
Yann #22
* Point de vue Yann *
J'ai cogité toute la nuit et résultat, je n'ai pas réussi fermer l'œil. Ce matin, en me levant, la première chose que j'ai faite, c'est regarder mon portable pour vérifier si elle m'avait envoyé un message. J'ai grimacé quand j'ai constaté qu'il n'y en avait aucun. Forcément, à quoi je m'attendais ?
Écho n'a pas apprécié que je ne lui réponde pas la veille, le message qu'il m'a envoyé à cinq heures du mat' en témoigne. Il veut que je le retrouve après les cours et avec l'humeur dans laquelle je me trouve, autant dire que ça craint.
Je file sous la douche après ma séance de sport, puis enfile un jean et un sweat noir. J'attrape mon téléphone, hésite un instant à lui envoyer un SMS, mais si je le fais, tout ce qui s'est passé hier n'aura servi à rien. De toute façon, elle m'en veut certainement. Je le glisse dans ma poche, enfile ma veste, récupère les clés de ma bécane, puis démarre en direction du bahut.
Lorsque j'arrive devant l'établissement, je vois que Nico et Aurore attendent près du portail. Elle ne doit pas encore être arrivée. Je me faufile à travers la foule et entre, sans qu'ils ne me voient, ce qui n'est pas plus mal. Connaissant Nico, il aurait cherché à savoir ce qu'il s'est passé. Il apprécie beaucoup Nine et j'ai bien remarqué qu'il avait ce côté un peu protecteur avec elle. J'esquisse un sourire en pensant à l'ironie de mes pensées. Si lui est protecteur, dans quelle catégorie je suis censé me trouver ?
Je franchis la grande porte vitrée, qui donne sur la cour et rejoins Kév qui se trouve avec ses potes. Après les avoir salués, je ne prête pas attention à leur discussion, bien trop lointain pour m'y intéresser.
Soudain, sans le vouloir, mon regard se pose sur elle au moment où elle entre dans la cour. Elle discute avec ses amis, puis ils se posent sur un banc. Après quelques minutes, nos regards s'accrochent une fraction de seconde, mais elle l'évite dans la foulée. Comme pour me fuir. Alors c'en est à ce point ? Elle ne veut même plus me regarder ? Mais, c'est ce que je voulais non ? Alors, il est où le problème ?
Le souci, mec, c'est que tu tiendras pas le coup et que t'as merdé !
Si cette putain de petite voix s'y met elle aussi, je suis censé faire comment pour m'en tenir au plan ? La sonnerie retentit, puis Kévin et moi rejoignons notre cours.
– Tu compte tirer cette gueule toute la journée où bien ?
Je glisse un regard noir dans sa direction, tout en continuant d'avancer.
– J'vois pas c'qui change, tu m'as toujours connu comme ça, lâché-je.
Il lève un sourcil, amusé.
– Plus depuis que tu la connais, elle, mais...
– Ferme là Kév, c'est bon !
Nous entrons dans la salle de cours et je prends place au fond, comme toujours. Le prof nous distribue des copies et nous annonce une interro surprise. Mon pote lâche un juron et moi, je me dis que ce ne sera encore qu'une simple formalité. J'ai toujours eu cette facilité à retenir. Que ce soit les cours, où bien les bouquins que je lis, tout rentre dans mon crâne et plus rien n'en sort. C'est d'une facilité déconcertante. Mais, dans certaines situations, je m'en passerai bien. Parce que je n'oublie rien.
Il nous demande de retourner nos copies, puis nous annonce que nous avons jusqu'à la fin de l'heure. Kév fronce les sourcils et grogne à côté de moi, essayant de déchiffrer ce qui se trouve sur la feuille devant son nez, tandis que je réponds aux questions une à une sans réfléchir. En moins de quinze minutes, je boucle le devoir et visse mes écouteurs à mes oreilles avant de remonter ma capuche sur ma tête.
Dix minutes plus tard, agacé de voir mon pote remuer sur sa chaise à souffler, j'échange ma copie avec la sienne. Il m'adresse un sourire enfantin et je remplis sa feuille en y mettant quelques erreurs pour qu'on ne se fasse pas griller. Une fois terminé, il me rend ma copie et je glisse la sienne sous ses yeux. Comme à chaque fois, il m'observe, étonné et tente de comprendre comment je fais pour assimiler autant de formules mathématiques aussi facilement.
– Y en a vraiment qui ont du bol, lance-t-il.
Le prof lève le nez sur nous puis fronce les sourcils.
– Vous vous croyez où ? me demande-t-il.
Je ne le lâche pas des yeux, un air de défi dans le regard. Je ne suis pas d'humeur, c'est clair et je ne louperai aucune occasion de me prendre la tête avec quelqu'un.
– Enlevez-moi vos écouteurs et votre capuche, vous n'êtes pas dans votre chambre ! s'agace-t-il.
– Ouais, c'est bon ! grogné-je.
– Je vous demande pardon ?
– J'ai dis, ouais, c'est bon ! répété-je, en tirant sur mes écouteurs et en virant ma capuche, sèchement.
Kév me donne un coup de coude, histoire de me faire comprendre de la fermer, mais je suis en rogne et j'en ai rien à foutre.
– La dernière fois, j'ai été gentil et je vous ai évité une heure de colle. Cette fois, vous avez gagné, aboie-t-il. Levez-vous et présentez-vous en salle de retenue.
J'esquisse un rictus amusé, me lève sous le regard de mon ami, récupère ma copie et me dirige vers le prof.
– De toute façon, j'avais fini, m'amusé-je, en lâchant la copie sur son bureau.
– J'enlèverai deux points pour votre insolence, précise-t-il.
Je hausse les épaules, puis sort pour rejoindre la salle de retenue.
Si ça peut lui faire plaisir. C'est pas ses deux malheureux points qui feront baisser ma moyenne.
Pendant la pause, dans la cour, mes yeux semblent la chercher désespérément, alors que je mets toutes mes forces pour les en dissuader. À plusieurs reprises, je l'observe et me fais griller par Aurore, qui m'adresse un regard et un sourire désolé. La concernant, elle ne m'adresse pas un seul regard.
Au réfectoire, mon plateau devant le nez, j'ai les yeux rivés sur elle. Là encore, malgré moi. Nous avions pris l'habitude de manger ensemble, côte à côte et rien que ça, ça me manque déjà. Putain, si le simple fait de ne pas être à côté d'elle à ce moment-là me fait chier, comment je suis censé faire pour la suite ?
– Tu manges pas, mec ?
– Pas faim.
Il m'observe l'air interrogateur. En temps normal, je ne loupe pas un seul repas, surtout avec le sport que je fais. Mais là, depuis hier, l'appétit a complètement déserté.
– T'es au courant que le truc qui dit qu'on peut vivre d'amour et d'eau fraîche, c'est de la connerie, pas vrai ?
Je lui adresse seulement un regard noir, croise les bras sur mon torse et me remet à l'observer, alors qu'elle est dos à moi, deux tables devant.
– Tu devrais aller la voir, mais j'dis ça, j'dis rien.
– Ouais, bah dis rien alors, soufflé-je.
– Et tu comptes faire quoi alors ? La laisser filer comme ça ?
– Tu veux que je fasse quoi au juste ?
– Être moins con et aller t'excuser d'avoir agi comme un enfoiré.
– Si je fais ça, on va se retrouver au point de départ. Je veux rien lui dire, et elle, elle voudra continuer à tout découvrir.
– Qui te dis qu'elle continuera pas d'essayer même si vous ne vous parlez plus ?
Ma mâchoire se crispe. Elle ne ferait pas ça, si ? Ça n'a plus d'intérêt qu'elle découvre quoi que ce soit si on est plus pote. Putain, ce con vient de me foutre le doute !
– De toute façon, je vous donne trois jours max ! Tu tiendras pas.
Je glisse un énième regard assassin sur lui et finalement, je ne touche pas une fois à mon assiette. Je me contente simplement de rejoindre la cour avec Kév, une fois qu'il a engloutie la sienne.
Lorsque la sonnerie signalant la reprise des cours hurle, Kévin m'abandonne lâchement et je le vois courir pour rejoindre Nine, alors qu'elle se trouve dans le couloir, quelques mètres devant nous. Bordel, mais qu'est-ce qu'il fout cet abruti ? Qu'est-ce qu'il n'a pas compris dans le fait que je veuille la tenir à distance ?
Je m'arrête et m'appuie dos au mur, près de la porte de la salle où se déroule notre prochain cours, tandis que lui, la suit et discute avec. Soudain, elle s'arrête, plante son regard dans le sien et quelques secondes plus tard, elle a l'air en pétard.
Kév me rejoint juste au moment où le prof de français arrive, puis m'adresse un regard désespéré.
Putain, ça voulait dire quoi ?
– Qu'est-ce que t'as été lui dire ?
– Rien de spécial, je voulais juste prendre la température et voir ce qu'elle comptait faire.
– Putain, tu fais chier ! Y a quoi que t'as pas compris en fait ? J'veux l'éloigner, bordel !
Il hausse les épaules.
– De toute façon, c'est mort, elle à pas l'intention de v'nir te voir donc.
Et, genre, il me balance ça comme ça... Putain, comme si c'était déjà pas assez compliqué. Je lève un sourcil interrogateur, c'est plus fort que moi, j'ai envie d'en savoir plus. Il affiche un sourire qui a le don de m'agacer un peu plus et semble fier de lui.
– Elle a dit, je cite : À la base, on s'attache à ses amis et on aime pas quand ils sont distants. Puis elle a ajouté que toi tu voulais carrément le contraire.
Pas du tout ! Enfin, si, mais... Et, merde !
Nous nous asseyons à notre table, puis il me lance un regard sérieux.
Quoi encore ?
– Elle a aussi dit que toi tu voulais peut-être pas t'attacher, mais qu'elle devait aussi se protéger, parce que de son côté, elle l'est déjà. Elle a dit aussi que tu te poses pas la question de savoir si c'est le cas... et de savoir si ce que tu fais la blesse.
Je balance avec rage mon sac au pied de la table. Bordel de merde ! Bien sûr que si je me pose la question ! Je fais que ça ! Savoir qu'elle a dit que je l'ai blessée me fout les boules. Puis, je réalise qu'elle a dit qu'elle était déjà attachée à moi. Je ne voulais pas me rendre à l'évidence, mais Moi aussi et c'est arrivé sans que j'ai demandé quoi que ce soit.
Je passe le restant des cours à ruminer dans mon coin, sans dire un mot, puis rejoins ma bécane pour démarrer en trombe, sur les nerfs. Je file chez moi pour déposer mon sac, récupère mon couteau papillon, que je glisse dans la poche de mon sweat et me remet en route pour retrouver Écho, comme convenu.
Je gare ma moto devant chez lui, puis monte jusqu'à son appart', mon casque à la main. Je frappe trois coups secs à sa porte, comme à chaque fois et un de ses gars m'ouvre. Cet enfoiré est affalé sur son canapé, une canette de bière à la main. Des liasses de billets sont étalées sur la table basse devant lui et il gueule devant le match de foot qu'il regarde.
Lorsqu'il me voit, il m'adresse son sourire satisfait, puis me tend une bière. Je refuse en secouant brièvement la tête. Il devrait avoir l'habitude, à chaque fois, il me fait le même cinéma, alors qu'il sait que je ne bois pas.
– Tu sais que ça me fout en rogne quand tu me réponds pas, lance-t-il, le regard menaçant.
– Et tu sais que j'en ai rien à battre ! grogné-je. Tu sais très bien que je serais là samedi, alors arrête de me faire chier !
Il laisse échapper un rire franc, puis se redresse pour me faire face.
– T'as la rage aujourd'hui à c'que j'vois ! Dommage que j'ai rien d'organisé pour ce soir, s'amuse-t-il.
Ma main se serre sur mon casque et j'ai envie de lui foutre dans la gueule.
– T'as bien reçu toutes les infos pour samedi ?
– Ouais, comme d'hab.
– Ok, Ok, bien.
Je le suis du regard alors qu'il récupère sa canette, puis il se plante à nouveau devant moi.
- Et au fait, tu traînes toujours avec cette meuf, là ? Tu sais, la jolie brune.
Je serre les dents et je l'imagine à terre, en train de le ruer de coups.
– Nan, finalement, elle et moi, ça n'a pas marché.
– Interréssant, sourit-il, en plantant son regard dans le mien.
Je m'approche d'un pas de plus, prenant sur moi pour ne pas lui en coller une.
– Tu la laisses en dehors de tout ça, le menacé-je.
– Sinon quoi, hein ? Tu vas faire quoi ?
– Tu sais très bien que j'te défonce, t'auras pas le dessus, affirmé-je.
Il jette un œil à ses gars, assis sur le canapé et ils m'observent tous, n'attendant qu'un geste de ma part contre leur boss pour intervenir.
– Toi et moi on sait que tout seul, tu ferais pas le poids, ajouté-je.
– Le truc tu vois, c'est que je suis pas seul et si j'ai envie de m'la faire, j'me la ferais que tu sois d'accord ou pas, mec.
Je m'approche un peu plus, sous son regard provocateur et l'attrape par le col.
– Si tu l'approches même de loin, j'te bute !
Les types qui étaient assis se redressent, mais Écho les arrête d'un signe de la main.
– Non, les gars, j'ai besoin de lui en bon état pour samedi, puis se s'rait dommage d'abîmer cette belle gueule, rigole-t-il. Allez bouge et soit à l'heure !
Je le repousse brusquement sans le lâcher des yeux, comme un dernier avertissement, puis claque la porte derrière moi, avant de descendre les escaliers quatre à quatre.
Ce mec est un enculé !
Je sors de l'immeuble, prenant sur moi pour ne pas y retourner et lui démonter sa sale gueule. Maintenant, j'ai la sensation, que j'ai fait la pire connerie que j'aurais pu faire. Je réalise qu'à l'éloigner, j'ai plus le moyen de garder un œil sur elle. Putain, dans les deux cas, je suis dans la merde. Et, elle aussi.
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