Chapitre 60
Je passe cette semaine avec mes parents et mes deux plus jeunes sœurs, qui ne repartent que vendredi soir. Étant donné que je ne les vois pas énormément, j'ai décidé de profiter d'eux. Quant à Yann, son père et sa mère rentrent pour fêter son anniversaire avec lui.
Autant vous dire que lorsqu'on a réalisé que nous ne pourrions pas nous endormir ensemble pendant cinq jours, cela nous a plombé le moral. Et puisque nous sommes en vacances, les cours ne nous aideront pas à nous retrouver pour la journée... J'ai tout de même prévu de le voir mercredi, pour son anniversaire... Mais ça, il ne le sait pas encore.
Nos échanges se limitent donc à des discussions par messages et des appels téléphoniques, ce qui est, je dois le dire, bien loin de nous convenir. Toujours est-il que profiter de ma famille comble un peu ce vide et cela me fait vraiment du bien de les voir.
Mes deux sœurs, Lénie et Joyce ne cessent de me raconter leurs aventures au sein de leur internat, où elles se plaisent apparemment plutôt bien. Elles s'y sont fait beaucoup d'amis, les cours se passent bien et les soirées avec leurs camarades de chambres semblent être amusantes.
Mes parents, quant à eux, nous expliquent l'avancée des travaux dans la maison de vacances, nous demandant à chacune les couleurs que nous souhaiterions dans nos chambres respectives. Ils nous parlent également de leur travail, qui leur accapare la plupart de leur temps.
Mes sœurs étant plus jeunes que moi, mes parents ont décidé de les mettre en internat afin de ne pas avoir d'inquiétude à leur sujet durant leur absence. Quant à moi, ils m'ont laissé le choix et j'ai bien évidemment préféré continuer ma scolarité dans l'établissement où je me trouvais déjà. Je ne me voyais pas séparée de mes amis et eux non plus.
Les choses se passent plutôt bien jusque-là pour tout le monde, notre vie est organisée et elle nous convient parfaitement.
De mon côté et comme je l'ai toujours été, je reste évasive sur mes amis et mes amours. Cela ne les surprend pas vraiment, ils en ont l'habitude, c'est un peu comme un journal intime, tout cela m'appartient. Ils savent bien sûr que j'ai des amis, que je les adore, que nous sommes présents les uns pour les autres et cela suffit amplement. Je suis très différente de mes sœurs, qui elles sont bonnes élèves, raconte tout concernant leur vie, leurs sorties, leurs malheurs. Moi je suis un peu la rebelle de la maison, si on peut dire ça comme ça... Et je pense que je n'ai pas besoin de vous préciser que je le vis très bien !
Les deux premiers jours passés avec eux m'ont ressourcés et lorsque je monte dans le bus pour me rendre chez Yann afin de lui faire la surprise pour son anniversaire, je suis remontée à bloc. Assise au fond, je vérifie une dernière fois que la boîte contenant le cadeau que je lui ai fait est bien dans mon petit sac à dos, en espérant qu'il lui plaise... Ce n'est pas grand-chose, mais quand je l'ai vu, j'ai tout de suite pensé à lui.
J'avais peur de déranger, mais Kévin qui est dans la confidence, m'a expliqué que les parents de Yann s'absentaient jusqu'en milieu d'après-midi pour préparer l'anniversaire de leur fils. Cela me laisse donc un peu de temps pour le voir et ensuite filer à la piste de karting comme c'était prévu.
Lorsque mon bus s'arrête enfin à quelques mètres de chez lui, je me demande quel va être sa réaction. Je sonne à la porte d'entrée, puis, après quelques secondes, j'entends le bruit de la serrure. Lorsqu'il me voit, il reste planté là, bouche bée.
- Bon anniversaire ! m'exclamé-je, tout sourire.
Il percute et se décide enfin à ouvrir la bouche.
- Merci, Princesse, lance-t-il, légèrement gêné, mais qu'est-ce que tu fais là ?
- C'était hors de question que je ne te vois pas pour ton anniversaire, affirmé-je.
Un sourire étire le coin de ses lèvres et il s'approche de moi pour me prendre dans ses bras, puis me soulève de quelques centimètres du sol.
- Deux jours sans se voir, c'est trop long, lâche-t-il, tout en me serrant toujours contre lui.
- Je confirme, souris-je, en l'étreignant à mon tour.
Yann me repose doucement à terre, puis se recule un peu.
- J'allais me servir un verre de jus d'orange, ça te dit ?
- Oui, pourquoi pas.
Nous entrons et rejoignons la cuisine, où nous nous installons autour de l'immense îlot central. Il range la bouteille après nous avoir servi, puis s'assoit sur l'un tabouret à côté de moi et j'en profite pour lui mettre sous le nez la petite boîte contenant mon cadeau.
Il semble hésiter un instant, gêné, puis il consent enfin à la saisir.
- T'étais pas obligée, je t'ai rien offert pour ton anniversaire.
- On s'en fout, c'est pas grave, affirmé-je, pressée qu'il l'ouvre.
- C'est quoi ?
- Bah, si tu l'ouvres pas tu sauras pas, ricané-je.
Il tire sur le ruban que j'ai noué autour, soulève le couvercle la boîte, puis saisit ce qui s'y trouve. Un porte-clé, où un casque de couleur noir mat y est attaché, ainsi qu'une petite plaque ovale en acier, où j'y ai fait graver son prénom. Il l'observe attentivement, puis lève son regard azur vers moi.
- Ça te plait ?
- Carrément, il est super ! répond-t-il, tout en attrapant les clés de sa moto pour en retirer l'ancien et le remplacer par le mien.
Je suis contente que mon choix lui plaise et je souris en le regardant reposer ses clés et se débarrasser de son ancien porte-clé en le fourrant dans un tiroir. Il s'approche de moi, me prend dans ses bras, pose un doux baiser sur mon front, puis me remercie avant de se réinstaller à mes côtés.
- Alors ces deux jours avec tes parents ? demandé-je.
- M'en parle pas ! On n'a pas arrêté, il a fallu que je fasse le tri dans mes vêtements et on a emmené tout ce que je ne voulais plus à l'association où ma mère est bénévole.
- Le tri dans tes affaires ? Mais tout est neuf, m'étonné-je.
- Ils en ont plus besoin que moi, se contente-t-il de répondre en haussant les épaules.
Le dressing de Yann est pour la plupart rempli de vêtements de marque, plus ou moins coûteux, certains d'entre eux sont même des éditions limitées que ses parents lui ramènent des États-Unis. Malgré cela, il n'hésite pas à en donner pour l'association, c'est quelque chose qui lui tient à cœur.
- Il paraît que tes parents sont partis pour préparer ton anniversaire ?
- Ouais, ils en font toujours trop ! lance-t-il, en secouant légèrement la tête.
- Parce qu'ils ne te voient pas beaucoup, répliqué-je.
- Je sais, mais ils ont pas besoin de faire tout ça.
Pendant que certains adolescents profiteraient du fait que leurs parents soient riches, Yann lui est à mille lieues de tout ça. D'ailleurs en le voyant comme ça, on est loin d'imaginer qu'il fait partie de ce genre d'ado qui pourrait avoir tout ce qu'il souhaite. Lui, se contenterait de voitures et motos d'occasions, mais c'est sans compter sur ses parents. Ils compensent d'une certaine manière leur absence en lui faisant plaisir et cela, même si Yann ne leur en tient pas rigueur. Il n'aime pas montrer qu'il vient d'une famille aisée, il est simple et peu de chose pourrait trahir sa situation.
Au lieu de s'acheter une voiture neuve, comme le lui ont suggéré ses parents, Yann n'a rien trouvé de mieux à faire que d'aller dénicher une vieille carcasse toute rouillée et de la retaper lui-même. Vous vous rappelez la voiture qui tombe en ruine dans le garage, avec tous les outils éparpillés autour ? Et bien, c'est lui, il adore la mécanique et c'est mis en tête de la restaurer lui-même.
Nous continuons à parler, puis, lorsqu'il me le demande, je lui explique les moments que je passe avec ma famille... Mais je finis par jeter un œil à mon portable et constate qu'il est temps pour moi de filer.
- Il va falloir que je te laisse beau brun, lancé-je, pour le taquiner.
Il m'adresse un léger sourire, semblant un peu tracassé.
- Tu vas au circuit ?
- Ouais, Mick m'attend pour quatorze heures, acquiescé-je.
- Tu veux que je t'accompagne ?
- Non t'inquiètes, tes parents ne vont certainement pas tarder, il faut que tu sois là quand ils vont rentrer c'est ton anniv', réponds-je, en lui souriant.
- J'peux revenir juste après...
- Yann, ça ira, je compte pas me planter à chaque fois que je fais du karting, l'interromps-je.
Il esquisse une légère grimace, puis plante son regard dans le mien.
- Envois un message dès que t'a finie ! Et fait gaffe, OK ?
- Promis.
Il me raccompagne à la porte, me serre dans ses bras, puis m'observe m'éloigner toujours l'air soucieux. Au bout de l'allée, je me tourne vers lui, et lui adresse un petit signe de la main, auquel il me répond sans grand enthousiasme.
Durant le trajet en bus pour me rendre au circuit, je ne peux m'empêcher de penser à sa façon d'être et de s'inquiéter comme il le fait. C'est une situation que je comprends, même si je ne peux pas vraiment me mettre à sa place, car je n'ai jamais eu à traverser ce qu'il a vécu... Le problème, c'est que moi, mon passe-temps, c'est le karting et tout ce que cela implique... Et cela ne lui facilite pas les choses, j'en suis consciente. Il serait loin de s'inquiéter, si je ne me préoccupais que de la couleur du vernis que j'allais mettre, c'est certain.
J'aimerais qu'il s'en fasse moins, qu'il prenne conscience que ce n'est pas en s'inquiétant comme il le fait que cela empêchera quoi que ce soit... Mais Yann est comme ça, il ne changera pas, il me l'a clairement dit et Kévin me l'a confirmé. Sauf que s'inquiéter à ce point et être aussi protecteur qu'il ne l'est, je n'ai jamais vu ça... Et d'après Kév, je n'ai pas encore tout vu...
Les tours de piste se sont bien passés et je rejoins les vestiaires pour me changer. Dès que j'ouvre mon casier, je saisis mon téléphone et envoie un SMS à Yann comme convenu.
MOI : * Tout c'est bien passé, je vais rentrer chez moi.*
Sa réponse ne tarde pas à arriver et je souris bêtement en la lisant.
Le mec pas fréquentable : * OK, envoie un message quand t'es rentrée *
Lorsque je passe la porte de chez moi, l'odeur d'un plat mijotant sur le feu me parvient et je m'empresse de filer à la salle de bain après avoir envoyé un texto à Yann comme il me l'a demandé.
Je rejoins ensuite ma mère dans la cuisine, pour l'aider un peu et nous passons tous à table dans la bonne humeur. Le repas est rythmé de rire et de petits jeux improvisés, puis une fois finis, je regagne ma chambre alors que mes parents s'installent devant la télévision et que mes sœurs, studieuses, décident de se mettre à leurs révisions.
J'attrape un livre, me glisse sous ma couette, puis me plonge dans ma lecture. Peu à peu, à force d'enchaîner les lignes de mots qui me captivent, la fatigue commence à me gagner sans vraiment m'en apercevoir, et je finis par m'endormir la lumière allumée, sans même souhaiter bonne nuit à Yann.
Alors que je suis en plein sommeil, je suis réveillée par de petits bruits répétitifs. Mes yeux peinent à s'ouvrir, mais je me redresse et m'assois sur mon lit pour écouter d'où cela provient. Un autre de ces bruits retentit et je me rends compte que ça vient de mes volets.
Je me lève et m'approche de la fenêtre, alors qu'un autre bruit se fait entendre au même moment. En ouvrant et en me penchant pour voir de quoi il s'agit, j'aperçois Yann et sa moto, qui est garée juste en dessous.
Encore à moitié somnolente, je l'observe, étonnée, tandis qu'il laisse tomber les autres petits cailloux qu'il tenait en souriant.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- J'arrivais pas à dormir, chuchote-t-il, en haussant les épaules. Et je voulais voir si t'étais vraiment entière.
Je lui adresse une grimace, ce qui le fait sourire de plus belle.
- J'ai même pas entendu la moto, remarqué-je.
- Je l'ai arrêtée plus bas et je l'ai poussée jusque-là, explique-t-il.
Je lui proposerais bien de descendre lui ouvrir, mais je suis embêtée, mes parents sont dans le salon et je dois obligatoirement y passer. En ce qui concerne les garçons et bien qu'ils soient très ouvert d'esprits, ils ne me laisseront pas le faire entrer comme ça...
- Je peux pas descendre, chuchoté-je.
- Pourquoi, tu veux que je monte ?
- Bah, tu vas pas rester dehors, si ?
Il hausse les épaules, ce qui ne m'avance pas vraiment, puis il remarque mon embarras qu'en au fait de le laisser planter là.
- Attends ! J'arrive ! lance-t-il.
- Je suis pas sûr que...
- T'inquiètes, m'interrompt-il.
Il grimpe sur le muret qui fait l'angle de la façade, se penche pour attraper le rebord de la fenêtre puis réussit, je ne sais comment et à la seule force de ses bras à se hisser jusqu'à moi. Il saute avec précaution dans ma chambre sans faire de bruit, tandis que je l'observe ne comprenant toujours pas comment il a fait.
Je m'empresse de fermer ma porte à clé, tandis qu'il tire les volets, puis nous nous installons sur le lit, discutant calmement, comme si tout ce qui est en train de se passer était normal.
- Comment t'as su que c'était la bonne fenêtre ?
- J'en étais pas sûr, mais c'était la seule avec de la lumière, ricane-t-il doucement.
Yann sait que je ne suis pas une couche-tôt et je suppose que mes sœurs dorment déjà. S'il s'était trompé de fenêtre, je me demande bien ce qu'il aurait sorti comme excuse...
Assis l'un à côté de l'autre adossés à la tête de lit, je décide après un moment de me remettre à lire, histoire de retrouver le sommeil, tandis que Yann joue sur son téléphone.
Peu à peu, la fatigue gagne du terrain. Je finis par poser mon livre, puis viens me blottir contre lui, alors qu'il est toujours à fond sur son jeu, passant en dessous ses bras pour venir caler ma tête sur son torse, tandis qu'il baisse les yeux sur moi et me souris avec une immense douceur.
Écoutant les battements de son cœur, je ne peux encore une fois m'empêcher de me dire que ce que nous vivons n'est vraiment pas banal, mais ainsi blottis contre lui, tout m'est complètement égal. Si je devais faire le point sur mes sentiments à cet instant, je pourrais à coup sûr affirmer que je suis en train de tomber amoureuse de lui. Il n'y à qu'à voir comment mon cœur réagit en entendant le sien. Mais je sais que lui, n'est pas prêt pour ça, alors je préfère garder ce genre de chose pour moi.
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