Yann #20
* Point de vue Yann *
Je fonce et traverse le circuit, sans me préoccuper des karts qui arrivent à pleine vitesse. La seule chose que je vois, c'est le sien, retourné, sans pouvoir l'apercevoir, elle. Mon cœur semble s'être arrêté depuis le moment où j'ai réalisé ce qu'il se passait.
Lorsque j'arrive, son coach est penché sur son karting, pour voir si elle va bien et deux autres mecs s'approchent pour soulever l'engin, sans même avoir pris la peine de réfléchir aux conséquences. Son entraîneur se relève, glisse un regard vers moi et secoue la tête pour me faire comprendre qu'elle ne répond pas. À ce moment, mon cœur se serre douloureusement et une angoisse terrible me saisit.
- Le premier qui bouge le kart, j'le démonte ! aboyé-je.
Les deux types se reculent, sous mon regard noir et sans perdre un instant, je me mets à plat ventre sur la piste pour tenter de l'apercevoir. L'espace entre le bitume et le carénage est très mince, mais j'arrive à la voir. Elle ne bouge pas et je n'arrive pas à distinguer le mouvement de sa poitrine, qui m'indiquerait qu'elle respire.
- Nine ? prononcé-je, assez fort pour qu'elle m'entende.
Aucune réponse, pas une seule réaction. Bordel, pas ça, pas encore.
- Elle répond pas, putain !
Mon cœur accélère cette fois désagréablement et le peu de sang-froid qu'il me restait fout le camp.
- Nine, tu m'entends ?
Intérieurement, je supplie pour qu'elle fasse au moins un geste, mais rien ne se passe et ma mâchoire se crispe, tandis que ma vision se trouble. Putain, c'est pas le moment ! J'inspire, expire, pour essayer de contrôler cette panique qui m'envahit. Elle va bien. Il faut qu'elle aille bien.
- Princesse ?
Ma voix, n'est que détresse et angoisse, je n'arrive pas à le cacher. Je retiens ma respiration, le temps qu'elle puisse me répondre, pour être sûr de l'entendre.
- Ça va, prononce-t-elle, comme dans un soupir.
Je tourne la tête vers son coach, pour lui dire qu'elle est consciente, tandis que mes muscles qui étaient tétanisés, se détendent légèrement. Je reporte mon attention sur elle, ferme les yeux et soupire, alors que mon cerveau réfléchit à la meilleure façon de la sortir de là, sans lui faire mal. Je ne sais même pas si elle est blessée ou si elle est sur le point de perdre connaissance.
- T'as mal quelque part ? la questionné-je.
Elle reste silencieuse un court instant et la panique est de retour, jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole.
- Je sais pas trop, à la tête un peu, à l'épaule et le bras aussi je crois, mais ça va, marmonne-t-elle.
Bordel, non, ça va pas !
- Arrête de dire que ça va, t'en sais rien.
Mon palpitant ne parvient pas à reprendre un rythme normal, il n'y a que lorsqu'elle sera sortie de là, que je pourrais essayer de retrouver mon calme.
- Je t'assure que ça va, tente-t-elle de me rassurer.
Ça n'a pas l'effet escompté, mais entendre sa voix m'apaise. Mon objectif et de la tirer de là.
- OK, tu peux bouger ?
- Pas vraiment, je suis coincée.
Putain, comment cette connerie à pu arriver ! Je fronce les sourcils, puis réfléchis à la meilleure solution afin de la sortir de là.
- Tu peux te détacher ?
Elle tente de bouger et pousse un râle de douleur, qui me percute de plein fouet.
- J'y arrive pas, prononce-t-elle, comme si elle était à bout de souffle.
- OK, c'est pas grave, bouge pas.
Faut que j'la sorte de là, bordel ! Le poids du kart, doit l'empêcher de respirer correctement et rien que d'imaginer ça, ça me fout la rage.
Sans perdre un instant, je me tourne sur le dos, puis essaye de passer mon bras entre le carénage et la piste, pour tenter de l'atteindre. Je suis obligé de forcer pour y arriver et le bitume m'arrache la peau, je grimace, mais j'en ai rien à foutre.
Je ne vois rien de ce que je fais, mais la première chose que je trouve et reconnaît, est le volant. Automatiquement, je dirige ma main juste en face et repère la sangle de la ceinture. Je la suis, à l'aveugle, puis tombe sur la boucle et ensuite sur le bouton qui permet de se libérer.
- OK, je l'ai ! Prête ?
- Ouais.
Je compte jusqu'à trois dans ma tête, puis presse le bouton lentement, tout en essayant de la retenir pour ne pas qu'elle tombe d'un coup et ne se cogne. Au moment où je m'apprête à retirer mon bras, ma main frôle la sienne et je la saisis pour lui serrer. Le contacte de sa peau contre la mienne, me fait un bien fou.
- J'vais te sortir de là, la rassuré-je, avant de la lâcher.
Je fais à nouveau glisser mon bras pour le sortir et grimace une seconde fois, le bitume éraflant une fois de plus ma peau.
Je me redresse et mon regard croise celui de Kévin. Je m'aperçois à ce moment, que je ne l'avais même pas vu approcher et que tout le monde nous a rejoints. C'est comme si, pendant ce moment, nous n'avions été que nous deux.
Je demande à mon pote de m'aider, lui expliquant qu'il va falloir qu'on bouge le kart et compte jusqu'à trois, puis nous le soulevons pour le faire basculer au-dessus d'elle, alors qu'il retombe la seconde d'après de tout son poids juste à côté.
Elle s'allonge sur le sol, puis attrape son épaule et dans la seconde qui suis, je me penche sur elle, inquiet, puis j'approche ma main de son épaule, mais me ravise, de peur de lui faire mal. Elle la relâche, puis reste immobile un instant, tandis que je ne sais pas quoi faire.
- Vous en faites des têtes, plaisante-t-elle après qu'elle seconde.
Je jette un regard vers mon pote, très loin d'être dans le même délire qu'elle, même si je sais qu'elle cherche juste à faire retomber la pression. Ce que j'ai ressenti du moment où j'ai vu son karting décoller, jusqu'à ce que je réussisse à la sortir... Putain, je n'avais plus ressenti ça depuis un moment maintenant. Je m'étais pourtant répété qu'il ne fallait plus que je m'attache.
Soudain, elle tente de se redresser et je pose ma main sur l'épaule qui ne la fait pas souffrir, afin de l'en empêcher.
- Tu fais quoi là ? grogné-je.
- Bah, tu vois, je m'assois.
Je fronce les sourcils et lui fais comprendre en un regard que ce n'est pas une bonne idée.
- Je vais bien, affirme-t-elle.
- T'en sais rien ! m'énervé-je.
Mon ton est froid, mais bordel, on sait pas ce qu'elle a.
- Il a raison, lance son coach.
Je lui adresse un regard pour le remercier de son intervention. Cette fille n'en fait vraiment qu'à sa tête. Elle se résigne à ne pas bouger, tandis qu'un mec s'accroupit tout à coup juste à côté d'elle. Il tend une main vers son cou et je fronce les sourcils. Putain, c'est qui lui ?
Puis, il ouvre un sac et je comprends qu'il est médecin. Un peu plus et je lui sautais dessus. Je m'écarte, pour lui laisser un peu de place, mais impossible de m'éloigner, c'est plus fort que moi, il faut que je garde un œil sur elle.
- Tu te sens comment ? l'interroge-t-il.
- Vu les circonstances, plutôt bien.
- En tout cas, elle a pas perdu son sens de l'humour, lance Kév.
Je jette un regard en biais à mon ami, pour lui faire comprendre que je trouve pas ça vraiment drôle et il abandonne son sourire aussi vite qu'il est apparu.
- Tu te sens d'enlever le casque ? lui demande le médecin.
- Ouais, j'pense que c'est bon.
Il positionne ses mains de chaque côté du casque, puis me demande de maintenir sa tête la plus droite possible. Sans attendre, je me positionne au-dessus d'elle, puis place mes mains sous sa nuque pour la soutenir. Mon regard trouve le sien, à travers la visière et un sentiment de soulagement, mêlé à de la culpabilité me submerge. Le médecin enlève le casque, avec précaution et je grimace lorsque mes yeux se posent sur son visage. Sa lèvre saigne et un bleu commence à apparaître sur son front. Putain d'merde ! Le mec me fait signe de la lâcher et je l'accompagne le temps qu'elle repose sa tête sur le sol.
Je dégage une mèche de ses cheveux qui est tombée sur son visage au moment où il a enlevé sa protection et ma mâchoire se crispe.
- T'as l'air d'une guerrière, la furie, balance Kév.
Il est sérieux ? Elle sourit, puis grimace, avant de passer sa langue sur sa lèvre.
- Tu auras aussi certainement un bleu sur le front, annonce le médecin.
Il l'ausculte rapidement, alors que je ne perds pas une miette de ce qu'il fait, puis lui fait suivre une petite lampe des yeux, avant de se redresser.
- OK, rien de méchant à première vue. T'as eu de la chance, déclare-t-il.
De la chance hein ? Ça serait pas arrivé si...
Elle lui sourit, puis le remercie, tandis que je me détends, rassuré. Il lui demande si elle se sent de se lever et elle acquiesce, pour tenter de se redresser dans la foulée. Voyant qu'elle peine à se relever, je l'aide puis, la soutient jusqu'à un banc où elle s'assoit.
- Y'a beaucoup de dégâts ? demande-t-elle, en désignant son kart.
Elle est vraiment sérieuse ?
- T'en fais pas pour ça, réplique son entraîneur.
- Et elle pense à son kart, alors qu'elle vient de se retourner, soupire Kévin.
- Et sinon on peut savoir ce qui t'a pris ? la questionne son coach.
Elle glisse un regard vers moi, puis vers Kév.
- J'étais ailleurs, explique-t-elle, tandis que je fronce les sourcils et que les muscles de ma mâchoire tressautent.
Ouais, ailleurs... J'ai l'impression que depuis qu'elle me connaît, je ne lui apporte rien de bon. Ça ne serait jamais arrivé si j'étais comme tous les mecs de mon âge. Sans histoires. Elle ne chercherait pas à découvrir ce que je cache et cette putain de prise de tête, n'aurait jamais eu lieu.
Son coach lui fait la morale, mais je n'entends pas vraiment ce qu'il lui dit. Je suis plongé dans mes pensées. Elle essuie le sang qui s'écoule de sa lèvre, avec un mouchoir qu'il lui tend, puis le médecin lui conseil de rentrer et de se reposer avant de lui demander si elle est sûre d'aller bien.
- Mon épaule me fait mal, j'ai la tête qui tourne un peu et mon avant-bras me brûle légèrement, mais sinon ça va, annonce-t-elle.
Il examine son épaule et la manipule avec précaution, puis elle grimace avant de relever sa manche pour observer son bras qui est égratigné et saigne. Je détourne les yeux. Je supporte pas de la voir comme ça.
- Tu auras sûrement un joli hématome au niveau de l'épaule, mais rien n'est cassé, rien de méchant pour ton bras et pour ta tête, c'est dû au choc, explique-t-il.
Il semble réfléchir, puis fronce les sourcils.
- C'est toi qui vois, je peux te faire admettre aux urgences pour faire des examens, mais franchement il n'y a rien d'alarmant.
- On va éviter l'hôpital, réplique-t-elle, si mes parents apprennent que j'ai eu un accident, le kart s'est fini pour moi.
Il n'insiste pas, alors que je pense que ce serait plus prudent, mais je reste silencieux. Puis, il lui conseille de ne pas rester seule cette nuit, expliquant que suite à un coup à la tête, il faut surveiller.
- Je ferais attention, lancé-je, dans la foulée.
Elle plonge son regard dans le mien, doutant certainement qu'après ce qu'il s'est passé, dormir chez moi n'est pas une bonne idée, mais je la supplie presque du regard. Laisse-moi au moins faire ça... J'en ai besoin. Elle ne répond rien, comme si elle devinait mes pensées et je comprends qu'elle accepte.
Je l'accompagne jusqu'aux vestiaires et m'appuie contre l'encadrement de la porte, les yeux perdus dans le vide, tandis qu'elle rejoint son casier.
- Tu peux te retourner ? me demande-t-elle.
Sa voix me sort de mes pensées.
- Hein ? Ouais, désolé, m'excusé-je.
Je m'exécute, puis croise les bras sur mon torse, le temps qu'elle se change. Soudain, elle lâche un juron, puis grogne de douleur.
- Ça va ? m'inquiété-je.
- La fermeture est coincée, et j'arrive pas à...
- Tu veux que je t'aide ? balancé-je, sans réfléchir à ce que ça implique.
- Si ça te dérange pas oui...
Je me retourne, puis avance vers elle et saisis la fermeture de sa combinaison, les yeux rivés sur ma mission, empêchant mon regard de glisser sur sa peau, puis sur sa poitrine habillée d'une brassière de sport. Je sens son regard sur moi et son souffle sur ma peau, puis son parfum m'envahit, faisant réagir l'autre con, différemment cette fois. Mon regard trouve le sien une fraction de seconde et je le fuis. Je pourrais poser mes lèvres sur les siennes, là, ici, maintenant. J'en meurs d'envie. Alors que je me suis promis de l'éloigner de moi, quelque chose de bien plus fort m'en empêche.
Une fois terminé, je relève les yeux sur elle.
- Ça ira pour le reste ?
- Si tu peux juste m'aider à enlever cette manche, pour la suite, ça devrait aller.
Putain, elle cherche à me torturer, c'est pas possible autrement.
Je glisse sa manche le long de son bras et mes doigts frôlent sa peau. C'est pourtant pas la première fois, on a déjà dormi ensemble, j'ai déjà enfoui mon visage dans son cou, je l'ai même enlacée à plusieurs reprises, mais... Ce que je ressens grandit un peu plus chaque jour, chaque seconde.
Je m'écarte, puis retourne vers la porte.
- Merci.
- Pas de soucis.
C'était un plaisir... Putain, ta gueule !
Elle me rejoint une fois habillée, et j'attrape la veste qu'elle tient, pour l'aider à l'enfiler. Nous rejoignons ensuite son coach, qui nous attend à la sortie, puis il la salue en lui faisant promettre d'appeler en cas de problèmes. Il referme la porte derrière nous et nous avançons jusqu'à ma bécane. Kév nous attend à côté de la sienne et il me lance un regard presque compatissant. Il fait partit des seuls à savoir ce qu'il s'est passé et pourquoi, pour moi, m'attacher relève d'une vraie torture.
- Alors comment tu te sens ? lui demande-t-il.
- Comme quelqu'un qui vient de se retourner en kart, plaisante-t-elle.
- Tu m'étonnes. En tout cas, tu nous as foutu une sacrée trouille.
Le mot est faible. J'ai bien cru que mon cœur allait s'arrêter.
- Ça va aller, mec ? T'as l'air d'être a des milliers de kilomètres là.
- Ouais, acquiescè-je, une fois encore plongé dans mes pensées.
- Et pour rentrer ?
- Je gère, affirmé-je.
Je tente comme je peux de rester parmi eux, mais je me sens loin, happé par mes souvenirs. Des souvenirs contre lesquels je bataille pour qu'ils restent enfouis. Ce qui s'est passé aujourd'hui les a fait ressurgir brutalement, un par un.
Kév me demande de l'appeler si besoin et j'acquiesce, dans un automatisme, puis il monte sur son cross, avant de s'éloigner.
Je saisis son casque, puis commence à lui enfiler, quand tout à coup elle grimace. Je me fige, conscient que je viens de lui faire mal.
- C'est bon, c'est juste le temps de le mettre, me rassure-t-elle.
Je lui enfile cette fois encore plus doucement et lui attache sous le menton, avant de grimper sur ma moto. Elle prend place derrière moi, puis passe un bras autour de ma taille. Conscient qu'elle ne peut pas se servir de l'autre pour se tenir, je tourne la tête de côté pour pouvoir la voir et la rassure en lui disant que je vais prendre les petites routes et rouler tranquillement. Aujourd'hui, j'aurais pu perdre tout ça, tout ce qu'il fait que je me sens bien avec elle, et je n'arrive pas à penser à autre chose.
Une fois chez moi, je réchauffe une pizza, en silence, puis nous montons dans ma chambre. Je n'arrive pas à sortir un seul mot depuis que nous sommes rentrés et elle doit sentir que j'ai juste besoin de la sentir là, sans rien de plus, puisqu'elle ne dit rien non plus.
Nous nous installons sur le canapé, puis enchaînons les films, dans un silence qui devient pesant. Lorsque que le dernier se termine, je réalise que la nuit est tombée. J'étais tellement ailleurs, que je ne me suis pas rendu compte que le temps filait. Je me tourne vers elle, puis plonge mon regard dans le sien.
- Je peux savoir ce qu'il t'a pris ?
- J'ai pas fait attention, ça peut arriver à tout le monde, se défend-elle.
- Arrête, t'as fait n'importe quoi !
Je lui balance ça froidement, tandis que je ne peux contrôler les muscles de ma mâchoire que se crispent.
- Ça m'a servi de leçon, je recommencerais pas.
- Parce que tu comptes en refaire ?
- Pourquoi j'en referais pas ?
Rien qu'à l'idée qu'elle puisse remonter dans un de ces engins, me fout un coup de pression et je quitte ses iris.
- Je sais pas, parce que tu viens de te planter, par exemple !
- C'est pas ça qui va m'arrêter, rétorque-t-elle.
Je soupire, tandis qu'inconsciemment, je hoche la jambe, nerveusement puis je me tourne vers elle.
- Désolée, si je t'ai fait peur, souffle-t-elle.
- Y'a pas que ça...
- Ouais, je sais, tu ne me diras rien de plus, j'ai bien compris !
Ses mots m'atteignent de plein fouet et je détourne les yeux.
- Écoutes, on va oublier la dispute qu'on a eue, on sait bien toi et moi qu'on ne veut pas rester fâchés, propose-t-elle.
Je hoche la tête brièvement, puis me lève.
- Je vais te chercher une autre poche de glace, tu veux que je te montre un truc à manger ?
- Non merci, j'ai pas vraiment faim, je suis fatiguée, je pense que je vais essayer de dormir, annonce-t-elle.
- T'es sûre que ça va ?
- Yann, je vais bien, je suis juste K.O.
Elle a beau me dire que ça va, j'ai l'impression qu'à tout moment, elle va tomber dans les vapes. Putain, elle a reçu un coup à la tête et le doc' a dit de surveiller et... Bordel, je l'impression d'être inutile.
Je soupire, tentant de reprendre le dessus sur mes angoisses.
- OK, je reviens, tu peux prendre un de mes t-shirts si tu veux.
Elle acquiesce et je quitte la pièce, pour me rendre dans la cuisine. Heureusement que je pratique des sports qui nécessitent d'avoir tout ce qu'il faut en cas de coup, sinon je me serais retrouvé bien con. J'attrape une poche de glace, puis remonte finalement sans rien pour manger. Moi non plus, j'ai pas faim.
Lorsque je reviens dans la chambre, elle est déjà sous la couette. Son visage est fatigué, et... Ça me rassure pas, putain ! Je lui tends la poche de glace, qu'elle pose sur son front, en m'adressant un fin sourire.
- Toujours autant mal à l'épaule ?
- Un peu moins, mais c'est pas encore ça.
Je fronce les sourcils, me souvenant de quelque chose qui fonctionnait bien quand je me prenais un mauvais coup. Je lui annonce que je passe à la salle de bain, puis referme la porte derrière moi et me déshabille, puis passe seulement un pantalon de jogging, avant de fouiller dans les placards. Bordel, où j'ai foutu ce truc ? Après une recherche minutieuse, je mets la main sur cette crème que je qualifierais de miraculeuse.
Je ressors et m'assoit à côté d'elle, sur le bord du lit.
- Je peux te mettre ça sur ton épaule, proposé-je, en lui montrant le petit pot.
- C'est quoi ?
- Je m'en sers quand je reçois un mauvais coup au karaté ou quand j'me plante en cross et que je me retrouve avec un bleu. C'est un baume chinois, tu verras, c'est efficace.
- Si tu le dis, je veux bien te croire t'as l'air d'avoir l'habitude, même si en ce qui concerne ce bleu, ça n'a rien à voir avec le motocross, lance-t-elle, en désignant l'hématome au niveau de mes côtes.
- Qui te dit que ça n'a rien à voir avec ça ?
- Je suis pas bête, c'est arrivé comme par hasard après un week-end où le jeudi juste avant t'as reçu un de ces messages bizarres.
Bordel, plus ça va et plus j'ai l'impression qu'elle se rapproche. Je détourne le regard, sachant que si je le soutiens, je ne ferais que confirmer ses soupçons.
- Ça aurait pu être le cas, soufflé-je.
- Ouais, mais pas cette fois.
Je ne réponds pas et lui fait signe d'approcher d'un mouvement de tête. Elle retire la manche du t-shirt qu'elle m'a emprunté, pendant que j'ouvre le petit pot et lui applique un peu de baume le plus délicatement possible. Je ne peux m'empêcher de penser que sous ma main, sa peau est douce et durant ce moment, l'autre abruti n'en fait encore qu'à sa tête.
Une fois terminé, je file me laver les mains, puis me dirige vers le canapé afin de m'y installer pour la nuit.
- Yann ?
Je me tourne vers elle, le regard interrogatif.
- Mmh ?
- Tu peux dormir sur le lit, après tout c'est le tien et on a dormi sur le canapé ensemble la nuit dernière donc...
C'est vraiment ce qu'elle veut ? Elle veut que je dorme, là ? avec elle ? Dans le même lit ? Putain, déjà que baisser une putain de fermeture me semblait une torture... Ouais, grave, j'en ai envie. Mais, si je réponds trop rapidement, elle va penser que j'attends que ça et...
- T'es sûre ?
- Je te le proposerais pas sinon.
Ok, mec, va falloir que tu prennes sur toi. Toute une nuit. J'attrape la télécommande, préparé à veiller toute la nuit pour surveiller qu'elle aille bien. Parce que ouais, je compte bien faire attention comme le doc' l'a conseillé. La nuit va être longue.
Je m'installe dans le lit, lui laissant son espace vital. Les filles aiment avoir leur distance de sécurité, non ? Si ça s'trouve je passe pour un con. J'allume la télé, puis tourne la tête vers elle.
- Ça va aller pour dormir ?
- Faut juste que je trouve une position dans laquelle je n'ai pas mal.
Je pourrais l'aider à s'installer plus confortablement, la prendre dans mes bras et la garder contre moi, pour qu'elle dorme mais... Elle n'en a peut-être pas envie. Je fais mine de me concentrer sur le programme que j'ai mis, mais j'y arrive pas... Elle est là, juste à côté de moi et... Elle arrête pas de gesticuler dans tous les sens. Elle est si mal que ça ?
Soudain, elle se redresse, en grimaçant, puis s'adosse à la tête de lit. Je glisse un regard sur elle, inquiet.
- J'y arrive pas, râle-t-elle.
Ok, si je fais ce que j'ai l'intention de faire, ça dépassera le stade de la torture. Mais, je peux pas la laisser comme ça. Je tends mon bras vers elle, puis lui fais un signe de tête.
- Allez, viens, proposé-je, en l'invitant à se rapprocher.
Elle hésite un instant, puis glisse vers moi pour se blottir. Je l'enlace avec précaution et positionne mon bras de façon à la caler du mieux possible. Elle pose sa tête sur mon torse et... Wow, il me fait quoi lui putain ! Voilà qu'il cogne comme un malade.
- Ça va mieux ? lui demandé-je, après un moment.
- Oui, c'est beaucoup mieux.
J'esquisse un sourire, content de pouvoir lui apporter au moins ça.
- Tu vois, je suis pas qu'un mec qui ne t'apporte que des soucis, soupire-t-il.
Et, je lui balance ça, alors que je pense carrément le contraire. Logique.
- J'ai jamais dit ça.
- Je sais.
Je me plonge dans la vidéo de gameplay du dernier jeu auquel je joue, rassuré de l'avoir ce soir auprès de moi. Si elle avait refusé, je pense que j'aurais été capable de débarquer chez elle en pleine nuit pour m'assurer qu'elle allait bien.
J'enfouis mon nez dans ses cheveux et son parfum m'apaise, à croire que je deviens dépendant.
- Me fais plus jamais peur comme ça, soufflé-je.
Voilà encore une pensée qui s'exprime tout à coup à voix haute.
Elle lève les yeux vers moi, puis m'adresse un regard doux avant de me sourire. Enfin. Ce sourire. Elle me lance un regard, entendu, reprend sa place, puis se colle un peu plus à moi et pose sa main sur mon torse. Sa main est fraîche. Où bien c'est ma peau qui est brûlante ? Peut-être bien, parce que j'ai l'impression de me consumer de l'intérieur.
Une fois mon programme terminé, je zappe, pour trouver autre chose à regarder.
- Tu dors pas ? s'étonne-t-elle.
- J'te rappelle que je dois te surveiller.
- Ça t'empêche pas de dormir.
- Je sais.
Mais j'en ai pas l'intention.
Après quelques minutes, alors que je pensais que le sommeil venait à bout d'elle, elle rompt le silence.
- Yann ?
- Mmh ?
- Je peux te dire quelque chose ? Mais ne m'interromps pas.
Ok, je le sens moyen là.
- Vas-y.
Elle soupire, puis met un moment à se lancer.
- J'ai bien compris à la dispute de ce matin, que quoi que je fasse ou quoi que je te demande sur cette partie de ta vie à laquelle tu ne veux pas m'inclure, que tu ne me diras jamais rien.
Qu'est-ce je disais. Ma respiration se coupe et je sens que mes muscles se tendent légèrement.
- Je ne te poserai plus de question, ni à toi, ni à Kévin, mais je veux que tu saches que même si tu ne comptes rien m'expliquer, je découvrirai par moi-même ce qui se passe. Donc le résultat sera le même, que tu me le dises ou non.
Alors que je m'étais détendu suite au premiers mots qu'elle a prononcés, je me suis de nouveau tendu en entendant la suite. J'ai pas envie de ça... Comment ça le résultat sera le même ? Alors c'est vraiment inévitable ? Il va falloir que je l'éloigne ? Que je perde tout ça ?
- Je veux pas que tu...
- Je ne changerai pas d'avis, me coupe-t-elle.
Alors, ma décision est prise. Il faut que... Putain, j'en ai pas envie, mais il le faut.
Je ne réplique pas, puis comme si c'était vital, comme pour savourer ce moment, je la serre un peu plus contre moi. Ma vie n'est que complications et emmerdes, je m'attendais à quoi ? J'ai vraiment pensé que ça pouvait changer ? Je pose la télécommande, puis dirige ma main vers ses cheveux, pour jouer avec. Profite, parce que c'est inévitable. Je lui dois au moins ça. Pour la protéger. J'ai pas le droit de ne penser qu'à moi et être égoïste. Même si j'en crève d'envie.
Le regard perdu dans le vide, j'écoute sa respiration, profite de son parfum, de la douceur de sa peau contre la mienne. Comme si c'était la dernière fois que j'avais le droit à tout ça... J'ai pas le choix.
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