
Yann #6
*Point de vue Yann*
Ça doit faire une heure que je suis allongé sur mon lit à regarder puis à remettre en boule ce foutu morceau de papier. Je l'ai récupéré discrètement, avant de foutre le camp par la fenêtre pendant l'heure de colle, sans qu'elle s'en rende compte.
Elle a rendez-vous avec des potes sur une piste de karting pour faire une course et je me triture le cerveau depuis tout à l'heure, pour savoir sur quelle piste elle pourrait aller et si je devrais y aller. J'en ai envie...
J'attrape mon téléphone et envoie un message à un pote. J'ai l'impression de devenir un putain de stalker, mais c'est plus fort que moi... Lui aura sûrement l'info, il sait toujours tout sur tout, même si sur ce coup-là, j'ai un doute. Il ne tarde pas à me répondre et à me donner l'adresse du circuit où elle se rend. Ce mec m'étonnera toujours...
Je m'assois sur le bord de mon lit, pesant le pour et le contre, je sais pas si je fais vraiment bien. Il faut que je la tienne loin de moi et c'est pas comme ça que je vais y arriver. Je finis par chiffonner pour la centième fois au moins le morceau de papier, puis préfère me défouler sur mon sac de frappes. Pense à autre chose, bordel !
Rien y fait, quand j'ai une idée en tête de toute façon, c'est mort... J'enfile ma veste de moto, attrape mes clés et dévale les escaliers comme un malade, par peur de la rater, d'arriver trop tard.
Lorsque j'arrive sur place et que je pousse la deuxième porte vitrée qui donne accès à la piste et aux gradins, je l'aperçois presque instantanément. Elle a tressé ses cheveux bruns et remonte la fermeture de sa combinaison. Un mec, un peu plus âgé lui glisse rapidement un mot à l'oreille, avant qu'elle n'enfile son casque et grimpe dans son kart. Elle a l'air d'être habituée et de venir souvent... Une idée me traverse l'esprit, mais je la chasse aussi vite. Elle n'est pas comme les autres filles, ça oui, mais au point de faire du karting son passe-temps ? C'est peut-être juste occasionnel...
Je rejoins les bancs, discrètement et m'accoude au garde-corps. Impossible pour moi de rester assis, je le sais déjà... Je suis tendu, alors que le départ n'a pas encore été donné.
Le type de tout à l'heure lance la course et putain, elle accélère, pied au plancher et je me tends encore plus. Bordel, détends-toi mec, c'est juste une course, rien de plus !
Mais, elle gère plutôt bien et je finis par me détendre. Elle reste au coude à coude avec un autre pilote, mais finis par le dépasser et un rictus se dessine au coin de mes lèvres. Elle gère même vraiment bien...
Au moment où je me fais cette réflexion, elle tourne la tête dans ma direction et dans la seconde qui suit, je sais qu'elle arrive trop vite. Que le temps qu'elle a perdu à m'observer, même si ce n'était qu'une saloperie de seconde, l'a déconcentrée. Elle ne s'est pas rendu compte que son adversaire venait de modifier sa trajectoire.
Inconsciemment, mes mains se crispent sur la barrière et mon pied se pose sur le barreau du bas. Je suis prêt à sauter de cette putain de balustrade parce que je sais que ça va partir en couille. Son kart tape dans celui de devant et part en vrille, en même temps que ma respiration se coupe. Il s'immobilise après plusieurs tourbillons et j'attends de savoir si tout va bien.
Avec le choc, le kart qu'elle a percuté, c'est arrêté, le mec relève sa visière et je pense reconnaître Nico. Je jette un œil sur ma gauche et je me rends compte seulement maintenant, que sa meilleure amie a accourue à la barrière et qu'elle a l'air paniquée.
La furie nous adresse un signe, pour nous faire comprendre que tout va bien et ma respiration se libère. Elle cogne dans le volant, mécontente et comme un con, je trouve ça encore plus rassurant...
Puis mon cœur fait un bond, quand je vois les autres kartings arriver à pleine vitesse vers eux, alors qu'ils sont arrêtés en plein milieu de la piste. Mes mains, qui c'étaient légèrement relâchées, enserrent la rambarde encore une fois par réflexe.
– Putain de merde, bouge de là ! grogné-je, entre mes dents.
Apparemment, pas assez discrètement, puisque Aurore m'entend et m'observe brièvement, avant de se concentrer à nouveau sur la scène qui se joue devant nous.
Elle finit par se rendre compte qu'elle risque d'être percutée par les autres et accélère tout à coup encore plus rapidement que lors du départ. Mes yeux font un va-et-vient entre elle et les pilotes qui arrivent derrière, puis je soupire, quand elle prend de la distance et semble hors de danger.
– Bordel, elle est vraiment pas bien... marmonné-je.
Aurore m'observe du coin de l'œil, mais ne dit rien et reste à distance. La furie passe la ligne d'arrivée en première position et le mec qui lui a parlé avant le départ, la rejoint à petite foulée. Il l'observe avec sérieux et semble râler avant de disparaître vers l'accueil.
Nico la rejoint, la détaille rapidement, puis désigne une partie de son visage, semblant désolé. Il est clairement sur les nerfs et il finit par la serrer dans ses bras. Je baisse les yeux, grimace légèrement puis m'écarte du garde-corps pour faire quelques pas, les bras ballants, le long du corps, toute la pression s'évacuant. Je croise mes doigts derrière ma nuque et jette un coup d'œil furtif vers elle. Il ne semble pas vouloir la libérer... Entre eux, finalement, il y a peut-être bien un truc...
Aurore les rejoint en courant, puis semble l'engueuler, ce qui la fait rire... Vraiment ? Nico la relâche, elle discute un instant avec tout le monde, puis lance un regard dans ma direction. Sa meilleure amie l'imite, avant de lui glisser quelques mots plus discrètement, alors que je me suis rapproché, tout en restant à une certaine distance.
Le type de tout à l'heure passe devant moi avec une poche de glace dans les mains, et je fronce les sourcils. Il la lui tend et elle la pose sur son visage, avant de m'adresser un petit sourire. C'est censé me rassurer, je suppose...
Ses amis finissent par s'en aller et elle se tourne vers moi. Je quitte le mur où je m'étais appuyé et marche à sa rencontre, tandis qu'elle pose la poche de glace en passant devant un banc, puis se plante devant moi. J'attrape son casque, qu'elle tient toujours, pour le lui porter et je saisis son menton entre mes doigts pour me rendre moi-même compte des dégâts... Apparemment, je ne suis plus maître de mes gestes non plus... Je grimace lorsque je découvre sa pommette qui commence à virer au bleu, puis je soupire et détourne les yeux.
Comme pour détendre l'atmosphère, elle me propose d'aller nous asseoir et j'accepte avant de la suivre. Elle reste silencieuse, le regard perdu sur le circuit, comme si elle était en train de l'étudier.
– T'es flippante... lâché-je.
Elle sursaute, légèrement et semble ne pas avoir entendu ce que je lui ai dit.
– T'es pas censée ralentir avant un virage ?
– À la base, si ! grimace-t-elle.
– Mais ?
– Je ralentis rarement.
Mon regard se perd vers mes baskets, à la fois ici et lointain.
– Tu devrais faire attention.
– C'est ce que je fais... réplique-t-elle.
– La preuve...
Elle paraît contrariée par ce que je lui dis et même si je ne la connais pas vraiment depuis longtemps, je sais qu'elle ne va pas rester sans répliquer ou sans poser de questions.
– Pourquoi t'es comme ça ?
Qu'est-ce que je disais... Et, de quoi elle parle ?
– Comment ça ?
– Avec moi ! Pourquoi t'es comme ça ? L'histoire avec Raphaël, ou à la soirée quand t'es intervenu...
– Je suis comme ça, c'est tout ! Y'a rien à comprendre. Va pas croire quoi que ce soit, je suis pas le prince charmant qui débarque pour sauver la princesse ou quoi que ce soit, soufflé-je.
– Pourtant, t'es toujours là quand il faut et t'hésites pas une seconde, même si après t'as des ennuis...
– Tu veux que j'te dise quoi ?
– Je sais pas, je cherche juste à te comprendre... Un jour tu agis comme si on était amis et le lendemain tu m'ignores totalement.
Je soupire intérieurement, pour ne pas qu'elle ne s'en rende compte. Il ne faut pas que je cède... Garde-la à distance bordel !
– Y'a rien à comprendre... C'est moi, je suis comme ça, alors te fatigue pas, OK ?
Je suis clairement sur les nerfs et le silence qui s'installe n'arrange rien. Les questions, c'est pas mon truc, surtout quand ça implique de révéler quoi que ce soit sur moi ou sur la façon dont j'agis...
– Et ta lèvre l'autre soir à la fête, c'était quoi ?
Ma respiration se coupe, à croire que ça devient une habitude depuis que je la connais. Elle peut pas lâcher l'affaire sérieux ?
– T'es vraiment une chieuse, bordel !
Voilà... Mon sang-froid vient de s'envoler et tout signe de patience avec lui. Je regrette déjà ce que je viens de lui balancer, mais, je préfère me dire que d'un côté, si ça peut faire en sorte qu'elle ne m'apprécie pas, c'est bien...
– Je sais... Et, donc ?
Et en plus, elle assume...
– Tu sais quoi ? Laisse tomber... m'énervé-je.
Je me redresse et avance de quelques pas.
– Tu fuis ? Encore ? me provoque-t-elle.
Je me fige et serre de son casque. Bordel, pourquoi je trace pas ? Pourquoi j'y arrive pas cette fois ?
– Si t'as pas envie que je te parle, alors pourquoi t'es venu ? ajoute-t-elle.
Je reste sans bouger et sans rien répondre. La seule chose que je suis capable de faire, c'est de m'insulter moi-même en silence et de me reprocher d'être venu. Soudain, elle se lève, soupire, commence à s'éloigner et je me tourne vers elle.
– Je t'attends, lancé-je, pas certain moi-même que ce soit une bonne idée.
– Pas la peine... réplique-elle.
– J'te ramène.
– J'peux rentrer toute seule, j'ai besoin de personne, s'énerve-t-elle.
Cette fois, c'est moi qui soupire, tandis qu'elle descend quelques marches. Soudain, en colère, elle se rue vers moi, et m'arrache son casque des mains, avant de filer vers les vestiaires. Bordel, quel caractère de merde !
Je rejoins ma bécane sur le parking et m'appuie contre elle, pour l'attendre. Je suis même pas sûr que ça serve à quelque chose, elle va certainement m'envoyer chier...
Après quelques minutes, elle passe la porte de sortie, puis je m'avance dans sa direction. Le regard qu'elle plante dans le mien n'annonce rien de bon. Je savais bien que j'aurais dû me barrer ! Elle rompt le silence et me demande tout à coup pourquoi je suis venu. Comme un con, je cherche mes mots et ne sais pas quoi répondre.
– Tu comptes pas répondre à ça non plus ? insiste-t-elle.
Tout ce que j'arrive à faire, c'est jouer avec mon putain de porte-clé, sans même arriver à lever les yeux sur elle.
– À quoi ça t'avancerait de le savoir ?
Bordel, je viens vraiment de balancer ça ? Les mots sont sortis tout seuls et elle recommence à vouloir se barrer... Je veux la tenir à distance, mais à la fois, quand je vois qu'elle est sur le point de s'éloigner comme là... Ça me rend dingue.
– Tu veux vraiment le savoir ?
Je viens pas de dire que je voulais qu'elle reste loin de moi ? Elle reste silencieuse, et je me retrouve comme un con à devoir trouver une réponse...
– J'avais envie de te voir.
Je lâche ça comme une bombe et me retrouve à mon tour à attendre une réaction de sa part.
– Pourtant dès que je te parle tu te fermes complètement, se renfrogne-t-elle.
– Tu poses toujours les mauvaises questions.
– Parce que je m'intéresse à toi.
– Bah, tu t'intéresses aux mauvais côtés d'moi.
Elle s'approche et plante son regard dans le mien. Elle m'observe avec insistance, comme pour lire dans mes pensés et je n'arrive pas à détacher mes yeux des siens. Puis, elle fronce les sourcils, et je sens une autre question arriver. J'ai l'impression de subir un putain d'interrogatoire...
– Comment t'as su où j'étais ?
– Celle-ci je peux y répondre, annoncé-je, un sourire aux coins des lèvres.
Elle scrute mon regard, puis sourit. Je fouille dans la poche de ma veste, puis en sort le morceau de papier formant encore une boule. Je la laisse tomber au creux de sa main, tandis qu'elle l'observe, curieuse. Elle le déplie, puis lève un sourcil, surprise.
– Ça traînait sur ta table quand j'me suis assis à côté de toi pendant l'heure de colle, expliqué-je en haussant les épaules.
– Et donc tu l'as pris et tu l'as lu... Normal quoi.
– Je t'ai dit, j'ai mes sources, peu importe comment.
– Et comment t'as su sur quel circuit j'allais ?
Je ne réponds rien et en remarquant mon sourire, elle en déduit que ça fait partie d'une autre de mes sources. Je grimpe sur la bécane, puis elle saisit le casque que je lui tends, avant de l'enfiler. Elle m'encercle cette fois de ses bras, sans hésitation, et je souris comme un débile.
– Accroche-toi bien ! lancé-je.
– Ouais, t'inquiètes ! Toi, fait gaffe ralentit dans les virages ! s'amuse-t-elle.
Je souris sous mon casque et secoue la tête, amusé, puis je baisse ma visière, fait ronronner le moteur et accélère. Elle resserre ses bras autour de ma taille... Bordel, ça va vraiment me faire cet effet à chaque fois ? Nous nous éloignons du circuit et tente de forcer mon palpitant à réguler son rythme... Manquerait plus que ça, qu'elle se rende compte qu'il cogne comme un malade. Elle pose sa tête contre mon dos... Ouais, ok, je laisse tomber...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro