Chapitre 71
Lorsque nous entrons dans le gymnase, la même lumière y règne, mais il me paraît beaucoup plus grand. Surement parce qu'il n'y a pas foule aujourd'hui... Echo est assis face à nous, au fond de la salle, devant une table métallique. Il a certainement entendu le bruit de la porte lorsque nous sommes entrés, pourtant, il n'a levé les yeux à aucun moment.
Yann me tient fermement la main, tandis que nous approchons de lui. Nous nous plantons face au chef de gang, alors qu'il compte les billets dispersés devant lui, pour ensuite en faire des liasses. Toujours aucun regard, ni même une parole. Yann ne dit rien non plus, il a l'habitude et il le connaît, mieux vaut que je suive le mouvement.
Une fois la dernière liasse assemblée, il ouvre le tiroir en dessous la table, en sort plusieurs petites pochettes transparentes à fermeture zippée, contenant sans grande surprise des substances illicites, qu'il répartit dans trois bananes noires. La même quantité dans chacune d'elle. Il fourre ensuite les billets dans un sac à dos qu'il pose sur la table.
Je ne fais pas partie de ce monde et je pourrais facilement le balancer, pourtant il n'en a rien à faire, il fait ça devant moi, sans sourciller. Je me demande ce que cela aurait comme conséquence, si je décidais d'aller voir les flics, de leur expliquer ce qui se passe ici, la drogue, les combats et tout ce qui s'en suit.
Est-ce que Yann serait débarrassé de lui ? Est-ce qu'il serait tranquille ?
Puis, je me souviens de ce qu'il m'a expliqué. Echo a des gars sous ses ordres, qui n'attendent qu'un mot de sa part pour exécuter ce qu'il demande. Ils les enverraient certainement me trouver et Yann aurait aussi des ennuis... J'oublie donc rapidement cette option.
Alors que je suis perdue dans mes pensées, Echo plaque la paume de ses mains sur la table, puis repousse sa chaise en arrière. Le bruit me fait légèrement sursauter et Yann glisse un regard rassurant sur moi. Le dealer lève ses iris sombres sur nous, tout en se redressant, me gratifie d'un sourire narquois et plisse les yeux pour me détailler de haut en bas.
Il fait le tour de son bureau, puis se poste devant nous avant de prendre appui sur la tranche.
- Merci d'être venu, me lance-t-il en plantant son regard dans le mien.
Je lui adresse un sourire en coin... S'il commence sur ce terrain-là, ça ne va pas le faire.
- J'ai pas vraiment eu le choix, répliqué-je.
Je balance ça, sans vrai pouvoir me contrôler. Parfois, je maudis mon franc-parler. Yann, comme pour me rappeler à l'ordre, serre un peu plus ma main. Echo lâche un rire qui résonne dans la pièce, puis son regard glisse sur nos doigts entrelacés.
- Alors c'est vrai, vous êtes ensemble.
- Ouais, mais j'pense pas que ce soit le sujet, gronde Yann, froidement, pourquoi tu voulais la voir ?
OK... Question franc-parler, à nous deux, on fait la paire !
- Soit pas si pressé, on a le temps. D'ailleurs, c'est bien que tu sois là toi aussi, on n'a pas vraiment mis au point notre arrangement, lâche Echo, calmement.
- J'ai pas eu de nouvelles de toi pendant presque deux semaines, qu'est-ce que tu prépares ? demande Yann méfiant.
- J'ai voulu te laisser le temps de digérer tout ça, t'aurais été bon à rien sinon. Tu sais bien que j'aime quand les combats que j'organise dur plus de trois minutes ! Et quand t'es sur les nerfs tu les expédies en beaucoup moins de temps. C'est pas bon pour le business, rit-il en jettant un coup d'œil sur le sac où sont rangés les billets. Et puis, j'ai pris mon pied à vous voir vous poser des questions.
Il quitte la tranche de son bureau, puis se met à marcher, décontracté. Il entre alors dans le vif du sujet, l'heure n'est plus à la rigolade pour lui. Son attitude a changée, même s'il est calme, les traits de son visage sont eux, très sérieux.
- Comment tu as découvert pour les combats ? m'interroge-t-il, en se tournant vers moi.
- Je suis tombée sur un message par hasard, annoncé-je sans me démonter.
- Et qui t'as aidé à le comprendre ?
- Ça n'a pas vraiment été compliqué, j'ai eu besoin de personne, mens-je avec brio.
Il pousse un long soupir, puis se gratte l'arrière de la nuque, agacé.
- J'avais bien dit à cet imbécile que ses messages, c'était de la merde ! Est-ce qu'il m'a écouté ? Non, bien sûr que non, s'énerve-t-il, après je ne sais qui.
Il se calme d'un coup, puis scrute de nouveau, curieux.
- Ce que t'as vu t'a plus au moins ?
- Pas vraiment, réponds-je du tac au tac.
Il affiche un air amusé, puis reprend.
- C'est dommage, vraiment dommage... Est-ce que ton copain t'a parlé des propositions que je lui ai faites ?
- Il m'a expliqué oui.
- Donc t'es au courant que j'ai proposé de passer une soirée avec toi et qu'il a refusé ?
Yann resserre sa prise autour de ma main et je lui rends son geste, pour lui faire comprendre que jusque-là, je gère. Je sais que ce sujet est en train de le mettre à cran, mais il ne faut surtout pas qu'il s'emporte.
- Il m'a tout dit.
- Et t'es d'accord avec la décision qu'il a prise ? demande-t-il en s'adossant contre le mur avant de croiser les bras.
- Comment ça ?
- C'est simple, il a pris cette décision à ta place, sans t'en parler avant et je trouve pas ça vraiment fairplay de sa part.
En l'entendant, Yann fait un pas sous le regard amusé d'Echo, mais je serre fermement sa main et le retiens.
- Va droit au but ! s'énerve Yann.
- C'est simple, j'offre à ta copine le droit de décider par elle-même. Bien sûr, l'offre de départ a expirée, mais, si elle accepte cette soirée avec moi, je consens à réduire de moitié les combats que tu me dois.
La mâchoire de Yann se contracte et les muscles de ses bras se tendent. Il est au bord de l'explosion cela ne fait aucun doute. Echo me met dans une position inconfortable. D'un côté, il y a Yann et la promesse que je lui ai faite de rester loin de ce type, de l'autre, il y a ce qu'il me propose et qui aiderait considérablement Yann.
- Je suis très sérieux, ajoute Echo. Au départ, j'allais rallonger de dix combats, ça me laissait le temps de trouver un autre favori pour continuer mon business, mais, je suis prêt à revoir mes exigences à la baisse et cinq me suffiraient.
Yann lâche ma main, puis commence à faire les cent pas à côté de moi, sans s'éloigner. Il essaye de prendre un maximum sur lui, je lui ai demandé de ne rien faire de stupide, mais à ce moment précis, ses limites ne sont plus très loin.
- Cette soirée... C'est qu'elle genre de soirée ? le questionné-je, tandis que Yann se fige et me lance un regard de travers.
- T'es sérieuse là ? grogne-t-il en ne me quittant pas des yeux, tandis qu'Echo s'amuse de la situation.
Mais je ne m'attarde pas sur lui et reporte mon attention sur Echo.
- Et bien, une soirée, toi et moi, pourquoi pas aller danser, propose-t-il.
Je tourne la tête vers Yann, qui croise ses mains sur sa nuque, nerveusement et qui m'adresse un regard qui me supplie de ne surtout pas accepter. Echo fait alors quelques pas vers moi.
- Bien sûr, je reste un homme et pour ce qui est de la fin de la soirée, y'a des besoins que j'espère que tu pourrais satisfaire, lance-t-il comme une bombe.
Yann qui était derrière moi, passe à mes côtés et fonce vers Echo. Je lui emboîte rapidement le pas, alors qu'il pousse violemment celui qui vient de me faire cette proposition plus qu'indécente. Echo recule de légèrement, tandis que Yann avance vers lui, le regard noir. Je saisis son bras, désespérée.
- C'est non ! m'exclamé-je.
Je me place devant Yann et plante mes yeux dans les siens. Son regard me donne des frissons, il est dans un état d'esprit tel qu'il me ferait presque peur. Ses iris sont emplis de rage, tous ses muscles sont tendus et la main que je pose à ce moment sur son torse pour l'apaiser, ressent les battements de son cœur qui semble sur le point d'exploser.
- Je ne le ferais pas, je n'irais pas, lui affirmé-je, tout en ne le quittant pas des yeux, pour le forcer reporter son attention sur moi.
Je l'implore du regard pour qu'il se calme et en entendant ma réponse, les muscles de ses bras se détendent déjà légèrement. Je glisse ma main dans la sienne et entrelace à nouveau mes doigts aux siens, sous le regard d'Echo, qui se délecte de la scène.
- Je suis pas ce genre de fille, craché-je en me tournant vers lui.
- Si je dois faire dix combats, je les ferrais, si j'dois en faire vingt, je les ferais, mais jamais tu l'approcheras, grogne Yann entre ses dents, toujours au bord de l'explosion.
Je réalise qu'il vaudrait mieux pour nous de partir, ce rendez-vous n'était en fait qu'une vaste blague, destinée à pousser Yann dans ses retranchements et Echo a bien failli réussir. Je tire doucement sur son bras, et lui fais signe de la tête pour qu'on sorte de cet endroit. Mais alors que nous sommes à quelques pas de la porte, le dealer reprend la parole.
- C'est dommage que t'aies pas apprécié ce que t'as vu, parce qu'il va falloir que tu assistes à chacun des prochains combats de ton copain ! C'est pas négociable et j'te conseille de te pointer à chacun d'entre eux si tu veux pas d'ennuis, me menace-t-il. Et puisque je suis dans un bon jour, et que je suis sûr que ce spectacle me plaira, cinq combats suffiront... J'ai déjà un nouveau poulain dans ma ligne de mire, ajoute-t-il.
Yann se fige et j'en fais de même. Il relâche brusquement ma main et se précipite sur Echo, pour le plaquer violemment contre mur. Il place son avant-bras sur son torse pour le bloquer et son poing droit est à quelques centimètres de son visage. Echo le défie du regard.
- Qu'est-ce que tu cherches ! Aboie Yann.
- T'as beau foutre, j'te connais Yann et je sais que le dernier truc que tu veux, c'est qu'elle te voit tel que tu es quand tu te bats. Ça te fait flipper, le fait qu'elle puisse voir la colère que tu contiens, qu'elle puisse se détourner de toi à cause de ça.
Je les rejoins aussi vite que je peux, Yann a le poing tellement crispé, que ses jointures sont blanches. Il serre les dents et la rage qu'il ressent à ce moment-là remplit ses yeux de larmes. Le voir ainsi me fend le cœur et mes yeux ne tardent pas non plus à être gagnés par les larmes.
- Vas-y cogne-moi ! Fait le et en moins d'une minute t'as mes gars sur le dos, le menace Echo. Par contre, oublie pas que ta copine est là et qu'ils n'en auront rien à foutre.
J'imagine alors ces mecs se pointer. Yann a beau être ce qu'il est, face à une dizaine de ces enfoirés, il ne fera jamais le poids. J'agrippe le bras avec lequel il menace Echo, désespérée, tandis qu'une des larmes que je retiens depuis tout à l'heure, roulent sur ma joue.
Sentant la détresse dans mon geste, Yann baisse ses iris azurs moi, puis fronce les sourcils au moment où il voit mon visage. Les muscles de sa mâchoire tressautent, lorsque ses pupilles se fixent de nouveau sur Echo, puis son poing s'abat droit dans le mur, à quelques centimètres du visage du dealer. Il le repousse une dernière fois violemment, puis le relâche brusquement.
Je libère son bras lorsque je constate qu'il ne menace plus le chef de gang, mais je suis comme dans un état second et je reste plantée là, sans aucune réaction. Yann s'en aperçoit, me saisit la main pour m'entraîner jusque dehors, sous le regard d'Echo, plus satisfait que jamais.
Il parvient à me faire regagner la Jeep et je ne sais même pas comment mes jambes m'ont permises d'y arriver. Mon regard est perdu dans le vide et cette larme que j'ai laissé échapper un instant plus tôt, n'est à présent plus la seule à rouler sur mes joues.
Yann se baisse à mon niveau, pour me regarder et lorsqu'il voit l'état dans lequel je suis, il m'attire instinctivement à lui. Ainsi blotti contre son torse, je perçois les battements de son cœur, qui ne se sont toujours pas calmés.
- Je suis désolé, balbutié-je, j'aurais voulu...
Il me serre plus fort contre lui, comme pour m'interrompre, je n'ai de toute façon pas la force de continuer ma phrase.
- S'il te plaît, arrête de pleurer, souffe-t-il d'une voix qui se veut rassurante.
Jusqu'à ce jour, Echo était pour moi quelqu'un que je n'aimais pas. Aujourd'hui, je le méprise, ma haine envers lui est si grande, que si je pouvais retourner là-bas et lui régler son compte moi-même, je le ferais. Il vient de contraindre Yann d'accepter quelque chose qu'il redoutait... Et il vient sans le savoir, de me faire revenir sur une promesse que je lui ai faite.
J'avais promis à Yann droit dans les yeux que je n'irais jamais le voir combattre. Le voir autant affecté par ce qu'exige ce type et cette tristesse dans son regard à ce moment-là, m'a coupé le souffle...
Je hais ce mec...
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