ÉPISODE 10 : la discussion.
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après le printemps est venu l'été, sa chaleur a réchauffé tout mon être. malgré tout, je n'ai pas pu m'empêcher de m'éloigner des joueurs de l'équipe a. nijimura et les anciens ont quitté le club, laissant derrière eux un vide à combler. pendant les vacances, je n'ai parlé à presque personne. akashi a voulu à plusieurs reprises avoir une discussion sérieuse avec moi, mais je l'ai constamment esquivé. murasakibara, au détour d'une conversation, m'a implicitement confirmé les dires de momoi. depuis, akashi et moi nous sommes éloignés. on a commencé à se contenter de se sourire dans les couloirs ou de simplement se saluer. on était tous les deux conscients que j'avais besoin de prendre du recul sur la situation.
puis l'été a succédé à l'automne avec sa fraîcheur et ses bourrasques de vent. le paysage est devenu plutôt morne et triste, presque nostalgique. j'ai restreint mes contacts avec la génération des miracles au strict minimum. je leur ai transmis les informations du coach et c'est tout. il n'y a qu'avec momoi et kuroko que j'ai gardé contact. en ce qui concerne akashi, on a recommencé à discuter, mais on s'est limités à des choses futiles ou des stratégies pour le club. il savait, enfin je suppose, que je n'étais pas prête à aller plus loin.
l'hiver est arrivé avec son manteau blanc. mes rapports avec momoi se sont détériorés quand j'ai su qu'elle irait à l'académie too. akashi l'a remarqué et il est venu vers moi pour m'apporter son soutien. depuis ce moment, il nous est arrivé de parler de choses un peu plus sérieuses que la pluie et le beau temps. il est resté froid et distant avec les autres membres du club, mais j'ai remarqué que, parfois, son expression se radoucit. son regard se réchauffe un court instant et, d'un coup, se durcit. en l'espace d'un dixième de seconde, il redevient la personne qu'il était. j'ai beau trouver sa seconde personnalité terriblement attirante et l'apprécier tout autant que la première, je garde espoir qu'un jour, il sera à nouveau le vrai akashi, le garçon que j'ai rencontré il y a bientôt trois ans.
je ne suis pas naïve, je sais bien que je rêve en couleur parce qu'il ne reviendra pas de sitôt mon akashi, celui avec qui j'avais l'habitude de rentrer chez moi. c'est précisément pour ça que je m'adapte du mieux que je peux à la situation bizarre dans laquelle nous nous trouvons. on se parle de moins en moins fréquemment cette année, depuis qu'on n'est plus dans la même classe. maintenant, ma place est devant murasakibara. j'en profite pour lui donner des bonbons pendant que le professeur déblatère sur des sujets aussi intéressants que la reproduction des truites. on retrouve une relation plus ou moins amicale. d'ailleurs, ça ne serait pas impossible qu'on redevienne amis, comme quand on était enfants. j'aime bien passer du temps avec lui, il me fait rire.
- quoi ? kuroko-kun a quitté l'équipe de basket ? je demande, les yeux pratiquement sortis de leurs orbites.
- oui, confirme momoi, hier soir.
son regard est voilé de tristesse. visiblement, elle ne comprend pas le comportement de notre ami. moi non plus, d'ailleurs, et je déteste ne pas comprendre quelque chose.
- je vais lui arracher la tête, je hurle en partant en direction du toit.
- attends ! crie momoi dans mon dos.
ses paroles ne suffisent pas à freiner mon élan.
- je reviens, je lui promets avant de disparaître.
je rejoins kuroko, qui se trouve sur le toit du collège pour manger son sandwich en paix. il ne doit pas s'attendre à ce qu'une adolescente en furie vienne l'agresser pendant sa pause.
- kuroko-kun, je m'écrie, fulminante, lorsque je le trouve assis par terre, dos à moi.
il se retourne, surpris de me voir. je m'avance vers lui avec l'énergie d'un chien enragé. il devient droit comme une barre avant même que je n'arrive à sa hauteur.
- pourquoi tu quittes le club sans prévenir personne ?
- désolé, répond-il en se relevant, mais tu as tort. j'ai prévenu momoi-san, donc je n'ai pas « prévenu personne », comme tu dis.
- ne commence pas à jouer avec les mots, tu comprends parfaitement ce que je veux dire.
il m'énerve à me corriger de la sorte même s'il sait pertinemment où ce que je veux dire. en ce moment, j'ai une envie folle de l'égorger tellement il m'agace, mais, puisque je suis une personne civilisée, je ne fais rien. je reste plantée là, devant lui, ne sachant pas quoi ajouter.
en fait, non. je sais exactement quoi dire, je ne sais juste pas comment le dire.
- je m'inquiète pour toi et momoi-chan aussi. explique-moi ce qui ne va pas, kuroko-kun, tu sais que je suis là pour toi. c'est à cause de ce qui s'est passé avec le gars des nationales ?
- qui ça ? ogiwara-kun ? comment tu le connais ?
- je ne le connais pas, mais je l'ai vu jouer. et aussi... pleurer. je vous ai vus quand tu es allé le voir après la finale. il avait l'air d'être dans un sale état.
- c'est le moins qu'on puisse dire, marmonne-t-il.
- écoute... je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous, mais...
- justement, me coupe-t-il, tu ne sais pas.
mes yeux s'écarquillent. il n'a pas du tout l'habitude d'être aussi sec dans ses propos. la situation est peut-être plus grave que je ne le pensais.
je consulte l'heure sur mon téléphone. c'est bientôt être la reprise des cours et je dois absolument parler à momoi avant, on n'a pas fini notre conversation. en plus, je lui ai promis que je reviendrais la voir.
- je dois aller voir momoi-san avant la cloche, mais il faut qu'on en reparle, d'accord, kuroko-kun ? je suis sérieuse quand je dis que je m'inquiète pour toi.
sans même attendre une réponse de sa part, je quitte le toit pour rejoindre mon amie devant sa classe. elle m'attend avec une moue boudeuse adorable.
- kuroko-kun ne va pas très bien, je lui annonce.
- ça n'est pas la nouvelle du siècle, me répond-elle avec une pointe d'ironie.
nous entrons dans sa classe. elle s'assoit à son bureau tandis que je reste debout face à elle. je ne prends pas la peine de le faire aussi, de toute façon je retourne dans la mienne bientôt.
- il faut qu'on trouve quelque chose pour nous réunir à nouveau, je déclare.
- à quoi tu penses ?
- faire une activité tous ensemble la veille de la remise des diplômes, ça pourrait être bien, ou le soir même de la remise des diplômes, ça pourrait être amusant. qu'en dis-tu ? c'est une bonne idée, tu crois ?
- je n'en sais rien, honnêtement. tu proposes quoi ?
- je voudrais juste organiser une activité spéciale pour nous réunir une dernière fois. on a passé trois ans de notre vie ensemble, ce n'est pas rien. je sais que ce n'est pas extraordinaire non plus, mais je trouve que ça mérite d'être célébré.
- ça pourrait être une fondue au chocolat. j'ai un bol pour en faire, justement. on ne l'utilise jamais à la maison, alors ce serait une belle occasion pour le sortir, non ?
- ça serait parfait. j'espère juste qu'ils accepteront.
- de toute façon, on a encore un peu de temps avant de se décider, la remise des diplômes est dans plus d'un mois, alors...
silence.
- tu penses que kuroko-kun viendrait ? me demande-t-elle.
- il faudrait le convaincre de venir, mais ce n'est pas impossible.
- tu crois que tu réussirais, shicchan ?
- oui, je pense que j'y arriverais. il suffit juste de trouver de bons arguments.
- parfait. je peux demander à ki-chan et midorin.
- ils vont accepter, tu crois ?
- je ne sais pas, mais je vais faire de mon mieux pour les convaincre. aomine-kun aussi, je peux m'en charger. on est amis d'enfance, il m'écoutera sûrement.
- d'accord, alors je m'occupe de murasakibara-kun et akashi-kun.
+
- kuroko-kun, attends ! je crie.
je cours derrière lui. j'arrive à sa hauteur, haletante.
- marche moins vite, s'il te plaît.
il arque un sourcil, puis nous nous mettons en route.
- tu ne rentres pas avec akashi-kun ?
- non, j'ai décidé de partir plus tôt aujourd'hui.
- je vois. dans ce cas, pourquoi tu me suis ? ta maison est de l'autre côté de la ville.
- je sais, mais j'ai à faire dans ton coin de pays.
- d'accord.
je reprends mon souffle un instant.
- de toute façon, ce n'est pas comme si on avait besoin de ma présence au club.
- ça te tient toujours autant à cœur, d'être manager ?
- j'aime beaucoup être manager, mais l'équipe... le club a changé.
il baisse la tête.
- tu penses la même chose ?
- oui, je me suis fait cette réflexion il y a un moment déjà. depuis que sanada et akashi-kun ont instauré leur nouvelle politique, en fait.
- je pense la même chose.
silence.
- ça ne te dérange pas de rester là-bas ? au club, je veux dire.
- oui, mais je ne peux pas quitter le club. mon père ne me le permettrait pas.
- tu es sûre ?
- euh ? je ne suis pas sûre de te suivre.
- tu es sûre que c'est vraiment pour ton père que tu restes ? répète-t-il.
je m'apprête à répondre, mais me ravise. il me pose là une question impertinente, mais pas inintéressante. est-ce que je reste réellement au club pour mon père ?
- est-ce que ce n'est pas pour quelqu'un d'autre ? insiste-t-il.
je replace mes cheveux derrière mon épaule tout en ignorant sa question. de toute façon, pour qui est-ce que je resterais ?
- j'ai demandé à aller au même lycée que toi.
- pourquoi as-tu fait ça ? tu n'as pas à t'inquiéter, je vais très bien.
- je ne pense pas.
- je t'assure que je vais bien. comme sur des roulettes.
je m'arrête. il se tourne vers moi.
- qui essaies-tu de convaincre ? toi ou moi, hein ? je lui demande, en croisant mes bras sur ma poitrine.
on peut être deux à jouer à ce petit jeu. tu as voulu retourner mes paroles contre moi avec akashi ? très bien, je vais en faire autant.
- personne.
- je te connais plus que tu ne le penses, kuroko-kun. tu as beau être discret et n'avoir aucune présence, tu restes humain. c'est normal d'avoir des émotions, alors j'aimerais que tu me dises ce qui ne va pas.
- pourquoi, hein ?
- parce que je m'inquiète pour toi, quelle question !
- je me porte à merveille, shirogane-san, et je n'ai pas besoin d'une deuxième mère.
- j'ai envie de te frapper.
il sourit. nous recommençons à marcher.
- merci de veiller sur moi.
- je voulais te parler de quelque chose.
cet après-midi, j'ai réussi à convaincre murasakibara de venir. ça n'a pas été bien difficile, il a suffi que je lui parle de nourriture pour qu'il soit hypnotisé par mes paroles. il a accepté d'amener des fruits.
- d'accord. qu'as-tu donc à me dire de si important ?
- j'aimerais que tu viennes à notre fondue.
- votre fondue ?
- momoi-chan et moi, on organise une fondue au chocolat après la remise de diplômes, avec akashi-kun et tous les autres.
- pour être honnête, je n'en ai pas très envie. je t'apprécie énormément, shirogane-san, et j'apprécie aussi momoi-san. ça me touche que vous m'invitiez, mais je n'ai pas trop envie de me retrouver avec les autres.
- oh, s'il te plaît kuroko-kun, c'est la dernière fois qu'on va se retrouver tous ensemble avant le lycée.
- j'en suis conscient.
- s'il te plaît, viens !
- pourquoi tu y tiens tant ?
- en souvenir du bon vieux temps. qu'est-ce que je dois dire pour que tu acceptes ?
il s'arrête et se tourne vers moi.
- tu n'arrêteras pas d'insister, c'est ça ?
sa question me fait comprendre qu'il est sur le point de céder. ravie, je frappe dans mes mains, le sourire aux lèvres, avant de courir en direction de ma maison. kuroko va venir à la fondue. ça me rend heureuse, ça me remplit de bonheur.
- qu'est-ce que tu fabriques ? hurle kuroko dans mon dos. tu n'as pas à faire près de chez moi ?
je me retourne vers lui, tout sourire.
- non, ça n'était qu'un prétexte. à demain, kuroko-kun !
je lui envoie la main, puis je me remets en route.
en chemin, je me repasse en boucle notre conversation. j'ai beau essayer de penser à autre chose, j'en reviens toujours à son sous-entendu à propos de mon père, comme quoi je ne resterais pas uniquement pour lui.
argh. il m'énerve à me retourner mes propres paroles contre moi.
au fond de moi, je sais que j'accorde encore une grande importance au club. il représente mon lien avec akashi, c'est un peu grâce à ça qu'on est devenus si proches. or, quitter le club, ça serait comme briser notre relation, et c'est bien là une chose que je ne peux pas me résoudre à faire.
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