*Point de vue Yann*

Je viens d'envoyer chier le prof de math et je me suis barré de son cours. Depuis que j'ai foutu dans la gueule de Kévin qu'elle était toute à lui, je pète un câble. Je passe la porte du lycée, avec la rage et j'ai envie d'aller cogner dans mon défouloir.

J'arrête pas de repasser une phrase en boucle dans ma tête... J'espère qu'elle ne m'a pas écouté... C'est sorti tout seul... J'en pensais pas un mot. Je veux qu'elle me déteste, je veux qu'elle reste loin de moi, mais dès qu'elle est trop proche d'un mec, j'ai l'impression de devenir dingue. Bordel y a vraiment un truc qui va pas chez moi ! Et, que mon pote arrive à discuter avec elle aussi facilement me fait chier... J'aimerais pouvoir, moi aussi.

Kév me rattrape alors que je longe l'établissement et m'adresse une tape sur l'épaule.

– Putain, mec ! Il se passe quoi là, tu m'expliques ?

Je glisse un regard noir vers lui et ne réponds pas. Il me contourne et se plante devant moi. Mauvaise idée, mec, t'es mon pote, mais...

- Bouge, mec, j'ai pas envie de parler de ça avec toi !

Il fronce les sourcils et semble comprendre.

– Attends, c'est à cause de c'qui c'est passé hier ?

C'est pas bon, je sens la colère monter et j'ai rien pour me défouler. Il n'y a que lui, là, face à moi, mais c'est mon pote... et putain, ça me ferait chier de perdre le contrôle.

– Pourquoi ça te fait autant chier, hein ? me provoque-t-il, c'est quoi ? T'as peur qu'entre elle et moi il se passe un truc ?

Ma mâchoire se crispe et mon poing se serre.

– Il se passera rien, je suis pas du genre à piquer les meufs de mes potes, t'es con ou quoi !

Mon regard transperce le sien et je vois qu'il se tend.

– J'en ai rien a foutre ! aboyé-je.

Il sourit, amusé et fait un pas vers moi. Kév sait comment je fonctionne, je ne dirais rien tant qu'il ne m'aura poussé à bout... Et, quitte à s'en prendre une, ce con le fera.

– T'en pense pas un mot, t'es juste putain de jaloux !

Immédiatement, c'est l'explosion, je vois rouge. Je le pousse violemment, il recule de quelques pas, mais revient à la charge.

– Tu lui as dit quoi ? lui demandé-je, sèchement.

Il soupire et je me tends encore plus. Qu'est-ce qu'il a été lui raconter bordel !

– J'lui ai dit que t'avais du mal à t'attacher, que...

Je ne le laisse pas finir sa phrase et le bouscule encore une fois. Putain, il fait chier, il bouge pas ! Pourquoi il ne se casse pas tout simplement !

– J'peux savoir en quoi ça te regarde ? m'emporté-je encore plus.

– T'es mon pote, mec, content ou pas ça m'regarde !

– Pourquoi t'as été lui balancer ça, putain !

Je passe nerveusement une main dans mes cheveux, tandis qu'il ne me lâche pas du regard. Je sais qu'il va me balancer ce qu'il a à me dire.

– Parce que tu te comportes comme un connard... C'est une fille bien, va pas tout gâcher à cause de tes conneries, réplique-t-il.

Mon pote fronce les sourcils, puis se concentre de nouveau rapidement sur moi.

– Putain, mais tu comprends pas que je fais tout ça pour la tenir à l'écart ? m'énervé-je.

– C'est ton excuse habituelle ! C'est pas comme ça que tu vas réussir à la protéger. Elle cherchera à savoir, elle est pas du genre à abandonner facilement et si elle découvre tout d'elle-même, tu connais la suite, balance-t-il.

– Ça n'arrivera pas !

Soudain, la furie se plante à côté de nous. Ce traître l'a vu arriver et il ne m'a rien dit... Alors que deux secondes avant j'étais sur le point de péter un câble, voilà que mes muscles se détendent petit à petit. Un silence s'installe, tandis que Kévin et moi l'observons. Qu'est-ce qu'elle fout là...

– Bah quoi ? finit-elle par lâcher, l'air de rien.

– Qu'est-ce que tu fais là ? l'interrogé-je, plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

– Et vous, qu'est-ce qui vous prend ? Vous êtes pas potes à la base ?

– Comment t'as su ? demande Kévin, qui ne comprend pas lui non plus.

Elle lève son doigt et pointe le bahut. En voyant Nico et Aurore au carreau de la fenêtre entrouverte juste au-dessus de nous, je comprends rapidement.

– Vous êtes pas discrets, explique-t-elle.

– Pourquoi t'es v'nu ?

Encore une fois, mon ton est sec et n'importe qui hésiterait à répliquer... Mais pas elle...

– Parce que je me demande pourquoi deux potes sont à la limite de se bagarrer.

Sans savoir pourquoi, je détourne mes yeux des siens, alors que pourtant, j'aime les observer et m'y perdre. Bordel, ta gueule ! D'un côté, je suis rassuré, elle me connaît pas aussi bien. J'étais loin de me battre... Sinon ça aurait été différent.

– Qu'est-ce qui se passe ? hasarde-t-elle.

– Ça t'regarde pas !

Au moment où je prononce ces putains de mots, l'autre débile rate un battement, me faisant comprendre que j'ai merdé. Ouais, c'est bon je sais !

– OK, comme tu veux, si tu le prends comme ça, prononce-t-elle, avant de faire un pas pour partir.

– Putain mec, t'es con ou quoi ? me lance Kevin, exaspéré.

Je fronce les sourcils, puis me tourne vers elle. Elle s'est arrêtée, comme si elle attendait quelque chose et je me demande quoi.

– Il t'a dit des trucs que t'étais pas censé savoir.

Et voilà que je parle sans le vouloir... Si tout mon corps commence à m'abandonner à chaque fois qu'elle est là, je vois pas comment je pourrais m'en tirer.

– Ouais, enfin lui au moins il me parle, réplique-t-elle.

Je serre les dents et encaisse.

– Tu vois ? Elle est pas possible ! constaté-je, en m'adressant à Kév.

– Bon, moi j'vous laisse, à plus ! lance-t-il.

J'y crois pas... Il est vraiment en train de se faire la malle là ?

Je l'observe foutre le camp, puis me tourne vers elle. Je me frotte nerveusement la nuque, puis là encore, sans savoir pourquoi, ma main saisit la sangle de son sac. Elle le retient, mais je tire légèrement, en insistant du regard. Elle abandonne et me laisse le mettre sur mon épaule.

J'avance et elle me suit. Je sais même pas où je vais, ni ce que je compte faire. Finalement, je me pose sur le muret face au lycée et elle me rejoint.

Je reste comme un con à regarder mes pompes, sans rien dire... Et maintenant ? Non, parce que jusque là, ma voix n'en fait qu'à sa tête, mon palpitant fait le couillon, et là, quand j'ai besoin, y a plus personne...

– Excuse-moi, murmuré-je presque.

Ah, bon OK... J'étais pas prêt. Mais pourquoi pas...

– Pas grave, c'est rien, lance-t-elle surprise.

J'aurais préféré qu'elle me gueule dessus, je me serais limite senti mieux...

– Si, t'as rien demandé à la base, t'as raison.

– Je suis trop curieuse, avoue-t-elle.

– Ça, j'dirais pas le contraire... Mais, c'est moi qui suis pas clair avec toi.

Elle se tourne vers moi et mon regard s'accroche à ses iris. Ils ont une couleur différente aujourd'hui... Plus clair... Bordel, voilà que ça recommence !

– Écoutes, si t'as pas envie de me parler, alors ne le fait pas, si tu veux pas qu'on soit pote, ne le soit pas, je peux rien te dire de plus... Mais, je te demande juste d'être clair.

Putain, mais pourquoi elle va toujours droit au but ! L'autre rate encore un battement et je me prends en pleine face ce qu'elle a dit. C'est pas c'que je veux...

– C'est pas ça...

Les muscles de ma mâchoire tressautent. Qu'elle pense ça me fout en l'air... C'est juste pas le bon moment, c'est tout...

– Alors c'est quoi ?

– C'est compliqué, soupiré-je.

Réponse facile... Mais tellement vraie ! Elle quitte mes yeux, déçue. T'es vraiment con, mec !

– Qu'est-ce que tu veux savoir ? lâché-je.

Bah voyons ! Enfonce toi encore plus, vas-y...

– T'es sérieux ? s'étonne-t-elle.

Bah faut croire...

– Profite, avant que je change d'avis.

– Pourquoi tu m'as menti ?

– Pour Chloé ?

– Ouais.

– Pour te tenir à l'écart, avoir une relation amicale ou autre, c'est pas envisageable, pas maintenant.

Elle fronce les sourcils et je jurerais que la couleur de ses yeux change encore une fois. Je me force à faire attention à ce que je lui réponds, il ne faut pas que j'en dise trop.

– À l'écart de quoi ?

– C'est la sœur d'Écho, normalement en sachant ça, t'aurais dû au moins avoir un peu la trouille et t'éloigner.

Là aussi, elle à pas fait comme les autres et mon plan a foiré... À croire que plus je prévois les choses, moins ça se passe comme je voudrais... Surtout avec elle.

– Et donc tu m'as menti pour que je m'éloigne ?

– Ouais, mais apparemment ça n'a pas fonctionné...

Je soupire, cherchant encore à savoir pourquoi.

– Ça a un rapport avec les messages que tu reçois ? m'interroge-t-elle.

Bordel... Elle a un radar à embrouille ou quoi !

– Ouais, mais je peux rien te dire de plus là-dessus.

– C'est que des messages, sourit-elle, en haussant les épaules.

Je laisse échapper un léger rire malgré moi... Pas vraiment...

– C'est bien plus que ça.

Un silence reprend place et j'ai horreur de ça. Je saurais pas vraiment dire pourquoi, mais depuis que je lui parle, contrairement à tout à l'heure, j'ai complètement zappé le fait que j'avais besoin de mon sac de frappes.

– Comment t'as eu mon numéro ?

Je souris immédiatement. Enfin une question à laquelle je peux répondre sans détours.

– Le soir où je t'ai raccompagnée, je t'ai demandé ton portable pour y rentrer mon numéro...

– Ouais...

– Je me suis tout simplement appelé avec ton téléphone et j'ai pu récupérer le tien, expliqué-je.

– Tu pouvais aussi demander...

– J'étais pas sûr que tu me le donnes... Et puis c'est plus marrant comme ça, non ?

Elle quitte encore mon regard, puis semble réfléchir et peser le pour et le contre.

– Qu'est-ce que Kevin t'a dit d'autre ?

– Rien de spécial.

– J'te connais pas depuis longtemps, mais il y a autre chose, alors dis, insisté-je.

Elle redresse la tête pour regarder devant elle, hésitante, puis sans prévenir, ses yeux replongent dans les miens... Bordel, je m'y ferais jamais, faut croire... Elle semble analyser la façon dont je vais réagir et le fait qu'elle redoute une mauvaise réaction de ma part me tord le bide. Je ne veux pas qu'elle ai peur de moi...

– Kevin m'a dit que tu es comme ça avec moi parce que t'as peur de t'attacher...

Putain, j'avais presque oublié qu'il lui avait balancé ça. Ma respiration se coupe et j'essaye de reprendre le contrôle comme je peux, alors qu'intérieurement je perds pied.

– Il sait pas de quoi il parle, éludé-je.

Elle n'insiste pas et je reprends petit à petit le contrôle. Elle pivote vers moi, pose son pied sur le muret et ramène son genou vers sa poitrine.

– Pourquoi t'as réagi comme ça, quand tu m'as vue avec Kévin hier ? Et, pourquoi si tu veux me tenir éloignée de toi dans ce cas-là, tu me sauves la mise à chaque fois ?

Respire, mec, c'est juste une question... Une putain de question piège !

– J'avais peur de ce qu'il ait pu te dire et puis j'me suis dit qu'en me voyant réagir comme ça, t'allais prendre la fuite, mais là encore ça a foiré. Pour le reste je sais pas trop, expliqué-je, en haussant les épaules.

Elle sourit et c'est comme si je lisais en elle comme dans un livre ouvert... Ouais, je sais, t'as pas l'intention de prendre la fuite... J'ai compris.

– J'peux te proposer quelque chose ? sort-elle, tout à coup.

Oula... Pourquoi le fait qu'elle dise ça, me fait flipper ?

– Vas-y dit.

– Je te propose qu'on laisse faire les choses. Ne t'attache pas si t'en as pas envie ou s'y t'y arrives pas. C'est pas grave, je te force à rien. J'te propose juste d'être là pour toi, comme toi pour moi... Mais n'agis plus avec moi comme tu l'as fait jusque-là. Ne me parle pas pour ensuite m'éviter le lendemain et si tu me sauves la mise... encore, fait le en connaissance de causes.

Je soupire légèrement, puis cette fois c'est moi qui délaisse ses yeux magnifiques... J'analyse à mon tour ce qu'elle vient de dire, tandis qu'elle m'observe et attend ma réponse. De toute façon, même si je voulais dire non, je ne pourrais pas... Je me tourne vers elle, puis la regarde droit dans les yeux.

– Ça m'va, mais va falloir que tu fasses quelque chose pour moi, annoncé-je, sérieusement.

– Quoi ? demande-t-elle, surprise.

– T'approches pas d'Echo.

Il faut qu'elle m'accorde au moins ça... Parce que j'ai l'impression de ne plus rien contrôler et ça, il faut vraiment que je le contrôle.

– OK, de toute façon, c'est pas comme si j'avais l'intention de le revoir.

Ma respiration que j'avais bloquée, se libère, le poids que je ressentais se fait plus léger et bizarrement, je me sens bien...

– Et sois moins curieuse !

– Impossible ! rigole-t-elle.

Je hausse les épaules, amusé.

– J'aurais essayé !

Je me surprends à rire avec elle et à cet instant, alors que je n'avais plus ressentis ça depuis des mois, je me sens vivant... Bordel, mais qu'est-ce qu'elle est en train de me faire ?

Allongé sur mon lit, les yeux fixés sur le plafond, je repense à notre conversation. Elle m'a proposé d'être là pour moi, que je sois là pour elle et de ne pas m'attacher si je n'en avais pas envie... De laisser faire les choses. J'ai accepté... Ça non plus c'était pas prévu.

Que je sois là pour elle, c'est pas un souci, par contre lorsque j'ai accepté, je n'ai pas précisé jusqu'à quel point je la laisserais être là pour moi... Hors de question de la laisser entrer dans ma vie plus que nécessaire, pas tant que je n'aurais pas réglé ce qui en fait partit... Quant au fait de m'attacher... Bordel, plus je lutte, plus c'est difficile ! Il faut dire aussi qu'elle ne me facilite pas la tâche. Elle ne lâche rien, elle a du caractère, et j'adore ça... Même si je suis sûr que c'est ce qui finira par avoir ma peau.

J'ai appelé Kév pour m'excuser d'avoir agi comme un con avec lui et on en est venu à parler d'elle. Il a fini par me demander ce que plutôt je n'aimais pas chez elle, en se foutant de ma gueule... Je l'ai envoyé chier. Je me pose assez de questions comme ça, pas la peine qu'il en rajoute ce con !

Finalement, discuter avec elle est plus facile que je le pensais...

Sans vraiment savoir comment c'est arrivé, elle a fini par se rapprocher de moi... Je sais pas ce que ça va donner, mais... Je ne peux pas faire autrement...