𝟐𝐧𝐝 ; "𝐢 𝐟𝐮𝐜𝐤𝐢𝐧' 𝐭𝐚𝐤𝐞 𝐢𝐭 𝐚𝐥𝐥"
「 𝗟𝗢𝗦𝗘𝗥 = 𝗟𝗢𝗩𝗘𝗥 」
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Déjà une bonne vingtaine de minutes depuis qu'ils poirotaient comme deux idiots devant la porte du proviseur. L'un regardait ses pieds, se demandant s'il ne devrait pas ouvrir un livre qu'il avait mis en vrac dans son sac de cours en attendant. L'autre s'était assis à même le sol, il avait envie de rouler un joint pour passer le temps, de toute évidence, il allait en avoir besoin après être sorti de là. Heureusement, il avait une soirée prévue ce soir, d'il ne savait qui, mais ça, ça n'avait pas vraiment d'importance.
Les gars lui avaient donné une adresse, « hé, gamin ! Tiens, tu ramèneras une bouteille, comme d'hab' ? ». Il le rendait fou, il n'était plus le gamin qui trainait là par hasard, il avait quinze ans maintenant, il serait temps qu'ils le comprennent. Seulement, dans la mesure où il ne connaissait pas son nom, les choses étaient plus simples ainsi. Oui, ils auraient pu lui demander comment se prénommait-il, mais avec le temps, ils n'y pensaient plus. C'était juste une vielle habitude de l'appeler le « gamin » surtout qu'à l'époque, il avait treize ans.
Jisung ne se rappelait même plus comment il avait fini dans ce skate-Park à minuit alors qu'il avait cours le lendemain. Il était seul au milieu de la nuit, il errait jusqu'il ne savait où, les mains dans les poches à marmonner des insultes dans le vent. Oui, il s'en souvenait ça, du vent glacial qui l'avait englouti en cette nuit froide d'hiver. Il se gelait le cul, pourtant il n'avait pas réfléchi une seconde avant de claquer la porte, exaspéré par le comportement de son beau-père. Pour qui se prenait-il à lui donner des ordres ? Il n'était pas son père.
Son père, il était parti quand il avait dix ans. Au milieu de la cour de récréation, il jouait avec ses amis quand une petite voisine était venue le voir.
— Dis, c'est vrai que tes parents ils vont divorcer ?
— Hein ? Mais non, mes parents ils s'aiment !
S'il avait su, il aurait tenu sa langue.
Quelques jours plus tard, son père avait disparu de la circulation. Le petit Jisung était mort d'inquiétude, il ne savait pas où était son père. Sa mère ne disait rien, « tu veux savoir où il est ton père ? » il avait secoué la tête de gauche à droite , la peur au ventre à l'idée qu'elle lui apprenne une terrible nouvelle. Après ça, ils n'avaient plus échangé un mot.
La vérité était toute simple, son père s'était barré avec une fille de vingt ans sa cadette. Elle avait vingt ans, son père en ayant quarante. C'est vrai qu'elle était jolie, mais elle faisait un peu trop gamine pour embrasser un homme d'âge mur. Jisung n'avait pas compris pourquoi il les avait abandonnés. A la maison, il avait laissé derrière lui Jisung, son frère et sa mère. Son ex-femme commençait à perdre la tête et noyait son chagrin dans la colère. Quelques mois plus tard, elle avait abandonné ses émois et s'était contenté de le mettre de côté, comme s'ils ne vivaient pas dans la même maison.
Toutefois, Jisung n'avait jamais compris pourquoi elle s'était rapprochée de son petit frère et pas de lui. Elle l'aidait à faire ses devoirs pendant que l'aîné était dans sa chambre après avoir reçu une bâfre parce qu'il n'avait pas eu la moyenne. Ca paraissait insignifiant, mais ça avait plongé Jisung dans un mal-être sans nom.
Et puis, les choses s'étaient empirées avec l'arrivée de son beau-père. A treize ans, il était révolté contre tout et n'importe quoi, alors que son beau-père lui donne des ordres le réprimande, ça c'était inconcevable. Chaque jour était rythmé par des engueulades, des portes qui claquent, des brûlures sur les joues de Jisung. Et sa mère répétait sans cesse la même chose « je me fais du souci pour toi, j'en dors pas la nuit à cause de toi » alors qu'il n'avait plus la tête à écouter ce que racontait le professeur. Il trouvait l'idée de l'école débile, tous là à regarder la même personne pendant une heure, voire deux, et être obligé de se tenir sur une chaise peu confortable. Alors, sa colère était devenue de plus en plus grande, de plus en plus insupportable. Pourtant, il ne se battait jamais en classe, au contraire, il s'effaçait. A la maison, c'était de plus en plus tendu si bien qu'il avait décidé de claquer la porte après la violence de sa mère parce qu'il n'était pas couché à minuit. L'intervention de son beau-père dans l'histoire l'avait fait craquer, c'était la goutte de trop.
Il avait erré pendant quelques minutes la capuche qui lui couvre la vue avant de s'arrêter devant un poteau. Il leva alors enfin la tête et se rendit compte qu'il avait atterri au skate-Park. C'était la première fois qu'il y mettait les pieds.
— Hé, gamin ! Qu'est-ce que tu fous ici ?
Au son sourd de la voix, Jisung sursauta. Il avait de toute évidence devant lui des lycéens, ils faisaient deux têtes de plus que lui et le regardaient d'un air mauvais. Enfin lycéens, encore aurait-il fallu qu'ils croisent le bâtiment scolaire autrement que pour proposer des joints aux autres élèves.
— Bah alors, t'as perdu ta langue ?
Les deux adolescents se mirent à rire de concert. Jisung baissa la tête, prêt à faire demi-tour, à vrai dire, il avait un peu peur de ce genre de personnages.
— Tu comptes aller où comme ça ? Reste un peu, faire connaissance. Tu t'appelles comment, le gosse ?
C'était bien la première et dernière fois qu'on lui avait demandé son nom.
Les deux adolescents lui présentèrent un bâton rempli de substances qu'il ne connaissait pas mais dont il n'était pas sûr de vouloir savoir de quoi il s'agissait.
— Tranquille, c'est juste de la weed. Détends-toi, gamin, on va pas te bouffer.
— C'est Jisung, mon nom.
— Ah bah, on entend enfin ta voix. T'es au collège ?
Le jeune garçon hocha la tête. Il finit par prendre le bâtonnet que les lycéens lui présentaient sous le nez depuis toute à l'heure.
Il prit une première taffe, il avait déjà vu des personnes fumer dans la rue. Il pensait savoir s'y prendre jusqu'à ce qu'il s'étouffe dans la fumée.
Les deux garçons partirent ensemble dans un fou rire. Jisung fit la moue, agacé d'être pris pour un enfant.
— Fais pas cette tête, Jisung. Regarde, 'faut faire comme ça.
Le nommé acquiesça et essaya une nouvelle fois, mais ce fût encore un cuisant échec. Ce jour-là, il s'était senti différent, il avait l'impression d'être entré dans la cour des « trop grands », d'avoir franchi la limite de l'interdit, et ça lui plaisait. Il se sentait vivant pour la première fois de sa vie, c'était une sensation étrange mais satisfaisante. Alors, il était revenu et les deux adolescents lui avaient proposé à ce qu'il vienne dans la journée voir les gars faire du skate.
Les mois s'étaient écoulés, finalement tous les jours se ressemblaient, il n'était plus si excité à présent. Les deux adolescents lui avaient proposé un jour de venir à une soirée, ils savaient bien qu'il était trop jeune pour participer à ce genre d'évènements mais ils se disaient que ce n'était pas de leur responsabilité. En réalité, c'était totalement de leur responsabilité.
Il avait enchaîné les soirées, la weed, les rencontres de ces gars qui l'appelaient tous « gamin » sans pour autant faire attention à lui.
Un soir, il était déjà un peu éméché quand il croisa une jeune fille aux cheveux décolorés. Elle était ravissante, il se surprit à sentir son pouls s'accélérer. Cependant, il n'était pas dupe, il savait bien qu'elle devait avoir trois ans de plus que lui mais ça lui importait peu. Au contraire il en tirait une certaine fierté quand elle l'avait emmené à l'étage dans une chambre libre. Mais avant de fermer la porte, elle se tourna vers lui.
— Au fait, t'as quel âge ?
— Quatorze ans.
— Oh putain ... Bon t'es consentent, on est d'accord ?
— Bah oui, je suis consentent. Pourquoi ? Ça se voit pas que tu me branches ?
Elle se mit à rire, c'était joli aux oreilles du jeune Jisung.
— T'es mignon, allez viens. Tu l'as déjà fait ?
— Non ...
Il avait lâché dans un souffle, il avait presque honte.
— Bon, bah au moins c'est clair. On va y aller tout doux alors, t'inquiète. On va faire les choses bien, dans les règles de l'art.
— Dans les règles ?
— Bon allez, ferme ta jolie bouche et suis-moi.
Oui, Jisung était parfaitement consentent, le lendemain, il n'avait pas regretté le moment intime qu'il avait eu avec cette jolie fille. En revanche, il ne s'était pas rendue compte que trois ans d'écart à cet âge, c'était un peu beaucoup. Heureusement pour elle, la jeune fille était encore mineure mais elle avait quand-même eu des doutes sur ce qu'elle allait faire.
Elle n'avait pas menti, ça avait été doux, Jisung s'était dit que si c'était ça faire l'amour alors c'était le plus beau cadeau du monde. Toutefois, il ne s'était pas attendu à se réveiller dans un lit froid, sans trace de son amante d'un soir.
Les fois d'après, il était encore maladroit mais il avait le don de plaire aux filles légèrement plus âgées. Et puis, quelques jours avant ses quinze ans, il avait fait l'expérience avec un homme et il s'était réveillé avec des courbatures. Son partenaire avait été attentionné du début à la fin, surtout que c'était sa première fois avec la gente masculine, mais il ne l'avait pas ménagé pour autant.
Dans chacune de ses soirées folles, il avait toujours été consentent malgré l'alcool qui affluait dans son sang. C'était plus ou moins brutal, mais il commençait à être bon, sans se vanter, on lui avait souvent dit.
Au fur et à mesure du temps, il avait rencontré tout type de personnes, souvent un peu plus âgées mais il avait croisé le chemin de quelques adolescents de son âge. C'était rare, cependant, puisque les soirées étaient organisées par des jeunes étudiants, ou des lycéens en dernière année. Et dans ces mêmes soirées, il avait vu défiler différentes drogues, mais Jisung avait toujours refusé, il se contentait de la weed. Quand il avait vu les dégâts que ça provoquait chez les autres, il préférait s'abstenir, il n'était pas fou.
Oui, Jisung en avait vu des choses. Des choses que sa mère ne pouvait même pas imaginer, mais elle préférait mettre des œillères, elle ignorait son fils au point où c'était devenu des étrangers.
Le passage au lycée était arrivé, il y avait été le premier jour, histoire de, mais ses professeurs n'avaient pas eu la chance de le revoir. C'est ainsi qu'il avait fini convoqué par le proviseur et qu'il poirotait à présent devant la porte avec un inconnu aux lunettes noires et rectangulaires.
Il lui lança un regard en biais, se demandant pourquoi diable fixait-il ses pieds ? Il était mignon, c'est ce que s'était dit Jisung en l'observant. Il avait un peu des allures de premiers de la classe, mais il ne le connaissait pas alors il ne dit rien. Mais à force d'attendre, le silence commençait à peser, Jisung n'était pas à l'aise. Il avait l'habitude des basses qui frappent les tympans, pas du silence scolaire à côté d'un jeune garçon aux lunettes fines.
Les minutes passaient et il en avait franchement sa claque d'être là, devant la porte, au dernier étage du bahut.
— Et toi ? T'as fait quoi comme connerie ?
— Hein ?
Le garçon aux lunettes lui lança un regard perplexe, il était visiblement dans la lune. Ca amusait Jisung qui était souvent dans le même état.
— T'as fait quoi pour te retrouver là ?
— Ah, euh, je devais donner un truc important au proviseur.
— C'est tout ?
Le lycéen acquiesça.
— Je m'appelle Jisung, Han Jisung.
Le garçon aux lunettes redressa la tête, toujours perdu. Il n'avait pas imaginé devoir faire la conversation avec un adolescent qui n'avait visiblement pas vraiment prévu d'être coincé ici en cette fin d'après-midi. Jisung n'avait pas l'air menaçant, pas vraiment l'allure d'un Bad Boy, pas du tout même. Mais il n'avait pas non plus l'habit d'un lycéen bien sage qui buvait les mots de ses professeurs. Il dégageait quelque chose de particulier, mais il ne savait trop quoi.
— Minho, Lee Minho.
Jisung acquiesça simplement. Toutefois, il avait attiré la curiosité de son camarade. En fait, Minho en avait tout autant râle le cul d'être bloqué ici, il n'aimait pas les gens en retard et le proviseur l'avait invité à passer à dix-sept heures trente. Il était maintenant dix-huit heures ; il souffla.
— Je suis en dernière année, et toi ?
— Sérieux ? On dirait pas ! Et je suis en première année.
— Attends, t'as seulement quinze ans ?
— Bah, ouais. Toi dix-sept, si je me trompe pas ?
— C'est ça. Tu fais plus vieux.
— Et toi, plus jeune.
Ils se sourirent, sans vraiment savoir pourquoi.
Finalement, la porte s'ouvrit.
— Oh, Minho ! Excuse-moi, je t'avais oublié !
— Pas de souci, j'ai l'habitude ...
La remarque ne manqua pas de faire rire Jisung.
— Qu'est-ce que tu as dit ? Excuse-moi, mais—ah, tu as le projet. Super, aller file ! Tu dois bien avoir une petite amie qui t'attend dehors, beau comme tu es.
— Très drôle.
Cependant, ça fit bien rire Jisung qui était toujours le seul à entendre son camarade. Décidément, le proviseur devait avoir de sérieux soucis d'audition et de toute évidence, Minho le savait.
— Bonne journée, monsieur.
Et Minho ne fit pas plus de cérémonie, il fit demi-tour, enfin libéré. Il avait prévu de passer chez son ami Chris avant de rentrer chez lui.
Cependant, Minho entendit très bien les mots du proviseur. Il avait eu envie de se retourner mais il se retint au dernier moment, ce n'était pas ses affaires après tout.
— A nous, Han Jisung. Il faut vraiment te convoquer à mon bureau pour avoir l'honneur de te voir au lycée ? Bon, entre.
Et le proviseur claqua la porte.
Minho haussa des épaules et il continua sa route.
Son ami Chris n'habitait pas très loin du lycée, il en avait pour dix minutes de marche. C'était suffisant pour qu'il se dégourdisse un peu les jambes après toute cette journée le cul bloqué sur sa chaise. Il avait hâte de se défouler à la boxe ce soir, ses entraînements étaient son seul échappatoire, en dehors de la compagnie de son meilleur ami. Cependant, ils n'étaient pas dans la même classe cette année, alors ils se voyaient uniquement le midi pour déjeuner ensemble. Minho n'aimait pas la foule, alors Chris l'invitait à manger chez lui quand il faisait mauvais temps, sinon il partageait un repas dehors, des tables étaient aménagées dans un parc à cinquante mètres de l'établissement scolaire.
En dehors de Chris, le jeune garçon n'avait pas d'ami au lycée. Il connaissait rapidement Hyunjin car ils faisaient tous les deux spécialités danse, mais sans plus. Non, ses amis, il les avait plutôt rencontrés à la boxe. Il aimait beaucoup ses entraînements, une fois par semaine, avec ses amis Changbin et Seungmin. Ils venaient d'un autre lycée, en fait ses cours étaient de l'autre côté de chez lui et donc plus près de l'établissement de ses deux amis.
Et puis, il y avait sa rivale, Yeji, avec qui il était très complice mine de rien. C'était les deux meilleurs élèves du club dont le coach était particulièrement fier. Toutefois, Minho n'aimait pas les compétitions, alors Yeji était un peu la star de l'association. C'était pendant les entraînements que l'adolescent lui faisait de l'ombre, ils avaient à peu près le même niveau. L'entraîneur regrettait l'absence de son élève aux compétitions mais il n'avait jamais trop rien dit, de toute façon, ce n'était pas obligatoire.
Certes, il n'aimait pas ça, mais la deuxième et principale raison, c'était la danse. Le contraste était parfois amusant, mais c'était deux disciplines dans lesquelles Minho se plaisait. Et la danse, c'était tout son monde, et c'était surtout son avenir. En effet, il avait prévu de poursuivre ses études au conservatoire pour aller plus loin et peut-être faire de la danse son métier. Il l'espérait en tout cas.
La danse avait été un réconfort quand il avait été seul, enfant. En effet, sa mère était tombée gravement malade lorsqu'il était encore assez jeune. Il avait dû se débrouiller pour se faire à manger, ranger la maison, faire la lessive et tout ce qui suit. A l'époque, il n'avait que dix ans, et à dix ans, on ne comprend pas toujours tout. Oui, il avait bien compris que sa mère était à l'hôpital et que son père devait s'occuper d'elle. Il savait que sa grand-mère passait le voir de temps en temps, mais Minho s'était senti profondément seul, presqu'abandonné.
Son cœur d'enfant avait l'impression de vivre une injustice, privé de l'amour de ses parents, de leurs attentions, de leurs soutiens. Monsieur Lee ne se rendait pas compte qu'il délaissait de plus en plus son fils, appréhendant le pire pour son épouse.
Heureusement, la femme était aujourd'hui tirée d'affaire. Les parents de Minho avaient essayé de renouer des liens avec celui-ci, ils s'en voulaient terriblement. Egoïstement, le jeune garçon leur en avait longtemps voulu, il s'était presque mis à les détester. De plus, il n'avait pas d'ami à l'école, il était trop timide, il n'osait pas aller vers les autres enfants de son âge. Et puis, il avait l'impression d'être en décalage avec eux. Ses camarades paraissaient insouciants, ils ne pensaient qu'à s'amuser et savoir si leurs copains et copines allaient les inviter à leur anniversaire. Ils étaient baignés d'amour et ils pouvaient grandir paisiblement, sans se soucier du lendemain.
Finalement, il avait rencontré Chris à ses treize ans. Celui-ci avait redoublé, il revenait d'Australie et avait quelques lacunes. Dans la mesure où l'australien ne connaissait personne, il s'était rapproché de Minho et le feeling était tout de suite passé. C'était le premier véritable ami du jeune garçon, il se sentait redevable envers lui. En effet, le plus vieux avait montré son admiration pour cette petite tête qui portait quelques responsabilités sur ses épaules. Il avait connu madame Lee malade, et il avait passé beaucoup de temps chez son ami pour remplir cette maison vide.
Depuis, ils ne s'étaient plus jamais quitté.
Les professeurs avaient eu tendance à se préoccuper de Minho, et aujourd'hui encore, ils se sentaient presqu'obligés de prendre soin de lui. Pourtant, sa mère avait repris des forces, elle était plus belle que jamais, et son père chérissait sa petite famille plus que tout au monde. Mais voilà, ça l'avait suivi jusqu'au lycée. C'est ainsi qu'il avait fini derrière la porte du proviseur, il avait attendu un petit peu avant d'être rejoint par un adolescent aux joues rondes.
Tout de suite, Minho avait remarqué la singularité de son camarade. Il ne savait trop quoi, mais il avait une aura différente des autres lycéens. Il se doutait qu'il n'était pas là pour les mêmes raisons que lui, ce n'était clairement pas une petite attention du proviseur. Il s'imaginait qu'il avait été convoqué après une connerie. Cependant, quelque chose tiquait le jeune danseur, il n'avait jamais vu cette tête.
Personne ne voyait Minho, mais Minho voyait tout le monde. Il faisait partie de cette catégorie d'élèves qui observent tout autour d'eux alors que personne ne fait attention à eux. En retrait, il entend les rumeurs, mais il se contente de suivre son chemin. Alors, c'était d'autant plus étonnant qu'il ne l'ait pas remarqué. Surtout que le blond ne passait pas inaperçu avec ses cheveux décolorés, sa mine distraite comme s'il n'était là que de passage, comme s'il n'était pas à sa place ici.
Après une grosse vingtaine de minutes, le jeune garçon aux cheveux clairs se tourna vers Minho. Ce dernier ne s'était pas attendu à ce qu'ils échangent des banalités, pourtant, il n'avait pas l'impression que c'était inutile. Il était captivé par ses yeux noisettes, il était vraiment beau avec ses joues roses. Pourtant, il avait l'air mature alors Minho fût surpris en apprenant son âge.
— Attends, t'as seulement quinze ans ?
— Bah, ouais. Toi dix-sept, si je me trompe pas ?
— C'est ça. Tu fais plus vieux.
— Et toi, plus jeune.
Ils se sourirent, sans vraiment savoir pourquoi.
Finalement, la porte s'ouvrit.
— Oh, Minho ! Excuse-moi, je t'avais oublié !
— Pas de souci, j'ai l'habitude ...
Le jeune garçon savait très bien que l'homme avait des problèmes d'auditions, il en avait déjà fait allusion en plaisantant. Alors, il ne s'était pas gêné pour en profiter. Il avait beau l'air d'un enfant modèle, il n'empêche que Minho avait un côté espiègle que peu soupçonnerait.
Il entendit le blond à ses côtés pouffer. Le lycéen aux lunettes noires et aux cheveux bruns sentit son cœur accéléré. Il avait fait rire ce garçon, c'était certainement la chose dont il était le plus fier aujourd'hui.
Après l'échange avec le proviseur, Minho fit demi-tour, mais ses oreilles entendaient toujours tout, surtout ce qui ne le regardait pas. Alors, forcément, les mots de l'homme d'âge mur à l'attention de son camarade ne l'avaient pas laissé indifférent.
— A nous, Han Jisung. Il faut vraiment te convoquer à mon bureau pour avoir l'honneur de te voir au lycée ? Bon, entre.
Ça avait eu le don de piquer sa curiosité, ce n'était toutefois pas sain. Après tout, ce n'était pas ses oignons. Alors, il se contenta de prendre la route pour aller chez son meilleur ami.
L'australien l'attendait dans l'entrée, ils avaient prévu de bosser sur son dernier chapitre de mathématiques, Chris ne comprenait clairement rien. Le plus jeune n'était pas le premier de la classe, même si on avait souvent tendance à le penser, il soupçonnait ses lunettes d'en être l'origine. Non, Minho était un bon élève mais il ne se faisait pas remarqué. Il avait des bonnes notes, mais il ne faisait pas partie des meilleurs pour autant. C'était justement ça le problème, Minho était transparent. Le seul endroit où on le regardait, c'était à la danse, le professeur était très fier de lui. Il brillait dans sa principale discipline, mais à l'extérieur, il n'était rien qu'un élève de plus dans ce lycée d'adolescents bancals.
En sortant, il dut retourner devant le lycée pour aller chercher un coli au point relai pour son père. Ce n'était pas loin mais c'est vrai qu'il s'en serait bien passé.
Ensuite, il avait vérifié s'il avait bien un bus pour retourner chez lui.
Le coli dans les bras, il s'avança vers l'arrêt. Il s'assit lourdement sur le banc, ça n'en avait pas l'air mais c'était bien lourd. Soudain, une odeur attira son attention. Il reconnut instantanément la fumée de la drogue douce qui passait dans les soirées où il n'était pas invité. D'un côté, tant mieux, ce n'était pas vraiment son délire. L'alcool, non plus d'ailleurs, et il se sentait souvent bien seul aux soirées de ses amis de la boxe. Souvent, il traînait Chris avec lui pour lui tenir compagnie et ils riaient ensemble aux conneries de ses camarades sportifs. En effet, l'australien n'était pas non plus friand des effets de l'éthanol, c'était en général lui qu'on appelait le « Sam » de la soirée.
Oui, contrairement à lui, Chris était régulièrement invité aux festivités de ses camarades. Il n'y allait pas non-plus à contre cœur, mais ce n'était pas ce qu'il préférait. Jouer à des jeux débiles avec son meilleur ami était un planning bien plus intéressant. Mais le jeune garçon faisait partie des « populaires » et les élèves de sa classe se demandait pourquoi il perdait son temps avec un garçon comme Minho. Ca fâchait toujours Chris alors plus personne n'avait remis le sujet sur le tapis. Cependant, cet échange n'avait pas échappé au concerné et malgré ses dires, ça l'avait un peu touché.
Ouais, Minho, c'était un peu comme un loser. En bas de l'échelle, celle que les adolescents ont créée en essayant de copier les adultes.
Son postérieur toujours sur le banc froid, l'odeur le dérangeait de plus en plus, alors il inclina la tête pour voir d'où elle venait.
— Jisung ?
— Ah, tiens. Minho, ça va ?
— Tes yeux ... Ils sont ...
— Défoncés, comme moi.
Le blond sourit, Minho ne voyait pas ce qu'il y avait de drôles là-dedans mais il ne releva pas. En fait, ça le rendait même un peu triste. Il ne pouvait pas s'empêcher d'empiler toutes les informations qu'il avait au sujet du plus jeune. Il se demandait comment un jeune garçon aussi doux pouvait finir dans cette situation. On s'imagine toujours des têtes dures qui sèchent les cours avec un joint coincé entre les lèvres à traîner dans la rue. Alors, il ne s'attendait pas à voir ce genre de personne en Jisung.
Malgré tous les efforts du monde, le brun n'avait su s'empêcher de le dévisager. Encore une fois, il était surpris par la beauté de ses traits, ses jolies joues rondes, en opposition totale avec cet air mature qui se dégage de lui. En attendant, cette foutue fumée le dérangeait de plus en plus. Jisung parut s'en rendre compte.
— Ah pardon, la fumée. Ça te dérange ?
— Ouais, vraiment.
A force d'être tenu éloigné des relations humaines quand il était plus jeune, il avait manqué quelques codes sociétaux, dont le tact.
— T'attends le bus, toi aussi ? s'enquerra Minho.
Jisung fit « non » de la tête.
— Je me pose avant d'aller en soirée.
— Ah, je vois.
— Mais t'attends quelle ligne ? Parce qu'un mec a râlé tout à l'heure, la ligne 1 marche pas. Au cas où tu la—
Minho écarquilla les yeux.
— Pardon ? Mais je fais comment pour rentrer chez moi ? Putain, flemme d'y aller à pieds ... Fais chier, en plus c'est lourd ce bordel !
Jisung haussa les épaules.
— Tu vas dans quelle direction ?
— Vers la mairie.
— Ah, moi aussi. Ça te dit qu'on fasse un bout de chemin ensemble ? Si tu veux je t'aider à porter le coli.
Le plus vieux avait accepté, ils avaient marché jusqu'à la maison de Minho et le blond était partie pour sa soirée.
Le brun n'avait plus eu de nouvelles pendant quelques semaines. Sa vie avait continué, tous les jours la même chose, il vivait ses histoires d'amour par procuration, au travers des fictions. Il se sentait chaque fois un peu plus seul et déversait sa frustration dans la danse. Il imaginait danser avec sa princesse, ou son prince. Il imaginait des baisers qui n'existent pas, des caresses qui restent accrochés à ses rêves, et des regards amoureux cachés dans son cœur. C'était pesant, mais c'était sa vie, celle qu'il a toujours vécu, seul.
Le soir de leur rencontre, une fois que Minho avait profité de la chaleur de sa maison, il ouvrit un livre en attendant que ses parents rentrent du travail. Assis sur le canapé du salon, il s'était demandé comment allait Jisung, à quel type de soirée se rendit-il ? Il l'imaginait danser en rythme avec la musique sous les effets de l'éthanol, la tête en arrière à rire sans raison.
En vérité, il n'avait pas tout à fait tort.
Jisung était arrivé sur les lieux, il avait posé sa bouteille sur la table et il s'était servi un verre. Il savait les ravages des mélanges d'alcool, pour en avoir fait les frais, alors il se prépara tout de suite un cocktail. Il dosa léger pour commencer la soirée, il aura tout le temps d'augmenter les proportions, ces nuits-là étaient toujours longues. Pendant quelques minutes, il avait l'habitude de se poser pour observer les invités rire ensemble, se saluer, se rencontrer. Il finissait par se mêler à des discussions sans pour autant se manifester, il écoutait, il observait, il analysait les personnes autour de lui. Lorsque que les effets de l'alcool lui montaient à la tête, il se levait pour danser un peu, seul, toujours seul. En général, il évitait de participer à des jeux idiots pour ne pas se créer des problèmes, il n'était pas friand des dramas.
Il dansait jusqu'à ce que le monde tourne un peu trop, alors il avait l'habitude de s'installer dans un coin. Parfois, il allait dans le jardin pour fumer de l'herbe. Le mélange alcool, drogue douce, il savait y faire, pas de souci là-dessus. Souvent, on lui proposait des cachets, il déclinait l'offre et l'autre partait en haussant les épaules. Personne ne l'avait jamais forcé à consommer quoi que ce soit.
Et cette petite « routine », il l'avait suivi ce soir-là. Enfin, jusqu'à ce qu'un jeune garçon vienne à sa rencontre. Il fût étonné d'avoir face à lui un garçon qui paraissait avoir son âge. N'importe qui pouvait le voir, il était incroyablement beau avec ses cheveux noirs qui lui tombaient sur les épaules. Son visage était parfait, ses lèvres pleines et ses mains joliment décorées de bagues.
― Salut ! Hyunjin.
― Ah, enchanté. Jisung, je crois qu'on a le même âge, non ?
― J'ai quinze ans, et toi ?
― Comme toi. Qu'est-ce que tu fous à ce genre de soirée ? C'est pas comme si la plupart des tocards d'ici était étudiants.
― Je te retourne la question.
Il lui avait adressé ces mots avec un clin d'œil. Son sourire était renversant, ses yeux brillaient dans la pénombre, Jisung aurait juré avoir croisé un ange.
― Tu danses ?
Hyunjin avait posé la question en montrant la piste du menton.
― Ça aurait été avec plaisir, mais je suis plus trop en état. Les musiques sont pas ouf en plus, ça aide pas.
― Je confirme, des goûts de chiottes. Bah, tu veux sortir dans le jardin ?
― J'en reviens mais ça me dérange pas. En plus ce son de merde me tape sur les nerfs, pas que les enceintes me dérangent mais là ça gueule plus qu'autre chose.
Le joli garçon aux cheveux corbeau lui adressa un sourire et lui prit doucement la main. Ils traversèrent la foule de corps plus vraiment en état de danser correctement. Les danseurs de la soirée avaient plus l'air de faire des mouvements aléatoires qu'autre chose, ils étaient même en décalage avec la musique. En même temps, il était déjà deux heures du matin.
Ils avaient échangé des banalités, toutefois c'était agréable d'avoir un lycéen face à lui. Hyunjin avait l'air mature et sûr de lui avec un grain de douceur dans sa voix et dans ses gestes. Tout à fait le type du blond. Il n'en avait pas l'air, mais il aimait la douceur, les regards en coin, le sourire aux bords des lèvres. C'était tout ce que le beau corbeau lui offrait.
― Ça fait longtemps que tu traînes avec eux ?
Jisung savait très bien à qui il faisait référence.
― Ouais, deux ans je crois.
― Attends, tu te tapes des soirées de drogués depuis qu't'as treize ans ?
― Bien vu, Sherlock !
Sans le vouloir, Jisung avait un pointe d'amertume dans la voix. Ça ne manqua pas à son nouveau compagnon, mais il ne dit trop rien. A vrai dire, il était occupé à admirer les traits doux de son vis-à-vis.
― Et toi, comment t'as atterri avec ces tarés ?
Le noiraud haussa les épaules.
― Je connais personne ici, je viens juste accompagné ma grande sœur, elle osait pas venir seule vu les fréquentations.
― Et elle est où au juste, ta sœur ?
― Elle avait mal à la tête, elle est rentrée en taxi.
― Pourquoi t'es encore là, alors ?
― Ca fait un moment que je te vois, je me suis dit que je pouvais pas partir sans te parler. J'en ai pas l'air, mais j'avais un peu la trouille de venir te voir. Tu dégages quelque chose de différent mais terriblement attirant.
― Ah, ouais ? Première fois qu'on me dit ça ?
― J'en suis pas si sûr, vu les regards qui se posent sur toi.
― Ils veulent juste mon cul.
― Attirer autant l'attention, ça montre que t'as un certain charme. Tu plais, ça se voit. Autant chez les femmes que chez les hommes.
― Mon cul leur plaît, nuance. Honnêtement, j'ai pas trop envie de baiser ce soir. Le proviseur de mon lycée m'a pété les couilles.
― Je te proposerai pas de monter, alors.
― Toi aussi, tu veux mon cul ?
Jisung avait souri, l'air joueur.
― Ton cul ? Non. Découvrir ce corps et embrasser ces lèvres magnifiques, oui. Mais si t'es pas d'humeur, aucun souci.
Jisung acquiesça, il appréciait la compréhension de ce jeune garçon. En fait, il appréciait sa compagnie, tout simplement.
Le beau noiraud se leva, il annonça à Jisung qu'il était fatigué.
― Hyunjin ?
Le nommé se retourna, Jisung crut qu'il était en train de rêver. Son corps s'était mis face à lui comme au ralenti, il voyait ses yeux brillant et son visage angélique. L'alcool n'arrangeait peut-être pas les choses, mais Jisung se jeta littéralement sur ses lèvres. Le baiser était doux, il crût même sentir son cœur accéléré. Le jeune garçon aux cheveux longs fit glisser ses doigts fins sur la mâchoire du blond pour intensifier le baiser sans le brutaliser. C'était comme un rêve, c'était beau, il se sentait léger.
Lorsqu'ils reprirent leurs souffles, Jisung afficha un sourire espiègle.
― Une prochaine fois, moi aussi j'ai bien envie de te connaître plus intimement. Si tu vois c'que je veux dire.
L'adolescent face à lui se mit à rire, ça chantait comme un oiseau. Il acquiesça pour disparaître dans la foule.
La fatigue le gagna, lui aussi, il allait rentrer.
Lorsqu'il embrassa les bras de Morphée dans son lit, pour une fois qu'il dormait chez lui après une soirée, il n'avait pas tout de suite compris pourquoi le visage de Minho était apparu dans ses songes.
De son côté, le brun n'avait de cesse de penser à Jisung. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il avait vraiment envie de croiser de nouveau son chemin. Il avait clairement piqué sa curiosité. Il était une énigme à lui seul, il voulait plonger dans ses yeux pour le comprendre. Quand la pensée lui traversa l'espoir, il secoua la tête de gauche à droite « qu'est-ce qu'il me prend ? ». Il sourit à l'idée que ça pourrait être son nouveau crush inaccessible. Pour changer.
Quelques petites semaines plus tard, alors qu'il s'avançait vers l'établissement scolaire, une odeur l'arrêta nette. Il fit volte-face pour rencontrer un sourire, il le reconnaîtrait entre mille, c'était lui.
― Jisung ?
― Minho ?
Tous deux étaient surpris. En réalité, le blond l'avait vu venir mais il ne s'attendait pas à ce qu'il se souvienne de son nom. On avait tendance à l'appeler le « gamin » comme s'il n'avait pas de prénom, comme s'il n'était rien d'autre que le plus jeune de la bande. Celui dont on oubliait la présence mais qui était toujours là.
Etrangement, Minho se fit la même réflexion « il se souvient de mon nom ? ».
― Ça fait des semaines que je t'ai pas vu.
― Deux, plus exactement.
― Tu comptes pas venir en cours, comme tout le monde ?
― Qui te dit que je suis « comme tout le monde » monsieur Lee ?
Il avait toujours ce regard impertinent qui plaisait bizarrement à Minho. Il aimait lui parler, il aimait l'idée de le revoir, ça lui faisait du bien de croiser de nouveau ses yeux noisettes.
Alors, le brun se demandait pour quelle raison il avait pris la peine de venir jusqu'ici. Et c'est comme si Jisung avait lu dans ses pensées.
― Ce chieur a appelé ma mère, on est convoqués tous les deux.
― Le proviseur ? Et elle est où, ta mère ?
Il avait haussé les épaules de façon nonchalante, comme si ça n'avait pas d'importance. Comme si ce n'était qu'un détail auquel il n'avait même pas fait attention.
― Comment ça, tu sais pas ?
― Sûrement en train de finir d'apprendre son texte par cœur avec des excuses à la con de pourquoi elle réagit pas aux mots d'absence. A moins qu'elle s'occupe encore de mon frère qui fait des angoisses à la noix.
― C'est jamais négligeable les angoisses, il faut prendre ça très au sérieux.
Minho avait froncé les sourcils, il n'aimait pas le discours du jeune garçon. Pourtant, ce que le blond reprochait, ce n'était pas les angoisses de son frère, mais la surprotection de sa mère qui avait choisi de s'occuper du cadet plutôt que lui. Et pour cause, Jisung aussi il en avait, des angoisses.
La discussion prit fin sur cette note. Enfin, jusqu'à ce que Minho remarque une trace violette dans le coup du plus jeune. Il lâcha un rire narquois.
― Pas très discret le suçon ...
― Oh putain, je lui avais dit de pas me marquer. 'Fais chier, je sentais bien que sa langue était restée trop longtemps—
― Oh, je t'arrête tout de suite, j'ai aucunement envie d'entendre les détails. Tu fais ce que tu veux, hein ? Mais ça risque de faire mauvaise impression au proviseur. Et ta mère, elle dit rien ?
― Elle s'en fout. Ça se trouve, elle l'a même pas vu.
Son regard était fuyant, Jisung ne savait pas pourquoi il se livrait autant au brun, lui qui n'était d'ordinaire pas très bavard.
Le souci, c'est que le jeune garçon n'aimait pas non-plus avoir l'air misérable devant Minho, l'air d'un loser. Le mec bancale mais pas foutu de marquer assez les esprits pour qu'on se souvienne au moins de son nom. Le mec bancale et incapable de mettre un pied dans ce putain de lycée, il ferait tâche au milieu des autres lycéens.
― Putain, c'est l'heure et elle est toujours pas—ah, j'ai rien dit.
Minho se retourna pour faire face à une femme au visage las, elle avait des cernes sous les yeux, mais ça ne lui enlevait en rien sa beauté. Jisung ne lui ressemblait pas, il avait une beauté bien différente de la sienne. Il se dit qu'il devait ressembler à son père, d'ailleurs le blond ne le mentionnait jamais. Il pensa alors que ses parents étaient sûrement séparés, le nombre de divorce explosait depuis quelques années. Le brun se faisait tout un tas d'histoires sur la vie de Jisung, mais il n'y pouvait rien, Minho, c'était plus fort que lui.
― Jisung, trésor !
Ledit trésor ne prit pas même la peine de répondre à la provocation. De l'extérieur, on aurait dit un mot d'amour, mais aussi bien la mère que le fils, ils savaient tous les deux que ça sonnait faux.
― Bonjour.
Minho s'était légèrement incliné pour la saluer mais la femme ne le regarda même pas. Et encore une fois, il était le fantôme du paysage.
Toutefois, l'ignorance de sa mère ne plaisait pas à Jisung. Il ne dit rien car il n'avait pas la force de se battre contre elle mais il fit bien attention de parler en haussant la voix pour que sa maternel entende.
― Salut, Minho.
Et le blond avait fini d'une voix plus faible.
― A bientôt, j'espère.
Ce n'était qu'un souffle fin, cependant Minho l'entendit et ça lui faisait grandement plaisir, il ne sut retenir un sourire. D'un ton soudainement sûr de lui, il s'adressa une dernière fois au jeune garçon qui trainait derrière sa mère.
― Prends soin de toi, Jisung.
Cette fois, la femme réagit et se retourna au quart de tour. Elle se tourna vers son fils, les sourcils froncés.
― Tu le connais ?
― Ouais, c'est un ... Il va au lycée lui aussi.
― Comment ça ? Tu connais des gens du lycée ? Toi ?
― Laisse. Il est quelle heure ?
― Juste à temps.
La femme semblait fière d'elle et Jisung était juste soulagé qu'elle n'ait pas insisté sur son lien avec le brun. Il aurait voulu dire « c'est un ami » mais d'abord, il n'en était pas sûr et deuxièmement, ça ne la regardait pas. En fait, sa vie ne la regardait plus.
La famille Han entra dans le bureau du proviseur. Ils avaient d'abord échangé tranquillement de la situation, mais très vite c'était monté dans les tours.
― Quelle mère irresponsable laisse son fils sécher les cours depuis le collège ? J'ai échangé avec ses anciens professeurs, ils ont conseillé de le laisser s'inscrire au lycée en espérant qu'il sera plus à l'aise. Mais que faisiez-vous pendant ce temps-là ?
― Monsieur, vous m'en voyez navrée. Vous savez, Jisung n'est pas un enfant facile, j'ai tout essayé pour qu'il aille au collège. Je me fais toujours du souci pour lui, mais regardez-le. Qu'est-ce que je suis censée faire ? Il ne mange même plus avec nous à la maison.
Le proviseur haussa un sourcil. Il secoua la tête de gauche à droite, incapable de gober ses mensonges. Il avait longtemps échangé avec les anciens professeurs de Jisung. Par eux, il avait appris à mieux connaître ce jeune garçon. Il savait que la vie à la maison n'était pas facile, des professeurs avaient noté des signes de mal-être. Il ne regardait plus dans les yeux, il était toujours ailleurs, il marchait au ralenti comme s'il était sur une autre planète. Cependant, personne n'avait fait de signalement. Ils n'avaient pas assez de preuve pour accuser qui que ce soit. Et puis, qui blâmer ? En réalité, ils ne savaient rien du jeune Jisung.
Si ce n'est son nom.
― Je m'excuse d'avance si mes propos sont déplacés, mais vous parlez vraiment ainsi de votre fils comme s'il n'était pas là ? Jisung, tu es concerné par la discussion, tu le sais ?
Le nommé hocha la tête, sans prendre la peine de regarder son interlocuteur. Celui-ci ne le releva pas et il continua.
― Très bien. Ensuite, sachez que j'ai eu de nombreux retours des anciens professeurs de Jisung. « Elève calme, dans la lune, peu investi en classe mais poli ». Ça, c'était en première année de collège. « Jisung dort en classe, cependant, c'est un élève poli. Il a l'air très fatigué, souvent la tête ailleurs quand on l'appelle. ». Ça, c'était en deuxième année de collège. « Jisung s'absente de plus en plus, il est devenu rare de le croiser dans l'établissement. Il ne prend même plus la peine de répondre en classe alors que le professeur l'appelle. ». Troisième année. Et pour finir, je vous lis un résumé de sa quatrième et dernière année de collège. « Nous n'avons vu Jisung que quelques fois dans l'année. L'équipe pédagogique est inquiète. Nous avons décidé de le laisser suivre le lycée dans l'espoir qu'il saura accepter l'aide qu'on lui propose ».
La femme eût un moment de latence. Ce fût Jisung qui prit la parole en premier, les bras croisés, le regard noir.
― De quelle aide vous parlez ? J'ai une tête à avoir besoin d'aide ? Et s'ils le pensent vraiment, pourquoi ils ont rien fait, eux ? C'est que des lâches, des putains de lâches. Je me casse, vous faîtes tous chier, putain !
Sur ces mots, il se leva et claqua la porte du proviseur. Cependant, celui-ci n'avait pas dit son dernier mot, il se lève à son tour et contourne son bureau pour rattraper Jisung. Il entendit des bruits de semelle dans l'escalier, il descendit donc lui aussi pour finalement voir une silhouette blonde. Quelques élèves attendaient devant les bureaux administratifs. Il pressa le pas jusqu'à être à sa hauteur, il posa doucement sa main sur son épaule, il s'attendait à ce que le jeune garçon le repousse mais il n'en fit rien.
― C'est pas c'que vous croyez ! Elle me maltraite pas alors laissez tomber !
Le proviseur fronça les sourcils.
― A aucun moment je n'ai sous-entendu qu'elle te maltraitait.
― Me prenez pas pour un con, je sais très bien c'que vous entendez par aide !
― Ce n'était pas pour maltraitance, Jisung.
― Elle m'ignore, c'est tout. Je suis pas un enfant battu, ou quoi.
― L'ignorance est une forme de maltraitance, tu sais.
― Ah, vous voyez ! Vous pensez qu'elle me maltraite !
― Mais ...
L'homme jura « ce gosse » déstabilisé par l'intelligence du jeune garçon qu'il ne connaissait qu'aux dires des autres.
― Ecoute, Jisung, reviens au bureau. On va discuter avec ta mère pour trouver une solution.
― Si vous cherchez une solution, c'est qu'il y a un problème. Et là, y'a aucun problème. Vous pigez pas ? Alors, foutez-moi la paix !
― Si tu voulais vraiment qu'on te foute la peine, je ne t'aurais pas retenu une seconde fois. Si tu l'avais voulu, tu serais déjà parti.
L'évidence frappa Jisung. Lorsqu'il réalisa, il comprit qu'il avait deux options : fuir une bonne fois pour tout, ou accepter de trouver un arrangement.
Ses yeux balayèrent le couloir, quelques élèves s'étaient retournés. Mais ce fût son regard, qu'il capta. Devant lui, à quelque pas, Minho le regardait, une montagne de papiers dans les bras, il semblait l'observer depuis un long moment. Lorsque leurs yeux se retrouvèrent, quelque chose de fort fit écho. Aucun des deux ne pouvait tourner le regard, ils étaient comme captivés par l'autre. Un frisson parcourut le corps de Jisung, c'était tant intense qu'il n'entendait plus les brouhahas du couloir.
Finalement, ce fût le proviseur qui le ramena à la réalité en l'interpelant. Il avait utilisé une voix plus douce, comme s'il avait peur de le voir disparaître de l'établissement. C'était son métier, de prendre soin de ses élèves et il faisait partie de ceux qui prenaient cette mission à cœur. Il voulait ramener Jisung dans le parcours scolaire, le contraire aurait été abandonner un enfant en détresse et il en était hors de question. Mais il ne pouvait pas l'enchaîner et le forcer serait contre-productif. Il se contenta de l'observer pour voir une quelconque réaction.
― Ok, on remonte.
Ces mots étaient froids, presqu'insolents, mais ils satisfirent l'homme. Il allait peut-être arriver à sortir Jisung de la déscolarisation. Il ne savait pas de quoi l'avenir sera fait, mais il souhaitait le meilleur à ce petit blond courageux. Ça, il n'en doutait pas, qu'il était courageux.
De son côté, Minho mit plus de temps à remettre ses idées en place. Il devait aller à la photocopieuse avant le début des cours. Il secoua la tête et continua son chemin, il devait à tout prix retrouver Jisung.
A l'heure du déjeuner, Minho rejoint son ami australien qui l'attendait déjà dans le parc. Il avait ramené du riz au curry qu'il avait préparé lui-même. Le brun ne savait pas à quoi s'attendre, c'était la première fois que Chris cuisinait vraiment quelque chose. Cependant, il appréciait le geste et se dit même que ça pouvait être très bon, à condition qu'il ait suivi la recette. Seulement dans la mesure où l'apprenti cuisinier avait tendance à faire mille choses à la fois, il restait sur ses gardes. Aujourd'hui, il avait fait vraiment faim, au pire la supérette n'était pas loin mais il serait peiné de vexer son ami.
Sur le chemin, quoi qu'il ne fût pas long, il entendit des cris. Tout de suite, il reconnut les deux voix et fit volte-face. Effectivement, c'était bien Jisung et sa mère.
― Je te préviens, tu me fous pas la honte ! Tu te tiens bien ! Je veux plus jamais avoir à me ridiculiser devant ce stupide proviseur, c'est clair ? Non mais, quel culot ! Je suis une mauvaise mère ? C'est de ma faute si t'écoutes rien ? J'aurais dû mieux t'élever, mon fils !
― Tu déconnes, j'espère ?
― Oh, parle sur un autre ton à ta mère !
― Mais de quoi tu parles, encore ? Non, t'as pas été une mauvaise mère, t'as pas été une mère tout court alors arrête de jouer la victime !
― Pardon ? Répète ?
― Arrête de jouer la victime ! C'est bon, t'as entendu cette—
La femme leva la main, elle était à cran.
Cependant, elle fût stoppée dans son geste. Quelqu'un lui retenait le poignet avec une force qui ne lui faisait pas mal mais qui l'immobilisait.
― Minho ?
― Qu'est-ce que—
La femme avait tenté de commencer une phrase mais Minho fût plus rapide.
― Je vous interdis de lever la main sur Jisung. Allez, viens Sungie ! On va manger au parc avec un pote, tu veux venir ?
― Euh, ouais ...
― « Sungie » ? Tu t'en sortiras pas comme ça, Han Jisung ! On aura une sérieuse discussion ce soir, crois-moi !
Tous les regards étaient braqués sur la femme, elle n'en fût que plus énervée. La mère se sentait profondément humiliée, pourquoi tout le monde la prenait pour la méchante ? C'est ce fils de malheur. Cependant, elle se résigna. Oui, elle allait laisser tomber. C'était peut-être la meilleure chose à faire finalement.
C'était le type de personne qui ne se remet jamais en question, que le ciel était toujours contre elle. Elle pensait avoir tout fait pour son aîné mais qu'il la détestait pour elle ne savait quelle raison. Dans le déni, elle se bouchait les oreilles pour ne pas écouter la raison. Elle n'avouera sûrement jamais qu'elle aurait voulu mieux s'occuper de Jisung, pourtant c'était son enfant. Elle ne savait plus trop à quel moment leur relation était devenue si catastrophique. Alors, elle se contenta se rentrer chez elle mais elle ne sût retenir une larme de couler.
Pendant ce temps, les deux adolescents marchaient main dans la main jusqu'au parc. Minho s'en rendit compte seulement lorsqu'il vit Chris au loin. Il lâcha subitement le blond mais il lui offrit un sourire en l'invitant à le suivre jusqu'à son ami déjà assis à une table.
― Yo ! Ah, tiens. Tu me présentes, Minho ?
― Jisung, je te présente Chris, un ami depuis le collège. Et, euh, Chris, je te présente Jisung.
― Enchanté Jisung ! T'es du lycée ? Je t'ai jamais vu, t'es nouveau ?
― En—en quelle que sorte, oui ...
Jisung avait bredouillé ces mots, visiblement mal à l'aise. Evidemment, ça n'échappa à ses deux camarades qui commencèrent une discussion sans manquer de l'inviter à donner son avis sur le sujet. Ils échangeaient des anecdotes sur leur matinée mais Minho prit la sage décision de ne pas mentionner l'interaction entre le proviseur de le « nouvel » élève.
― Donc tu es en seconde, c'est ça ?
― Oui, je commence demain.
― Si t'as besoin, on est là avec Minho. Enfin, on est en terminale mais si on peut faire quoi que ce soit pour toi, hésite pas !
― Merci, Chris.
Ainsi s'acheva l'heure du déjeuner. C'était le moment pour les deux élèves de terminale de rejoindre leur classe respective et Jisung les salua. Il allait passer au skate-Park pour profiter de sa dernière journée là-bas en semaine. Et puis, il avait besoin de fumer, il en avait conscience mais ça ne le fit pas réagir. Cependant, il savait qu'à partir de demain, sa consommation allait diminuer, ce qui n'était peut-être pas plus mal, il se voyait mal voler de l'argent à sa mère après la matinée qu'ils avaient passé.
Oui, l'argent ne tombe pas du ciel. Pour acheter de l'herbe, Jisung se servait directement dans le portefeuille de sa mère, en douce. Il n'avait jamais compris comment elle n'avait pas pu le remarquer.
Seulement, ce qu'il ne savait pas, c'est que sa mère était loin d'être bête. Evidemment, elle n'avait pas loupé les billets qui disparaissaient et se doutait que le voleur n'était d'autre que son fils. Mais elle ne disait rien, elle avait décidé inconsciemment de ne plus s'occuper de lui mais il était encore mineur. De toute façon, elle avait bien vu qu'il ne prenait jamais beaucoup. Elle ne savait pas ce qu'il faisait de cet argent, et elle ne voulait pas savoir, mais ce n'était jamais des sommes faramineuses. La femme laissait couler, comme pour beaucoup d'autres choses, elle était fatiguée de se battre, du moment qu'elle le voyait un peu, c'était le principal.
Les semaines s'écoulaient doucement, il s'avérait que Jisung n'était pas si mauvais à l'école, sûrement grâce aux cours particuliers de son brun préféré. C'est grâce à ces moments-là qu'ils passaient autant de temps ensemble. Ils n'avaient pas manqué les regards un peu trop longs pour être innocents, les taquineries à double sens, leurs doigts qui se frôlent. De toute évidence, on pouvait noter une certaine tension entre eux, et c'était agréable autant pour l'un que pour l'autre. Ils ne savaient pas comment nommer ce qui était en train de se passer, mais ça leur plaisait.
Seulement, plus le temps passait et plus les regards se perdaient dans les yeux de l'autre. Plus le temps passait et plus leurs mains se touchaient alors qu'aucun des deux ne bougeait et ce n'était même pas gênant. Ils étaient dans leur bulle, les parents de Minho avaient bien remarqué qu'ils étaient dans leur monde et ils étaient d'accord pour se dire que c'était adorable.
En revanche, Chris avait une vision différente de leur relation. Il était clair qu'elle n'avait rien de platonique mais il n'osait pas en toucher mot à son plus vieil ami, par peur de le brusquer. Minho étant Minho, il restait un chat farouche, un faux pas et il se braquait. Du moment qu'il était heureux, c'était le principal.
― Et t'y vas plus du tout à ce genre de soirée ?
― Non, c'est plus de mon âge.
Minho pouffa.
― Mais qu'est-ce que tu racontes ? T'as quinze, t'es même pas en âge d'y aller ! J'y crois pas que tu traînes avec des toxicos et que tu ailles à des soirées douteuses.
― Bah, il m'ait jamais arrivé de bien méchant. Et puis, elles se terminent toujours bien, si tu vois ce que je veux dire ...
― Tu couches avec des filles droguées ? Mais elles ont quel âge ?
― Filles, et garçons.
Minho arqua un sourcil, plus par étonnement qu'autre chose. Il était lui-même bi, faire une remarque serait juste inutile.
― Et ça dépend, le plus souvent ils ont genre trois ou quatre ans de plus. Des fois, moins, ceux de mon âge c'est plus rare. Je plais aux plus vieux, que veux-tu.
Evidemment, Minho n'avait pas loupé le sous-entendu, il ne put s'empêcher de rougir en regardant les cahiers éparpillés sur le sol de sa chambre. Ça ne manqua pas au blond, mais il ne releva pas, il le trouvait terriblement mignon.
― Et ta première fois, c'était là-bas ?
Jisung sourit au souvenir, il hocha la tête doucement.
― Elle était hyper douce et tellement belle. J'avais quatorze ans à l'époque, ça peut paraître chelou de faire sa première fois à une soirée comme celle-là mais j'en avais envie et je me sentais en sécurité avec elle. Bon, elle avait dix-sept ans mais—
― Ouh là, attends ! T'avais quatorze ans et elle, dix-sept ?
― Je te signale que j'ai quinze ans, et toi dix-sept.
Minho cligna des yeux plusieurs fois à la remarque. Il ne savait pas quoi répondre, plus surpris par le fait que ce que ça sous-entendait que par le commentaire en lui-même. Les lèvres du jeune brun tremblait légèrement, il sentait des vagues dans son ventre, en fait il avait un peu peur de mal comprendre. Il se faisait des idées, oui, c'était sûrement ça.
― Et tu sais pas ce qu'elle me dit ? « T'es consentant, on est d'accord ? », maintenant que j'y pense ça me fait bien rire. Je crois qu'elle savait pas trop si elle faisait une connerie ou pas, mais c'est une des meilleures choses qui me soit arrivée.
Le plus jeune avait l'air rêveur, il continua.
― Tu vois, toi t'es dans tes romans et moi dans des histoires, certes réelles, mais sans lendemain. On se ressemble un peu, tu crois—et oh, Minho, tu m'écoutes ?
Le nommé avait toujours le regard perdu dans le vide. Jisung le vit trembler, il fronça les sourcils en remarquant son trouble, il avait dû dire une connerie encore une fois. Il approcha doucement sa main du visage de Minho, par peur de l'effrayer. A force, il commençait à connaître son ami.
― Minho, ça va pas ?
Quand il comprit que le concerné n'était pas décidé, ou en état, de lui répondre, il prit délicatement son menton pour le forcer à croiser son regard. C'est là qu'il vit les yeux brillants du plus vieux, des perles de pluie étaient coincés entre ses paupières. Pourtant, il se décida enfin à plonger ses iris dans celles de Jisung. Ils frissonnèrent de concert, le temps s'était arrêté, ils avaient chaud.
― Minho ?
― Jisung, qu'est ...
Une première larme s'échoua le long de sa joue et le blond la sécha immédiatement de son pouce en posant sur lui un regard qui se voulait rassurant.
Minho finit par poser la question qui lui brûlait les lèvres.
― Qu'est-ce qu'on est, nous deux ?
Le plus jeune continuait ses caresses de son pouce sur la joue rouge de Minho. Sa peau était douce, il avait envie d'y poser ses lèvres pour savoir quel goût elle avait. Mais ses yeux commençaient déjà à loucher sur la bouche entrouverte du brun, et en relevant son regard, il vit celui de Minho fixer ses lèvres.
― Qu'est-ce que tu veux qu'on soit ?
A vrai dire, le brun ne savait pas vraiment d'où lui était venu ce courage alors qu'il attrapa la mâchoire de Jisung pour plaquer sa bouche contre la sienne. C'était maladroit, son premier baiser, mais ça avait un goût particulier, un goût délicieux que Jisung jura addictif. Alors il laissait ses doigts tomber pour agripper le tee-shirt de Minho.
Dans le ventre de ce dernier, c'était comme une mer déchainée, ça montait, ça descendait, ça faisait des vagues qui lui gratouillaient l'estomac, elles dansaient à un rythme intense. Il ne savait plus où il était, mais la seule présence de Jisung le rendait plus vivant que jamais, dans un monde où il désirait rester pour toujours.
Le lendemain, Chris avait été ravi d'apprendre la nouvelle. Depuis le temps, ils étaient enfin ensemble. Evidemment, ils ne voulaient pas le crier sur tous les toits, mais c'était important que l'australien le sache puisqu'ils mangent tous les midis ensemble, c'était bien ainsi, histoire d'éviter les malaises. Et puis, Minho n'était pas du genre à se prendre la tête, il connaissait son ami et il savait qu'il n'allait pas mal réagir. En revanche, il fût surpris de son enthousiasme.
― Je vous proclame meilleur couple de l'année !
― Chris, t'es gênant ...
De son côté, Jisung était plié de rire devant l'air sérieux de leur ami. Il était également soulagé que la nouvelle passe comme une lettre à la poste, voire qu'elle enchante le plus âgé des trois. Pour la première fois, il était accepté. Ca faisait beaucoup de changements pour Jisung, mais il se garda bien de le partager, il n'avait pas envie d'avoir l'air misérable.
Des amis, il en avait rêvé, oui, mais un petit ami, il n'avait même pas osé l'imaginer. Il se sentait en sécurité, pour la toute première fois depuis des années, mais il avait terriblement peur que son monde éclate.
Les cours se passaient bien, son niveau était meilleur de jour en jour, il avait un peu plus de mal avec les maths mais Minho l'aidait beaucoup. Il était d'ailleurs plus doué pour enseigner que le professeur de l'élève de seconde.
Un soir, ils avaient décidé de marcher ensemble jusqu'à la maison de Minho. Jisung devait retrouver des gars du skate-Park. Le plus vieux n'aimait pas l'idée, mais il ne dit rien.
― Tu ferais un excellent prof, Min' !
Le nommé pouffa.
― Pas mon domaine, l'année prochaine je tente tout pour rentrer au conservatoire.
― Ca va faire bizarre sans vous ...
Le brun sourit en lui ébouriffant les cheveux doucement. Jisung râla pour la forme, mais tous les deux savaient qu'il adorait ça.
― Hé, on a le temps encore !
― Je sais, mais ...
― Ça t'inquiète ?
― Quand tu seras plus au lycée, tu—tu vas me—me quitter ?
Les yeux écarquillés, Minho s'approcha du visage de son petit ami pour planter son regard dans le sien. Il posa ses deux pouces sur chacune de ses joues rondes.
― Mais ça va pas de dire des choses pareilles ? Jamais de la vie ! Jisung, je sais que c'est fou, ça fait pas si longtemps qu'on est ensemble mais ...
Il souffla, sa tête se nicha dans le cou du plus jeune. En sentant la respiration du brun caresser sa peau, Jisung eût un frisson. C'était si bon de se sentir près de lui, il le voulait rien que pour lui, et pour l'éternité.
― C'est con, mais je t'aime.
A ces mots, le blond hoqueta. Il ne sut retenir ses larmes, il n'arrivait pas à y croire, il n'avait jamais entendu cette simple phrase. C'était la première fois qu'on lui témoignait de l'affection de cette façon. Il avait connu les baisers et les caresses, mais jamais les mots.
― Je t'aime aussi, Min' !
Et ils se sourirent.
Seulement, cette discussion avait inquiété Minho, il avait ressenti le besoin d'en parler à Chris dès le lendemain. Ce dernier l'avait rassuré, c'était une question légitime. Et puis, ils avaient parlé d'autres choses.
Le temps passaient tranquillement, il faisait bon, le brun se sentait de bonne humeur en cette matinée ensoleillée. Il retrouva son petit-ami devant l'entrée du lycée, ce qui n'arrivait pas tous les jours puisqu'ils avaient des emplois du temps très différents. Seulement, quand ils arrivèrent dans la cour de l'établissement, des murmures attirèrent leur attention. De nature curieuse, Minho entraina le blond à sa suite en se dirigeant vers la masse d'élèves. En fait, ils n'étaient pas si nombreux, mais dans la mesure où ils bloquaient l'accès à l'enceinte du lycée, on ne pouvait pas les louper.
― Non mais, elles sont trop mignonnes !
― Je savais que c'était du fake, t'façon elle fait tellement gay !
― Elle en a de la chance, Lia, je suis jalouse.
― Tu m'étonnes, toutes les filles fantasment sur Ryujin !
En effet, un peu plus loin, les deux jeunes filles s'embrassaient passionnément. L'une d'elle finit par remarquer les regards un peu trop curieux et leur montra son majeur avant de prendre la main de l'heureuse élue.
Les deux adolescents se regardèrent et, sans que le brun sache pourquoi, Jisung éclata de rire en se tenant le ventre.
― Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? Mais attends ! Ryujin, elle était pas avec Hyunjin ?
― Ah parce que t'y as cru, toi ? C'était du pur fake !
― Hein ? Toi, tu sais des choses.
― Ouais, je suis au courant du plan depuis un moment mais visiblement, Lia est longue à la détente. Hyunjin arrêtait pas de se plaindre, il est con d'avoir dit oui. J'en ai entendu parler de cette histoire, t'inquiète pas pour ça !
― Attends, attends, pause. Tu connais Hyunjin ?
― Ouais, on s'est croisé à une soirée.
― Tes soirées de drogués ?
― Ouais, c'était une soirée avec des étudiants de la fac de sa sœur. Il a flashé sur moi, ce con. Au moins, je me suis pas réveillé seul le matin mais bon écouter ses histoires avec une gueule de bois c'était pas fou.
― Vous avez couché ensemble !?
― Ça te dérange ? Tu sais, c'était juste charnel, y'avait rien derrière.
― Non, mais vous avez couché ensemble alors qu'il était avec Ryujin ? Non mais, je rêve !
― En gros, Ryujin était amoureuse de Lia depuis longtemps et quand elle s'est déclarée, Lia lui a répondu qu'elle avait besoin de réfléchir. Tu connais, Ryujin, elle a clairement vu les regards que lui lançait Lia.
Minho eût envie de dire qu'il ne la connaissait pas, enfin pas de cette façon, mais il n'osa pas interrompre le blond.
― Clairement, ses sentiments étaient réciproques mais rien ne bougeait et elle a eu la merveilleuse idée de faire croire qu'elle sortait avec Hyunjin pour voir sa réaction. Sauf que ça ne changeait rien, c'était même pire, elles se sont éloignées. Du coup, ils ont dû faire semblant plus longtemps que prévu, Hyunjin était un peu saoulé, c'est sa meilleure ami Ryujin et la voir malheureuse c'était dur. En soit, leur relation n'a pas changé.
― Bah, ils s'embrassaient quand-même ...
― Comment tu sais ça, toi ?
Le jeune garçon rougit, il ne savait lui-même pas vraiment pourquoi.
― Je les ai vus.
― Où ?
― Dans un magasin.
― Non, ils se sont embrassés où ?
Minho tenta de se remémorer la scène.
― La joue, et Ryujin pleurait.
― Voilà, tu t'es fait avoir. Ils sont tous les deux 100% gays, ils faisaient rien, ils s'embrassaient même pas, aux dires de Hyunjin, c'était juste des mots.
― T'as couché plusieurs fois avec Hyunjin ?
― Euh, ouais, un peu. T'es jaloux ?
Jisung eût un sourire moqueur.
― Non, je me disais juste que tu devais avoir de l'expérience.
― Tu l'as jamais fait ?
Le blond lui embrassa la joue. Il s'approcha de son oreille pour murmurer quelques mots.
― On le fera quand tu seras prêt, no stress.
Il se décala, puis il ajouta.
― Enfin, si t'en as envie ! On est pas obligé, hein ?
― Si !
Gêné, Minho se rendit compte qu'il avait répondu un peu trop précipitamment. Ca eût le don d'attendrir le plus jeune qui l'embrassa une fois encore sur la joue.
― Si, j'en ai vrai—vraiment envie ...
Les joues du plus âgé se coloraient d'une jolie couleur. S'il avait pu, Jisung l'aurait mangé tout cru, il était adorable.
Ils s'étaient mis d'accord pour dormir chez Minho le vendredi soir, ses parents n'étant pas là pour le week-end. Ils avaient d'abord joué à des jeux vidéo sur la console du plus âgé, mais rapidement l'ambiance avait changé. Etrangement, le brun n'était pas stressé, il se sentait juste bien avec Jisung dans ses bras.
― Tu préfères être top ou—ah, pardon, euh au-dessus ou—
― Je connais les termes, Jisung.
Le nommé se mit à rire doucement.
― Toi, t'as lu trop de fictions gays. Bah c'est bon, tu t'y connais alors !
Minho rougit violemment, visiblement gêné d'avoir été démasqué. Il avait un peu honte, mais ça allait peut-être lui servir, finalement.
― La théorie et la pratique, c'est pas la même chose j'te signale !
Dans un mélange de gêne et d'agacement, il avait froncé les sourcils en croisant les bras, montrant son mécontentement. Il ne cachait jamais ses émotions, c'était plus fort que lui.
― Certes, allez, viens Min' fais pas cette tête ! T'es trop mignon aussi, c'est pas de ma faute si j'ai envie de t'embêter.
Finalement, le surnommé « Min' » reprit son sérieux.
― Tu—tu fais quoi, toi, d'habitude ?
― Je switche, ça dépend avec qui et des envies de chacun. Pour ta première fois, tu serais plus à l'aise comment ?
― J'ai pas ton expérience, je vais être nul.
― Mais on s'en fout de ça ! Ce qui compte c'est de partager ça à deux, on peut pas être bon dès la première fois. Quoi qu'avec toi j'ai des doutes, tu sais ce qu'on dit des danseurs ...
La plaisanterie avait eu don de détendre l'atmosphère, mais le brun ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel.
― Tu me saoules ... T'as des préservatifs et du lubrifiant ?
Jisung acquiesça et se pencha vers sa table de nuit. Le brun jura qu'il le faisait exprès mais le plan qu'il avait sous les yeux ne le laissait pas indifférent. Le plus jeune posa tout ça sur le meuble et agrippa Minho qui se retînt de lâcher un cri de surprise. Jisung savait le guider, avec lui, tout paraissait plus facile, il n'avait qu'à suivre ses mots qu'il utilisait d'une façon désireuse. Tout était nouveau pour le brun, mais il se laissa aller par ses envies et le regard du plus jeune l'encourageait. Des baisers bruyants, leurs voix qui s'entremêlent, leurs bassins qui se rencontrent dans une danse étourdissante, c'était diablement bon de sentir la chaleur du corps de l'être aimé.
Les yeux de Jisung ne mentaient jamais, et voir son plaisir à travers eux était certainement la plus belle chose que le plus âgé ait pu voir de sa vie. Ils s'embrassaient en continuant de valser, le bruit humide de leurs bassins qui claquent comme une musique luxurieuse, les mots d'amour et la chaleur dans leur ventre. Toutes ces sensations délicieuses les dirigeaient tout droit vers le sommet du plaisir. Ils touchèrent le ciel quasiment ensemble, ralentissant la danse pour satisfaire leur complaisance jusqu'au bout.
Les traces du voyage nettoyées, ils s'endormirent dans les bras, bercés par la respiration de l'autre dans un nuage de coton.
Au petit matin, Minho sentit le blond s'agiter dans ses bras. En ouvrant les yeux, il le vit pleurer dans son sommeil, Jisung appelait son nom alors qu'il dormait toujours, la voix tremblante.
― Jisung ! Jisung, tu m'entends ? C'est juste un cauchemar, je suis là ! Jisung, trésor, je suis à côté de toi.
Finalement, le nommé papillonna des paupières, les yeux noyés de larmes.
― Minho, t'es là ?
A travers le timbre de sa voix, le brun pouvait aisément noter la panique qui l'animait alors qu'il était encore dans l'entre sommeil.
― Bien-sûr, bien-sûr que je suis là. Et je vais nul-part, je suis avec toi, trésor.
― Minho, pars pas !
― Mais qu'est-ce que ? Jisung, jamais je pars ! Qu'est-ce qu'il se passe, raconte-moi. Regarde-moi, je te lâche pas, je reste avec toi !
― Non, toi aussi tu vas partir ! Comme les autres ! Je vais rester seul ! Pourquoi tu voudrais d'une merde comme moi ? Je suis un boulet mais je veux pas que tu partes ! Non, même si je sers à rien, que je vaux rien, m'abandonne pas !
En fermant les yeux, Minho souffla. Il avait bien compris que son petit-ami n'avait pas repris tous ses esprits, il était encore dans son cauchemar et les mots ne serviront à rien. Alors, il le prit dans ses bras et commença à le bercer en embrassant son front, il le couvrit de baisers en chuchotant des mots rassurants. Il continua jusqu'à sentir le jeune garçon se détendre et se rendormir. Il ne savait pas vraiment comment, mais il avait fermé ses paupières à son tour.
Lorsqu'ils s'étaient réveillés pour de bon, Minho ne savait pas s'ils devaient en parler. Il avait peur de le brusquer. En sachant son histoire, après les longues discussions qu'ils avaient eues sur la vie de l'autre, il comprenait et dans un sens, ils se ressemblaient. Ils étaient en mal d'amour, une carence affective qui creusa un trou dans leur cœur. La seule différence, c'était que visiblement, Jisung se détestait.
Dès le départ de son petit-ami, il se rendit chez Chris pour en parler avec lui.
― Mh, c'est jamais bon ça. Ca se voit qu'il a pas eu une enfance de rêve mais toi non plus. Il faut qu'il apprenne à avoir plus confiance en lui, tu peux pas passer ton temps à le rassurer, ça va rendre votre relation toxique. Tu me dis que c'est pas la première fois ?
― Non, c'est pas la première fois.
― Et toi, t'en penses quoi ?
― Bah, ça me fait mal de le voir comme ça. Je voudrais qu'il ait confiance en mes sentiments, et qu'il sache qu'il vaut de l'or.
― Mais ça, c'est pas de ton ressort Minho. T'es pas sa psy ni sa mère, je te jure ça va rendre votre relation toxique. Il faut s'abord s'aimer pour être aimé en retour, vivre dans l'insécurité au sein d'une relation c'est tout sauf sain. Ca va vous bouffer.
― Alors, tu proposes quoi ? Qu'on se sépare ? Que je donne raison à ses angoisses ? Non, je refuse de faire ça, il a besoin de moi.
― Tu vois, c'est là où ça déraille, Minho. Il va être dépendant de toi, tu vas tout porter sur tes épaules. S'il a pas confiance en lui, il aurait pas confiance en votre relation, d'où ses angoisses constantes. Les autres peuvent pas avoir confiance en une personne si elle-même n'a pas confiance en elle.
― Mais j'ai confiance en lui, moi !
― T'as confiance en lui à sa place, c'est pas ton rôle ! Tu peux pas le protéger, c'est pas ça, un couple. Ecoute Minho, c'est peut-être dur à entendre mais pour votre bien—
― Chris, je t'estime beaucoup, mais là tu vas trop loin.
― T'acceptes juste pas d'entendre la vérité, Minho je suis désolé mais ouvre les yeux. Tu l'aides pas en le rendant dépendant de toi. S'il attend ton regard pour approuver ce qu'il est, ça va pas marcher, parce que le jour où tu seras plus là, il va tomber de haut.
― Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je compte pas partir ! T'es marrant toi, avec tes leçons de moral, monsieur est populaire, t'as eu une belle enfance, t'as plein d'amis, t'es aimé depuis toujours. Tu sais pas ce que c'est de manquer d'amour, on a tous besoin de d'amour !
― Je sais mais—
― Laisse-moi finir, tu veux ? Comment on peut s'aimer, si personne ne nous aime ? Comment on peut avoir confiance en soi et se construire si personne ne nous dit qu'on vaut le coup ? A force d'entendre les autres dire de la merde sur lui, depuis enfant, c'est ancré en lui. Jisung, il a pas eu ma chance ! Tu sais comment j'en suis arrivé à avoir un minimum d'estime de moi ? C'est grâce à toi, grâce à mes parents qui se sont rendus compte qu'ils m'avaient laissé, et mes potes de la boxe. Sans ça, je serai dans la même merde que Jisung. Moi aussi je suis en manque d'amour parce qu'on remplace jamais l'absence d'un parent et de son amour, on était putain de seuls. Moi j'étais seul, lui il était seul et non désiré ! Comment tu peux te construire comme ça ?
― Tu peux pas—
― J'ai pas fini ! C'est impossible de s'aimer, si on est pas aimé en premier ! Je sais que je comprends pas toujours tout aux humains, mais une chose est claire, on a besoin de se sentir un minimum aimé pour se construire ! S'aimer avant que les autres nous aiment c'est juste se mentir ! Tu peux pas être sincère en te basant sur des choses qui n'existent pas ! Tant que t'as pas vu la lumière, on aura beau tout te dire, tu pourras pas croire qu'elle existe. Faut le vivre pour y croire, faut vivre l'amour pour y croire ! Et s'il est dépendant de moi, soit. Mais ce que tu sais pas, c'est que j'ai autant besoin de son amour qu'il a besoin du mien. C'est un équilibre, il m'apporte beaucoup, j'ai tout autant besoin de lui. Et j'en ai rien à foutre du reste !
A bout de souffle, Minho essaya de calmer sa respiration. L'australien n'osa pas intervenir tout de suite, il sentait que son ami n'avait pas fini.
― J'en ai rien à foutre de tes leçons de moral, les tiennes et celles de n'importe qui ! Des philosophes ? Des psys ? Rien à foutre ! Faut le vivre pour le comprendre, vous comprenez rien dans votre vie confortable. Et tu sais quoi ? Même ceux qui ont souffert, quand ils vont mieux, ils oublient souvent la douleur ! Quand on devient riche, on oublie ce que c'est que d'être pauvre, et écoute tant mieux ! Mais personne ne nous dictera la vie qu'on veut mener ! Je veux plus jamais entendre des belles paroles, que des conneries ouais ! Alors, allez tous bien vous faire foutre !
Il prit son sac et sa veste et se dirigea vers l'entrée. Chris hésitait à le retenir, mais connaissant son ami, il avait besoin d'air. Si le cerveau de Minho tournait à une vitesse folle, l'australien n'était pas plus calme, les mots du brun l'avait frappé de plein fouet. Il ne comprenait plus rien, alors il resta immobile à le regarder mettre ses chaussures.
Avant de partir, Minho se tourna une dernière fois vers son ami. Il prit une voix plus calme cette fois, c'était presque un murmure mais Chris pouvait l'entendre distinctement.
― Moi, je veux juste l'aimer. Je veux juste qu'on s'aime et qu'on évolue ensemble, je sais qu'on en est capable.
Le jeune brun sécha ses larmes d'un revers de manche avant de claquer la porte. Il laissa Chris seul dans son appartement où il pouvait encore entendre la voix de Minho lui cracher sa vérité, sa vérité et celle de personne d'autre. Ce n'était pas une vérité empruntée dans un livre de psychologie, ni un recueil philosophique, c'était sa vérité à lui et à personne d'autre.
Les mains décoiffant ses cheveux, Chris souffla. Il allait devoir s'excuser, il le savait, son ami était trop têtu pour le faire le premier. Ils s'étaient déjà disputés, Minho avait besoin d'air, un peu de temps, il attendait que l'autre s'excuse pour le faire à son tour avec toute la sincérité qu'il pouvait offrir. Minho savait reconnaître ses torts, mais il tenait à ce qu'on lui admette qu'il avait aussi vu juste sur certains points.
C'était une sorte d'injustice à ses yeux, de tout prendre sur soi, et il avait besoin que l'autre fasse le premier pas pour s'assurer que l'équilibre était là. Encore une question de confiance. Il avait conscience que ce n'était pas la bonne façon de faire, surtout qu'il connaissait Chris mieux que quiconque, mais c'était dans sa nature de se méfier. En revanche, il mettait un point d'honneur à faire comprendre qu'il assumait ses torts, pour ainsi assurer l'équilibre si précieux à ses yeux.
Le souffle court, il se dirigeait vers l'appartement de Jisung. Tant pis si sa mère le regardait de travers, il avait besoin de le voir. En fait, il ne savait pas si le blond était chez lui, il se demandait s'il ne traînait pas au skate-Park pour fumer, comme à son habitude. Il ne savait pas pourquoi ses pieds le menaient jusque-là.
Il composa le code, il était déjà venu chez Jisung quand l'appartement était vide. Il grippa les escaliers pour accéder au deuxième étage.
― Minho ?
A vrai dire, il ne s'attendait pas à ce que la mère de Jisung se souvienne de son nom. Il la salua, et pour la première fois, elle le salua en retour.
― Il est dans sa chambre.
Minho la remercia en s'inclinant légèrement avant de prendre la direction qu'il ne connaissait que trop bien. Il frappa trois coups, assez fort pour s'assurer qu'il l'entende.
― Jisung, c'est Minho. Je peux rentrer ?
En absence de réponse, il se permit d'ouvrir la porte après en avoir informé le plus jeune. Là, il vit une boule sous la couette de son lit. Il s'avança doucement et s'assit sur le matelas.
― Jisung, je suis là.
― Minho ?
Il découvrit un Jisung les yeux bouffis, sûrement irrités par la drogue. Le blond semblait lire en lui car il répondit immédiatement.
― Non, j'ai pas fumé. D'ailleurs, je vais arrêter.
― T'es sûr ? Tu sais ce que ça veut dire ?
― Ouais, que je vais vivre trois semaines de cauchemars, des sueurs nocturnes, irritabilité, perte d'appétit, ouais, ouais, je sais tout ça.
― Qu'est-ce qui t'a décidé ?
A ce moment, Minho eut terriblement peur qu'il réponde « toi » car ça ne ferait que confirmer les dires de Chris et il n'avait pas envie d'y penser.
― J'arrive pas à me concentrer en cours, ça coûte putain de cher, et je veux plus être dépendant de cette merde. Ca m'a aidé un temps, mais cette fois c'est fini. Je veux m'en sortir, je veux réussir le lycée, je sais pas ce que je vais faire après mais on s'en fout un peu, j'ai le temps. Et quand je vois tous ceux qui veulent que je réussisse ça me motive de fou. Je veux aller de l'avant, on m'a donné une chance, je vais la prendre. Si je suis si bien entouré, je vais forcément y arriver !
A ces mots, Minho sourit, car c'est tout ce dont il avait besoin d'entendre pour s'assurer qu'il avait fait le bon choix.
― Tout ça, c'est grâce à toi, Minho. Je suis désolé d'être un boulet, mais je vais m'en sortir et tu seras fier de moi, et tout le monde sera fier de moi. Même moi, je serai fier de moi.
Il rit à ses dires, et ça sonnait comme une douce mélodie aux oreilles de Minho. Son trésor était plus beau que jamais.
― Alors, pourquoi ces larmes ?
A sa surprise, Jisung sourit.
― Parce que j'en avais besoin pour prendre du recul, j'avais besoin de sentir que j'avais sacrément mal pour me dire que ça pouvait plus durer. J'ai eu la chance de te rencontrer, Minho. Et cette chance, elle se représentera peut-être pas. Alors, si tu veux bien, je voudrai évoluer avec toi, si tu veux être là. T'es mon plus grand soutien, je sais que j'ai l'air d'un boulet à pas m'aimer, à pas avoir confiance en moi—
Instinctivement, Minho plaque ses lèvres contre les siennes.
― J'ai pas besoin de ça pour t'aimer, trésor. Je t'aime comme tu es. Moi aussi, j'ai besoin de ton amour, et on va apprendre à évoluer ensemble. Tant pis si on doit s'accrocher à l'autre, on avancera ensemble. On a pas besoin de faire comme tout le monde. Je te promets de te donner tout l'amour dont tu as besoin, et de te montrer à quel point t'es un gars formidable ! Je t'aime comme tu es, peu importe si t'as pas confiance en toi, on apprendra ensemble parce que moi aussi j'ai un sérieux problème là-dessus.
Ils gloussèrent de concert.
― Minho, je veux aussi te donner tout l'amour dont tu as besoin. C'est hyper niais, ce qu'on dit, bordel ...
― Tu sais quoi ? On s'en fout.
Et sur ces mots, ils s'offrirent un baiser.
Tant pis s'ils étaient dépendants l'un de l'autre, ils rempliront leurs cœurs d'amour, celui dont ils ont été privé dans leur enfance. Ils combleront leur manque jusqu'à ce qu'ils puissent avoir confiance, jusqu'à ce que « tu mérites » rentre une bonne fois pour tout dans leur esprit. Ils s'imprimeront des mots rassurants jusqu'à ce que ça marque leur cerveau à vie. Et ils s'ouvriront ainsi au monde, et le monde s'ouvrira à eux.
Tant pis s'ils font les choses à l'envers, l'important c'est de finir par s'aimer.
Des lovers.
ᅳ ❀*̥˚❀*̥˚ ᅳ
« Je suis un loser, je suis un loser
Un lover avec un signe dollar
Est un loser »
🗶
Un loser avec un signe cœur
Est un lover
Car d'un loser à un lover
Il n'y a qu'une seule lettre
« 𝐽'𝑒𝑠𝑝𝑒̀𝑟𝑒 𝑗𝑢𝑠𝑡𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑒̂𝑡𝑟𝑒 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑡𝑒𝑠 𝑏𝑟𝑎𝑠
𝐴 𝑙𝑎 𝑓𝑖𝑛 𝑑𝑒 𝑚𝑜𝑛 𝑣𝑜𝑙 𝑚𝑎𝑙𝑎𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡
𝐽𝑒 𝑚'𝑒𝑛 𝑓𝑜𝑢𝑠 𝑠𝑖 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑙𝑒 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑡
𝐽𝑒 𝑣𝑒𝑢𝑥 𝑐𝑜𝑢𝑙𝑒𝑟 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑡𝑜𝑛 𝑜𝑐𝑒́𝑎𝑛 »
⋆ ƑIƝ ⋆
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