Lorsque Yann entre dans la chambre, Kévin et moi sommes assis sur le canapé. Je me tourne vers lui et essaye en premier lieu de déchiffrer son expression, d'y déceler un indice quant à la tournure qu'a pris sa rencontre avec Echo. Mais rien, elle est indéchiffrable et ne laisse entrevoir aucun indice.

Kévin et moi l'observons, sans rien dire, attendant qu'il parle en premier. Il esquisse un léger sourire à mon intention, puis adresse à Kévin un regard franc. Il fronce ensuite les sourcils en remarquant notre expression, puis s'avance vers nous.

- À voir vos têtes, on pourrait croire que vous avez fait une connerie, plaisante-t-il.

Je souris à sa remarque, tandis que Kévin, lui, a l'air de le prendre au sérieux. Il se lève, puis s'éloigne de moi.

- Quoi, elle et moi tu veux dire ? Non jamais, elle est trop... Imprévisible, j'arriverais même pas à suivre, se défend-il.

Yann semble amusé par la réaction de son ami et le regarde en biais, comme pour en rajouter une couche.

- Je dis pas qu'elle me plait pas, hein... Bon OK, j'ai peut-être insinué qu'à ta place j'aurais déjà dépassé le stade de l'amitié... Et putain le lit a beau être grand, je sais pas comment tu fais ! souffle-t-il. Mais j'te la laisse mec, elle est trop...

- Imprévisible, complété-je.

- Ouais, carrément ! confirme-t-il, et elle me bat a Tekken, alors c'est mort mec !

Yann, content de l'effet qu'a eu cette simple question, rit puis se tourne vers Kévin, après avoir rangé son couteau sur le bureau.

- Mec, respire, je déconnais, lance-t-il.

Kév fait mine de le savoir et se laisse tomber nonchalamment sur le canapé, avant de piocher dans son paquet de chips, l'air de rien.

- Comme si j'le savais pas, lâche-t-il en haussant les épaules et en laissant échapper un petit rire.

Yann et moi échangeons un regard amusé, puis il nous rejoint sur le canapé, volant au passage quelques chips dans le paquet.

- Bah, vas-y te gêne pas, mec ! s'exclame Kévin.

Yann se tourne vers lui et lève un sourcil.

- Tu l'as eu où le paquet ?

- Bah, dans la cuisine, répond Kévin.

- C'est bien c'que j'me disais, et cette cuisine est la mienne, donc théoriquement, ces chips sont à moi, argumente-t-il, avant en lui arrachant le paquet des mains, tandis que je les observe se chamailler comme des gosses.

- Ouais, mais tous les deux on sait que ce qui est à toi est à moi et vice versa, réplique Kév qui pioche une nouvelle fois dans le paquet.

Yann me lance un énième regard diabolique, puis se tourne vers lui, pour le scruter exagérément.

- Ouais, enfin presque tout, les copines on est d'accord c'est perso... Faut pas abuser non plus, lâche Kévin.

Ce mec a le don de me faire rire, il a sa façon bien à lui de mettre les pieds dans le plat quand il ne le faut pas et de s'enterrer lui-même... C'est limite s'il ne se balance pas lui-même non plus. Un peu plus et il avouait à Yann qu'il m'avait dit plus tôt de ramener mon joli derrière sur le canapé... Alors qu'il m'a demandé de ne pas lui en parler.

Ce qui est bien avec lui, c'est qu'il est franc, et qu'il dit ce qu'il pense, peu importe la situation. Sur ce dernier point, on se ressemble beaucoup.

La petite plaisanterie étant terminée, Kévin et moi observons Yann avec insistance. Il paraît serein, on pourrait même croire que rien ne s'est passé.

Kév perd soudain patience, tandis qu'il pioche nerveusement encore et encore dans le paquet de chips.

- Alors, comment ça s'est passé ? demande-t-il.

Yann tourne la tête vers lui, toujours avec cet air détaché.

-On a trouvé un arrangement, annonce-t-il.

Son ton est sec et Kévin semble deviner à ce moment de quoi il s'agit. Tandis qu'il le regarde avec une certaine désapprobation, moi je n'ai aucune idée du genre d'accord qu'ils ont pu trouver.

- Attends, tu veux dire que tu remets ça ? demande Kévin sur le ton du reproche.

- J'te signale que j'ai pas vraiment le choix, c'est la seule des propositions qu'il m'a faites que j'ai pu accepter, se défend Yann.

- Je serais curieux de savoir ce que t'as refusé !

Yann fronce les sourcils, il semble énervé que Kévin ne le croit pas vraiment.

- Tu veux vraiment savoir ?

- Ouais, parce que j'ai un p'tit doute sur le fait que t'ai vraiment essayé de refuser, toi et moi on sait que la baston c'est ton truc.

- J'peux le rappeler, lui dire que j'ai changé d'avis ! Que du coup je préfère dealer pour lui, ou bien aller trouver les mauvais payeurs et leur casser la gueule, ou encore accepter que Nine passe une soirée avec si tu veux ! s'énerve Yann.

Kévin grimace en entendant ces mots, puis se radoucit.

- Attends, c'est les seules options qu'il t'a laissées ? demande-t-il à Yann.

- Ouais, alors j'aurais dû faire quoi, hein ?! J'ai pris ce qui me semblait le mieux.

Kévin m'observe et son regard en dit long. Je me doute à cet instant que Yann a accepté quelque chose dont il était censé être débarrassé d'ici peu. Sinon pourquoi Kévin lui aurait demandé s'il remettait ça ?

Je me tourne vers Yann, quelque chose ayant retenu mon attention.

- Comment ça une soirée avec moi ? le questionné-je.

- C'était une des solutions possibles, souffle-il, alors que les muscles de sa mâchoire se contractent.

- Mais une soirée genre quoi ? L'accompagner en boite ?

Yann me regarde en fronçant les sourcils, et Kévin en fait de même.

- N'y pense même pas, lâche Yann.

- C'est qu'une soirée, je sais pas c'que t'as convenu avec lui, mais une soirée c'est rien, lancé-je. Et tu pourrais être là, surveiller de loin, je sais pas moi...

Son regard se fait alors plus dur, tandis que Kévin m'observe, sceptique.

- Une soirée avec Echo ? Oublis ça, c'est mort, grogne Yann, très sérieusement. J'pense pas qu'il pensait à ce genre de soirée, tu vois !

- Oh, d'accord, soupiré-je alors en comprenant de quoi il s'agit.

- En y réfléchissant, tu devrais peut-être lui demander ce qu'il entend par passer une soirée avec elle, propose Kévin.

Yann se tourne vers lui et le fusille du regard.

- Attends, t'es sérieux là ?! Parce que tu penses vraiment qu'il a une gueule à passer juste un moment à danser avec elle ? On oublie, c'est mort j'ai dit ! aboie Yann.

Kévin grimace légèrement à sa remarque, puis m'observe à son tour.

- Ouais, il a raison, on oublie, acquiesce-t-il.

Tandis que les garçons semblent vouloir changer de sujet, de mon côté, j'aimerais savoir quel accord ils ont fini par trouver.

- Et donc cet accord ? demandé-je.

Ils se tournent à ce moment tous les deux vers moi, surpris. Ils ne s'attendaient apparemment pas à ce que je pose cette question.

Yann lance un regard en biais à Kévin et ce dernier se lève puis attrape sa veste qu'il avait déposée sur la chaise de bureau.

- J'vais y aller, vous avez des choses à vous dire, annonce-t-il.

Je les observe se taper les poings mutuellement pour se saluer, puis Kévin approche de moi pour me dire au revoir, avant de sortir de la chambre.

Avant de partir, il fait signe à Yann de la tête pour qu'il le rejoigne. Ils tirent la porte, puis je les entends parler sans pouvoir comprendre ce qu'ils se disent. La discussion a l'air calme et la porte s'ouvre de nouveau très peu de temps après.

Yann réapparaît et nos regards se croisent et s'accrochent un instant, puis il referme derrière lui.