Yann #34
Lorsque mon portable a vibré dans ma main, elle s'est crispée dessus. Echo venait de nous donner rendez-vous et je ne pouvais pas croire que j'étais en train de laisser ça se produire.
Depuis, je suis à fleur de peau, la moindre chose, le moindre mot prend des proportions démesurées. J'ai bien cru que Nine allait me faire la gueule pendant un bon moment lorsqu'elle a appris que je lui avais menti. Mais finalement, comme on le fait souvent, on est revenu l'un vers l'autre sans pouvoir vraiment lutter.
Et nous y voilà... J'ai la boule au ventre, elle est à côté de moi et je pousse la porte du gymnase, ce lieu où les ennuis ont vraiment commencé. Sa main dans la mienne, j'approche de ce type, qui va sans aucun doute me faire vivre un cauchemar éveillé. Il reste silencieux alors que nous nous plantons devant son bureau et je sens que Nine se tend peu à peu de ne pas le voir réagir à notre présence.
Elle ne manque pas de caractère, n'est pas vraiment patiente et j'espère qu'elle a pris en compte ce que je lui ai demandé. Ne pas dire de connerie, garder son calme, mettre de côté son caractère explosif. Je me ferais presque marrer moi-même. Je suis le premier à ne pas savoir m'en tenir à ce genre de règles.
Soudain, Echo se redresse, un bruit sourd résonne dans le bâtiment lorsqu'il plaque ses mains sur le bureau et Nine sursaute légèrement. Je serre sa main un peu plus fort, pour qu'elle sache que je suis là, que ça va aller et que quoi qu'il dise ou quoiqu'il se passe, elle est en sécurité. Il lève les yeux sur elle, la détaille sans aucune retenue et je sens déjà la colère monter. On dirait bien que de mon côté, je vais très probablement laisser mon côté explosif prendre le dessus.
Il contourne son bureau, puis se plante face à nous et son regard accroche celui de Nine, alors qu'elle, ne sourcille pas une seconde. Je le connais, ça l'amuse, ce type prend clairement son pied et je sais que ce n'est que le début.
– Merci d'être venue, balance-t-il, sans la lâcher des yeux.
Du coin de l'œil, je peux la voir esquisser un sourire en coin. Les hostilités sont lancées. Elle non plus ne respectera pas les règles, en la voyant comme ça j'en suis certain.
– J'ai pas vraiment eu le choix, réplique-t-elle, sans plus s'inquiéter de la personne qui se tient face à elle.
Je me tends légèrement et resserre instinctivement mes doigts sur les siens. Qu'est-ce que je disais... Je m'attendais vraiment à ce qu'elle et moi restions calme ? Avec nos deux tempéraments ça ne pouvait pas marcher.
Echo, lui, se marre sans se cacher, pendant que son regard glisse sur nos mains liées.
– Alors c'est vrai, vous êtes ensemble, constate-t-il.
– Ouais, mais j'pense pas que ce soit le sujet, grogné-je, pourquoi tu voulais la voir ?
Nous voilà dans le vif du sujet. Je retardais le plus possible le moment où ça arriverait, mais c'est finalement moi qui pose la question.
– Sois pas si pressé, on a le temps. D'ailleurs, c'est bien que tu sois là toi aussi, on n'a pas vraiment mis au point notre arrangement, lâche-t-il calmement.
– J'ai pas eu de nouvelles de toi pendant presque deux semaines, qu'est-ce que tu prépares ? le questionné-je, méfiant.
Et c'est vrai, depuis que lui et moi avons convenu d'un accord après qu'elle se soit pointée dans ce même gymnase, il ne m'avait pas recontacté. Le seul et unique message que j'ai reçu ensuite était pour me dire qu'il voulait la voir et que ce n'était pas discutable. C'était sans compter ce que moi je voulais... Alors, je ne lui ai pas répondu. Peut-être dans l'espoir qu'il oublie et passe à autre chose, mais aussi et surtout pour envisager toutes les possibilités et lui éviter qu'elle le rencontre.
– J'ai voulu te laisser le temps de digérer tout ça, t'aurais été bon à rien sinon ! Tu sais bien que j'aime quand les combats que j'organise durent plus de trois minutes... et quand t'es sur les nerfs tu les expédies en beaucoup moins de temps ! C'est pas bon pour le business, ricane-t-il en glissant son regard vers le sac où sont rangés les billets. Et puis, j'ai pris mon pied à vous voir vous poser des questions.
Alors qu'il était appuyé nonchalamment sur la tranche de son bureau, il se redresse puis commence à faire les cent pas, pas très loin de nous. Il arbore l'expression impassible du chef de gang qu'il est. De l'homme d'affaires, avec qui négocier n'est pas vraiment possible.
– Comment tu as découvert pour les combats ? l'interroge-t-il, en l'observant froidement.
– Je suis tombée sur un message par hasard, explique-t-elle calmement.
Le fait qu'elle paraisse si sereine me ferai presque flipper. Elle n'est pas impressionnée par grand-chose, c'est une réalité, je devrais avoir l'habitude et ne pas être étonné... Pourtant, c'est le cas et je pense que je ne m'y ferais jamais vraiment.
– Et qui t'as aidé à le comprendre ?
– Ça n'a pas vraiment été compliqué, j'ai eu besoin de personne, répond-elle du tac-au-tac.
C'est vrai que je ne lui ai jamais posé la question. Comment est-ce qu'elle a réussi à déchiffrer le SMS ? En même temps, je suis pas sûr de vouloir savoir. Nico peut-être ? Ce mec est loin d'être bête et je sais que les énigmes, c'est sa came.
Echo soupire lourdement, puis se gratte l'arrière de la nuque, agacé.
– J'avais bien dit à cet imbécile que ses messages, c'était de la merde ! Est-ce qu'il m'a écouté ? Non, bien sûr que non ! râle-t-il.
L'un de ses gars est chargé d'envoyer les textos au participant et aux invités. J'ai toujours trouvé ces messages complètement débiles. Ça m'étonne d'ailleurs que jamais personne avant elle n'ai découvert ce qu'il trafique dans cet endroit.
– Ce que t'as vu t'a plus au moins ?
– Pas vraiment, souffle-t-elle.
Je ne sais pas pourquoi, mais l'entendre répondre ça, me soulage et à la fois m'angoisse. Soulagé, parce qu'il y a peu de chance du coup pour qu'elle y remette les pieds. Qui viendrait voir ce genre d'évènement si ça ne lui plait pas ? Et angoissé... Parce que j'y participe. Parce que je suis l'une des pièces maîtresses de cet évènement. Celui que tout le monde veut réussir à battre, mais qui ne laissera pas sa place. Jamais. Pas tant que la dette d'Antho ne sera pas remboursée dans son intégralité.
– C'est dommage, vraiment dommage... Est-ce que Yann t'a parlé des propositions que je lui ai faites ?
– Il m'a expliqué, oui.
– Donc t'es au courant que j'ai proposé de passer une soirée avec toi et qu'il a refusé ?
Bordel, à quoi il joue ? On a réglé ça... Y'a plus rien à dire ! Je continue ces foutus combats et il est censé la laisser tranquille. Alors qu'est-ce qu'il veut, putain ! Ma main se crispe sur la sienne en comprenant que pour lui rien n'était vraiment arrangé.
– Il m'a tout dit, affirme-t-elle.
– Et t'es d'accord avec la décision qu'il a prise ? demande-t-il, s'appuyant dos au mur les bras croisés.
– Comment ça ?
Bien sûr que non elle est pas d'accord, connard ! Elle voulait même venir te trouver pour parler de ça directement avec toi ! Elle culpabilise et il ne faut pas être devin pour le comprendre. Il le sait même certainement. Et il va s'en amuser.
– C'est simple, il a pris cette décision à ta place, sans t'en parler avant et je trouve pas ça vraiment fairplay de sa part.
Je serre les dents et les muscles de ma mâchoire se crispent sans que je ne puisse me contrôler. Pas fairplay ? Il se fout de ma gueule !
– Va droit au but ! m'énervé-je.
– C'est simple, j'offre à ta copine le droit de décider par elle-même. Bien sûr, l'offre de départ a expirée, mais, si elle accepte cette soirée avec moi, je consens à réduire de moitié les combats que tu me dois.
Mes dents sont tellement serrées cette fois que je suis à la limite de m'en faire péter l'email et je pourrai jurer que tous mes muscles se tendent d'un coup. Il vient de proposer cette putain de connerie et je sais déjà que dans la tête de Nine ça tourne à plein régime.
– Je suis très sérieux, ajoute-t-il, au départ, j'allais rallonger de dix combats, ça me laissait le temps de trouver un autre favori pour continuer mon business, mais, je suis prêt à revoir mes exigences à la baisse et cinq me suffiraient.
Je lâche la main de Nine et me mets à faire nerveusement les cents pas. C'est plus fort que moi, si je reste sur place sans bouger, je vais imploser.
– Cette soirée... C'est qu'elle genre de soirée ? le questionne-t-elle, tandis que je me fige et glisse un regard sur elle.
– T'es sérieuse là ? grogné-je mon regard planté dans le sien, tandis que l'autre connard se délecte de ce qui se joue sous ses yeux.
M'ignorant, elle reporte son attention sur le chef de gang et je sens la rage envahir peu à peu toutes les parties de mon corps. Je ne suis plus qu'une putain de bombe à retardement, ni plus ni moins qu'une mine, prête à exploser au moindre poids en plus qui viendrait s'ajouter dans mon esprit.
– Et bien, une soirée, toi et moi, pourquoi pas aller danser, sourit-il.
Je prends sur moi pour ne pas lui faire ravaler son putain de sourire et toutes ses dents au passage, marchant toujours sans trop m'éloigner d'elle, mes doigts croisés sur ma nuque. Va au bout de tes pensées, fils de pute ! T'es loin de dire ce que t'attends vraiment d'elle !
– Bien sûr, je reste un homme et pour ce qui est de la fin de la soirée, y'a des besoins que j'espère que tu pourras satisfaire, balance-t-il, un rictus malsain au coin des lèvres.
Le voilà le putain de poids qui manquait pour que je finisse par exploser. Je sens immédiatement un grondement sourd monter du plus profond de mes entrailles et je perds le contrôle, sans même tenter de lutter un peu plus. Je passe à côté d'elle, sans même un regard et fonce sur cette tête de con pour le pousser sans ménagement, même si pour moi, c'est loin d'être assez violent. Dans mon esprit, je suis déjà en train de lui refaire le portrait, de l'étaler, de le ruer de coups.
Echo recule légèrement, mais j'avance déjà vers lui. Je sais ce que mon regard laisse entrevoir à ce moment-là. Il n'est plus que rage, colère, vengeance.
– C'est non ! hurle Nine, alors qu'elle attrape mon bras.
Je l'entends et la sens à peine, tellement l'ouragan qui prend place en moi devient incontrôlable. Mon regard transperce celui d'Echo qui, comme s'il s'attendait à cette réponse semble satisfait. Putain, mais qu'est-ce qu'il prépare !
Mon cœur cogne tellement fort contre mes cotes que j'ai l'impression qu'il va me lâcher si je ne me calme pas et la main de Nine que je sens se poser sur mon torse doit en ressentir les vibrations ça ne fait aucun doute, pourtant je ne lâche pas ce fils de pute des yeux.
– Je ne le ferai pas, je n'irai pas, me souffle t-elle alors que je baisse furtivement les yeux sur elle.
L'entendre dire ça, a un effet quasi immédiat sur moi, mes muscles se relâchent peu à peu et mon cœur réagit immédiatement, comme s'il était rassuré lui aussi puis, sa main qu'elle glisse à nouveau dans la mienne pour entrelacer nos doigts, m'apaise un peu plus encore.
– Je suis pas ce genre de fille, crache-t-elle à l'attention d'Echo.
– Si je dois faire dix combats, je les ferai, si j'dois en faire vingt, je les ferai, mais jamais tu l'approcheras ! craché-je entre mes dents, me contenant toujours, conscient qu'un rien pourrai me faire péter un câble.
Voyant que cette rencontre ne rime à rien, Nine me tire doucement pour me faire comprendre que ça ne sert à rien de rester et à vrai dire, la sortir de là au plus vite, c'est tout ce que je veux.
Mais, alors que nous sommes sur le point de nous tirer de ce cauchemar, voilà qu'Echo qui n'a pas bougé, l'ouvre à nouveau.
– C'est dommage que t'aies pas apprécié ce que t'as vu, parce qu'il va falloir que tu assistes à chacun des prochains combats de ton copain ! C'est pas négociable, et j'te conseille de te pointer à chacun d'entre eux si tu veux pas d'ennuis, la menace-t-il. Et puisque je suis dans un bon jour et que je suis sûr que ce spectacle me plaira, cinq combats suffiront... J'ai déjà un nouveau poulain dans ma ligne de mire.
Je me fige et mon corps reste tétanisé quelques secondes. Pas ça... Voilà ce que me répète en boucle mon cerveau depuis que j'ai assimilé ce qu'il vient de balancer.
Dans la foulée, je lâche totalement prise et abandonne Nine et tout ce qui fait qu'elle me sert de point d'ancrage pour foncer vers lui. Celui qui vient de déclencher en moi quelque chose de pire que ce que j'ai ressenti, à mille lieux de cet ouragan qui a voulu m'emporter un peu plus tôt.
Echo finit plaqué contre le mur tandis que je le maintiens fermement avec mon avant-bras sous sa gorge, mon poing droit levé et prêt à cogner, il n'attend que ça. Pourtant, je me retiens encore, parce qu'elle est là, parce que je sais que si je commence, je ne m'arrêterai plus. Il est là, face à moi, me défie du regard... Et je ne bronche pas.
– Qu'est-ce que tu cherches ? réussis-je à prononcer tant bien que mal entre mes dents.
– T'as beau foutre, j'te connais Yann... et je sais que le dernier truc que tu veux, c'est qu'elle te voit tel que tu es quand tu te bats. Ça te fait flipper, le fait qu'elle puisse voir la colère que tu contiens, qu'elle puisse se détourner de toi à cause de ça.
Je serre mon poing tellement fort qu'il me fait mal. C'est vrai, quand je suis ici, quand je me bats, je ne suis pas moi. Je suis une bête, un monstre qui laisse exprimer sa fureur et sa peine, parce que son meilleur ami a laissé ce monde pourri lui prendre la vie. À ce moment, j'ai tellement la haine que mes yeux s'emplissent de larmes sans que je ne m'en rende compte et mes muscles sont tellement tétanisés que je le sens, je tremble. Aucun son ne veut plus sortir, je reste muet.
– Vas -y cogne moi, fait le et en moins d'une minute t'as mes gars sur le dos, me prévient-il, par contre, oublie pas que ta copine est là et qu'ils n'en auront rien à foutre.
Ses paroles font écho dans mon esprit. Seul, je n'en aurais rien eu à foutre j'aurais cogné autant de types que j'aurais pu jusqu'à ne plus en pouvoir. Je l'ai déjà fait, il le sait, il m'a vu. C'est pas pour rien qu'il m'a proposé de combattre pour son compte. Mais, il sait aussi que cette fois je ne tenterai rien... Parce que ce qui m'importe, c'est sa sécurité à elle et que si je me laisse aller à ce carnage, elle pourrai devenir un dommage collatéral et ça, il en est hors de question.
Soudain, je sens une chaleur happer la froideur de mon âme, quelque chose qui m'appelle, qui me supplie et je baisse instinctivement les yeux sur elle, remarquant alors qu'elle s'agrippe à mon bras, désespérément. Mon regard plonge dans le sien et ce que j'y perçois fissure l'armure qui me domine. Une larme roule sur sa joue et je fais voler en éclat ce qu'il en reste avant que mes yeux ne fusillent ceux d'Echo à nouveau.
J'hésite à lui en coller une, ma mâchoire est crispée à son maximum, mais mon poing, comme un missile, vient s'abattre sur le mur juste à côté de celui qui vient de réduire à néant le peu d'espoir que j'avais qu'elle ne rencontre jamais celui qu'ici, tout le monde craint. Moi. Une vive douleur irradie ma main, mais je l'ignore, elle n'est rien à côté de celle qui broie mon cœur rien qu'à la pensée qu'elle va me voir tel que je suis. Je repousse une dernière fois Echo qui heur le mur, puis le relâche brusquement.
Nine lâche sa prise sur mon bras et en un regard sur elle, je vois que ça ne va pas, c'est comme si elle était en état de choc. Elle regarde devant elle et je comprends qu'il faut que je sorte de là. J'attrape doucement sa main, ne prêtant plus attention à cet enfoiré et l'entraîne dehors, tandis qu'elle me suit comme un automate.
Arrivé près de la Jeep, je me tourne, baisse les yeux sur elle et ce que je vois me cloue sur place. Ses joues sont inondées de larmes et la voir comme ça me tue.
Instinctivement, je l'attire contre moi et l'encercle de mes bras, je veux qu'elle se sente mieux, je ne peux pas supporter de la savoir aussi mal. Son oreille contre mon torse entend forcément mon cœur battre au rythme de la douleur que je ressens de la voir dans cet état. Ce type a déclenché en moi, un véritable cataclysme, mais je m'en fous, c'est le dernier de mes soucis. Pour le moment, il n'y a qu'elle qui m'importe.
– Je suis désolé, j'aurais voulu... prononce-t-elle la voix pleine de tristesse.
Je resserre mon étreinte. Elle n'a pas à s'en vouloir, elle n'y est pour rien, Echo savait exactement ce qu'il allait exiger. Tout était calculé.
– S'il te plaît, arrête de pleurer, soufflé-je cherchant à la rassurer.
Je serai même prêt à la supplier d'arrêter... La voir comme ça m'est insoutenable. Peu de choses arrivent à m'atteindre, mais quand il s'agit d'elle, c'est différent, tout est décuplé, un rien pourrait me blesser.
Je reste ainsi, à la garder contre moi, lui servant d'armure pour lui permettre d'encaisser et je ne bougerai pas, elle peut prendre le temps qu'elle veut, ça m'est complètement égal.
Il faut qu'elle aille bien pour que je puisse me sentir bien...
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