Yann #38
Voilà presque une heure et demie que je tourne comme un lion en cage dans l'appart' de Kév. Mon ami m'observe du coin de l'œil, alors que j'ai les yeux rivés sur l'écran du téléphone qu'il m'a filé après que j'ai pulvérisé le mien en plein milieu de la route. Il possède quelques business dans les Blocks et le tiroir de sa table de nuit est rempli de portable. Ce soir, je ne le remercierai jamais assez d'avoir ce genre de plan.
J'ai envoyé plusieurs messages à Nine pour savoir si tout allait bien, m'excuser, lui demander où elle se trouve et ajouté qu'il fallait qu'on parle. Je l'ai même suppliée de me répondre. Mais rien. Lorsque Kévin et Emi se sont ventés d'avoir eu une réponse, l'air soulagé, moi, je me suis retrouvé à serrer les dents en constatant qu'elle ne faisait qu'ignorer mes SMS. Dans la foulée, j'ai appris qu'elle avait fini à une soirée avec Nico et Aurore et qu'elle s'éclatait.
Mec, t'as joué au con ! Tu t'attendais à quoi sérieux ?
J'ai ensuite pété une durite. Je n'aurais jamais dû lui envoyer ce dernier texto. Pourtant, ça a été plus fort que moi. Je ne fais que le relire depuis une dizaine de minutes, en faisant les cent pas, nerveux. « Putain, t'es où ! ». Voilà le dernier éclair de génie qui m'est passé par la tête. J'aurais mieux fait de ne pas demander à mon pote de me dépanner avec un portable. Pour envoyé de la merde, j'aurais pu m'en passer.
Finalement, après avoir lourdement insisté auprès d'Aurore, on a réussi à savoir où elle se trouve et c'est déterminé que je dévale les escaliers de l'immeuble pour rejoindre la voiture de mon pote, garée sur le parking.
Le trajet me semble durer une éternité et entre ma jambe que je hoche nerveusement et mon regard qui oscille entre la route et l'écran du téléphone, il est clair qu'il n'y a pas besoin d'être voyant pour deviner que je suis sur les nerfs.
– T'as une idée de c'que tu vas faire, où au moins lui dire ? me demande soudain mon ami, sans lâcher la route des yeux.
– Aucune, soufflé-je, ce constat m'angoissant encore plus.
– J'trouve que c'est un bon début. Nan, c'est vrai, sans déconner ! C'est un bon plan ! T'y va, t'es déter'... mais t'as pas de plan ! se marre-t-il, alors que je lui lance un regard en biais.
Franchement, même s'il n'a pas tort, qu'est-ce que je pourrais dire où faire pour rattraper ce qui c'est passé chez Damiano ?
Lui balancer qu'elle me rend dingue ? Que je veux la laisser entrer dans ma vie d'une façon dont je meurs d'envie, même si je me refuse à le faire ? Que mes lèvres ne demande qu'à retrouver les siennes pour lui montrer à quel point, pour moi, c'est un supplice de la tenir éloigner ?
Ouais je pourrais, mais ma raison, cette connasse, ne veut rien entendre !
– Moi je serais toi, je lui ferrais une bête de déclaration ! ajoute-t-il, voyant que je ne réponds pas. Tu sais du genre... à la Roméo et Juliette ! Les Blocks, c'est un peu comme Vérone, nan ? Les gangs se font la guerre, tout ça !
Fière de sa connerie il pouffe de rire comme un abruti, alors que moi je m'imagine grimper à la fenêtre de Nine pour lui déclarer ma flamme, pour me casser la gueule la seconde qui suit parce qu'elle m'aurait poussée.
Je secoue la tête, amusé. Ce con aura au moins eu le mérite de me faire esquisser un semblant de sourire.
– T'es vraiment couillon, soupiré-je, tandis qu'il se fend encore la gueule. Tu sais très bien que je peux pas.
Il écarquille les yeux, lève un sourcil, étonné et je sens la connerie arriver.
– Quoi ? Elle a pas de balcon ? s'indigne-t-il faussement, avant de repartir dans un fou rire.
Nan, mais qui m'a collé un pote pareil, sérieux !
Je l'observe du coin de l'œil se bidonner en me disant qu'heureusement Emi n'est pas à l'arrière de la voiture pour l'encourager dans ses délires. Soudain je me fige. Emilie...
– Mec, tu sais où était Emi quand on est sorti ? lui demandé-je, alors qu'il arrête immédiatement de rire et m'observe comme s'il venait de buguer.
– A... la salle de bain, grimace t-il.
Magnifique ! On l'a carrément zappée.
– Bah j'espère que toi en tout cas t'as un plan, ricané-je, alors qu'il se décompose.
– Elle va me tuer. Me refaire le portrait à la Street Fighter ! J'suis mort, affirme-t-il. C'est ta faute aussi ! T'as tracé comme un malade !
À mon tour, je me marre en les imaginant en train de s'engueuler. C'est deux là ferraient bien de se mettre ensemble, ils se sont bien trouvés. Je fronce les sourcils. On dirait bien que mon pote déteint sur moi, voilà que je m'amuse à vouloir les voir en couple.
Nous finissons par nous garer sur le parking de la boîte où Nine se trouve et je sors de la voiture pour observer la façade. Je n'en mène vraiment pas large. Kév m'emboite le pas pour marcher derrière moi, puis me saisit les épaules pour me les masser, comme pour m'encourager.
– Courage, ça va le faire. Direct du droit, crochet, uppercut ! Tu vas gérer, affirme-t-il, alors que je secoue la tête, exaspéré.
Heureusement que je connais Kévin et que je sais que jusque-là, tout ce qu'il a dit durant le trajet n'était que pour essayer de détendre l'atmosphère et me changer les idées. Sinon j'aurais pu croire qu'il se foutait de ma gueule.
Le fait est que ce mec a horreur des situations tendues. Cherchez l'erreur. Il vit dans les Blocks et ça fait partit de son quotidien. Lorsqu'il voit que c'est la merde, soit il fait le con, soit il essaye de calmer le jeu. Chacun son truc. Mais comme on dit, mieux vaut se méfier de l'eau qui dort. Je l'ai vu s'énerver une ou deux fois et il cache bien son jeu.
Au moment où je passe la porte, comme à chaque fois, mon regard tombe directement sur elle. L'instant qui suit, je me crispe. Le mec de la dernière fois est assis à côté d'elle. Il fallait forcément qu'il taffe ce soir dans la boite où elle a choisie de finir la soirée. Et putain, il la bouffe des yeux.
Mon pote, qui est planté à côté de moi, sent bien qu'il ne m'en faudrait pas beaucoup plus pour péter un câble. Il faut dire que c'est dernier temps tout ce cumul. Que cette soirée est un vrai fiasco et que j'en suis en grande partie responsable.
Je vois le DJ lui glisser un mot après qu'il nous ai remarqué et elle se met à rire. Je la connais par cœur et en la voyant faire, il est clair qu'elle est loin de s'amuser de la situation. Elle est nerveuse. Je me demande à quel moment elle va me foncer dedans et de quelle façon elle va le faire. Tout ce que je sais, c'est que ça risque de faire mal.
Après avoir pris une grande inspiration pour essayer de rassembler le peu de calme qu'il me reste, j'avance vers leur table suivit de Kév, puis me plante face à eux. Les mains dans les poches pour éviter qu'un coup ne parte plus vite que prévu, je plante mon regard dans celui du type qui se tient beaucoup trop proche d'elle à mon gout et ce con ne sourcille pas, soutenant le mien, l'air amusé.
– Cette soirée est... Merdique, lâche mon ami, en se laissant tomber sur la banquette.
– Non, sans blague, réplique Nine, froidement.
Ça annonce la couleur. Me concernant, je me contente de rester silencieux de peur de balancer une connerie. Apparemment, ce n'était pas la bonne tactique à adopter. Elle avale son verre cul sec, se lève et saisit le poignet du DJ pour l'entraîner vers la piste, ce dernier ne se faisant pas prier.
– Je t'avais prévenu mec, ça devait finir par arriver !
J'entends Kév me balancer ça d'une oreille, bien trop occupé à suivre Nine du regard. Il a raison. Ils m'ont tous prévenu. Et je lui ai quasiment dit que ça ne me posait pas de problème qu'elle ai un mec, s'il était sérieux. Merde, mais qu'est-ce qui m'a pris de sortir cette connerie monumentale ! Puis franchement, il a pas la tête d'un mec sérieux. Mon cul oui ! Regarde le, mec, il a une gueule d'ange ! Toutes les meufs se retournent sur son passage !
Ta gueule, conscience à la con !
Les yeux braqués sur eux je les vois danser face à face et elle semble vraiment s'amuser. J'aimerais que ce soit avec moi qu'elle passe ce moment ! C'est comme ça que ça devrait être ! T'as ce que tu voulais mec, alors quoi ?
Ça me convient pas !
C'est ensuite le regard noir et la mâchoire crispée à m'en faire mal que je le vois se rapprocher d'elle pour danser beaucoup plus proche. Sans hésiter elle passe ses bras autour de son cou et ondule contre lui alors qu'il suit son rythme. Putain, qu'est-ce qu'elle est sexy ! Elle me rend dingue ! Dans tous les sens du terme. Parce que je suis bel et bien en train de perdre mon sang froid.
– Tu veux boire un truc ? me propose Kév, afin d'essayer de détourner mon attention d'eux au moment où je vois se type poser ses mains sur ses hanches.
– Pas soif, grogné-je, en voyant qu'il approche son visage du sien.
S'il ose l'embrasser, j'le bute.
– Tu sais que le meurtre est passible d'une longue peine d'emprisonnement, pas vrai ? lance Kévin, comme s'il venait de lire dans mes pensées.
– Ouep.
– Si tu fais quoi que ce soit, elle t'en voudra, elle a l'air de l'apprécier. Fin, j'dis pas ça pour te faire chier, hein ! C'est juste un conseil parmi tant d'autre que tu ne suivras...
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que je fonce déjà vers eux. Le dos collé contre son torse, Nine danse sensuellement contre lui et cet enfoiré en profite pour glisser son visage dans son cou. Mon sang ne fait qu'un tour et j'attrape son épaule pour l'écarter d'elle sans ménagement.
Il se tourne vers moi et un rictus amusé étire le coin de ses lèvres. Je suis à deux doigts de lui en coller une pour le lui faire avaler, lorsqu'il lève les mains comme pour s'excuser.
– On faisait rien de...
Mais bien sûr !
Le premier coup part sans que je lui laisse le temps de terminer. Ouais, apparemment, là aussi il y a changement. Je viens de cogner en premier. Quand ça la concerne, on dirait bien que je pourrais remettre tous mes principes en question.
Alors que je m'attends à ce qu'il s'étale par terre au vu de la force que j'ai mit dans le coup que je viens de lui porter, c'est un boulet de canon qui me percute de plein fouet la seconde qui suit. Il est rapide, a de la technique et arrive à me cogner.
Je réplique à chaque fois et fini par le saisir par la taille pour le soulever et plaquer son dos violemment au sol, tandis qu'on atterrit aux pieds de Nine sans même s'en rendre compte. En croisant son regard, j'ai l'impression de voir le mien. Il esquisse un sourire et je comprends que comme moi la situation l'amuse. Il prend son pied et la baston, c'est sa came. Tout comme c'est la mienne. Plus rien existe autour de nous. On s'adonne tous les deux à ce qu'apparemment on sait faire de mieux et bordel, ça faisait un moment que j'avais pas eu d'adversaire comme lui. S'il n'était pas en train de courir après la fille pour qui mon cœur bat comme un dingue, je pourrais l'apprécier et il deviendrait surement un bon pote.
Notre échange prend fin lorsque des bras puissants nous saisissent l'un et l'autre afin de nous séparer. Je me débats avec rage quelques secondes jusqu'à ce que je comprenne qu'il s'agit des videurs. Si je me calme pas, ils vont appeler les flics et j'ai pas envie de me retrouver une fois de plus en garde à vue. Le DJ, lui, semble n'en avoir rien à foutre et tente de se défaire de la prise du colosse qui le tient jusqu'à ce qu'ils finissent par nous jeter dehors.
Me connaissant, Kévin et Nico m'entraîne au loin. L'excitation de la baston est loin d'être redescendu. Comme une drogue, il me faut toujours un moment pour redescendre. Sauf que là, j'ai juste la rage.
La respiration saccadée et le palpitant tambourinant comme un sourd, mon regard croise celui du type qui vient de m'offrir une des bastons les plus grisantes que j'ai connue jusque-là. Son sourire en coin, provocateur, ne laisse aucun doute, pour lui non plus c'est loin d'être finit. On est loin du compte qu'il nous faut pour nous sentir rassasiés.
Lorsque je le vois faire un pas, mon corps réagit en une fraction de seconde et je me dégage sans peine de Kévin et Nico, pour foncer vers lui alors qu'il m'imite.
Les coups pleuvent et il atteint stratégiquement mon arcade qui était déjà abîmée un peu plus tôt par le combat au gymnase. Je sens le liquide chaud couler à nouveau, mais ne m'en formalise pas. Mes deux amis essayent de nous séparer, mais rien y fait je les repousse, guider par la rage, tandis que lui semble aussi mené par quelque chose de bien plus fort que lui.
Les cris de Nine me parviennent. Elle nous demande d'arrêter. Je l'entends, mais mon corps refuse l'information. Nous n'en avons pas fini.
Alors que je suis au-dessus de lui en train de le cogner, il me repousse violemment avec ses pieds, mais je ne perds pas une seconde et me jette à nouveau sur lui, tandis que je sens quelqu'un m'attraper le bras. Persuadé qu'il s'agit encore une fois de Kévin ou Nico je me dégage en poussant sans ménagement la personne qui me tient.
Ce n'est que lorsque le râle de douleur étouffé que Nine lâche me parvient que je me fige. Hésitant, angoissé à l'idée découvrir ce que je viens de faire, je tourne lentement la tête et mon cœur fait un bon douloureux dans ma cage thoracique en la voyant au sol en train de grimacer.
La haine fait place à un autre sentiment en un instant et je me précipite vers elle, tandis qu'Aurore est déjà à sa hauteur. Une fois à ses côtés, mes yeux se posent sur ses avant-bras qui ont amortis sa chute et qui se sont mis à saigner. Je grimace et n'ose même pas soutenir son regard. Je n'en menais déjà pas large, mais là, c'est encore pire. À l'idée que je lui ai fait du mal mon cœur s'écrase à mes pieds. C'est pas ce que je voulais. Je n'ai jamais voulu la blesser de quelques façons que ce soit.
Les gestes peu assurés, je tends les mains vers elle pour l'aider à se relever, mais elle les dégage sèchement en me lançant un regard qui me transperce de part en part et semble immédiatement avoir raison de moi.
– C'est bon ! tonne-t-elle, en attrapant les mains que Nico lui tend pour l'aider à se remettre sur ses pieds.
Quelque chose a changé. J'ai finalement réussi a brisé ce qu'il y avait entre nous. Ses iris et sa façon de me regarder ne trompe pas. J'ai assez étudié ses émeraudes qui me fascinent pour en être persuadé.
Le cœur serré, je me redresse et laisse la douleur m'envahir. Je ne peux pas faire autrement.
Elle examine ses bras et je ne peux m'empêcher de grimacer encore avant de détourner les yeux, rongé par la culpabilité.
– Ça va ? lui demande Kév, soucieux, en inspectant ses écorchures avant de me lancer un regard accusateur.
– Ouais, souffle-t-elle.
– T'es sûr ? demandé-je, sans pouvoir m'en ampêcher.
– Je vais bien ! grogne-t-elle.
Sans plus de cérémonie, elle se place ensuite entre moi et mon adversaire que j'avais totalement zappé, puis nous lance un regard furieux.
– C'est bon, vous avez fini ?
Comme deux gosses en train de se faire sermonner, nous ne bronchons pas et nous contentons de hocher la tête tout en évitant subtilement ses iris qui ne nous lâchent pas. Pathétique. Il y a quelques secondes, nous ressemblions à deux bêtes sauvages et un petit bout de femme réussit à nous mettre d'accord.
– Je vais chercher la voiture, ça va aller ? l'interroge Kév, qui vient de sortir les clés de sa caisse.
– Je pense pas qu'ils soient bêtes au point de me mettre au milieu de leurs coups, assure-t-elle, en me lançant un regard en coin plein de reproches.
Elle confirme ensuite à Nico et Aurore qu'ils peuvent partir pour éviter qu'ils ne loupent leur dernier bus et ces derniers s'éloignent non sans hésiter pour disparaitre au coin de la rue. De mon côté, mon regard passe entre le DJ et elle, ne pouvant m'empêcher de me demander ce qu'il s'est passé d'autre entre eux durant le laps de temps où je n'étais pas là. L'idée qu'elle ce soit vraiment rapprochée de lui me tue. Est-ce qu'il est vraiment trop tard ?
Kév fini par se garer devant nous, puis sort et fait le tour de la voiture. Il nous observe sans trop savoir quoi faire ni proposer. Pour finir, il me pousse sans un mot vers la Golf noire, afin de me faire comprendre d'y monter et je m'exécute en lâchant un juron, tandis qu'il claque la portière pour m'intimer de la fermer. On va vraiment la laisser là ? Avec lui ?
Kévin voyant qu'elle ne semble pas vouloir venir, s'approche d'elle. La vitre de la voiture étant baissée, je ne peux m'empêcher d'écouter ce qu'ils se disent et lorsque je comprends qu'elle ne veut pas laisser ce mec tout seul et rester avec pour le soigner, mon cœur se serre. Je glisse un regard sur lui, qui est adossé au mur en serrant les dents cherchant désespérément une solution. Il est hors de question qu'elle finisse seul avec lui.
– On va tous chez moi, laché-je entre mes dents, pas sûr moi-même que ce soit l'idée du siècle.
– T'es pas vraiment en position d'exiger quoi que ce soit, s'agace-t-elle.
Je sais, mais hors de question que j'te laisse avec lui ! On le connait pas ! Conscient qu'elle a raison, mais ne me voyant pas lui balancer ça, je lève simplement les yeux sur elle, l'implorant presque du regard pour qu'elle aille dans mon sens. Elle plante ses prunelles dans les miennes avec cette nouvelle façon qu'elle a de me regarder et qui fait régir mon palpitant différemment, puis finit par soupirer et accepter.
Je la vois s'approcher du type pour qui elle semble avoir un intérêt particulier, avec au fond de moi l'espoir qu'il refuse de venir et lui dise qu'elle peut rentrer. Mais on dirait qu'il s'accroche et n'en a rien à foutre de l'endroit où on peut bien l'emmener. Il se laisse embarquer sans discuter au moment où elle lui saisit le bras pour le conduire jusqu'à la voiture.
La mâchoire crispée, je les observe du coin de l'œil s'installer à l'arrière, espérant que je n'aurai le droit à aucune démonstration de leur relation naissante si tant est qu'il y en ai une.
Finalement ils restent chacun dans leur coin et c'est très bien comme ça, surtout que le trajet me semble durer une éternité. Le silence qui règne dans l'habitacle me fait froid dans le dos. Jamais elle ne reste sans dire un mot et encore moins quand elle est en rogne. Lorsque mon pote se gare dans l'allée devant chez moi, c'est comme libéré que je sors de l'habitacle.
Quelle putain d'idée j'ai eu de lui proposer de le ramener ici pour qu'elle puisse le chouchouter !
Tandis que j'ouvre la porte, ils me rejoignent, puis nous regagnons le salon avant que je ne disparaisse à l'étage afin de récupérer de quoi tous nous soigner. J'attrape ce qui me sert de désinfectant, esquisse un rictus amusé en imaginant ce petit con râler au moment où elle posera la compresse sur sa plaie et satisfait, je reviens vers eux.
Je m'approche de Nine dans l'intention de nettoyer ses avant-bras, puis jette un coup d'œil au passage à celui qui est appuyé contre le billard et me fout les nerfs, avant de remarquer Kév. Ce dernier a déjà mis la main sur un paquet de chips et se les enchaîne, surveillant le moindre de mes gestes. Ça va, je vais pas le tuer !
– Même pas en rêve ! s'emporte-t-elle, me sortant de mes pensées, alors que je me rends compte que j'étais parti pour soigner ses écorchures avec le même produit que moi.
L'air désolé, je tourne les talons, file dans la salle de bain du rez-de-chaussée pour aller chercher le désinfectant qu'elle avait acheté en le qualifiant de miraculeux puisqu'il ne pique pas. À ce souvenir, un sourire prend place aux coins de mes lèvres, puis je retourne la voir.
J'attrape doucement son poignet pour pouvoir la soigner, les dents serrées rien que de savoir que c'est de ma faute, mais elle dégage brusquement ma main.
– C'est bon, je vais le faire, bougonne-t-elle, ne cachant pas sa colère.
Penaud, je m'écarte. Mon cœur se fissure un peu plus et je baisse les yeux n'osant pas affronter ce que je pourrais percevoir dans les siens.
Une fois soignée, elle nous observe ne sachant apparemment pas par qui elle va commencer et je prie intérieurement pour qu'elle me choisisse moi. Ce serait peut-être le signe qu'elle me fait encore au moins un peu passer avant lui. Mais, c'est l'estomac retourné et la gorge nouée, que je la vois se diriger vers lui. Sa main gauche saisit son menton pour maintenir légèrement sa tête et elle commence à désinfecter sa lèvre. Lui, dévore les siennes du regard pendant qu'elle est concentrée sur ce qu'elle fait et ne s'en aperçoit pas.
Il finit par la remercier et elle lui sourit avec une douceur qui me ferrais perdre pied tellement ça fait mal. Je ne manque pas de remarquer celui qu'il lui adresse en retour, tandis que je remarque Kév qui me ferrait presque les gros yeux pour me conseiller de rester calme si je ne souhaite pas aggraver mon cas. Pourquoi j'ai l'impression qu'il a toujours raison sur toute la ligne ?
Résigné, je me décide à l'écouter pour une fois et c'est avec une tout autre expression que Nine se tourne vers moi.
– Je suppose que tu veux pas de ce truc ? soupire-t-elle, en agitant le flacon de désinfectant, tandis que je me contente de lui tendre celui d'alcool à quatre-vingt-dix en guise de réponse.
Avec douceur, elle nettoie mon arcade et mes yeux ne peuvent s'empêcher de se perdre sur les traits de son visage. Sur sa bouche, dont elle mordille la lèvre de peur de me faire mal, puis ses iris absorbés par ce qu'elle fait. Quand je comprends qu'elle a attrapé un strip pour me le poser sur ma blessure, je me mets à râler. J'ai pas besoin de ce truc ! Elle plante à ce moment ses pupilles dans les miennes et une fois encore je ne préfère pas la ramener.
Tout le nécessaire de soin étant rangé, elle m'observe et je me demande à quoi m'attendre, mon cœur, prêt à encaisser le prochain électrochoc qui l'atteindra.
– On va y aller, m'informe t-elle.
OK, oui, de toute façon je la vois mal rester ici. Attendez... Qui on ? Où ça ? Il est clair que ça ne m'inclut pas.
– J'vais vous ramener, soufflé-je, alors qu'elle me fusille du regard.
– Non, je pense que t'en as assez fait pour ce soir. David doit prendre la même ligne de bus que moi, il descendra aux Blocks et moi je rentrerai chez moi.
La voilà, la décharge qui manquait à mon palpitant pour qu'une fois de plus il m'envoie me faire foutre avec ma raison.
Je la regarde s'éloigner, incapable de sortir quoi que ce soit, n'ayant pas d'autre choix que de rester spectateur et faire profil bas. Elle salue Kévin, qui me surveille toujours et finit part sortir, ce mec que j'ai envie d'encastrer dans le mur lui emboîtant le pas, sans même me dire au revoir.
Comme pour me soutenir, je m'adosse contre le mur du salon au moment où elle s'apprête à fermer la porte d'entrée.
– Putain de merde, lâché-je, en laissant aller ma tête en arrière comme pour encaisser.
Il ne s'agit pas d'un coup, pourtant, c'est tout comme. Ça fait un mal de chien.
Kév m'observe de loin et sentant son regard sur moi je redresse la tête.
– Si t'attend de moi que j'te soutienne, mec, tu vas devoir faire sans. T'as merdé en beauté souffle-t-il.
– Merci, c'est pas comme si j'le savais pas !
Il soupire et me rejoint, s'asseyant sur le canapé face à moi.
– T'as cherché à prouver quoi en faisant ça ?
– J'aime pas ce mec, grogné-je.
– J'crois qu'on a vue, oui ! ricane-t-il. Résultat, va falloir que tu rames comme un malade maintenant. Parce que tu veux que je te dise ? À la façon dont il la regarde, il lâchera pas l'affaire, lui.
Encore une fois, il a raison. Je m'en suis rendu compte, moi aussi. Ce type est complètement mordu. Pourtant, ils ne se sont vue que quoi ? Deux fois ?
Mec, t'es accro depuis le premier regard, qu'est-ce que tu la ramènes !
Si ma raison s'y met aussi, je suis foutu.
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