
Yann #12
*Point de vue Yann*
Je sors de la douche, essuie la buée après le miroir de ma salle de bain et observe mon reflet... Les deux droites que j'ai reçues hier soir, laisse place à un bleu sous mon œil gauche et une coupure sur ma lèvre.
- Putain, fait chier !
Je dois la voir aujourd'hui et elle va encore se poser des questions... Ma mâchoire se crispe et mes mains se serrent inconsciemment sur les bords du lavabo. Si j'avais pas pour principe de ne jamais frapper en premier, je serais pas en train de chercher une excuse bidons à lui servir.
J'enfile un t-shirt noir et un jean clair, récupère les clés de ma bécane, puis descend, abandonnant l'idée de trouver quelque chose à lui dire qui satisfera sa curiosité. Sur les nerfs, j'accélère comme un malade, enchaîne les virages, les lignes droites et me gare devant chez elle. Je laisse tourner le moteur, elle a dû m'entendre et ne devrait pas tarder. J'aurais pu annuler, dire que j'avais un truc de dernière minute, mais... J'ai envie de la voir.
Elle arrive, souriante... Et, putain, j'avais vraiment besoin de ça. Je ne prends même pas la peine d'enlever mon casque, ni même de relever la visière pour lui dire bonjour. Je lui tends simplement le sien et lui fais signe de monter. J'essaye de repousser le moment où elle verra ma gueule amochée. Elle fronce les sourcils, mais ne dit rien et s'installe derrière moi. Bordel, c'est sûr elle m'a trouvé bizarre !
Ses mains frôlent mes cotes et je grimace au moment où elle resserre sa prise autour de ma taille. Cet enfoiré ne m'a pas non plus loupé à ce niveau-là et il va falloir que je prenne sur moi le temps d'arriver au parc. Elle glisse sur le siège, pour se rapprocher le plus possible de moi et son bassin se plaque contre le bas de mon dos... Putain de merde ! L'autre abruti rate quelques battements, puis se met à cogner comme un malade.
Pour éviter qu'elle ne s'en rende compte, je mets quelques coups d'accélérateur, puis démarre. Ses bras me serrent un peu plus et je grimace une seconde fois sous mon casque.
Une fois arrivés, je passe entre les poteaux qui interdisent l'accès du parc aux véhicules. Hors de question que je laisse ma bécane sur le parking, surtout dans les Blocks. Kévin et Nico sont déjà là, ils sont assis sur la table et semblent se marrer. Je m'arrête à quelques mètres d'eux, la laisse descendre et récupère son casque. Je fais traîner les choses et me retrouve maintenant comme un con à devoir enlever le mien et elle va me voir... Je la laisse s'éloigner, même si je suis sûr qu'elle se doute déjà de quelque chose. J'entends Kév lui lancer une réflexion sur notre balade collée serrée et elle rentre dans son jeu, ce qui le fait marrer. Mon pote me lance un regard presque compatissant. Il sait pourquoi je traîne, il était là... Je soupire, enlève mon casque puis m'approche, tête baissée.
Je salue Nico, check Kév, puis m'approche d'elle. Au moment où je redresse la tête pour lui dire bonjour, ses yeux se posent sur mon bleu, puis sur ma lèvre. Elle fronce les sourcils et je fuis son regard, alors qu'elle, cherche le mien.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? lâche-t-elle.
Et, merde... Je me tourne vers elle, esquisse un sourire qui se veut rassurant, mais qui j'en suis sûr, paraît plus provocateur qu'autre chose. Je lui balance qu'un pote a eu des emmerdes et son regard, s'assombrit... J'aime pas quand ses yeux prennent cette teinte, c'est pas vraiment bon signe...
- Et tu es parti à son secours...
J'ai l'impression qu'elle me juge et mon cœur se serre.
- C'est un reproche ? demandé-je, commençant à me braquer.
- Nan, loin de là, tu fais ce que tu veux. J'espère juste que tu me racontes pas de conneries et que t'as pas été trouver le mec du gymnase qui m'a poussée...
Je soupire intérieurement et serre mon poing dans la poche de mon sweat, quand je me rappelle cette tête de con.
- Non, pas encore, mais ça va pas tarder, répliqué-je, sérieusement.
Bah oui, bonne idée, aggrave ton cas !
Elle soupire, presque tristement et j'ai l'impression qu'elle va se lever et foutre le camp. Mais au lieu de ça, elle s'assoit sur le plateau de la table, à gauche de Nico et je la rejoins, pour me mettre à côté d'elle, soulagé alors qu'elle semble contrariée et cogite très certainement, essayant de trouver une réponse. Mais, Kév finit par nous sortir tout un tas de conneries et blagues débiles, dont lui seul a le secret et nous rions tous ensemble. Je sens son regard sur mes mains, abîmées, elles aussi, lorsque je les sors de ma poche, mais préfère faire comme si de rien était. On finit par discuter de tout et de rien. De motos, de caisses, de kart, de jeux vidéos et à aucun moment elle ne décroche de la conversation... Elle semble même passionnée... Elle doit bien au moins avoir un défaut... Je me mets à rire intérieurement... Sa curiosité !
Alors qu'on est en plein débat sur la meilleure façon de battre l'un des boss sur le jeu du moment, mon téléphone vibre dans ma poche. Je regarde vite fait qui tente de m'appeler et saute de la table quand je vois que c'est ma mère.
- Ouais ?... Au parc... Merde, j'avais complètement zappé ! ... Ouais ... Nan t'inquiètes, j'arrive... OK.
Je raccroche, puis me rapproche de la table, pour leur annoncer que je dois aller l'aider et que je reviens juste après. Puis mon regard se pose sur elle... La laisser dans les Blocks me fait chier. J'ai horreur de cette idée... Ouais, OK, elle est pas seule, Kév est là, Nico aussi... Mais, ça me fait grave chier.
- Tu fais gaffe, demandé-je à Kévin, sérieusement.
- T'inquiètes, mec, il arrivera rien à ta princesse.
Je le regarde de travers. Il me casse les couilles avec ses réflexions ! Depuis qu'il sait que je l'aime bien et qu'il s'est mis en tête que j'étais jaloux, c'est pire. Je grimpe sur ma bécane, m'éloigne et jette un dernier coup d'œil vers elle, avant de tourner au coin de la rue. Il a pas intérêt à faire le con... Il pourrait lui balancer des trucs sur moi que je veux pas qu'elle sache, tout ça parce qu'il la trouve cool... Elle l'est, elle est même plus que ça, elle est... Bordel, cette petite voix commence à me gaver !
Une fois chez moi, je charge tous les cartons de fringues que ma mère doit apporter à l'association. Avant de partir, elle s'approche de moi, attrape mon menton entre ses doigts, pour relever ma tête et m'examine.
- Je peux savoir qu'est-ce qui t'es arrivé encore ?
Je fuis son regard, je sais qu'elle se fait du souci, mais moins elle en saura, mieux se sera. De toute façon, tout ça, c'est bientôt fini...
- C'est rien, un pote qui a eu des embrouilles, me justifié-je, en dégageant mon visage de sa main.
Elle soupire, puis secoue la tête.
- L'excuse habituelle Yann... T'as du bol que je sache vraiment quel genre de personne tu es.
Elle m'observe m'éloigner, tristement et je lui adresse un léger sourire avant d'enfiler mon casque. Depuis que j'ai perdu pied, j'ai l'impression que je tente d'éloigner tout le monde. Mes parents et moi on a toujours eu une super complicité, ils sont super et ils ont toujours tout fait pour moi... J'ai l'impression de tout faire foirer... Je suis vraiment con...
Quand j'arrive au parc, je remarque que Nico n'est plus là et que Kév et la furie sont en pleine discussion et me voilà à angoisser et à imaginer qu'il lui a tout balancé... Il voudrait que je lui raconte tout, mais si je le fais... Elle risque vraiment de s'éloigner et... C'est pas c'que j'veux... Elle pourrait aussi avoir des problèmes et ça, c'est hors de question... Pas à cause de moi. Je préférerais encore prendre mes distances.
Je les rejoins et lève un sourcil interrogateur.
- Ça a été ? demandé-je.
- Ouais, tranquille on a tapé discute, répond Kevin, en souriant.
Ouais, ça j'me doute... C'est bien ce qui m'inquiète d'ailleurs.
- Vous avez parlé de quoi ? demandé-je, tendu.
- De tout et de rien... De pétards... lâche Kév, avant de se foutre à rire.
Elle se retient de se marrer aussi et à son expression joyeuse, j'en conclus qu'il n'a rien dû lui dire de méchant.
- Je sais pas d'quoi tu parles, mec, mais si tout s'est bien passé, c'est le principal, lancé-je, rassuré.
- Ouais, t'inquiètes ta princesse est saine et sauve, ajoute-t-il en rigolant.
Je serre les dents. Il va finir par me foutre vraiment en rogne.
- Tu t'arrêtes jamais toi, lui balance-t-elle.
- Moi ? Nan ! Rien que pour voir sa tête, ça vaut le coup, ajoute Kévin en m'observant pour jauger ma réaction.
Je lui adresse un regard noir, mais il a l'air de s'en contrefoutre royalement.
Nous reprenons notre discussion là où elle en était avant que je ne parte et les minutes passent sans que je m'en rende compte. Rapidement, quelques groupes des Blocks commencent à arriver dans le parc. La fin de journée approche et les activités en tout genre vont commencer. Musique, battle de danse, cross, voiture, pour le moins risqué... Mais, aussi, trafic, baston et j'en passe. Il faut pas qu'elle reste là.
Je lui fais comprendre qu'il est temps de partir et elle salue Kév sans poser de questions. Je grimace encore une fois, quand elle passe ses bras autour de moi pour se tenir et en même temps l'autre abruti manque d'exploser.
Après quelques minutes, je m'arrête devant chez elle, puis elle descend et enlève son casque avant de me sourire.
- Merci pour cet après-midi, c'était sympa.
- Ouais, j'trouve aussi, lancé-je.
Je ne suis pas comme Kévin, je lui parle beaucoup moins, malgré moi, je préfère garder une certaine distance de sécurité... J'en ai besoin, pour garder le contrôle.
- À demain, bonne nuit, ajouté-je.
- Merci toi aussi, à demain.
Elle me sourit, encore, ça me donne envie de toujours voir cette expression sur son visage. Ses yeux pétillent, ils n'ont plus cet air sombre qu'ils ont eu plus tôt dans l'après-midi et je fais en sorte de garder cette image en mémoire pour le reste de la soirée.
Deux heures plus tard, je suis allongée sur mon lit en train de cogiter. Ça fait trois fois que j'attrape mon portable pour lui envoyer un message et trois fois que je l'efface. Je soupire, puis lui envois ce qui me passe par la tête.
Moi : * C'était sympa, faudra qu'on remette ça *
Je pose le portable sur le lit, à côté de moi et reste les yeux rivés sur le plafond. Quand il vibre, mon cœur fait un bon.
La furie : * Ouais, carrément, ce serait super *
Moi : * T'es toute seule ? *
La furie : * Ouais, je suis souvent seule chez moi, pourquoi ? *
Sans vraiment savoir pourquoi, le fait de la savoir seule ne me plait pas. Il pourrait arriver n'importe quoi... J'ai tendance à être protecteur et avec elle... c'est pire.
Moi : OK, Fais gaffe alors, si y'a quoi que ce soit tu m'appelles *
La furie : * C'est gentil, j'y penserais ^^ *
Moi : * Nan, mais sérieusement *
La furie : * Mais oui, c'était juste pour t'embêter *
Moi : * C'était pas drôle *
La furie : *😜*
Moi : * 😉 Allez, dors *
La furie : * Ouais, à demain *
Moi : * A demain *
Finalement, les messages se sont enchaînés naturellement et je jure que j'aurais pu discuter avec elle toute la nuit... Mon téléphone vibre une nouvelle fois, alors que je pensais que notre discussion était terminée.
La furie : * Bisous *
Je relis le SMS deux fois... L'autre con accélère et semble ne plus vouloir battre comme il faut. Je ne sais pas quoi faire... Elle me prend au dépourvu... En même temps, c'est ce qu'elle fait depuis le début. J'ai l'impression que si je réponds, elle pourrait penser que je la fais entrer dans ma vie, d'une façon que je ne peux pas me permettre. Et, si je réponds pas... Et, puis merde !
Moi : * Bisous *
J'ai l'impression d'être cerné et de pas pouvoir échapper à ce qui m'attend. Je fais toujours en sorte de garder une échappatoire... Et, là... C'est la merde. J'en ai aucun.
Je ferme les yeux, le sommeil finit par avoir raison de moi et de mes questions. Au moment de sombrer, comme pour me rappeler ce que j'ai dit, son sourire apparaît. J'ouvre les yeux. Bordel, c'était quoi ça...
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