onzième orchidée
𝗳𝗹𝗼𝘄𝗲𝗿 𝘀𝗵𝗼𝗽
Sortir du lit devait être l'activité la plus dure et horrible qu'un humain peut expérimenter. C'est comme arracher un bébé des bras de sa mère. La sensation de froid nous envahit le corps, on ne trouve plus notre confort, le monde extérieur ne nous donne pas non plus envie. En bref, il n'y a rien de bon à en tirer. C'est bien pour ça que Jeongin avait mis trente minutes avant de sortir ses pieds de sous la couette. Le vent frappait ses volets et ses pieds avaient la même allure et température que des glaçons. Il n'avait aucune envie de faire face au monde ce matin même si c'était samedi.
Aujourd'hui, ou plutôt cet après-midi, Hyunjin l'avait invité à faire un tour au centre-ville. Le grand châtain en avait décidé ainsi, peu importe la réponse de Jeongin. Il avait déboulé dans son bureau, prenant garde de ne pas se faire entendre et avait posé la nouvelle comme une bombe au brun. Alors ne sachant pas quoi répondre, le plus jeune avait simplement hoché mollement la tête. Avait-il le choix ? Non.
Depuis sa discussion avec Jiwoo, Jeongin s'était mis en tête que ça ne marcherait pas avec Hyunjin. Du moins, il ne se voyait pas passer le reste de ses jours avec lui. Si ce n'était que des petits rendez-vous, des câlins ou des mots doux, cela allait, mais pas plus.
Son aîné avait tout d'Apollon, le corps, le sourire, les cheveux étincelants au soleil et la douceur de sa lyre. Personne ne pouvait dire le contraire, ça serait se tirer une balle dans le pied que de mentir. Sauf qu'il lui manquait l'amour Vénus, que Jeongin chérissait plus que tout. Sans désir ou même passion, il ne se voyait pas engager une quelconque chose avec lui, malgré sa gentillesse hors-norme. Alors depuis une grande semaine, le brun se mettait en tête que rien de plus ne pourrait arriver entre eux et que si Hyunjin était "first letter", ça en serait déchirant pour eux.
"Pitié tout mais pas ça." Dit-il pour lui-même et son ours en peluche allongé à côté de lui. Il espérait aussi grandement que le châtain ne dise rien aujourd'hui qui pourrait abîmer leur relation. Encore fallait-il se préparer et y aller.
Ses jambes se décidèrent finalement à bouger de son lit pour prendre quelque chose à manger. Le mois de novembre courait et les périodes de fête arrivaient à grands pas. Si ses parents voyaient à quel point son corps avait maigri, il allait passer un mauvais quart d'heure. Mieux valait bien manger et ne plus sauter des repas en ce moment pour ne pas se faire tirer l'oreille. Sa mère avait pas mal de force quand on en paye les frais...
Quatorze heures sonnaient, le rendez-vous était fixé à la demie, or, Jeongin n'avait pas l'air plus affolé que ça. Pourtant, le petit café était à plus de quinze minutes à pied, le retard était donc inévitable. En fin de compte, pourquoi se presser quand on n'a pas forcément envie d'y aller ? Tel était son état d'esprit en se lavant le visage. En mettant le nouveau produit qu'il avait acheté, le jeune homme se rendit compte que son achat n'était pas du savon mais du démaquillant. La journée promettait d'être riche en émotion dès le début...
"J'ai pas envie de bouger!" Il tira une moue adorable tandis que son miroir reflétait l'image d'un jeune homme fatigué et fraîchement rasé. Ça faisait peur à voir. Ses doigts s'occupèrent de vite finir son maquillage avant d'enfiler un col roulé noir et un pantalon de la même couleur. Merde le style!
La motivation ne voulait vraiment pas rester avec lui en ce moment, c'était insupportable de devoir se traîner tout le temps tout seul. Même se faire un café était devenu source de fainéantise. Surtout que là, c'était quand même pour Hyunjin, un ami fort sympathique. Il ne se voyait pas poser un lapin à dix minutes du rendez-vous, ce n'était pas son style. De toute façon, il n'aimerait pas qu'on lui fasse la même chose. Pas le choix, il devait y aller quand même.
𝓱𝔂𝓾𝓷𝓳𝓲𝓷:
je suis au café, c'est déjà commandé
je t'attends :)
Ça le faisait chier, extrêmement pour être précis-e. Il aurait préféré un autre message comme quoi leur café n'allait pas être possible parce qu'une vague de maladie avait emporté Hyunjin. Que la neige commençait à tomber et que les routes étaient bloquées. Oui, Jeongin fuyait ses responsabilités. Son intuition criait que ce n'était pas un bon jour, que quelque chose tramait, son cœur qui tambourinait était aussi d'accord. Pourtant, sa raison le calmait. Rien de bien méchant ne pouvait se produire, c'était juste la flemmardise qui parlait pour créer une illusion.
Sa préparation finit à la va-vite, Jeongin prit ses clés pour fermer sa porte derrière lui. Quand il faut y aller, il faut. Le bus passait au même moment qu'il ouvrit la porte de l'immeuble. Alors en se dépêchant un peu, il l'attrapa juste à temps et passa sa carte devant le boîtier. La validation de son trajet émis un son pour confirmer et ses fesses purent s'asseoir à une place plus au fond. Il vérifia son portable et envoya un message à son aîné comme quoi il arrivait. Le retard était quelque chose qu'il détestait, alors il se devait de prévenir Hyunjin de ses moindres mouvements désormais. Du moins, il fonctionnait comme ça.
Le paysage courait à ses côtés, des enfants marchaient fièrement avec leur bonnet sur la tête. Des couples se tenaient la main et souriaient face au soleil, contents de recevoir tant de lumière. Tout le monde était heureux, il faisait froid mais le soleil était de retour donc on ne pouvait plus se plaindre. Malheureusement, Jeongin ne put admirer les passants plus longtemps puisque le bus venait déjà de s'arrêter à son arrêt. Que le temps passe vite quand on est occupé.
Le café où il avait rendez-vous se trouvait juste en face de l'arrêt, soit à quelques mètres de l'autre côté de la rue. En faisant bien attention, le brun traversa sans se faire renverser par les voitures bien occupées en ce samedi après-midi. Rendu devant, le petit bâtiment était très accueillant.
"Jeongin!" Un jeune homme d'au moins un mètre quatre-vingt se posta devant lui. Hyunjin était venu le rencontrer à l'extérieur pour le pousser à rentrer rapidement. Ce n'est pas qu'il commençait à s'ennuyer, mais un peu quand même.
"Comment vas-tu?" Demande Jeongin en se rapprochant pour lui sourire, tout en rentrant finalement dans le café. Le châtain répondit banalement tout en le guidant vers leur table déjà réservée. Hyunjin s'était alors permis de commander un thé à l'orchidée comestible et cela fit fort plaisir à son cadet.
Ils ne parlèrent pas avant un petit moment, laissant le temps au nouveau d'explorer le lieu de ses yeux curieux. Ce n'était pas une grande bâtisse et pourtant, les tons chaleureux des murs rendaient le tout beaucoup plus confortable. Quelques autres personnes étaient attablées autour d'eux, l'espace étant suffisant pour ne pas être mal à l'aise. Jeongin était content en fin de compte, son regret de bouger de son lit s'était évadé depuis.
Finalement, ils commencèrent par discuter du temps, du travail puis des choses plus privées comme leur famille, leurs amis. De loin on aurait dit de parfaits papys, à discuter du passé avec un air de nostalgie. Les rires qui sortaient de leur bouche atteignaient de temps en temps les baristas qui regardaient la scène attendrie. Les deux garçons avaient un charme qui les rendait angéliques. On ne pouvait jamais leur en vouloir bien longtemps avec ces mines radieuses.
La neige tombait peu à peu, mais ils ne s'en étaient même pas rendu compte. Leurs discussions les absorbaient trop loin de la réalité pour qu'ils détournent leur attention. C'était trop tard désormais. Jeongin, malgré sa prise de conscience sur l'affection qu'il portait à Hyunjin, était toujours aussi envoûté par ses paroles. Cela avait un certain sens en fin de compte, leur admiration l'un pour l'autre surpassait tout et ils espéraient l'un, l'autre, que cela restera éternellement comme cela.
Hyunjin n'était peut-être pas celui que Jeongin cherchait, parce qu'en réalité, il ne s'était jamais caché. Il avait toujours été là quand ça n'allait pas et là était le problème. Le brun voulait étendre ses contacts, découvrir d'autres personnalités et les comprendre. Voilà pourquoi Chris l'attirait autant. Parce qu'avec le blond, il y avait un défi, un certain danger qui le motivait. Ce n'était sûrement pas le bon choix, mais Jeongin en avait assez de suivre les routes déjà toutes tracées sans trou. Cette fois, il voulait se prendre les pieds dans des branches, trébucher et se relever pour persévérer. Oui voilà, devenir plus fort grâce à Chris, car il savait que ce dernier était capable de lui tendre la main.
"Maman, on peut aller faire un bonhomme de neige à côté de la fontaine?" La petite fille assise sur la table voisine était désormais à côté des deux jeunes hommes, accoudée à la vitre pour voir de plus près les flocons de neige qui s'étendaient sur la route. La voix aiguë de la fillette sortit de leurs bulles les deux collègues qui eurent la même idée avec un seul échange.
Les deux jeunes hommes sortirent du café en ayant une seule chose en tête : la neige. Les flocons blancs étaient très courants en Corée, presque tout les ans en fait. Heureusement, c'était toujours avec la même euphorie que les Coréens accueillaient ce changement de météo, contents de pouvoir se rouler dedans et créer de jolis bonhommes. Jeongin et Hyunjin ne faisaient pas exception à cette joie collective.
Le cadet savait que c'était ce qui les faisait avancer. Ce motif minuscule était ce qui leur faisait oublier la circulation monstrueuse et bruyante des gens affolés par cette neige. À plusieurs reprises, des gens les poussaient. Personne ne bougeait sur ces trottoirs, il fallait les éviter, c'était un combat sans fin. C'était à celui ou à celle qui à la dernière seconde céderait pour laisser passer l'autre. Bien entendu, c'était Jeongin qui capitulait. Il n'avait guère les épaules pour résister. Mais malgré tout, parfois, lorsque Hyunjin se rapprochait de lui, ils arrivaient à en faire dévier quelques-uns. Et rien que pour ça, il se sentait un peu mieux.
"Ce n'est pas là où travaillent Jiwoo et Eunae?" Effectivement, c'était bien la boutique des deux amoureux. Puisque le café se trouvait à quelques pas de leur lieu de travail, pas étonnant que la boutique était aussi près. Jeongin n'avait même pas fait exprès de passer en face et ne regrettait pas en voyant les jolis bouquets qui attendaient sagement à l'intérieur.
De nombreuses fleurs, graines et pots étaient accrochées sur une grille en fer. Il y avait des milliers de variétés qu'il ne serait pas trouvé. Certes, certaines étaient vraiment faciles à reconnaître, or, jamais il ne les identifiera toutes autant que ses meilleurs amis. Ce n'était pas son métier, c'était simplement satisfaisant à observer. Jeongin allait lui répondre que oui, effectivement, c'était bien ici, quand un visage bien connu le fit tourner la tête.
Une jeune femme était en train de faire une accolade à un grand blond aux cheveux bouclés. Elle était si splendide qu'il ne put détacher ses yeux d'elle avant un long moment. Un magnifique manteau noir cachait ses courbes et ses cheveux bruns soyeux ondulaient sur ses épaules recouvertes. Ses jambes étaient fines, élancées et enrobées dans une jupe vintage assez à la mode en ce moment. Même s'ils étaient à l'autre bus de la rue, Jeongin l'avait bien reconnu. C'était Chris, et une jeune femme bien plus charmante que le reste des Coréennes.
Son supérieur avait l'air si heureux près d'elle qu'il se sentait répugnant d'avoir espéré quoi que ce soit. Le charisme que dégageaient les deux jeunes amoureux faisait retourner toute la ville derrière eux. Pour eux, ils n'y avaient personne, ni même Jeongin.
Tandis que lui, se débattait avec sa jalousie pour tourner les yeux. Elle tenait si fermement sa tête pour bien qu'il voit la réalité en face que ça lui faisait mal. Son cœur se serrait au fur et à mesure qu'il voyait leur joli sourire embellir leur visage. Le pire fut quand son supérieur offrit de belles pivoines à la jeune demoiselle, ses préférées. Alors là, c'était moche.
Hyunjin discutait dans le vide, Jeongin ne cherchait même pas à l'écouter ou à deviner ce qu'il pouvait bien lui dire. Ses yeux fixaient obstinément les deux amoureux batifoler sur le bitume sans s'occuper du reste. Les regarder lui faisait mal, détourner le regard ça serait tout abandonner. Son cœur était enchainé par des fils électriques.
Jeongin n'était qu'une bougie qu'on oublie sur la grande étagère, du moins c'est ce qu'il ressentait. Elle est jolie, mais prend vite la poussière, le moindre souffle et ça s'éteint. On la sort quand il y a des invités, pour faire présentable puis on l'oublie longtemps sur la table sans penser à l'allumer. Peut-être que la bougie pouvait se transformer en une étincelle vivante et puissante, ou peut-être pouvait-elle tout simplement être là. En tout cas, le plus jeune se sentait fondre sous l'amas de misère en ce moment.
"Jeongin?" Son ami avait enfin remarqué que son cadet ne l'écoutait plus du tout. Le regard un peu triste d'avoir parlé pour rien, il commença à s'inquiéter quand il vit des larmes briller dans les cornées de son ami.
En suivant le regard toujours fixe de Jeongin, Hyunjin tourna la tête à l'opposé de la rue. De là, il put aisément deviner que les iris mélancoliques de son cadet provenaient du couple. Les deux ennemis ne les avaient pas vus, et heureusement. Ils étaient là, à ne rien dire et à garder des émotions si différentes en eux. Jeongin parce qu'il ne voulait pas avouer que cela l'atteignait, que cela l'affaiblissait. Puis Hyunjin parce qu'il avait compris que son béguin ne le regarderait jamais comme ça un jour.
"Oui?" Cette fois-ci, son vis-à-vis le regardait, seulement et uniquement. Ce n'était pourtant pas assez convaincant, ce sourire faux était devenu trop transparent pour s'en contenter. Au fond de ses pupilles, Hyunjin le voyait, c'était Chris désormais. Il n'était que l'autre homme maintenant.
"Ce n'était pas ce que j'avais prévu, mais je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je t'aime, depuis la première fois." Le monde était devenu sourd, les flocons de neige ne pouvaient même plus atteindre son cœur. Ses pieds s'enfonçaient dans la neige, or, le chaos dans sa tête l'empêchait de sentir quoi que ce soit. Plus aucun sons ne passèrent la barrière de ses lèvres quand celles de Hyunjin s'ouvrirent une nouvelle fois. Pitié non....
"Ces fleurs, c'est de moi Jeongin."
Hyunjin tendit sa main vers son visage, le regard triste. Sa phrase eut l'effet inverse de ce qu'il attendait. Le regard du plus petit s'était refroidi prouvant que la flamme venait de s'éteindre à tout jamais. La bougie ne servait définitivement plus, elle allait disparaître au fond de l'appartement.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro