09☆ the night you said : sorry
LITHIUM°09
Les deux semaines qui suivent, j'ignore les appels de Seungmin et j'évite chacun des garçons de la bande. Soojin en fait de même. Dans un sens, ça m'arrange, je me concentre sur le travail. On finit notre devoir sur l'identité de marque de ces satanés jus détox, un dépliant pour un théâtre y passe, de nouveaux posters, et même la création d'une maquette web pour une compagnie aérienne. Toutes les journées se ressemblent : je me lève, café, clope, trajet, cours, clope, travail et trajet retour, quand il fait déjà nuit. Et la soirée à l'appart', en solo, devant l'ordi'. Des fois, Soojin vient, et quand on en a marre de bosser, on regarde une télé-réalité coréenne qu'elle adore et je me prends au jeu, ou on mange des nouilles en se racontant nos vies. Certains soirs, c'est moi qui vais chez elle, elle habite une grande maison avec ses parents, dans l'un des quartiers chics de la capitale. Les Seo sont adorables et on mange bien, là-bas. On se rapproche de plus en plus, plus les jours passent, et ça me fait du bien de trouver une relation stable. Dans un sens, je pense qu'à elle aussi, ça fait du bien. Soojin est le genre de nana qui collectionne les histoires d'amour, et ce sont des déceptions à chaque fois. Alors pouvoir compter sur moi et me raconter ses déboires, ça la sécurise.
Tout ça pour dire que pour une fois, je ne me sens pas trop mal, dans cette vie, et dans ma tête. Séoul est grande, et plutôt sympa une fois qu'on apprend à la connaitre. Soojin me faisait aller partout et n'importe où, elle connaissait la ville comme sa poche. Elle a toujours vécu ici, de toute façon. Elle connaissait un tas de monde mais ne traînait qu'avec moi, allez savoir pourquoi.
Ce soir-là, elle n'est pas avec moi. Je fume une cigarette à la fenêtre de l'appart'. J'ai repensé à ce qu'il s'était passé, deux semaines plus tôt, et je me suis mise à me sentir mal de ne pas avoir répondu aux messages de Seungmin. C'est vrai quoi, lui n'y était pour rien, dans l'histoire. Et puis, si j'étais honnête, il me manquait un peu. Je l'aimais bien, moi. Alors, j'ai pris mon portable et je suis allée sur notre conversation Insta. J'avais ignoré quatre messages de lui. Il devait se dire que j'étais une connasse, et c'était peut-être le cas, après tout.
aikalin : hey...
aikalin : désolée de t'avoir ignoré, c'était pas cool, je m'excuse
aikalin : je comprendrais si tu m'en veux
J'ai attendu une réponse, débile au vu des deux semaines que moi j'avais mis à lui répondre, et puis j'ai fini par laisser tomber. Le monde ne tournait pas autour de moi, c'était puérile. Il était vingt-trois heures, et comme je m'ennuyais, j'ai décidé de sortir faire un tour. Il faisait bien froid, ce soir-là. Je me suis baladée dans les rues enjouées d'Hongdae un moment, avant de finalement trouver un parc encore ouvert. Je me suis assise sur l'un des bancs, c'était sur une colline et on avait une jolie vue sur la ville. J'ai rallumé une nouvelle clope, et j'ai apprécié le silence et le froid, les yeux fermés. Des fois, ça fait un bien fou de se laisser anesthésier par le froid, en hiver. On sait qu'on va choper la crève, mais pas grave, on apprécie quand même le moment. J'étais en train de penser à ça quand j'ai rouvert brusquement les yeux en entendant quelqu'un s'assoir à côté de moi, à l'autre extrémité du banc.
C'était un type avec la capuche de son sweat rabattue sur la tête, et une grosse veste en cuir par dessus. Je n'ai pas vu son visage, au début. Bizarre de s'assoir juste sur le même banc, alors qu'il y en avait bien d'autres autour. J'ai commencé à psychoter, ce n'était pas les dingues qui manquaient dans ce pays, et au moment où j'allais me tirer, il a parlé.
Je suis restée clouée sur place.
— Tu n'as jamais froid ?
Un long frisson a parcouru mon dos. Je l'ai fixé, et puis au bout d'un moment, il a tourné la tête vers moi, et j'ai entrouvert les lèvres, ahurie.
— Je dis ça parce qu'à chaque fois que je te vois, t'es jamais assez couverte pour le temps, a dit Han Jisung, les mains dans les poches. Ça caille, ce soir.
Je n'ai pas su quoi répondre, comme à son habitude, il me déstabilisait. La seule chose à laquelle j'ai pensé, c'est le visage du type qu'il avait frappé.
— Tu me suis ou quoi ? j'ai lâché, un peu agressive.
Il a froncé les sourcils. Il avait son regard normal. Un peu mort.
— J'habite à Hongdae, il a répondu comme si c'était évident. C'est toi qui a emménagé dans mon quartier, hein.
J'hallucinais. Mais il se prenait pour qui, au juste ? J'ai ricané, amère, et me suis redressée sur mon banc. Mon banc, merde.
— T'es vachement culotté, comme type. Tu crois que j'ai envie de bavarder avec toi, là ? Alors quoi, un geste de travers et tu vas me défigurer, moi aussi ? Débile mental, va.
— Quoi ?
Je l'ai regardé, lui aussi m'a regardée les sourcils froncés, et je n'ai réalisé que quelques secondes plus tard que j'avais parlé en... français. J'ai soupiré.
— Je n'ai pas envie de discuter avec toi, j'ai répété, cette fois-ci dans la bonne langue.
— Je sais.
Je suis restée abasourdie. Il ne manquait pas de culot, lui. Je n'ai rien ajouté, il me gavait, alors on est restés une bonne minute sans se parler.
— Je m'excuse.
Je n'ai rien dit. Ce n'était pas à moi qu'il fallait qu'il s'excuse, mais plutôt à ce pauvre type. J'ai frissonné, dans mon sweat trop fin, et je l'ai laissé en vu oral.
— Pardon, je... Je m'excuse de t'avoir fait peur, Jisung a continué, avec sa voix calme. Je ne sais pas ce qu'il m'a prit, enfin... Je regrette ce que j'ai fait, plutôt.
— C'est à ce mec que tu devrais présenter tes excuses.
— C'est fait. Le lendemain, c'était déjà fait.
— Quelle âme charitable, j'ai lâché, ironique.
— Seungmin m'a dit que tu ne lui répondais pas et qu'il s'en voulait. Donc je me suis dit que quand je te croiserai, je m'excuserai. Il faut que tu lui reparles, il t'aime bien.
— C'est fait, j'ai dit sur le même ton que lui. Je lui ai envoyé un message, tout à l'heure.
C'était à mon tour de me sentir un peu honteuse. Jisung s'est contenté d'hocher la tête, les lèvres pincées. On a arrêté de parler, pour un moment.
— Tu parles... français ?
J'ai haussé les épaules.
— Ma mère le parle.
J'ai vu qu'il avait plus de questions, mais j'ai préféré couper court.
— Tu sais que la première fois que tu m'as adressée la parole, c'était pour m'engueuler ?
Il s'est redressé, en se tournant vers moi.
— Quand ?
— À la soirée. Quand j'ai dit qu'il fallait amener le gars à l'hôpital. Tu m'as répondu que j'étais trop bête de vouloir le soigner alors qu'il m'avait insultée.
Jisung a esquissé un petit rictus, un peu moqueur, un peu effronté. J'ai retrouvé le type qu'il était en temps normal, pendant une seule seconde.
— Pour la forme, je m'excuse, mais pas pour le fond. C'était idiot de ta part, je maintiens ce que j'ai dit. Et puis, t'as tort. Je t'avais demandée ce que tu dessinais, quand on a fait un tour en voiture avec Seungmin.
Je me suis contentée de lever les yeux au ciel, et Jisung a souri.
Jisung
m'a souri,
pour la première fois de notre histoire,
et ça m'a fait quelque chose
à l'intérieur.
Il avait un sourire de gosse, toutes dents sorties, et ça faisait rebondir ses joues. Il était méconnaissable, quand il souriait. Ses yeux s'illuminaient, et par la suite, j'ai adoré quand il était comme ça. Je me suis mise à tout faire pour qu'il ne fasse que ça, sourire, tout le temps. Mais pour le moment, j'avais ma première vraie conversation avec lui, et bien que je le trouvais toujours autant puérile, quelque chose m'attirait, chez lui. Ce n'était pas son physique, soyons honnête, ce n'était pas trop mon style et j'avais déjà croisé des mecs bien plus beaux que lui. Ce ne pouvait pas être son comportement, puisque je le condamnais. Je ne savais pas que quand on tombe amoureux, pour de vrai, il y a quelque chose de bien plus fort que tout ça. C'est physique, chimique. Ça ne peut pas s'expliquer.
— Ne fais plus la gueule à Seungmin à cause de moi, okay ? Vous vous kiffez en plus, c'est débile, a rajouté Jisung un peu plus entre ses dents.
J'ai ricané, et j'ai répondu que non, on ne se « kiffait » pas. Il a eu l'air de ne pas me croire. J'ai hoché la tête, les bras croisés. Je me gelais, à ce stade.
— T'es une vraie galère, comme nana, c'est dingue.
Et alors que j'allais pour riposter, Jisung s'est redressé et a enlevé sa veste en cuir, avant de me la tendre, tout simplement. On s'est regardés un petit moment, ça se voyait qu'il n'était pas très sûr de ce qu'il venait de faire, et moi je ne savais pas s'il se foutait de moi ou s'il était sérieux. Au rire nerveux qu'il a eu avant de finalement me jeter sa veste sur les genoux, j'ai su qu'il était bien sérieux, et surtout un peu gêné. Ce que je n'arrivais pas à comprendre, c'était comment il pouvait être si différent en soirée, à l'uni' et là, ce soir, avec moi. L'hypothèse de la bipolarité s'est renforcée dans un coin de ma tête.
— Hum, c'est pas la peine, je...
— Aïka, tu soules. Mets-la, tu me la rendras plus tard.
C'était la première fois qu'il m'appelait par mon prénom. Ça sonnait bizarre, dans sa bouche, avec cet accent. Je l'ai remercié, du bout des lèvres, et j'ai enfilé son blouson. Il était un peu grand, et il sentait son parfum. On est restés un petit moment à parler de tout et de rien, je ne m'en souviens pas très bien, j'avais du mal à suivre parce que j'avais son parfum dans les narines, et que ça sentait vachement bon. Et puis, une demie heure est finalement passée, comme ça, et Jisung s'est levé. C'est à ce moment-là que je me suis rendue compte qu'il avait une grande sacoche à l'épaule.
— Je vais rentrer. Tu veux que... que je te raccompagne ? m'a t-il demandée d'une petite voix.
Je l'ai regardé, je ne savais pas que je souriais, puis j'ai répondu que ce n'était pas la peine.
— Mais merci, c'est gentil. Ah tiens, au fait, ta veste.
Nous n'étions pas dans un film, alors il l'a reprise. Ça ne m'a rien fait, pour être honnête. Ça avait déjà été gentil de sa part de me la prêter.
— Bon, et bien... À la prochaine, a dit Jisung.
Et il est parti. Je l'ai regardé descendre la colline, puis disparaitre à l'entrée du parc, il avait déjà remit son casque. J'ai repensé à notre drôle de conversation, et quelque chose a attiré mon attention, sur le banc. C'était un tout petit carnet. Je l'ai pris, intriguée. La plupart des pages étaient noires de texte, d'une écriture rapide et un peu penchée. En coréen, et surtout en anglais. Quand j'ai compris que c'était son carnet de chansons, j'ai voulu lui rapporter, mais il avait disparu dans Séoul, et j'ai eu beau le chercher aux alentours, c'était peine perdue.
Je n'aurais pas dû ouvrir ce carnet, j'en ai conscience. C'était personnel, moi non plus ça ne m'aurait pas plu, à sa place. Mais il m'intriguait. Tellement que c'était comme une drogue. Et je n'en ai jamais autant appris sur Han Jisung que quand j'ai ouvert ce carnet.
LITHIUM°09
han jisung
le coup de la veste 🤧🤧
comme j'en pouvais plus de taffer sur la da d'un resto italien j'me suis dit que j'allais vous sortir un p'tit chap 🫶🏼
vous allez bien?
je vous dit à la prochaine les guysss bisous 🫶🏼
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