Chapitre 54
Alors que ma nuit a été mouvementée, et ponctuée de plusieurs réveils où je vérifiais si tout allait bien, et si Yann était encore là, j'ai pu constater à chaque fois qu'il dormait paisiblement, en me serrant toujours contre lui. Ce n'est que vers quatre heures du matin, que j'ai finalement sombrée pour de bon, et je me suis ensuite réveillée vers huit heures, en entendant Yann faire sa séance de sport quotidienne. Je me suis à ce moment-là redressée dans le lit, attendant patiemment qu'il finisse.
Alors qu'il tape dans le sac de frappes, depuis maintenant presque vingt minutes, sans autre chose à ses mains que des bandes de boxe noire, je me décide à sortir du lit, et m'approche de la fenêtre.
La pluie de la veille a laissé place à un soleil radieux, et les rayons qui filtrent à travers les carreaux me réchauffent le visage. Je songe à la soirée d'hier, j'ai encore du mal à croire tout ce qui s'est passé et ce que j'ai découvert.
Alors que je suis perdue dans mes pensées, n'entendant qu'en bruit de fond la respiration de Yann à chaque coup qu'il donne, et celui de ses poings qui cognent dans le sac de frappes, l'un d'eux, beaucoup plus fort que les autres me ramène à la réalité.
Je me tourne vers lui, tandis que le coup suivant est encore plus violent.
- Tu t'arrêtes jamais, lancé-je.
Un rictus apparaît aux coin de ses lèvres, tandis qu'il ne lâche pas son défouloir du regard et qu'il continue de frapper.
- J'en ai besoin, il me faut ma dose, sinon je m'emporte vite, explique-t-il de façon saccadée à cause des coups qu'il porte.
- Parce que tu trouves qu'avec ça tu ne t'énerves pas facilement ? m'étonné-je.
- Tu dis ça parce que t'as jamais vu c'que ça donne quand j'ai pas ma dose.
Je l'observe, curieuse. Déjà qu'il n'a pas vraiment de limites lorsqu'il s'énerve, et qu'il s'emporte justement vraiment vite à mes yeux, je me demande ce que ça donne sans cet exutoire.
- Parce que ça donne quoi sans tout ce sport que tu fais ?
- Vaut mieux pas que tu saches.
- À ce point ?
Il m'adresse un clin d'œil en guise de réponse, puis porte un ultime coup, bien plus fort que les autres avant de stopper le sac de frappes entre ses mains pour le stabiliser. Il attrape la serviette posée sur le dossier de la chaise de bureau, la met sur ses épaules, puis s'essuie le visage. Il transpire, ses cheveux sont humides, et son torse luit sous les rayons du soleil qui l'atteignent depuis la fenêtre.
Je l'observe tandis qu'il enlève les bandages de ses mains, et constate que le fait d'avoir frappé dans ce sac n'a pas arrangé ses blessures de la veille.
- C'était vraiment nécessaire ? grimacé-je, en m'approchant et en désignant ses phalanges abîmées.
- C'est dans la tête, répond-il, sans se préoccuper de ses poings qui saignent à nouveau légèrement.
- Ouais, enfin vu comme ça on dirait pas...
Il esquisse un sourire, puis se dirige vers la salle de bain. Je remarque immédiatement qu'il manque quelque chose à ses habitudes.
- Tu vas pas courir ?
- Non, pas aujourd'hui.
- L'accro aux sports a eu sa dose ?
- Non, mais j'te laisse pas toute seule, réplique-t-il.
Je ne m'attendais pas à cette réponse, et le fait qu'il se préoccupe autant de ma sécurité me touche... Mais d'un côté, j'ai l'impression de le priver de quelque chose qu'il aime faire.
- Tu sais j'pense que je risque rien ici, tu peux y aller si tu veux.
Il me lance un regard en biais, comme s'il lisait mes pensées, puis m'observe sérieusement.
- Pas besoin de culpabiliser, c'est ma décision, je suis comme ça.
Je fronce les sourcils en entendant ce qu'il me dit, et ça le fait sourire.
- Sors de ma tête, lâché-je alors.
Il sourit de plus belle, puis s'engouffre dans la salle de bain.
Si on en vient à se connaître à ce point tous les deux, les autres vont se poser encore plus de questions à notre sujet. Mais le truc, c'est qu'on n'y peut rien, et plus ça va, pire c'est.
Lorsqu'il ressort de la salle de bain, il se dirige torse nu vers le dressing pour y attraper un sweat, puis l'enfile, avant de saisir son téléphone sur la table basse. Il a l'air tout à coup concentré et répond dans la foulée à un sms, puis un deuxième.
- Kév ne va pas tarder, lance-t-il.
- Kév ? m'étonné-je.
- Ouais, j'ai envoyé un message à Echo tôt ce matin, je dois le retrouver vers dix heures, du coup j'ai dit à Kév de passer.
Cette annonce fait l'effet d'une bombe, mon estomac se noue, et je comprends à ce moment qu'il va voir Echo pour trouver un arrangement.
- Il faut vraiment que ce soit aujourd'hui ?
- Ouais, mais t'inquiètes pas, Kév sera là.
- J'ai pas besoin de baby-sitter, et je m'en fais pas pour moi, soupiré-je, sérieusement.
Il relève ses yeux vers moi, tandis qu'en même temps il fourre dans la poche de son sweat un objet métallique, que je reconnais aussitôt. Il s'agit de son couteau papillon, qui est toujours posé sur son bureau.
- T'en fais pas pour moi, je t'ai dit qu'Echo ne me ferait rien, réplique-t-il.
- Et c'que tu viens de mettre dans ta poche, c'est quoi ?
Il grimace, tout en ressortant sa main aussi vite qu'il l'y a fourrée.
- C'est rien, c'est juste au cas où, je vais jamais au Blocks sans assurer mes arrières, surtout quand je suis seul, se justifie-t-il. J'ai pas mal de potes là-bas, mais pas que.
- Super ! Rassurant !
Il s'approche de moi, remarquant que je ne suis pas tranquille, puis, comme pour détendre l'atmosphère, il me pince gentiment la joue, un léger sourire aux lèvres.
- Je te dis que ça va aller, assure-t-il. Tu me fais confiance ?
- À toi oui, aux autres, pas vraiment.
- Alors tant que tu me fais confiance à moi, tout ira bien, ajoute-t-il.
Soudain, la sonnette retentit, et Yann approche de la fenêtre pour voir de qui il s'agit. Je retiens ma respiration un instant, jusqu'à ce qu'il se tourne vers moi de nouveau.
- C'est Kév, annonce-t-il, avant de sortir de la chambre, et de descendre rapidement les escaliers, pour ensuite ouvrir la porte d'entrée.
Ils discutent brièvement, mais je n'entends pas ce qu'ils se disent et cela a le don de m'angoisser un peu plus. D'ordinaire, je ne suis pas une fille qui stress ou s'en fait facilement, loin de là même... Mais je crois que je suis comme lui, quand il s'agit de mes amis ce n'est pas pareil... À moins que ce soit pire parce qu'il s'agit de lui ?
Je les vois alors entrer dans la chambre, et Kévin me regarde d'un drôle d'air, comme s'il cherchait à savoir comment je vais ou comment m'aborder.
- Salut la furie ! finit-il par lancer comme à son habitude.
- Salut, réponds-je, presque timidement.
Mine de rien, hier je l'ai mis lui aussi dans une position qui aurait pu lui apporter des ennuis, et je m'en veux de l'avoir fait.
Yann se tourne soudain vers son ami, et le regarde on ne peut plus sérieusement.
- Je vais y aller.
- OK mec, envoie un message quand t'as fini.
Yann acquiesce d'un mouvement de tête, puis m'observe.
- Toi, tu bouges pas ! Au pire, joue une partie, me suggère-t-il, en désignant la console du menton.
Je lui adresse un semblant de sourire, je ne suis pas d'humeur à blaguer, même si je me doute qu'il me dit ça pour essayer de m'apaiser.
Il se tourne de nouveau vers Kév, et l'observe encore une fois avec sérieux.
- Fermes derrière moi, ordonne-t-il, fait gaffe on sait jamais, et la laisse pas sortir, ajoute-t-il, en me jetant un regard en biais.
- Mec, c'est bon, je ferais gaffe t'inquiètes, lance Kévin.
- OK, à tout à l'heure.
Il descend ensuite, accompagné de Kév, et discutent une nouvelle fois sans que je puisse comprendre ce qu'ils se disent, puis la porte d'entrée se ferme et Kévin la verrouille comme Yann le lui a demandé.
Alors que Kévin me rejoint dans la chambre, j'entends la moto démarrer, puis accélérer. Je reconnais lorsqu'il tourne au coin de la rue, puis, continue de l'écouter jusqu'à ce que le son ne me parvienne plus.
Ce n'est qu'à ce moment que je m'aperçois que Kévin m'observe l'air soucieux.
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