Kenma, un Kenma par tous les miracles complètement humains, était assis sur le sol, le corps encore tremblant, l'air d'avoir tellement dormi qu'il en était encore plus épuisé.

- Je . . . je crois que . . . j'hallucine, articula miraculeusement Akaashi dont le choc avait relégué sa contamination au dernier rang.

- Je... J'en suis pas si sûr, répondit Bokuto avec hésitation.

Kenma posa son regard félin sur les deux camarades, les sourcils froncés et la bouche tordue en une grimace de douleur.

- Argh, ma tête . . . Hum... Bokuto ? Akaashi ? Qu'est-ce que... que faîtes vous là ?

Sa voix était toujours un peu rauque et sèche, sans doute à force de hurler toute la journée et de se nourrir de viande ensanglantée. Il les dévisageait de ses yeux de chat sans comprendre. C'était bien normal qu'il soit déboussolé, il venait de se réveiller d'un long cauchemar, au milieu d'une impasse délabrée, dans des vêtements déchirés, alors que son dernier souvenir était si flou mais pourtant affreusement douloureux...

- Oh mon Dieu ça a marché, souffla le plus âgé avec une lueur d'espoir.

- Oh mon Dieu ça a marché, répéta le cadet plus scandalisé que ravi.

- De quoi ? questionna l'intéressé, totalement perdu.

Il avait peur. Sa mémoire n'était pas tout à fait nette, mais elle lui revenait par des flashs aléatoires. Et la dernière chose qu'il se souvenait, c'était des ongles plantés dans sa cheville et les cris d'une voix qu'il n'arrivait pas à remettre. Il se redressa doucement, mais, incapable de tenir debout à cause d'un soudain tournis ainsi qu'une douleur lancinante à la jambe, il décida de rester assis par terre.

- Je... J'étais . . .

Il baissa les yeux sur son corps et compris soudainement pourquoi il ne pouvait pas se lever : à l'emplacement où devait se trouver son pied gauche ne restaient que des os usés. Un haut-le-cœur souleva sa poitrine et il se retint de vomir. Il posa à nouveau son regard alarmé sur Kotaro et Keiji qui restaient immobiles.

- Qu'est ce qu'il se passe ?? Qu'est ce que– Qu'avez vous fait ???

- Je crois, déglutit l'ébène, que Bokuto vient de te sauver la vie... Ou, pour être plus précis . . . de te ramener à la vie.

Deux paires d'yeux se posèrent sur la face ébahie de l'argenté.

- Je– j'en sais rien, tenta-t-il d'expliquer, je crois, enfin j'ai– j'ai juste... je t'ai . . . mordu ?

Vingt longues secondes de silences planèrent au-dessus de leurs têtes. L'ex-zombie manqua de s'étouffer.

- . . . Tu as QUOI !?

- JE– J'AI PANIQUE OKAY ??

- MAIS POURQUOI ?!?

- Je . . . Mais... Mais tu es vivant !!!

- MAIS COMMENT ?????

Kozume lança un regard affligé à Akaashi, qu'il avait toujours jugé plus sage que l'autre idiot aux yeux dorés. Le noiraud secoua négativement la tête, exprimant qu'il ne savait pas non plus comment c'était possible.

Et puis la douleur revint, transcendant l'esprit de l'ébène aussi soudainement que la flèche qui avait fauché la vie du légendaire héros Achille. La transformation. Comment avait-il pu croire une seule seconde qu'il y échapperait ? Déjà, un nouveau voile noire se posait sur ses yeux. Et il savait que s'il s'évanouissait à nouveau, il ne se réveillerait plus jamais ; ou en tout cas pas en tant que Akaashi Keiji, c'était certain. Il deviendrait l'un de ces monstres traînants des pieds, les bras ballants et la gueule grande ouverte comme si la nourriture allait s'y déposer toute seule.

- MnO.. kcchhhh... tho . . .

Ce furent ses dernières paroles avant de sombrer dans l'inconscience. Un «Bokuto» si mal prononcé que l'interpellé ne se reconnu même pas. Mais lorsque le corps fragile du garçon frappa le sol, la chouette bicolore se retourna immédiatement.

- Oh non–

- Quoi, qu'est ce qu'il se passe ?

Kenma ne comprenait toujours pas, mais Kotaro était trop pressé pour lui expliquer. Il était impératif de se déplacer dans un endroit sûr, surtout que la nuit était en train de tomber. Mais aucun des cadets de l'argenté ne pouvaient se déplacer, alors l'homme décida de les porter un à un dans un appartement délabré qui, comme tous les autres, ne possédait ni électricité ni eau courante.

En chemin, le plus âgé tenta d'expliquer tant bien que mal leur fuite effrénée qui durait depuis plusieurs jours et la blessures infectée qui progressait dans le métabolisme d'Akaashi. Sa transformation était imminente. Et Kozume, qui se remettait à peine de ses émotions, ne savait pas trop quoi faire. Impossible de compter sur son cerveau de stratège en l'instant, mais la situation pressait. Alors, Bokuto s'avança.

- Je vais le mordre.

- Putain Bokuto ! Pourquoi ton premier réflexe c'est de croquer les gens qui t'attaquent ??

- T'étais un zombie, et t'allais nous bouffer, donc je me suis dis «jouons le tout pour le tout, y'a rien à perdre» !

Le garçon aux air de félin se pinça l'arrête du nez, exaspéré au possible. Comment est-ce que Kotaru était parvenu à survivre dans ce monde hostile ? C'était un mystère total lui.

- Et à quel putain de moment t'as cru que c'était une bonne idée ?? Est-ce qu'il y a une cervelle dans ta sale tête de piaf ???

- Mais ça marché avec toi !

- C'EST TOUT LE PROBLEME, ce n'est pas censé marcher comme ça !!

- Mais... Je ne comprends pas.

- Y'a rien à comprendre à part que t'es un débile profond. Bref, juste, ne fais pas de conneries, OK ? Il faut qu'on réfléchisse.

La chouette bicolore croisa les bras sur sa poitrine. Son meilleur ami se mourrait à ses pieds et il n'avait pas le temps d'attendre. Il avait une solution à portée de dents, et il ne prendrait pas le risque de la laisser passer.

- C'est déjà tout réfléchi, s'exclama-t-il en haussant le ton, il faut que je le morde !

- Oh bordel j'arrive pas à croire que j'ai été sauvé par un abruti pareil . . . EST-CE QUE J'AI L'AIR D'UN PORC PANE POUR TOI ?! ET AKAASHI, C'EST UNE BOULETTE DE VIANDE PEUT-ETRE ???

- Mais–

- Sérieux, comment tu peux être aussi con et réussir quand même ??

- Ca m'était juste passé par la tête comme ça, je pensais même pas que ça march–

- Personne, je dis bien absolument PERSONNE n'aurait une telle réaction face à une mort imminente. Mordre un zombie qui veut te bouffer, c'est ça ton instinct de survie ???

- Bah . . . Ouais ?

- C'est une HONTE que tu ne sois pas mort avant !

- C'est une honte que TU sois mort aussi tôt !

Un gémissement rauque fit stopper la dispute. Bokuto et Kenma se tournèrent comme un seul homme vers le corps frémissant de Keiji, qui commençait à faire des bruits de gorges peu accueillants.

- Non ! s'écria l'argenté.

Il était trop tard, le noiraud était devenu l'une de ces choses affamées. A moins que . . .

A moins que, malgré les avertissements et les insultes de Kozume, Bokuto se jette sur le corps pour y planter ses dents.

A moins que les râles ne cessent et que les tremblements s'affaiblissent à vue d'oeil.

A moins que sa morsure humaine ne soit plus puissante que celle mortelle.

Le silence revint, et tous retinrent leurs souffle, attendant la suite.

- . . . Akaashi ? appela avec espoir l'ancien numéro 4 de Fukurodani.

Sa seule réponse fut la respiration calme et apaisée qui souleva la poitrine du noiraud, un sifflotement silencieux qui témoignait d'un sommeil inoffensif. En soulevant le haut de l'habit de Keiji, l'argenté vit que l'infection commençait déjà à s'estomper.

Kozume et Kotaro soupirèrent en chœur, soulagés. L'aîné s'effondra à terre, pleurant de tout son soûl, et il s'en fichait bien d'être bruyant. Il avait trop longtemps retenu ses larmes de souffrance, alors il pouvait bien se permettre de laisser éclater un sanglot bienheureux. Il l'avait mérité.

Après tout, il venait de découvrir, par pur hasard, un remède à la maladie qui ronge l'humanité depuis 2 ans.

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