JENNIE

- Putain mais cette merde de dossier me prend la tête depuis des heures et je dois en prime gérer une dévergondée qui dort avec une racaille dans mon dos ! hurla mon père depuis le séjour.

Même avec la porte fermée j'arrivais à l'entendre. Plusieurs fracas de verre brisé résonnèrent ensuite dans la maison, alors que je fixais la fenêtre de ma chambre. Apparemment, mon père avait chopé Kai en pleine cour et ils s'étaient affrontés, c'est ce que m'avait raconté Rosé hier. Le problème était que je n'avais même pas eu le temps d'aller voir le blond que mon père m'avait déjà frappé, confisqué mon portable et enfermé dans ma chambre.

La vérité était que je ne savais plus quoi faire pour ne pas penser que mon paternel avait un sérieux problème. J'essayais toujours de me dire que c'était seulement de mauvais jours, que tout finirait par s'arranger, mais plus ces putain de jours passaient, plus la situation empirait. Il devenait paranoïaque, m'obligeait à rester avec lui dans son bureau après les cours pour m'empêcher de traîner dehors avec "la racaille", comme il l'appelait, et contrôlait absolument tout ce qui me permettait de communiquer avec le monde extérieur. Comment contrôlait le démon qui le détruisait à l'intérieur ? C'était impossible et j'avais besoin d'aide, mais à qui en parler ? Je ne côtoyais personne à part Kai mais les chances de le revoir s'effaçaient peu à peu, j'étais prisonnière et puis, je refusais de lui causer des problèmes plus qu'il n'en avait déjà.

Mon père reçu un appel qui dura quelques minutes avant que ses pas lourds ne montent les escaliers pour finalement ouvrir la porte de ma chambre fermée depuis quelques heures. J'étais allongée sur mon lit, mon ventre grognant mais je ne dis rien.

- Habille-toi bien, nous sommes invités chez les Young.

Je n'aimais pas cette famille, parce qu'ils n'avaient pas d'enfants et qu'ils abordaient de faux sourires à chaque fois que j'apparaissais dans leur champ de vision. Comme je n'avais pas mangé depuis plusieurs heures, depuis le matin-même et qu'il était désormais vingt et une heure, je gémis doucement.

- Je suis fatiguée papa... tentai-je.

Ma tentative fut inutile, puisque mon père s'approcha dangereusement de moi, alors que je me redressai, les membres encore tous tremblants par les récents coups.

- Est-ce que je t'ai demandé ton avis ? Ils organisent une grande réception avec des amis d'enfance, alors tu as intérêt à bien te tenir si tu ne veux pas me faire honte. C'est clair ?

J'hochai la tête, dégoûtée. Je n'arrivais pas à comprendre comment, en ci peu de temps, mon père avait pu devenir aussi froid et cruel. Certes, il avait toujours été distant et très à contrôler mes faits et gestes, mais il ne m'avait plus frappé depuis longtemps. Il sortit de ma chambre en refermant la porte à clés alors que je m'extirpais difficilement de mon lit, grimaçant.

Je pris une bonne douche et enfilais ma plus belle robe avant d'attendre sagement que mon paternel daigne bien me faire sortir de cette putain de pièce. Kai me manquait. Horriblement. Tellement que ça me bouffait de l'intérieur, mais je n'avais pas le droit de le gueuler à la tronche de papa. Car sinon, on m'aurait sûrement retrouvé six pieds sous terre un beau matin.

~~

La salle de réception était immense et remplie de couples tous plus faussement heureux les uns que les autres. Ils levaient leurs coupes de champagne avec des sourires hypocrites et mon père faisait malheureusement parti de cette mascarade. Il riait et discutait activement avec ses anciens camarades de classe, gardant toujours un œil sur moi, alors que je me contentais d'être assise près du buffet histoire de manger un peu avant de retourner dans cette prison.

J'observais tous ces gens en costumes et talons, le jazz-band jouait les plus grands standards sans se préoccuper de leur public quasi inexistant, hormis cet homme qui dansait sur pratiquement toutes les chansons. Le seul d'ailleurs. Je m'ennuyais. Papa en était à son sixième verre facile.

- Je vous présente Jennie, ma fille chérie.

Mon père me fit signe de me lever face aux gens auxquels il me présentait, et je leurs souris poliment avant de détourner le regard presque instinctivement vers la personne qui me fixait depuis déjà quelques minutes sans que j'ose la regarder.

Mon souffle se coupa et je failli laisser tomber mon verre de jus de fruit amer. Mes sourcils se froncèrent sous l'incompréhension de sa présence ici, mais mon coeur battait la chamade tellement il était heureux de revoir sa bouille d'ange. Le plus étonnant était que le blond semblait aussi paumé que moi, tout deux nous fixant aux extrémités de la salle de réception. Il était habillé d'un jean noir et d'une chemise blanche en soie lui allant à la perfection, et pour une fois, il ne portait pas des Rangers mais de magnifiques chaussures vernies. Dieu qu'il était beau.

- Jennie que... C'est une blague ?! gronda mon père.

Je revins alors à la réalité, l'horrible réalité.

- Qu'est-ce que ce petit morveux fout ici ?! reprit papa. Je croyais que vous détestiez Hana et Jiyang ?!

Mon regard se posa alors sur les parents de Kai quand mon père prononça leurs prénoms. Ils avaient l'air aussi mal à l'aise que leur fils, que moi. Cependant, la mère de Kai trouva mon regard et m'adressa un léger signe de main pour me saluer, ce qui n'échappa malheureusement pas à mon père.

- Et en plus tu connais ces gens ?! gronda t-il en m'attrapant fermement le poignée, ce qui me valut une grimace non-contrôlée.

Kai fronça les sourcils et fit un pas vers moi, mais je n'eu pas le temps de faire quoique ce soit que papa me traînait déjà vers la sortie.

- J'en reviens pas ! Je t'interdis de côtoyer ces gens tu entends Jennie ?! criait mon paternel alors que tous les invités avaient les yeux rivés sur nous.

- Papa je t'en prie, tout le monde nous regarde... soufflai-je très mal à l'aise en tentant de me défaire de sa trop forte emprise. Tu me fais mal arrête je t'en supplie !

Ma voix sonnait tellement faible bon Dieu. J'étais désespérée et tout ce que je voulais, c'était rester le plus longtemps possible avec Kai.

- Allons Yeo, calme-toi et ne fais pas attention à eux ! plaisanta l'un des gars présents en faisant allusion aux parents de Kai qui visiblement, n'étaient pas très aimés des gens présents.

Je me libérai de sa poigne et reculai instinctivement, mais visiblement, la peur sur mon visage ne choquait personne. Sauf Kai et ses parents. Les yeux de mon père jetaient des éclairs.

- Jennie reviens ici tout de suite sinon je te promets que ça va chauffer à la maison.

- N... Non, soufflai-je.

- Viens ici tout de suite ! hurla t-il les dents serrées.

Sa voix glaciale occasionna un long frisson le long de ma colonne vertébrale mais mon instinct me poussait à reculer le plus loin possible de lui, car je sentais que quelque chose d'horrible allait m'arriver si jamais je rentrais avec lui à la maison.

Parce qu'il était saoul. Parce qu'il était humilié en public. Parce que maman était partie et qu'elle ne reviendrait sûrement jamais. Parce qu'elle, avait compris que son mari était dingue et qu'il lui ferait du mal, et l'avait compris bien avant moi. Et cette lueur de folie qui habitait les yeux de mon père ce soir-là me prouva enfin que je n'étais plus en sécurité avec lui, que je devais fuir si je tenais à ma liberté. Mais c'était trop tard.

Il s'approcha dangereusement et m'attrapa fermement le bras, avant de m'envoyer dehors, manquant me faire tomber dans les marches des escaliers en marbre.

- Qu'est-ce que tu fais Yeo ?! hurla quelqu'un en courant derrière nous.

- Active-toi ! m'ordonna mon père.

Je m'exécutais, n'ayant plus la force de lutter pour me sortir de là. Il était fou et j'étais trop faible pour résister, alors les larmes dévalaient mes joues en pensant à Kai.

- Jiyang fait quelque chose je t'en prie ! supplia la mère de Kai.

- Yeo arrête-toi tout de suite ! Je ne laisserai pas Jennie partir avec toi !

Je reconnus la voix du père de Kai qui nous courait après mais tout ce que j'espérais, c'était de voir son fils apparaître pour me sauver de l'enfer.

Kai n'est jamais venu cette nuit-là.
Et je suis rentrée seule avec mon père car j'ai fait croire à Jiyang que tout irait bien malgré mes pleurs.
Et cette nuit-là a été la plus horrible de toute ma vie. Et je n'ai jamais compris comment aucun voisin n'était venu voir ce qui se passait en étant alerté par tous ces cris. Jamais personne n'est venu, et cette nuit-là, j'ai décidé que plus jamais je ne ferai confiance à qui que ce soit.

Plus personne,
plus jamais.