Yann #32
En me réveillant ce matin, j'ai découvert un message d'Echo sur mon portable. Alors que je n'avais plus de nouvelle de lui depuis maintenant trois semaines, voilà qu'il se décide à me contacter pour me balancer un truc qui me fout la rage. Il veut voir Nine et dans ma tête, c'est clair et net, c'est hors de question. Il ne me reste plus qu'à trouver le moyen de lui éviter de le rencontrer... Bordel, je savais bien qu'il préparait quelque chose.
Je quitte les cours pour rentrer et récupérer nos bagages comme c'était prévu et les pose dans le coffre de la Jeep, avant d'y atteler la remorque où j'ai chargé la cross que mes parents m'ont offert pour mon anniversaire. Je dois filer récupérer Nine qui quittait une heure après moi.
Ça fait deux jours qu'elle essaye de savoir où je compte l'emmener. Il a fallu que je prenne sur moi pour ne craquer sous son regard presque suppliant et jusque-là, je tiens bon. Tout ce que j'espère, c'est que ma surprise lui plaira. Elle a encaissé pas mal de choses ces dernières semaines à cause de moi et j'ai envie de lui faire voir qu'être à mes côtés ne se résume pas qu'à des embrouilles et des complications imprévues. Pourquoi je fais ça alors que je suis censé la garder un minimum à distance ? Bah, j'en sais rien... Enfin si, j'ai peur qu'elle finisse par se lasser, qu'elle finisse par s'éloigner. Ce qui est totalement en contradiction avec ce que j'avais prévu au départ...
Je me gare devant le bahut et l'aperçois sans même la chercher du regard. Elle rit avec les autres et à peine j'aperçois ce sourire, que je me dis que j'aimerais la voir avec cette expression joyeuse constamment. Ce qui n'est pas compliqué parce que c'est une fille qui l'est dans presque toute les circonstances. Sauf quand un con comme moi agit parfois... Comme un connard... Faut dire ce qui est.
Je les rejoins et me plante devant elle un sourire aux lèvres.
- Prête ? lui demandé-je.
- Toujours, répond-elle en me souriant.
Je confie ensuite les clés de chez moi à Kév en lui demandant de garder un œil sur la maison, puis attrape le sac de cours de Nine et nous regagnons la voiture après avoir salué nos amis.
Comme d'habitude, nous parlons de tout et n'importe quoi alors que je roule tranquillement et je la surprends parfois à observer le paysage en fronçant légèrement les sourcils. Je suis sûr que son cerveau tourne à plein régime en essayant encore de deviner où je l'emmène.
- J'avais encore jamais vu cette moto, lance-t-elle, me sortant de mes pensées.
- Ho ça ? Cadeau de mes parents pour mon anniversaire...
Je grimace presque imperceptiblement, mais je suis sûr qu'elle s'en est rendu compte. Le fait est que je ne veux pas qu'elle pense que je suis le genre de mec pourri gâté par ses parents. Puis, je me souviens de ce qu'elle m'a dit. Elle n'est pas du genre à juger et elle sait au fond qui je suis vraiment. Savoir ça, ça me rassure.
- Elle n'a pas de numéro ? me questionne-t-elle.
- Non, pas encore, je ne donne pas n'importe lequel à mes bécanes, je réfléchis toujours.
- Ha oui ?
- Ouais, t'as vu les sauts que je réalise avec ? Autant que le numéro me porte un minimum chance, répliqué-je en me marrant.
- C'est sûr.
Les numéros de mes bécanes ne sont pas le fruit du hasard. Celle que je pilote en temps normal, porte le numéro sept, qui était la date d'anniversaire d'Anthony qui était mon meilleur pote. Pour celle-ci, j'ai aussi envie de lui donner un numéro qui représente quelque chose, alors je prends le temps de réfléchir.
Elle appuie sur le bouton ON du poste et monte le volume lorsqu'elle entend la chanson qui passe à la radio. Puis voilà qu'elle se met à chanter et mon cœur fait carrément un méga-looping dans ma cage thoracique. J'esquisse un sourire qui à mon avis est complètement débile et glisse un regard sur elle, qui à moi me semble discret, mais qui apparemment ne l'est pas du tout puisqu'elle le remarque.
- Désolée, j'adore cette musique.
- Tu chantes plutôt pas mal, lancé-je.
Et c'est vrai... Je kiffe sa voix. Encore un truc à ajouter à la liste ! Kévin se foutrait de ma gueule, c'est certain.
- Je quoi ? Nan...
- Je te jure que si, insisté-je.
Elle me sourit. Voilà, c'est ce sourire-là. Celui qu'elle n'adresse qu'à moi. J'ai eu beau l'observer, elle ne le fait à personne d'autre et j'ai l'impression que lorsqu'elle me l'adresse, je suis quelqu'un de spécial à ses yeux... Et cette idée me plait.
- Toi aussi, affirme-t-elle.
Surpris, je lève un sourcil l'air interrogateur.
- La playlist Eminem sous la douche, précise-t-elle.
Alors elle m'a entendu...
- Ho, ça... un autre de mes passe-temps, soufflé-je.
Elle sourit, encore. C'est clair que ça n'a rien à voir avec mes autres activités officielles ou non, mais ouais, je chante et joue de la guitare à mes heures perdues.
Après pratiquement quatre heures de route, nous voilà arrivés et je me gare devant la maison de vacances de ma grand-mère. Une petite maison familiale en bordure de plage.
Je sors de la voiture et attrape mon sac dans le coffre, tandis qu'elle saisit le sien sans quitter le lieu du regard. Elle se recule de quelques pas, comme pour avoir une vue d'ensemble et me rejoint. J'attrape son bagage qu'elle tenait et nous nous dirigeons vers la porte d'entrée que j'ouvre.
Je pose nos affaires, puis me dépêche d'ouvrir tous les volets pour y voir plus clair et monte sur la petite mezzanine qui surplombe la pièce principale afin de remonter le store du velux. Accoudé à la rambarde, je l'observe en contrebas, esquissant un sourire.
- C'est magnifique, c'est à tes parents ?
- Non, à ma grand-mère, elle y passe une partie de ses étés, on a tout retapé avec mon père, sous sa directive évidemment, grimacé-je.
Non pas que donner un coup de main me pose problème au contraire, mais je me souviens encore du temps qu'elle a mis pour choisir toutes les couleurs de chaque peintures. Trois jours ! Rien que ça et seulement pour la mezzanine.
- Elle a bon goût.
- C'est de famille, me marré-je, en lui adressant un clin d'œil.
Je dévale les escaliers puis remonte le volet roulant de la baie vitrée et l'ouvre.
- Allez, viens, proposé-je, en lui adressant un signe de tête pour qu'elle me rejoigne.
Elle s'exécute, sans dire un mot, alors que je ne peux m'empêcher de l'observer. J'espère que ça va lui plaire, que je ne me suis pas trompé. Elle avance sur la terrasse qui surplombe la plage et à son expression, je devine qu'elle en prend plein la vue. Elle s'appuie au garde corps, les yeux rivés sur l'horizon, puis tourne son visage vers moi.
- C'est juste... J'ai pas de mots.
- Ouais, je fais souvent cet effet-là, répliqué-je avec un sourire idiot.
Et le pire, c'est que je suis content de ma connerie ! Cette fille pourrait me faire dire et faire n'importe quoi faut croire.
- Pfff, t'es con.
- Ouais, je sais, mais c'est pour ça que tu m'aimes bien non ?
Elle lève un sourcil et me dévisage semblant réfléchir. Ou pas...
- Quoi tu m'aimes pas ? demandé-je en faisant une petite moue boudeuse.
Un vrai gamin... Elle me donne un coup d'épaule, se retenant de rire lorsqu'elle voit ma tête.
- Bien sûr que si.
Immédiatement, mon sourire débile réapparaît, à croire que le fait qu'elle me dise ce simple truc me donne la pêche. Alors que ses yeux sont rivés sur les vagues et que je ne peux m'empêcher de la regarder, attendrie, je lui attrape doucement le poignet pour l'entraîner avec moi.
- Suis-moi.
Je commence à descendre les marches qui mènent vers la plage sans la lâcher, les marches recouverte de sable sont glissantes et je ne voudrais pas qu'elle les dévale. Une fois en bas, nous enlevons nos chaussures, puis commençons à marcher le long de la plage, les pieds dans l'eau, tout en discutant jusqu'à ce que nous décidons de nous poser un peu pour regarder le coucher de soleil.
Je m'assois sur le sable, m'appuyant sur mes mains derrière moi, puis tout naturellement, elle vient me rejoindre s'installant entre mes jambes, pour caler son dos contre mon torse. Comme à chaque fois à son contact, mon cœur réagit immédiatement en se mettant à battre un peu plus fort.
Nous restons ainsi, sans rien dire, les yeux rivés sur l'horizon et je me surprends encore une fois à souhaiter être Hiro Nakamura. Une légère brise fait parvenir l'odeur de ses cheveux jusqu'à moi et je ferme les yeux un instant, essayant de faire le vide dans mon esprit et de ne profiter seulement de ce moment que je passe avec elle.
Après un instant qui me semble bien trop court, nous décidons de rentrer et elle se redresse laissant un vide contre moi que je déteste de plus en plus et que j'ai de plus en plus de mal à supporter. Nous nous remettons à marcher côte à côte et je glisse un regard sur elle esquissant un sourire en coin, alors qu'une idée me traverse l'esprit. Sans qu'elle ne s'y attende, je me mets à l'éclabousser en riant dès que je vois son expression indignée, ce qui me fait rire de plus belle, alors que je continue.
Rapidement, elle se retrouve complètement trempée et se met à m'asperger aussi, tandis que nous rions comme deux gamins. Je finis par l'attraper pour la charger sur mon épaule alors que je suis mort de rire et qu'elle se débat, puis m'avance vers l'eau.
- Yann ! Lâche-moi, hurle-t-elle tout en continuant à rire.
- Sinon quoi ?
- Sinon je... Je te ferais plus jamais de crêpes ! lance-t-elle alors que j'éclate de rire avant de la reposer face à moi.
- Alors comme ça, tu me menaces maintenant ?
- Ouais, acquiesce-t-elle tentant de prendre un air très sérieux.
Je l'observe esquissant un sourire en coin, amusé.
- Tu sais que... Je sais faire les crêpes ? C'est juste que j'aime bien te regarder les faire, c'est marrant.
- Marrant ?
- T'en fous partout et tu râles toute seule quand t'arrives pas à les faire sauter.
- Je vois pas de quoi tu parles, réplique-t-elle d'un air faussement outré.
Puis alors qu'elle est toujours face à moi, j'avance d'un pas, sans que je ne puisse le contrôler et lorsque je remarque que ses bras sont couvert de frissons, je me mets à les frictionner doucement. À ce contact, c'est moi qui tout à coup me met à frissonner, alors que mes yeux se baissent sur son t-shirt complétement trempé, moulant son corps et sa poitrine à la perfection. Mec, tu te rappelles ce qu'on a dit ? Pas de cette façon-là. Pas maintenant !
J'enlève ma veste, essayant de penser à autre chose puis la pose sur elle pour qu'elle est moins froid et c'est cette fois ses yeux que je surprends en train de me détailler, alors que je me tiens torse nu face à elle. Sans le vouloir mon regard plonge à ce moment dans le sien et la façon dont elle m'observe est sur le point de me faire perdre raison. Mon visage se rapproche du sien sans que je ne m'en rende compte, mes lèvres désirant tout à coup s'écraser contre les siennes pour pouvoir l'embrasser à en perdre haleine. Son souffle effleure mes lèvres, alors que mon cœur s'emballe comme jamais jusque-là et c'est alors que je percute qu'il ne faut pas.. Même si.. Putain, j'en crève d'envie !
Alors que j'observais sa bouche, mes yeux rencontre à nouveau ses iris vert qui me font perdre la tête à chaque fois que je m'y perds et je m'écarte, non sans peine et sans regrets, abandonnant l'idée de lui donner ce baiser qui m'obsède depuis un petit moment maintenant. Je passe mon bras sur ses épaules afin de lui tenir chaud, alors qu'elle semble être gelée et complètement déboussolée par ce qui vient de se passer, puis commence à l'entraîner doucement vers la maison.
- Allez viens, on rentre au chaud, soufflé-je évitant son regard, perturbé.
Elle marche à côté de moi, sans dire un mot et je ne peux m'empêcher de me dire qu'à ce moment, elle me déteste. Mais, si j'avais cédé, si mes lèvres s'étaient posées sur les siennes, si je l'avais embrassée comme j'en mourrais d'envie... Tout aurait changé.
On a beau dire ce qu'on veut, depuis qu'on s'est rencontrés, ce lien qui nous unis est bien plus fort que notre volonté. Et si on finissait par avoir ce genre de relation, il suffirait d'un grain de sable pour tout foutre en l'air... Pour que je perde tout ce que j'ai depuis que je la connais.
Echo n'est pas non plus à mettre de côté, il sait que je suis proche d'elle et il en joue déjà. Alors s'il apprenait qu'elle et moi nous sommes vraiment ensemble, qu'il en ait plus aucun doute, il ferait en sorte qu'elle se retrouve très vite impliquée dans ses magouilles. Histoire d'avoir un moyen de pression sur moi. Et il ne fait aucun doute que ça marcherait parce qu'il est hors de question qu'elle paie le prix de mes décisions. Le jour où j'ai décidé de régler la dette d'Antho, je savais que le temps que ce soit fait, je devrais mettre ma vie entre parenthèse. Et il faut que je tienne bon... Encore un moment, même si pour ça elle me déteste.
Puis, Echo veut déjà la rencontrer et tout ça parce qu'elle s'est pointée dans ce foutu gymnase, ce qui me rend complètement dingue, alors j'imagine pas s'il venait à se servir d'elle comme moyen de pression. Je pourrais vraiment péter un câble.
Il y a aussi cette peur que j'ai de m'attacher de nouveau à quelqu'un. Et cette voix qui me souffle en continu que ça pourrait s'arrêter brusquement. Comme avec Antho. Et je peux pas. Cette trouille me fout en l'air.
Le soir, au moment de se coucher, après avoir enfilé des fringues sèches, avoir mangé et un peu zoné devant la télé, me voilà comme un con sur la mezzanine à observer le seul lit disponible de la baraque. Elle est restée assez silencieuse depuis ce qui a failli se passer sur la plage et si je me couche à côté d'elle j'aurais vraiment l'impression d'abuser... Et puis, elle a vraiment l'air de me détester et de cogiter. Bordel, j'ai vraiment merdé.
- Il n'y a que ce lit-là, les deux autres chambres sont encore en travaux, m'excusé-je, en me grattant nerveusement l'arrière de la tête.
- C'est pas comme si on n'avait jamais dormi ensemble, réplique-t-elle en haussant les épaules.
Je l'observe quelques secondes pour essayer de deviner le moindre doute qu'elle aurait quant au fait de dormir avec moi après ça, mais parfois, c'est comme si elle enfilait un masque et à ce moment, je n'arrive jamais à déceler quoi que ce soit. Et j'ai horreur de ça.
Je finis par acquiescer en lui souriant du mieux que je peux, parce qu'il est clair que je me sens clairement fautif, puis me glisse sous la couette après avoir enlevé mon t-shirt, alors qu'elle y a déjà prit place.
Je glisse un regard sur elle et grimace lorsque je vois qu'au lieu de se rapprocher comme elle le fait à chaque fois, elle reste distante et ne se blottis pas contre moi. Mon cœur se serre douloureusement quand je réalise que j'ai finalement bien cassé quelque chose en ne l'embrassant pas... Comme quoi, peu importe la décision que je prends, elle finira par s'éloigner. Et je préfère encore que ce soit comme ça plutôt que de la perdre de la même façon dont j'ai perdu mon meilleur pote. Les Blocks c'est pas seulement ce que je fais pour Echo, ça va bien plus loin, c'est bien plus dangereux et il est hors de question qu'elle devienne un putain de dommage collatéral comme sont devenu plusieurs jeunes du quartier.
Je tends le bras pour éteindre la lampe de chevet, après avoir glissé un regard sur elle, puis reste les yeux ouvert observant le plafond dans la pénombre alors qu'elle ne bouge pas.
Est-ce qu'elle est comme moi ? Est-ce qu'elle ne sait pas comment elle doit se comporter après ça ? Est-ce qu'elle me déteste tellement pour ça qu'elle a prit la décision de ne plus dormir contre moi ? Que d'un coup ça devienne trop ambiguë pour elle ?
Bordel, je me pose encore plus de question qu'avant !
Après un énième coup d'œil vers elle, je vois qu'elle semble commencer à s'endormir, sa respiration se fait plus régulière, alors que mon coeur lui se serre un peu plus. Comment elle peut réussir à dormir sérieux ? Cette distance me rend dingue, j'ai horreur de ça.
Et puis merde !
Sans me poser plus de questions, je me rapproche d'elle lui laissant le choix de me repousser si c'est ce qu'elle veut, mais voyant qu'elle ne bouge pas, je passe délicatement mon bras sous sa taille et l'attire contre moi doucement. Je l'encercle de mes bras et son souffle contre mon torse m'apaise aussitôt, je me sens moins vide tout à coup. Si elle n'en avait pas eu envie, elle m'aurait repoussé, ce n'est pas le genre de fille à rester sans rien dire alors que quelque chose ne lui convient pas.
Elle semble se détendre, elle aussi, presque immédiatement et je ne peux m'empêcher de me demander ce que ça va donner demain. Puis, finalement à son contact toutes mes questions s'évanouissent et je finis par m'endormir.
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