Jeju-do.
LITHIUM°22
han jisung
AAAAARGH ÇA COMMENCE VRMT
enft je pouvais pas attendre une big semaine pour vous poster ça jpppp j'espère que vous avez kiffé!! 🕺🏻🕺🏻
comment allez-vous?? ☀️
on se voit au prochain drop! 🥳
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