𐚁 Chapitre 51
━━━┅━ J I S U N G ━┅━━━
Il était tout juste quatorze heures lorsque la classe de terminale C pénétra le hall du complexe sportif accolé au lycée Maxident. Rapidement, les trente-trois élèves se divisèrent en deux groupes distincts afin de rejoindre les vestiaires collectifs de l’établissement.
Je détestais être obligé de me mettre nu devant des gens à qui, pour la plupart d’entre-eux, je ne donnais même pas l’heure. Pourtant, personne ne matait personne, nous étions tous trop occupés à se changer pour calculer son voisin. N’empêche, je trouvais ça embarrassant au possible et c’était bien la raison pour laquelle je me recluais toujours dans un des quatre coins de la pièce, face au mur, en me dépêchant de me déshabiller pour ensuite enfiler mon short de bain.
Un brouhaha mêlant plusieurs conversations alimentait l’ambiance bien assez animée en cette chaude après-midi tandis que je demeurais silencieux, de mon côté. J’étais gêné mais surtout intrigué par l’étrange impression d’être épié que je ressentais depuis maintenant quelques minutes. Curieux, je me tournai pour faire face au reste des jeunes adultes présents dans le vestiaire et que fut ma surprise quand mon regard croisa instantanément celui de mon ancien meilleur ami.
Minho était assis sur le banc blanc qui longeait le mur opposé à celui que je m’étais approprié, pile dans la diagonale de mon champ de vision. En se rendant compte qu’il venait de se faire attraper la main dans le sac, le châtain détourna aussitôt le regard pour le reporter sur Seungmin, celui-ci tout près de lui. Au-delà du fait que je me questionnais actuellement sur sa présence, je me demandais surtout s’il m’observait depuis un moment et s’il m’avait vu cul nu...
Davantage gêné, je sortis la serviette de bain de mon sac et couvris mon torse de celle-ci. Je n’étais pas vraiment pudique, je préférais simplement avoir le choix de dévoiler mon corps selon mon envie et devant qui je voulais. Seulement, maintenant que Minho était là, j’avais la pression, une subite sensation que je devais me montrer sous mon meilleur jour. Et je n’avais pas réellement d’explications, si ce n’était le tambourinement de mon cœur contre ma poitrine.
Je déglutis et clos mes paupières pour me ressaisir. C’était difficile de ne rien ressentir en l’ayant toujours sous les yeux, que ce soit en cours ou bien dans mes rêves. Ces temps-ci, je n’avais que son visage en tête et son nom sur mes lèvres. Il me manquait, son amitié me manquait. Et faire comme si nous étions de nouveau devenus des étrangers n’était rien de plus que de la torture.
En songeant à tous les changements que j’avais vu apparaître dans ma vie depuis qu’on s’était éloigné, je laissai échapper un soupir nostalgique. Il fallait que je cesse d’y penser, ce qui était fait était fait, il n’y avait aucun moyen de revenir en arrière, de toute façon. Au même niveau que mon comportement envers Seungmin la veille avait certainement, lui aussi, clôturé notre amitié de la pire des manières.
Je regrettais, évidemment. J’avais agi bêtement, sous le feu de la colère et de l'impulsion, sans réfléchir une seule seconde aux conséquences qu’auraient mes actes. Et même si, selon moi, mon aigreur avait été légitime, lui, n’avait probablement pas dû la comprendre. Puis, ce n’était pas comme si j’avais eu le cran de tout lui expliquer. Mais avais-je seulement le cran de le faire envers moi-même ?
De nouveau concentré sur ma tâche, je me tournai pour m’asseoir sur le banc et m’incliner en avant afin de mettre mon bonnet de bain plus facilement. Cet accessoire, c’était le pire, le plus moche et le moins confortable. Horrible. Cependant, nous n’avions pas le choix, il était obligatoire de ressembler à un préservatif tous les mardi après-midi. Alors soit, je m'exécutai sans broncher puis laissai mon regard balayer la pièce. Celui-ci bien trop curieux, il s’arrêta sur le fameux couple.
C’était frustrant. Encore dimanche, j’étais persuadé qu’ils avaient tout manigancé derrière mon dos et qu’ils n’étaient, par conséquent, pas réellement ensemble. Ça semblait tiré par les cheveux comme théorie et j’aurais dû me dire que ça ne tenait pas debout mais… le reconnaître aujourd’hui était bien plus douloureux qu’imaginer que tout ça ne soit qu’une supercherie. Et je me surprenais à être déçu que ce soit la vérité.
Plus je les observais, plus je sentais mon cœur se serrer lentement et intensément. Ça m'énervait, ça me rendait même dingue mais je ne savais toujours pas pourquoi. Je ne savais toujours pas pourquoi je trouvais Minho adorable dans son maillot de bain violet et pourquoi je jalousais Seungmin d’avoir le droit à chacun de ses sourires. Qu'est-ce qu'ils me manquaient, ses sourires...
Les yeux plongés dans le vague, je sursautai quand mes camarades de classe se mirent à s’amasser près de moi afin d’ouvrir la porte du vestiaire. Un à un, ils quittèrent la pièce, Seungmin et Minho sur leurs talons, je ne perdis alors pas de temps avant de m’élancer moi aussi. Machinalement, on se dirigea tous vers les douches collectives, histoire de s’arroser un peu avant d’entrer dans l’eau, puis rejoignit calmement la grande salle dans laquelle notre professeur de sport nous attendait.
Nul besoin de salutations, ce dernier s’empressa de nous énoncer les consignes du jour. Pendant cette séance, nous allions devoir effectuer un parcours avec de multiples obstacles le long d’un couloir en un temps limité. Rien de bien compliqué pour moi, même si le couloir choisi était le plus long et le plus profond, il suffisait que je me concentre suffisamment pour réussir.
Néanmoins, je n’écoutais que d’une oreille, mon regard préférant se gluer à la silhouette de Minho alors que celui-ci semblait totalement ailleurs. Il avait l’air inquiet et peut-être même stressé en écoutant le discours du professeur. Après tout, ce n’était pas un secret, le châtain m’avait dit l’année dernière qu’il ne savait pas vraiment nager. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle il participait rarement, voire jamais, aux cours de piscine, et pourquoi je me questionnais sur sa présence aujourd’hui, un jour d’évaluation.
C’était intriguant, je voulais en connaître les raisons et les fonds. Et si ça ne tenait qu’à moi, je l’aurais déjà pris en aparté afin d’avoir cette conversation dont on avait tant besoin tous les deux. Seulement, que pouvais-je bien faire si lui n’était pas du même avis ? Je ressentais la nécessité d’éclaircir tous ces coins d’ombre pour obtenir le fin mot de l’histoire mais en était-il de même pour Minho ? J’en doutais et ça commençait à me peser.
Une fois ses instructions données, l’instituteur se mit à choisir l’ordre de passage des élèves et ce ne fut pas une surprise qu’il me fasse passer en premier. Étant l’un des meilleurs nageurs du lycée tout entier, il était évident que je devenais alors d’office une sorte d’exemple pour les autres. Comme prévu, je fus celui qui ouvrit le bal en montant sur le plongeoir. Une trentaine de paires d’yeux me fixait, attentifs pour la plupart et dédaigneux pour d’autres, mais je ne m’en préoccupai pas. À la place, j’entrepris d’enfiler mes lunettes puis de me mettre en position avant le départ sifflé et l'enclenchement du chronomètre.
Des cris d’encouragement résonnèrent dans l’immense salle de natation en même temps que celui du sifflet lorsque je plongeai. Cependant, une fois dans l’eau, je ne les entendis plus aussi clairement, chaque bruit était étouffé jusqu’à ce que je me retrouve de nouveau la tête hors du liquide. À ce moment-là, j’avais terriblement envie de jeter un coup d'œil à Minho afin de voir si je l’avais un tant soit peu impressionné, bien que mon parcours n’était pas encore commencé. Mais je n’avais pas le temps, il fallait que je fasse le plus haut score pour avoir la note la plus élevée et ainsi lui en mettre davantage plein la vue. Mon but n’était pas de me vanter, loin de là, je voulais au contraire qu’il soit fier de moi et qu’il puisse constater mes progrès, ce qu’il n’avait pas l’occasion de faire souvent à cause de ses absences.
Et je voulais qu’il me félicite, qu’il me complimente, qu’il me parle à nouveau. Je voulais qu’il me sourit, à moi.
Cet unique objectif en tête, je donnai alors le meilleur de moi-même pour parvenir à dévier les obstacles et terminer le parcours en un rien de temps. Quand ma main toucha le mur, le sifflet retentit une nouvelle fois, m’annonçant que l’anneau que je devais récupérer pour clore définitivement ce challenge venait d’être lancé au hasard dans la piscine. Immédiatement, je me mis à sa recherche et n’eus aucune difficulté à l’attraper au fond de l’eau avant de remonter et de le brandir aux yeux de tous. Le professeur siffla une troisième fois ; j’avais terminé l’évaluation.
De mon point de vue, ma performance avait été parfaite mais j’espérais qu’elle avait été un peu plus que ça. Rapidement, je crawlai jusqu’au bord et, aussitôt, l’instituteur me félicita. J’avais effectué un record de trente-et-une secondes et sept millisecondes, apparemment pour l’instant le meilleur temps de toute l’école sur ce genre de parcours. Un sourire vainqueur s’afficha alors sur mon visage, tandis que je retirais mon bonnet de bain. Mes cheveux désormais humides, je tentais de les recoiffer avant de me reclure à l’arrière du groupe pour laisser la place aux autres.
Comme aimanté par son aura, je ne pus m’empêcher de relever la tête vers la foule et chercher Minho du regard. J’avais attendu sa réaction avec impatience depuis tout ce temps, je voulais savoir s’il m’avait vu et s’il m’avait applaudi, lui aussi. Néanmoins, je fus déçu en m'apercevant qu’il ne m’adressait actuellement aucun regard, même pas du coin de l'œil. Et c’était encore une fois avec Seungmin qu’il partageait un rictus, même plus, un rire dont la raison devait sûrement m’échapper. Après tout, ça ne me regardait pas.
Adossé contre un mur, les bras croisés et le visage crispé, j’observais les élèves qui me succédèrent. Certains avaient été très bons, d’autres un peu moins, mais aucun d’eux n’avait réussi à faire mieux que ma performance. J’en étais pas vraiment soulagé, à vrai dire, je m’en fichais un peu, je voulais juste me taper une bonne note à l'évaluation et je savais désormais, de toute façon, que ce serait le cas.
Alors, je regardais simplement défiler mes camarades sans réellement leur prêter attention jusqu’à ce que le tour de Minho arrive. Je ne m’en rendis d'ailleurs compte que lorsqu’il monta sur le plongeoir, les jambes tremblantes. Ainsi, je m’étais approché pour voir ça d’un peu plus près et m’assurer qu’il n’angoissait pas trop. Il avait beau ne plus vouloir m’adresser la parole, ça ne m’empêcherait jamais de me faire du mouron pour lui. Pour moi, c’était toujours mon meilleur ami.
Le professeur attendait impatiemment que le châtain se mette en position pour siffler et, quand le jeunot fut enfin prêt, il ne perdit pas une seconde pour lui accorder le départ. J’étais aux premières loges, mon regard ne le quittant pas d’un poil. Son plongeon n’était pas parfait mais pas trop mal non plus, il les avait toujours assez bien réussi malgré le fait qu’il ne soit pas bon nageur. Dans ce parcours, il y avait toutes sortes d’obstacles : Des cerceaux à traverser, des plots à contourner, des tapis à longer, tout ça sous l’eau, en calculant exactement à quel moment nous devions remonter à la surface pour reprendre notre souffle.
Étonnamment, Minho s’en sortait plutôt bien. Il était lent et pas très adroit mais le voir essayer du mieux qu’il pouvait me remplissait de joie et de fierté, tellement que je ne pus retenir un léger sourire d’éclore sur mes lèvres. Au bout de ce qui me parut être une éternité, le châtain termina son parcours en posant sa main sur le mur puis, tout de suite après, le professeur lança l’anneau dans l’eau. Cependant, en analysant l’emplacement où l’objet avait atterri, je me rendis compte que c’était bien plus loin qu’il l’avait été pour nous autres. Immédiatement, je posai mon regard sur le soixantenaire et le rictus malicieux qu’il afficha sur son faciès me fit vite comprendre qu’il l’avait fait exprès. Mes sourcils se froncèrent sur le vif.
Son intransigeance envers les retards et les absences était connue, Minho était d’ailleurs de loin le meilleur exemple de tout ce qu’il détestait chez un élève. Néanmoins, je trouvais ça dégueulasse qu’il le lui fasse payer de manière passive-agressive, en ayant conscience de ses difficultés. Le bassin atteignait une profondeur de trois mètres cinquante et les murets auxquels il aurait pu s’accrocher pour s’approcher au mieux du lieu où l’anneau avait coulé étaient bien trop éloignés.
Alors c’était plus fort que moi, je commençais à m’inquiéter pour lui. Je surveillais ses moindres faits et gestes sans le quitter des yeux une seule seconde pour m’assurer qu’il ne se mette pas en danger. Seulement, lorsqu’il piqua une tête pour s’élancer, ce fut tout son corps qui disparut et tout mon oxygène qui s’évapora hors de mes poumons. Mes lèvres pincées, je m’étais accroupi en attendant impatiemment qu’il remonte à la surface. Plus il mettait du temps et plus j’angoissais.
C’était infernal, j’avais l’impression d'exagérer et de le sous-estimer mais je ne pouvais pas masquer mon appréhension quand il s’agissait de Minho. Je ressentais le besoin vital de devoir le protéger de tout et contre tous, si quelque chose venait à lui arriver, jamais je ne pourrais me le pardonner, peu importe les causes. C’était pourquoi mon cœur battait autant à ce moment-là et pourquoi je trouvais le temps affreusement long alors qu’il devait s’être écoulé qu’une dizaine de secondes.
Mes yeux fixaient l’eau sans cligner, focalisés sur la forme sombre qui devint soudainement plus proéminente. Minho était enfin remonté, sans l’anneau, et je voulus sourire de soulagement car même s’il n’avait pas accompli sa mission, ses efforts me rendaient extrêmement fier de lui. Néanmoins, en le voyant agiter les bras dans tous les sens pour chercher un appui qu’il ne trouvait évidemment pas, je sus que quelque chose n’allait pas. Le professeur soupira et secoua sa tête de gauche à droite en l’observant, tandis que la plupart des élèves gloussait, aucun n’ayant la décence de se faire du souci pour mon ami. Alarmé en constatant que personne ne comptait venir à son aide, je n’hésitai pas un instant avant de prendre mon élan et de plonger par-dessus le premier couloir.
De cette façon, je pus le rejoindre rapidement et tenter de m’approcher au plus de lui sans me faire frapper. Il se débattait avec tant de vivacité que je me faisais éclabousser en continu mais ça ne m’arrêta pas. Une fois suffisamment près de lui, j’attrapai l’un de ses bras et le tirai vers moi afin d’enrouler ses deux membres autour de mon cou. À ce contact, le châtain sembla tout de suite rassuré puisqu'il cessa doucement de se mouvoir. Sa respiration plus qu’affolée, il toussota et m'agrippa ensuite les épaules comme si sa vie en dépendait, ce qu’il avait probablement cru être le cas. Je tentai alors de le stabiliser puis de le réconforter en retirant minutieusement ses lunettes de natation, afin qu’il puisse me voir un peu plus clairement.
Son expression me fendait le cœur, il avait l’air terrorisé.
— Je suis là, t’inquiète pas. Lui murmurai-je tendrement à l’oreille après qu’il soit venu se coller davantage contre moi.
Une main enroulée autour de sa taille et l’autre s’occupant de nous diriger vers le bord, je m’assurais que tout allait bien pour Minho en lui jetant quelques coups d'œil. Lorsqu’on arriva jusqu’au premier couloir, je pris soin de soulever la ligne de flotteurs au-dessus de nos têtes pour ne pas qu’il soit de nouveau la tête sous l’eau et, une fois tout près du bord, il tendit son bras puis attrapa la barre de l’échelle pour s’y maintenir sans mon aide. Je le laissai se séparer de moi sans aucun mot et l’observai monter les trois seules marches avant de moi-même sortir du bassin en me soulevant grâce à mes bras.
Là, tout le monde était silencieux, ça en devenait presque embarrassant et ce fut certainement ce que le châtain ressenti puisque j’entendis dans mon dos des reniflements. Soucieux, je me tournai alors vers lui et réalisai qu’il était en train de sangloter. Des rires commencèrent à s’élever dans la grande salle, certains avaient le culot de se moquer de cet événement traumatisant et ça ne me plaisait pas du tout. Les sourcils froncés, je les fusillai du regard pour les faire taire puis concentrai à nouveau mon attention sur mon ami. Il avait besoin de moi, je ne pouvais donc pas le laisser seul sans rien faire.
— Monsieur, je l’accompagne aux vestiaires. Annonçai-je alors au professeur sans demander une quelconque autorisation de sa part.
D’ailleurs, ce dernier avait poussé un soupir de frustration, ce qui me confirma une nouvelle fois ses mauvaises intentions et sa négligence volontaire envers Minho. Le susnommé avait les joues rouges, il tremblait de tout son corps, terriblement gêné par la situation. Je ne perdis donc pas un instant et l’incitai à me suivre, ce qu’il fit sans réfléchir. Ce fut dans un silence tranquille qu’on quitta la pièce principale pour se rendre dans le long couloir qui abritait de multiples vestiaires, dont le nôtre. Nous marchions côte à côte, nos épaules se frôlant parfois tandis que mes yeux demeuraient figés sur le châtain. Il sanglotait encore, ses bras enroulés autour de lui car il avait probablement froid.
C’était rare de le voir ainsi, de pouvoir être témoin des tressauts de sa poitrine dûs à sa respiration saccadée et des perles qui dévalaient ses pommettes saillantes une à une à toute vitesse. C’était douloureux de le voir ainsi, et de ne pouvoir en être que témoin. J’avais envie de le rassurer, de le prendre dans mes bras, de le cajoler contre moi pendant des heures et qu’il en ressorte tout souriant. Seulement, ce n’était pas le moment, ce n’était pas le lieu et ce n’était pas mon rôle. Ce n’était malheureusement pas mon rôle.
Rapidement, on arriva devant la porte du vestiaire et je l’ouvris en premier afin de laisser Minho entrer sans effort. Je le suivis peu après puis refermai doucement la porte derrière nous, mon regard toujours accroché à sa silhouette qui déambulait dans la pièce jusqu’à trouver son emplacement initial. Là, il s’asseya sur le banc, la tête baissée et les larmes coulant davantage. Je l’observai un long moment prendre sa minuscule serviette de bain et venir la placer sur ses cuisses pour – je supposai – tenter de se réchauffer un peu.
C’était comique malgré la situation et j’esquissai un léger rictus tant je le trouvais adorable, avant de me diriger vers mes affaires. De mon sac de sport, je sortis une serviette de bain assez grande pour lui permettre de se sécher convenablement, puis changeai de trajectoire afin de rejoindre Minho sur son banc.
Je restai silencieux pendant qu’il gardait son cou incliné vers l’avant, sa pauvre serviette quasiment trempée à cause des gouttelettes que ses cheveux humides laissaient tomber sur elle. Et moi, j’étais ici, près de lui mais à la fois tellement loin. Je ne savais trop quoi faire, ni par quoi commencer alors que je n’avais qu’à lui offrir un bout de tissu. C’était idiot mais je n’osais plus faire le premier pas, la peur de la voir mal réagir à mon action m’envahissant entiérement. Cependant, je ne pouvais pas juste ne rien faire, il fallait que je suive mon instinct et mes envies et, là maintenant, tout ce dont j’avais envie c’était d’être proche de lui.
Alors, à cette résolution, je mis toutes mes craintes de côté en les enfermant dans un coin de mon esprit, là où elles ne pourront plus m’influencer dans mes choix, puis dépliai complètement ma serviette avant de venir timidement la déposer sur les épaules de Minho. Ce dernier sursauta au contact et cessa soudainement ses sanglots, certainement pris de court, mais sa réaction me fit prendre peur. Est-ce que j’aurais d’abord dû lui demander avant ? Est-ce qu’il allait rejeter mon geste ?
Je me posai des tas de questions en l’espace de quelques secondes, effrayé d’avoir empirer la situation. Néanmoins, je fus soulagé en voyant ses mains attraper les pans du tissu pour se couvrir le torse. Le silence toujours de mise, je détournai le regard et me mordillai les lippes nerveusement quand le jeunot bredouilla quelque chose. Mes yeux s’écarquillèrent alors et mon visage s’illumina. Il m’avait simplement remercié, sans même me jeter un œil, mais c’était pour moi tellement plus que ça.
J’avais alors instantanément souri en le regardant de nouveau. Je voulais exploser de joie mais je savais qu’il fallait que je me contienne et que je respecte sa décision, tant qu’il serait distant, alors je lui accorderai tout l’espace dont il avait besoin. Et même si je désirais qu’on ait enfin cette fameuse discussion, je ne voulais pas le brusquer maintenant et préférai attendre qu’il soit à l’aise avec moi, comme avant.
— Tu veux… Commençai-je avec hésitation. Tu veux que j’aille chercher Seungmin ?
Ma question était innocente. Même si ça me contrarierait de laisser ma place à son petit-ami, ça me paraissait normal de lui demander ce qui le réconforterait le mieux à ce moment-là. Et pour mon plus grand bonheur, il me répondit par la négative en secouant doucement sa tête de droite à gauche.
— Tu veux que je m’en aille, alors ? Que je te laisse tranquille..? Le questionnai-je à nouveau.
Il me fallut patienter quelques secondes avant de recevoir un retour qui, lui aussi, fut négatif. J’étais agréablement surpris, on ne s’était encore réellement échangé aucune phrase mais c’était déjà une grande avancée. Ça signifiait qu’il tolérait de nouveau ma présence et qu’il ne me rejetterait pas indéfiniment, c’était tout ce qui comptait pour moi.
— Je suis désolé que le prof’ t’ait forcé à participer au cours. T’as assuré, en tout cas.
J’étais sincère, un large sourire étirant mes lèvres. Je voulais essayer de lui remonter le moral en le complimentant et en le rassurant. J’avais espoir qu’il se sente plus enclin à partager la conversation et qu’on pourrait ainsi discuter de tout ce qui nous a barré la route, jusqu’à aujourd’hui. Et potentiellement, de la raison première pour laquelle il m’en voulait tout ce temps.
Cependant, mes attentes étaient peut-être trop hautes car, de son côté, Minho ne dit pas un mot. Le regard toujours fixé sur sa mini serviette de bain, il n’avait pas réagi à mes propos, et ça m’inquiétait. J’étais probablement allé trop loin en prenant la parole comme si de rien n’était. Je regrettais, maintenant. À vrai dire, je me questionnais surtout sur la raison de son silence. Est-ce qu’il était mal à l’aise que je lui parle l’air de rien ou bien est-ce qu’il ne souhaitait toujours pas m’adresser la parole ? Peut-être aussi qu’il ne savait tout simplement quoi répondre à mon compliment… C’était confus et je l’étais davantage, alors je me hâtai de lui poser une question qui me trottait dans la tête depuis le début de la séance.
— D’ailleurs, pourquoi t’étais pas dispensé aujourd’hui ? Je déglutis, craignant qu’il me laisse une nouvelle fois sur la touche.
— J’étais malade, hier. Du coup, j’ai pas pu aller voir mon médecin…
C’était dingue comme le son de sa voix m’avait manqué. Je ne pensais pas qu’il était possible d’autant être attaché à quelqu’un, au point de sentir son cœur battre comme pour la première fois à l’entente de quelques mots. Puis sa voix était particulière ; elle était douce, mielleuse, à peine audible mais pourtant si prenante. Un peu comme Minho, au final.
Suite à son explication, j’avais hoché la tête de manière compréhensive puis je me mis immédiatement à réfléchir à une autre question pour interagir une nouvelle fois avec lui. J’aurais préféré que ça se fasse naturellement et que ça vienne de lui mais je n’étais pas patient, j’avais besoin de l’écouter me raconter des tas de choses. Peu importe le sujet et sa pertinence, je serai intéressé, dans tous les cas.
— Pourquoi t’es pas resté chez toi aujourd’hui aussi ?
— Tu connais mon père… Me répondit-il seulement, ne me laissant pas un large choix de poursuites.
— T’aurais pu sécher le sport en restant en perm'. Répliquai-je, à court d’idées.
— Je voulais pas rester seul…
Lentement, je tournai ma tête et posai mon regard sur lui. Il me faisait de la peine, je ne pouvais pas cesser de m’en vouloir. Le voir ainsi, triste et isolé, m’arrachait le cœur et savoir que tout ça était de ma faute me faisait culpabiliser davantage. Evidemment, je désirais plus que tout que notre situation s’arrange, seulement, ce n’était pas de mon ressort si Minho ne me faisait pas part de la cause. Alors, comme d’habitude, je devais attendre et me montrer patient.
Un soupir discret s’échappa de mes lèvres avant que je les pince entre-elles. Je souhaitais lui montrer mon soutien mais de quelle façon ? Je n’étais pas très fort pour m’exprimer verbalement, alors il me paraissait sage de l’aborder de manière légèrement tactile. Avec une grande hésitation, je me rapprochai d’un petit bond vers lui puis laissai s’écouler quelques secondes avant de venir tendrement approcher ma main de sa nuque. Minho ne se doutait de rien, bien trop concentré sur ses propres mains, il ne sentit donc pas la mienne se poser délicatement sur la naissance de ses cheveux.
Il ne sursauta pas mais je le sentis frissonner sous mes doigts. Sa respiration se mit soudainement à accélérer lorsque je commençai à caresser son crâne, mes yeux ne quittant pas son profil une seconde. Je contemplais la structure de son visage, ses traits si singuliers et pourtant si angéliques, ses cheveux devenus longs qui lui tombaient sur le visage… Je me demandais d’ailleurs si ça l’embêtait et, inconsciemment, ma main se déplaça jusqu’à sa frange que je décidai d’arranger en replaçant l'une de ses mèches derrière son oreille.
En découvrant celle-ci, je remarquai qu’elle était aussi rouge que la couleur de mon short de bain. Minho était en train de rougir ? Je me figeai un instant, mes doigts toujours emmêlés à sa chevelure mouillée. Je le connaissais par cœur, je savais qu’il rougissait quand il était gêné. Est-ce que je le gênais ? Est-ce que j’avais été trop loin en me permettant ces gestes affectifs ? Je mourrais d’envie de connaître la réponse mais comment oserais-je lui poser la question ? Je ne voulais pas retirer ma main, je préférais rester tout près de lui. Ce fut ce que je me résolus alors à continuer de faire.
Mon pouce titillait délicatement le cartilage de son oreille brûlante sans que je ne le contrôle réellement, tandis que mon cœur battait en orchestre dans le creux de ma poitrine. Mon corps était bouillant, lui aussi, je le sentais une nouvelle fois s’enflammer comme les dernières fois, lorsque je rencontrais le châtain par hasard. Je n’étais pas certain de comprendre pourquoi il me faisait ressentir ça, d’ailleurs, mais une chose était sûre désormais, c’était bien lui l’auteur de mes maux de cœur. Un sentiment à la fois agréable et douloureux qui ne cessait de s’accroître en sa présence, comme un mot qui me restait coincé en travers de la gorge. Et je continuais d’y réfléchir, totalement noyé dans mes pensées et dans le léger parfum que dégageait Minho.
C’était une odeur fruitée que je devinais être tirée de la pêche, peut-être un savon qu’il avait récemment utilisé. J’aimais beaucoup.
Au bout de ce qui me sembla devenir une éternité, je fus surpris par le mouvement de mon ami. Il s’était lentement redressé et me faisait maintenant face, son regard plongé droit dans le mien pour la première fois depuis longtemps.
— Jisung… Murmura-t-il en mouvant à peine ses lèvres, ses prunelles visant alors les miennes.
À ce moment-là, je fus frappé par la réalité, les yeux grands ouverts. Je le fixais tellement intensément que je ne l’avais même pas remarqué bouger. Et voilà qu’il avait fait le premier pas en m’adressant la parole, mon prénom sonnant si bien dans sa voix. J’avais l’impression qu’il venait de m’arracher le cœur uniquement à l’aide de celle-ci et ce fut exactement ce qu’il se passa lorsque j’aperçus la tâche rougeâtre au creux de sa clavicule gauche. Tout de suite, mon visage s’affaissa et se ternit. Je retirai alors aussitôt ma main de sa nuque et tournai mon regard pour le diriger sur le mur face à nous. Sans que je ne l’empêche, ma mâchoire se crispa et mes sourcils se froncèrent légèrement, je n’arrivais pas à croire ce que je venais de voir. Malheureusement, mes doutes venaient de se confirmer, là, sur le vif. Minho et Seungmin étaient bel et bien ensemble, ce stade d’intimité déjà passé comme si de rien n’était.
J’étais contrarié, mes tripes se tordaient de nouveau, me laissant un goût amer sur la langue. Il s’agissait de ce fameux sentiment, la charmante Jalousie qui pointait le bout de son nez à chaque fois que je les voyais tous les deux. D’abord dans les toilettes, puis au cinéma et dans le parc, il y a deux jours. Les voir s’embrasser me rendait malade, j’avais la nausée tant ça me dégoûtait. Alors savoir qu’ils l’avaient fait…
J’étais sur le point de craquer, de lui dire ses quatre vérités. Seulement, lorsque je sentis une main timide venir se poser sur mon avant-bras, je ne pus résister à l’envie de l’observer à nouveau. Il ne me regardait pas, cette fois-ci, son attention était portée sur nos peaux encore humides qui se touchaient, l’air préoccupé. J’attendais alors simplement qu’il me dise quelque chose car, ça se voyait, il s’apprêtait à me bercer avec ses belles paroles.
— Jisung, je dois t'avouer un truc... Dit-il dans un chuchot, comme si c’était un secret qu’il ne voulait que personne d'autre n’entende.
Je ne répondis rien à ça mais je ne bougeai pas non plus. J’allais patienter jusqu’à recevoir mon dû tant attendu, peu importe l’objet de sa confidence et l’effet qu’elle aura sur mon cœur. Ma passion à son égard ne changerait pas tant que je n’aurais pas mis le doigt dessus, je n’étais pas du genre à lâcher l’affaire aussi facilement. Je ne savais pas à quoi m’attendre mais j’étais prêt à l’écouter attentivement, même en étant contrarié par ce que j'avais sous les yeux.
Minho releva la tête vers moi et nos regards se croisèrent alors. Mon souffle se coupa presque à la vue des milliers d’étoiles qui parsemaient ses pupilles noires. Il m’observait avec tellement de douceur que je crus défaillir. Comment pouvais-je lui en vouloir ? De toute façon, ce n’était pas légitime de ma part. Et pourtant, là, j’avais envie de lui hurler d’arrêter de me regarder avec ces yeux ou je serais obligé de déclarer forfait. Je clignais à peine des paupières tant je suivais ses moindres faits et gestes ; ses ongles qui se plantaient délicatement dans ma peau, sa pomme d’Adam qui monta avant de redescendre lorsqu’il déglutit, sa langue qui traça la forme triangulaire de ses lèvres pour se les humidifier… J’étais comme hypnotisé, il m’avait envouté. Néanmoins, il n’eut pas le temps d’en faire davantage que la porte du vestiaire s’ouvrit en un grand fracas.
Derrière elle ; le professeur de sport.
— C’est bon, il a récupéré ses esprits ? Questionna-t-il soudainement sans même s’adresser directement à la personne concernée.
Surpris et complètement agacé que le soixantenaire nous importune de cette manière, je voulais me lever et lui dire un mot mais Minho m’en empêcha en se redressant le premier. Ce dernier ne chercha pas à négocier, il obtempéra sans broncher donc je fis de même de mon côté. Le visage fermé, ce fut ainsi qu’on se rendit de nouveau dans la grande salle, là où les autres élèves nous attendaient. Heureusement pour lui, le châtain n’avait pas été forcé à continuer à participer à la séance. Il avait passé son évaluation, alors il était libre de s'asseoir sur les bancs de repos et d’observer les alentours.
Pour ma part, j’étais chargé de m’occuper à veiller sur mes camarades comme sorte de punition pour avoir plonger sans que l’instituteur ne me l’autorise. Mais à chaque fois que j’en avais l’occasion, je prenais le temps de jeter un œil à Minho et de veiller sur lui en priorité, sans pour autant pouvoir lui parler de là où je me trouvais. Il était assis en tailleur, ma serviette toujours enroulée autour de lui comme s’il ne voulait plus la lâcher. Et quand nos regards se croisaient, l’un aimanté par l’autre, ils ne se quittaient pas avant que je ne sois obligé de le détourner. J’étais un peu déçu de ne pas savoir ce qu’il avait essayé de me dire, tout à l’heure, mais si jamais il souhaitait venir me voir après le cours, ou bien plus tard, alors je prendrais tout le temps qu’il faut pour l’écouter, c’était certain.
○○○
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro