
Chapitre 64
Ce matin-là, lorsque j'ouvre les yeux, j'enfouis ma tête dans l'oreiller et ronchonne quand je remarque que Yann m'observe, allongé à côté de moi, appuyé sur son coude.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- J'essaye de comprendre, souffle-t-il, d'une voix très sérieuse.
Je glisse un regard vers lui, curieuse de savoir de quoi il parle et il ne tarde pas à reprendre.
- Pourquoi moi ? me questionne-t-il.
Je fronce les sourcils, pas vraiment certaine de saisir.
- J'veux dire, je suis pas comme Nico, je suis loin d'être le mec posé et sans histoire... Et j'ai un putain de caractère de merde, alors, pourquoi moi ?
J'esquisse un sourire, à vrai dire, cela m'étonne qu'il ne me l'ai pas demandé plus tôt.
- Parce que je n'écoute pas les rumeurs. Parce que je savais qu'au fond, tu étais quelqu'un d'extraordinaire et au final j'avais raison, expliqué-je.
Il fronce les sourcils, ma réponse a l'air de le déstabiliser.
- Pourtant, tu n'as vu que les mauvais côtés de ma personnalité.
Je lâche un petit rire et l'observe.
- Je ne dirais pas ça... Il n'y a qu'à voir comment tu te comportes avec les gens que tu aimes, rien que ça, ça en dit beaucoup sur la personne que tu es.
Je marque une pause, cherchant mes mots, puis reprends.
- Tu dis ne pas être quelqu'un de bien, ne m'apporter que des ennuis... Mais à la façon dont tu veilles et te préoccupes des autres... De moi... C'est tout le contraire, même si ton côté protecteur est parfois assez déroutant, confié-je.
Il grimace légèrement et baisse la tête, fuyant mon regard brièvement, puis se décide tout de même à le planter dans le mien.
- Désolé, si je le suis trop, j'ai... Je changerai pas.
- Je sais ! Et je chercherai jamais à te changer, c'est juste qu'aux yeux des autres... Ça porte à confusion...
Il semble réfléchir à ce que je viens de dire, tandis que je l'observe toujours me demandant ce que la suite de cette discussion va donner.
- Parce que tout le monde pense qu'on est ensemble, c'est ça que tu veux dire ?
J'acquiesce d'un petit mouvement de tête, tandis que son regard s'assombrit légèrement.
- Ça te dérange ? me demande-t-il sans détour.
- Tu sais bien que ça me passe au-dessus, affirmé-je en souriant. Mais...
- Mais ? s'inquiète-t-il.
- Mais tes parents commencent à le croire aussi, et parfois... On dirait que t'es jaloux.
Je lâche ça comme une bombe, sans même réfléchir, puis je soupire intérieurement et retiens ma respiration, attendant de voir ce qu'il va répondre.
- J'le suis, lance-t-il naturellement.
Mon cœur rate un battement et je ne dis rien, je ne sais pas quoi répondre à ça.
- J'ai peur que quelqu'un finisse par prendre ma place, explique-t-il, remarquant mon trouble.
- Ta place ?
Il grimace une nouvelle fois, comme gêné.
- Ouais, toi et moi, on a une relation assez... spéciale, j'aime ça ! Même si c'est compliqué et que pas grand monde nous comprend.
- J'aime aussi ce qu'on est, le rassuré-je, mais il faut que ce soit clair entre nous deux... On peut pas...
- Tu veux dire qu'il va falloir qu'on prenne une décision... me coupe-t-il, sur le ton du regret.
Je hausse les épaules, moi aussi un peu peinée, mais au fond je sais qu'il le faut, pour nous deux, pour les autres, pour tout ce qui suivra.
- Qu'est-ce que tu veux ? l'interrogé-je.
- Je veux que rien ne change, soupire-t-il, en se mettant sur le dos tout à coup et en fixant le plafond.
- Je sais pas si...
- Attends, laisse-moi finir.
Je l'observe attentivement, il veut tenter de me dire les choses tant qu'il est décidé. En un battement de cil, il pourrait se raviser et éviter la conversation. Je me tais et le laisse continuer.
- J'aime ce qu'on est et j'aime celui que je suis quand je suis avec toi, même si parfois j'abuse clairement... Et je sais que si on était ensemble, on serait bien, peut-être même mieux que maintenant ! Tu me plais, la question se pose même pas... Et putain, je pense que t'es même pas consciente à quel point tu plais aux mecs !
Il marque une pause, comme pour se donner du courage, puis tourne son visage vers le mien, me transperçant de ses yeux bleus, tandis que le rouge me monte aux joues. Il est tellement renfermé et a tellement de mal à communiquer en temps normal, que l'entendre dire toutes ces choses d'un coup... C'est perturbant.
- Mais se mettre ensemble... c'est prendre le risque de tout faire foirer, de s'éloigner si quelque chose vient à merder, on en a déjà parlé et j'y ai réfléchis, ajoute-t-il, calmement, et je veux pas prendre ce risque... je t'aime trop pour ça.
Est-ce qu'il vient vraiment de dire ce que je crois qu'il a dit ? Il m'aime ? Mais de quelle façon ? Ce qu'il dit est loin de résoudre le problème !
- Tu...
- Ouais, c'est c'que j'ai dit, t'es ma meilleure amie, plus que ça même ! C'est normal que je t'aime, lance-t-il tout naturellement, je suis un peu perdu, je sais plus où j'en suis... Il faut que je remette de l'ordre dans ma vie avant de te laisser y entrer complètement... Je suis pas prêt à m'attacher de cette façon, pour le moment...
Je me redresse et m'assois en tailleur sur le lit, je n'en reviens pas qu'il me parle comme il le fait. Bien sûr que je l'aime moi aussi, mais nous n'avions jamais mis de mots sur ce que nous ressentions l'un pour l'autre. Il m'observe, toujours allongé sur le dos, les mains derrière la tête, attendant désespérément que je réponde.
- Je tiens à toi et moi aussi je t'aime ! Nôtre "Nous" compte plus que tout, affirmé-je, le plus sincèrement possible.
Puis, un souvenir me revient, quelque chose qui s'est passé avec Kévin. Il est resté dans un coin de ma tête tout ce temps et la question qui suis s'impose à moi est inévitablement.
- Et si ce que Kévin dit vient à arriver ?
- Quoi ? demande-t-il, en se mettant assis à mes côtés, l'air soucieux.
- Si quelqu'un...
Je me coupe dans mon élan, me rendant compte que je ne sais vraiment pas comment formuler ma question.
- Si tu plais à un mec et que tu viens à te mettre avec ?
J'acquiesce et baisse les yeux vers mes mains, dont je triture les doigts.
- Bah, il a intérêt d'être putain de sérieux et de pas faire le con, sinon j'le défonce sans pitié, balance-t-il en serrant la mâchoire, alors que j'ai l'impression qu'il mène un vrai combat contre lui même.
Il soupire alors lourdement, puis passe son bras autour de mon cou pour me ramener vers lui.
- Je changerai pas, je s'rai toujours là pour toi, toujours aussi chiant et protecteur, que ça plaise ou non, affirme-t-il. Et pour la suite on verra...
- La suite ?
Il m'observe avec une certaine lueur dans le regard, hésitant à continuer.
- Je serais peut-être jaloux, mais ça tu l'sais, et faut s'attendre à tout avec moi, précise-t-il un léger sourire aux lèvres avant de se redresser comme pour fuir tout à coup.
- Alors, si je me met avec quelqu'un, ça ne te posera pas de problèmes ? tenté-je, le tout pour le tout.
Sa mâchoire tressaute et ses yeux fuient les miens.
- Je peux pas t'empêcher de te mettre avec qui que ce soit ni t'obliger à attendre que mes problèmes se règlent, lance-t-il en évitant subtilement mon regard.
Il se lève et se dirige vers son dressing pour y prendre des vêtements propres, puis, je l'interpelle.
- Yann ?
- Mmh ?
- Et moi ? Pourquoi moi ?
- Parce que t'es une emmerdeuse, lâche-t-il en souriant bêtement.
Je soupire d'exaspération. Yann et sa façon de noyer le poisson et de détourner la discussion afin de changer de sujet.
- Parce que tu es toi et pour qui tu me fais devenir, finit-il par me confier, en entrant dans la salle de bain.
Tandis qu'il verrouille la porte et que je m'assois sur le bord du lit, il s'adresse à moi.
- Faut pas traîner, on a le match de basket, ce matin !
Je soupire à cette idée, la dernière fois, j'ai fini à l'infirmerie à cause de Thomas que j'avais bousculé sans faire exprès et qui s'était vengé dans la foulée. Clairement, ça ne me dit rien du tout. Mais à ce moment, c'est plutôt cette façon dont mon cœur se serre qui accapare mes pensées. Alors il est prêt à aller jusque-là ? Il est vraiment prêt à me laisser avec quelqu'un d'autre ?
Voyant que je ne lui réponds pas, il ouvre la porte, puis ressort de la salle de bain torse nu.
- T'inquiètes, ça va le faire ! Tu seras dans mon équipe, assure-t-il, en m'adressant un clin d'œil avant de disparaître à nouveau.
Finalement et alors que je repoussais le moment où nous aurions cette discussion sur notre relation, nous l'avons eu sans vraiment le vouloir. Et nous allons donc rester amis, même si nous sommes conscients que nos sentiments dépassent ce stade... Histoire de ne rien gâcher et parce qu'il a clairement décidé de ne pas me faire entrer dans sa vie de cette façon pour le moment. Est-ce que cela me convient ? J'en sais foutre rien ! ... Non, je ne pense pas...
Je suis sûre que vous pensez qu'on est bête, mais le fait est que le sentiment de tout perdre est encore plus fort que ce que l'on ressent l'un pour l'autre. Peut-être que le temps nous fera dépasser ça, qui sait... Peut-être que lorsque toutes ces histoires seront derrière lui, il me voudra à ses côtés... Vraiment... Et puis j'aime bien notre « nous » comme on dit, même si ce n'est pas toujours évident à gérer.
En fait, maintenant qu'on en a parlé, ce qui me fait peur, c'est les complications que cela pourrait engendrer... Selon lui, et même si je doute de sa sincérité à ce sujet, le fait que je me mette en couple avec quelqu'un ne serait pas un problème du moment que le mec avec qui je suis est sérieux... Mais Yann est jaloux parce que ses sentiments dépassent l'amitié... Et je ne suis pas vraiment sûre de ne pas l'être moi non plus. S'il venait à avoir une copine... Je chasse cette pensée immédiatement... De mon côté, je sais que ça ne me plaira pas.
Au final, est-ce que nous sommes plus avancés quant à la nature de notre relation ?
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