
Chapitre 66
Cela fait deux jours que je soûle littéralement Yann pour qu'il me révèle où il compte m'emmener, mais il n'a rien voulu me dire dit, pas même un seul indice. Imaginez-vous, moi, la fille impatiente, qui aime assez bien contrôler sa vie, ne pas savoir à quoi m'attendre... Je ne tiens clairement plus en place. Je suis même allée trouver Kévin, pour lui demander s'il avait une idée, mais non, il n'est au courant de rien non plus... À mon plus grand désespoir.
Toujours est-il que, de toute façon, nous sommes vendredi et que c'est ce soir que nous prenons la route. Yann m'a expliqué qu'il viendrait me chercher à la fin de la journée, puisqu'il quittait plus tôt que moi. Cela lui permettra de rentrer chez lui pour récupérer nos affaires.
Nous voilà donc quelques jours tranquilles, sans cours, les professeurs devant se concentrer sur la préparation des examens. Je rejoins la sortie de l'établissement, accompagnée d'Aurore, Kévin et Nico, puis alors que je m'apprête à les saluer, avant qu'ils ne montent dans leur bus, je remarque une voiture que je connais bien maintenant, se garer devant nous à quelques mètres.
La Jeep noire, flambant neuve, s'arrête, traînant derrière elle une remorque où est sanglée une cross verte que je n'avais encore jamais vu. Mon meilleur ami descend, puis me rejoint sous le regard curieux de la plupart des étudiants.
Le temps est plutôt agréable et la température, douce. Yann porte un sweat bordeaux à capuche, sans manches, qui met en valeur la musculature de ses bras, un jean noir, ainsi que des baskets. Il a noué un bandana à son poignet droit, comme il le fait la plupart du temps. J'adore son style, en fait je pense que n'importe quelle fille aimerait...
– Prête ? me demande-t-il une fois à mes côtés.
– Toujours, réponds-je en lui souriant.
– Mec, j'te confis la maison tu fais gaffe, lance-t-il à Kévin, tandis que ce dernier acquiesce.
Nous saluons nos amis, puis Yann s'empare de mon sac de cours, que je porte sur mon épaule, afin de rejoindre la voiture. Je m'assois côté passager, tandis qu'il le dépose dans le coffre, pour prendre place derrière le volant et démarrer.
Plus nous roulons, plus nous nous éloignons considérablement de la ville. Tantôt nous discutons, tantôt mon regard se perd sur les paysages de plus en plus sauvages qui s'offrent à nous. J'ai abandonné l'idée de lui soutirer des informations quant à notre destination... Il restera muet comme une tombe...
– J'avais encore jamais vu cette moto, soufflé-je.
– Ho ça ? Cadeau de mes parents pour mon anniversaire...
Je souris à la petite grimace gênée qu'il esquisse. Le connaissant, il a dû leur dire que ce n'était pas la peine.
– Elle n'a pas de numéro ? m'étonné-je.
– Non, pas encore, je ne donne pas n'importe lequel à mes bécanes, je réfléchis toujours.
– Ha oui ?
– Ouais, t'as vu les sauts que je réalise avec ? Autant que le numéro me porte un minimum chance, réplique-t-il en souriant.
– C'est sûr.
Je décide de mettre un peu de musique et monte le volume lorsque l'une de mes chansons du moment passe. Sans m'en rendre compte, je commence à en fredonner la mélodie, puis à chanter.
Soudain, je m'aperçois qu'il m'observe discrètement du coin de l'œil et je me sens légèrement embarrassée.
– Désolée, j'adore cette musique.
– Tu chantes plutôt pas mal, affirme-t-il, avec sérieux.
– Je quoi ? Nan...
Cette fois je me sens un peu rougir.
– Je te jure que si, insiste-t-il.
J'esquisse un sourire, puis, lui adresse un regard malicieux.
– Toi aussi, annoncé-je.
Il tourne la tête vers moi et lève un sourcil.
– La playlist Eminem, sous la douche, précisé-je.
– Ho, ça... un autre de mes passe-temps, lâche-t-il naturellement.
Je souris à cette phrase, me demandant combien de hobbies il compte au total.
Au bout de presque quatre heures de route, nous nous engageons sur un chemin de terre et de cailloux. Nous y serpentons pendant cinq petites minutes à allure réduite, jusqu'à arriver devant une maisonnette en pierre et bois blanc. Les volets sont peints d'un bleu très clair, et à chacune des fenêtres y sont accrochées des jardinières, où des fleurs tombantes de différentes couleurs sont disposées.
Je reste bouche bée en descendant de la voiture, tellement l'endroit est magnifique. C'est typiquement la petite maison de vacances où l'on rêve de passer son été pour ne plus en partir. Yann contourne la Jeep, puis, je le suis. Il saisit son sac et j'en fais de même sans vraiment y porter attention, tellement mes yeux vagabondent d'un endroit à un autre.
Je me recule légèrement, avec mon sac à la main, histoire d'avoir une vue d'ensemble et reste sur ma première impression, cet endroit est superbe.
Je m'approche de nouveau de lui pour le suivre et il saisit machinalement mon sac. Je le regarde faire en le remerciant d'un sourire, puis nous avançons vers la petite porte blanche.
Lorsque nous entrons, il fait très sombre et Yann pose nos bagages sur le canapé afin d'ouvrir les volets du rez-de-chaussée.
Au fur et à mesure que les rayons du soleil inondent la pièce principale, j'y découvre une ambiance reposante. Un sol à l'ancienne, composé de tomettes couleur brique, des murs clairs, dont un tout en pierre mêlée à des poutres en bois peint en blanc. Une petite cuisine très accueillante, des meubles, remis au goût du jour, une salle à manger juste assez grande pour recevoir la famille et un salon cosy avec une cheminée et un tapis duveteux couleur crème posé sur le sol juste en face.
Yann gravit quatre à quatre les marches donnant sur la mezzanine qui surplombe la pièce principale et remonte le store du velux. Il s'appuie à la rambarde et m'observe depuis le haut, tandis que je tourne sur moi-même pour m'imprégner un peu plus de l'atmosphère de l'endroit.
– C'est magnifique ! C'est à tes parents ?
– Non, à ma grand-mère, elle y passe une partie de ses étés, on a tout retapé avec mon père, sous sa directive évidemment, grimace-t-il.
– Elle a bon goût.
– C'est de famille, rit-il en m'adressant un clin d'œil.
Il redescend, puis se dirige vers la grande baie vitrée pour remonter le volet roulant. Je le laisse faire, tandis que je passe en revue les livres rangés dans la petite bibliothèque. Il coulisse l'un des pans, puis se tourne vers moi.
– Allez, viens, propose-t-il, tout en m'invitant d'un signe de tête à le suivre.
Je m'exécute et le rejoins, tandis qu'il m'observe, comme s'il attendait une réaction de ma part. Lorsque je pose le pied sur la petite terrasse en bois sur pilotis et que mon regard se porte vers l'horizon, je n'en crois pas mes yeux. J'ai le souffle presque coupé face à ce spectacle auquel je ne m'attendais pas et qui s'impose à moi.
Je pose mes mains sur le garde-corps, sous le regard de Yann qui semble satisfait de la surprise qu'il lit sur mon visage.
Je ne rêve pas, mes yeux sont littéralement en train de se noyer dans le bleu magnifique de l'océan.
Je quitte ce somptueux tableau, puis me tourne vers lui, alors passe à ce moment la main dans ses cheveux.
– C'est juste... J'ai pas de mots.
– Ouais, je fais souvent cet effet-là, plaisante-t-il tout sourire.
Je pouffe, puis lui file un petit coup de coude.
– Pff, t'es con.
– Ouais, je sais, mais c'est pour ça que tu m'aimes bien, non ?
Je ne réponds pas et me contente de l'observer, faisant mine de réfléchir, ce qui le don de lui faire abandonner son sourire exagéré.
– Quoi tu m'aimes pas ? demande-t-il, affichant une moue boudeuse.
Je le bouscule légèrement avec mon épaule.
– Bien sûr que si.
Il retrouve immédiatement son sourire, puis alors que je suis appuyée sur la rambarde les yeux rivés sur l'horizon, il m'attrape le poignet avec douceur.
– Suis-moi.
Je m'exécute et lui emboîte le pas, tandis qu'il me tient toujours. Nous empruntons un petit escalier qui part de la terrasse et qui semble descendre jusque sur la plage. Les marches sont recouvertes de sable, et au fur et à mesure que nous nous rapprochons de l'océan, l'air marin me fait oublier tous les soucis de ces dernières semaines.
Nous marchons le long de l'eau, tenant nos chaussures à la main. Les vagues encore un peu fraîches en ce début du mois de mai, nous chatouillent les pieds, tandis que nous discutons de tout ce qui nous passe par la tête.
Après quelques pas, nous décidons de nous asseoir sur le sable quelques minutes, pour apprécier le coucher de soleil. Je m'installe tout naturellement entre ses jambes et cale mon dos contre son torse, tandis qu'il s'incline légèrement en arrière et nous retient à l'aide de ses mains qu'il place derrière lui.
Nous restons un moment ainsi, sans rien dire, profitant juste de l'instant présent et comme à chaque fois que je suis contre lui, tout le reste n'a aucune importance.
Au bout de quelques minutes, la température commençant à chuter, nous décidons de rentrer et alors que je marche tranquillement, Yann se penche vers l'eau, puis m'éclabousse.
Je reste bouche bée, saisi par la fraîcheur des gouttes sur ma peau, mais cela ne l'empêche pas de recommencer. Mon débardeur noir se retrouve vite trempé et je décide de me venger, en l'aspergeant moi aussi.
S'en suit une bataille d'eau et un fou rire interminable auquel il met fin, lorsqu'il m'attrape et me jette sur son épaule avec une facilité déconcertante.
– Yann ! Lâche-moi, lui ordonné-je, alors que je m'imagine déjà qu'il va me mettre à l'eau.
– Sinon quoi ?
– Sinon je... Je te ferai plus jamais de crêpes ! le menacé-je sur le coup, n'ayant que ça comme moyen de pression.
Il se met à rire, puis me repose, face à lui.
– Alors comme ça, tu me menaces maintenant ?
– Ouais, acquiescé-je en prenant mon air le plus sérieux, tout en croisant les bras sous ma poitrine.
Il lève un sourcil, puis m'adresse un sourire en coin.
– Tu sais que... Je sais faire les crêpes ? C'est juste que j'aime bien te regarder les faire, c'est marrant.
– Marrant ?
– T'en fous partout et tu râles toute seule quand t'arrives pas à les faire sauter.
– Je vois pas de quoi tu parles, répliqué-je d'un air faussement outré.
Il s'approche de moi, puis constatant que je frissonne, pose ses mains sur mes bras, pour les frictionner avec douceur. Leur chaleur me procurent une sensation de bien-être incomparable. Il enlève ensuite sa veste sans manches, qui dévoile alors son torse parfaitement musclé et ses abdominaux dessinés à la perfection, puis me la pose sur les épaules, alors que mon cœur fait un bond.
Il plante son regard azur dans le mien, tandis que je ne peux détourner les yeux, puis, avance son visage plus près du mien et m'observe, avec une certaine douceur. Ses iris dérivent ensuite sur mes lèvres... Nous ne sommes plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, et même si nous sommes proches lorsque nous dormons ensemble, j'ai l'impression que nous ne l'avons jamais été plus qu'à ce moment précis.
Mais Yann est... Yann. Il s'aperçoit tout à coup qu'il est en train de dépasser certaines limites, sa limite. Il fronce les sourcils, avant de plonger une dernière fois le magnifique bleu de ses yeux dans les miens, puis détourne la tête, perdu, mettant ainsi fin à ce moment, alors que cette fois mon cœur se serre. Il passe son bras autour de moi, pour me tenir chaud, puis nous nous remettons en route pour la maison.
– Allez viens, on rentre au chaud, prononce-t-il la voix lointaine, en noyant son regard vers l'horizon, déstabilisé.
Je le suis, marchant à ses côtés, en silence, et me demande ce qu'il se serait passé si nous nous étions embrassés. Puis, je songe à ce que lui en aurait pensé, mais au fond, je le sais, il dirait certainement que ça aurait tout compliqué.
Une fois rentrés, je passe un short en jersey et un tee-shirt sec, avant de manger un morceau. En fin de soirée, après avoir regardé un peu la télévision l'un à côté de l'autre dans une ambiance un peu pesante, nous décidons d'aller dormir et nous montons sur la mezzanine, où se trouve un lit deux places. Il se tourne vers moi, en se grattant nerveusement l'arrière de la tête.
– Il n'y a que ce lit-là, les deux autres chambres sont encore en travaux, lance-t-il, embêté à l'idée de m'imposer de dormir avec lui.
– C'est pas comme si on n'avait jamais dormi ensemble.
Il m'adresse un léger sourire, puis, je me glisse sous la couette et il en fait de même après avoir retiré son tee-shirt. Suite à ce petit rapprochement sur la plage, je ne sais pas trop comment je dois agir et alors qu'en temps normal, je me serais automatiquement blottie contre lui, je laisse une certaine distance entre nous.
Yann et moi sommes proches oui, mais lorsqu'il juge qu'il dépasse les limites qu'il se fixe, il peut se renfermer sur lui, et dans ces cas-là, de mon côté, je préfère le laisser faire... Je ne voudrais pas le pousser à faire quelque chose qu'il s'interdit, au risque qu'il prenne ses distances. C'est un peu comme ça depuis le début avec lui, et je savais dans quoi je m'engageais après tout.
Il éteint la petite lampe de chevet et nous restons ainsi à distance... Une distance que je n'aime pas, et que je sais il n'aime pas non plus.
Au bout de quelques minutes, la fatigue de la journée me rattrape et je sombre peu à peu dans le sommeil, mon esprit inondé de tout un tas de questions et contrarié. Mais, finalement, il se rapproche de moi, glisse son bras sous ma taille et m'attire vers lui, pour que je me blottisse contre son torse. Il m'enserre, sans rien dire, et c'est ainsi que nous nous endormons, une fois de plus.
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