Chapitre 50
Je ne pensais pas en découvrir autant en une soirée, et on peut dire que mes recherches ont bien avancées.
Lorsque je franchis les portes du lycée, je suis un peu plus détendue que la veille, et j'affiche un air satisfait. Je rejoins Nico et Aurore avec le sourire, et immédiatement, il remarque mon expression, et m'observe, curieux.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? me demande-t-il.
- Rien, pourquoi ?
- T'as vu ta tête ? On dirait que t'as gagné à la loterie !
- Ouais, carrément, t'as ta tête des bons jours, ajoute Aurore.
- Peut-être bien que j'ai découvert des choses.
Nico se rapproche, m'attrape par le bras et la curiosité se lit sur son visage.
- Raconte, s'impatiente-t-il.
- J'ai pas vraiment le droit, mais je peux te dire que quelqu'un m'a donnés de vraies infos, expliqué-je.
- Donc t'en sais plus ?
- Ouais, carrément ! Tout c'que je peux te dire, c'est qu'en fait ce genre de messages est envoyé pour prévenir d'un événement.
- OK, rien de méchant alors ? demande-t-il.
- Bah vu que c'est Echo qui organise, on peut s'attendre à tout. Pour en apprendre plus, faut que je m'y rende.
- Quoi, tu veux dire que tu vas aller à un de ces trucs ?
- Ouais, pas le choix, y'a que comme ça que je saurais vraiment de quoi il s'agit. Et Yann ne me tiendrait pas à l'écart d'une simple fête, il a dit qu'il ne voulait pas m'impliquer, donc ça veut bien dire c'que ça veut dire.
- C'est pas faux, mais te rendre là-bas... Ça me plait pas...
- Quand j'te dis qu'elle a un grain, marmonne Aurore.
- J'aimerais bien vous y voir moi ! Imaginons que vous soyez à ma place, vous savez que j'ai des ennuis, vous avez des infos, vous feriez quoi ? Vous resteriez sans rien faire ?
- Carrément pas ! réplique Nico, je serais l'un des premiers à me bouger tu l'sais.
- Voilà, alors tu peux comprendre.
- Moi j'aiderais comme je pourrais aussi, affirme Aurore.
Nico m'observe, inquiet.
- Il y a une différence. Non pas que je sois macho, mais n'oublie pas que t'es une fille.
- Ouais, je sais, j'en tiens compte, mais j'irais seule ! J'ai pas le choix ! Je suis même pas censée être au courant, alors mes amis encore moins, expliqué-je.
Nous entrons dans la salle de cours, puis je m'assois à côté d'Aurore. Au bout d'un moment, Nico me tapote l'épaule et je me retourne.
- Du coup, c'est censé être pour quand le prochain événement ?
- Samedi, annoncé-je.
- Attends, mais c'est dans deux jours ça !
Il parle tellement fort, que cela nous vaut un regard de travers du professeur.
- Et genre t'es prête et tout ?
- Nico, c'est pas une mission commando, me moqué-je.
- Bah, excuse-moi, mais presque...
- Je serais toi, j'attendrais le prochain, me suggère Aurore.
- Pas question, et puis je fais comment pour savoir quand a lieu le prochain événement ? Là, j'ai eu du bol de tomber sur le message, me justifié-je, c'est la seule chance que j'aurais, je n'aurais plus la même occasion.
- De toute façon, je sais même pas pourquoi on essaye de te faire changer d'avis, t'as pris ta décision, souffle Aurore.
Ma meilleure amie, n'approuve pas mon choix, et je peux la comprendre. Nico lui, est un peu plus compréhensif, ce serait lui à la place de Yann, il sait que je ferais la même chose, et il est à la fois aussi curieux que moi. Lui, ce qui l'embête c'est de savoir que je dois y aller seule. Si je lui avais dit qu'il pouvait m'accompagner, il n'aurait pas hésité une seconde.
La sonnerie retentit, et nous sortons dans le couloir pour nous rendre à notre prochain cours. Nous marchons tous les trois, côte à côte, et discutons de l'exposé en commun que vient de nous donner le professeur d'histoire, quand nous apercevons Yann et Kévin à quelques mètres devant nous.
Yann est planté devant un autre étudiant, tendu. Son sac est à ses pieds, comme s'il l'avait laissé tomber. Kévin lui tient fermement le bras, et me jette un regard, excédé. Je comprends tout de suite que le comportement de Yann commence à le dépasser et qu'il ne sait plus trop quoi faire.
Je ne m'arrête pas pour autant, et continue mon chemin, nous devons de toute façon passer à côté d'eux pour rejoindre notre salle de cours. Arrivés un peu plus près, Yann d'un geste brusque fait lâcher prise à Kévin. Il ne m'a pas remarquée, alors que je me dirige droit vers eux.
- J'te jure bouge ! grogne-t-il, en poussant violemment l'autre mec.
C'est à ce moment-là que nos regards se croisent, le mien est distant, le sien, plein de haine et de nostalgie. Nous sommes bien loin des regards complices que nous nous jetions il y a encore quelques jours. Je tiens compte du fait qu'à ce moment précis, il est énervé, et je pense que le soupçon de haine que j'ai aperçu ne m'était pas destiné. J'en suis même persuadée.
Je continue d'avancer, tandis qu'il ramasse son sac, l'air plus calme tout à coup.
***
Alors que je marche tranquillement dans le couloir, en début d'après-midi, pour me rendre au secrétariat, et que je tourne au coin pour prendre à droite, je percute quelqu'un. Avec le choc, mon sac glisse de mon épaule encore douloureuse, ce qui me fait un peu grimacer, et il finit par terre.
Je me penche pour le ramasser mais la personne en face est plus rapide et le saisit en premier. Lorsque je lève la tête, je constate qu'il s'agit de Yann. Nos iris s'accrochent un bref instant, puis je baisse les yeux. Je n'ai apparemment pas la force nécessaire pour le regarder très longtemps, c'est comme si je pouvais céder à tout moment.
Une sorte de boule se forme dans ma gorge, je ne comprends pas vraiment pourquoi, je n'ai jamais réagi comme ça. Je suis prête à craquer, et ce sentiment me déstabilise... À vrai dire, je sais pourquoi... Je tiens à lui, c'est mon meilleur ami, et cette situation entre nous, cette distance ne me convient pas.
Je ne résiste pourtant pas, et le regarde de nouveau droit dans les yeux. Ce que j'y vois à ce moment me donne envie de partir en courant, parce qu'il ne faut pas que je cède, et que je n'en suis pas loin. C'est comme s'il me lançait un SOS, comme si en un regard, il me disait tout ce qu'il a à me dire.
Il ouvre la bouche, et ne détourne pas ses yeux des miens.
- C'est à cause de tout ça que je m'attache à personne, pour toutes ces raisons, finit-il par lâcher, d'une voix calme.
Je l'observe un bref instant, ne sachant pas quoi dire, ni même si je dois l'interrompre. Mais il ne continue pas, alors je me décide à prendre la parole.
- Si tu veux pas t'attacher, c'est ton choix, prononcé-je, tout en avançant pour partir.
- Attends, lance-t-il, en me saisissant le bras avec douceur.
Je me tourne vers lui, et pose mon regard sur sa main, qui me retient, bien décidée à mettre cartes sur table.
- Écoutes, je te force pas à t'attacher à moi, donc si t'en as pas envie...
- Il est trop tard pour ça, chuchote-t-il, de façon presque imperceptible.
- Quoi ? demandé-je alors, pour être sûr de bien avoir entendu.
- C'est trop tard...
- Et qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ?
Il fronce les sourcils, son regard se perd au loin, derrière moi, puis il reprend, ses yeux, retrouvant les miens.
- Avant toi, j'avais peur de rien.
- Qu'est-ce qui a changé ? C'est normal de s'attacher à ses amis, affirmé-je.
- Ce qui a changé, c'est que maintenant j'ai la trouille, et j'arrive pas a gérer ce sentiment.
- Mais, peur de quoi ? Je comprends pas...
- De te perdre, de perdre tout ça... Nous, prononce-t-il, avec beaucoup de mal.
- Tu sais, je compte pas disparaître...
Il baisse les yeux, comme si ce que je venais de dire, avait une toute autre signification pour lui.
- Je suis pas un mec bien, t'imagines même pas ce qui s'passe dans ma vie.
- Bah, dis-moi, parle-moi ! Explique !
- Hors de question, se ravise-t-il.
- T'as pas confiance en moi ?
Il laisse échapper un rire nerveux, puis me regarde de nouveau.
- Non, c'est pas ça, au contraire j'ai jamais eu autant confiance en quelqu'un.
- Alors quoi, qu'est-ce qui se passe ? insisté-je.
- Je peux pas t'impliquer dans tout ça.
Je fronce les sourcils, on tourne en rond. Alors que je pensais tout à coup avancer, il commence à reculer de nouveau.
- Donc toi, t'as le droit de débarquer d'un coup, de te battre avec Raphaël alors que je t'ai rien demandé, et tout ça parce-que t'accepte pas ce qu'il fait... Mais moi, j'ai pas le droit de m'impliquer ne serait-ce qu'un peu plus dans ta vie et essayer de t'aider ?
- C'est pas pareil !
- Bien sûr que si, je vois pas ce qu'il y a de différent, je te demande juste de me parler ! Pas de me traîner derrière toi vers tes embrouilles !
Il fuit une nouvelle fois mon regard, je vois qu'il prend sur lui, qu'il cherche les mots, que c'est un vrai combat qu'il mène contre lui-même. Mais on arrivera à rien s'il ne me dit pas ce qu'il a sur le cœur.
- Y'a encore à peine six mois, je tenais à personne à ce point... En très peu de temps, t'as pris une place tellement importante dans ma vie, que j'ai du mal à comprendre comment c'est arrivé, soupire-t-il, comme s'il se délestait d'un poids. Et si à cause de moi, t'étais impliqué dans quoi que ce soit qui...
Il marque une pause, comme s'il imaginait ce qui pouvait se passer.
- Je baisse jamais ma garde comme je l'ai fait avec toi... Je sais pas comment c'est arrivé, c'est comme si t'étais devenu mon point faible, explique-t-il. Y'a qu'à voir comment je réagis quand quelqu'un t'insulte, ou t'approche... Regarde ce qui c'est passé avec Raphaël !
- Attends, tu penses que c'est pas réciproque ? Que je tiens pas à toi ?
- Bien sûr que si, je sais que pour toi c'est pareil, c'est pas ça le souci.
- Si tu m'expliques pas, je peux pas comprendre pourquoi tu me tiens à l'écart, et c'est pas en disant que c'est pour mon bien, que je risque de mieux comprendre.
Je marque une pause, réalisant que c'est la première fois qu'il se dévoile autant. Cette discussion n'a même rien à voir avec celle que nous avions eue tous les deux, sur le muret, devant le lycée, lorsque Kévin et lui c'étaient disputés.
- Tu sais jusque-là, je me suis débrouillée toute seule, j'ai jamais eu besoin de quelqu'un pour me défendre, t'es pas obligé de faire tout ça.
- Je le contrôle pas... Il faut que tu comprennes que les personnes que je fréquentes, ne sont pas... Tes amis ne m'apporteront jamais de problèmes, ou si c'est le cas, se serait vite réglé. Les miens ne sont pas vraiment des amis, le seul sur qui je peux compter c'est Kévin, explique-t-il. Toi ce sont tous de vrais potes, tu tiens à chacun d'entre eux.
- J'ai jamais tenu à un ami autant que je tiens à toi, lâché-je. Même si je tiens à Aurore et Nico, toi c'est autre chose, c'est complètement différent.
Je décide alors de lui donner une dernière chance de m'expliquer pour les messages, une dernière chance de me faire entrer complètement dans sa vie.
- Je suis pas bête, je sais que tout ce que tu me caches c'est en rapport avec les sms que tu reçois... Comme celui dont j'ai connaissance, et je sais que ce que tu fais, c'est pas quelque chose dont tu es fière, lui confié-je. Il suffit juste que tu m'expliques.
Il se referme totalement à ce moment là et recule même d'un pas, alors que nous nous étions rapprochés.
- Oublis tout ça, OK ? souffle-t-il sèchement, comme si cette conversation n'avait aucune importance.
Je fronce les sourcils, déçue. En fait, je ne sais pas à quoi je m'attendais, et je m'en veux d'y avoir cru encore une fois.
- Comme tu veux, mais dans ce cas, arrête de vouloir me défendre à chaque fois, je suis assez grande pour le faire moi-même. Arrête de me surveiller, et arrête de t'inquiéter pour moi. Je ne vois pas pourquoi moi je te laisserais entrer totalement dans ma vie, alors que tu ne veux pas que je fasse totalement partie de la tienne.
Je le regarde durement, m'avance vers lui, lui arrache mon sac des mains, puis commence à m'en aller d'un pas décidé.
- Après tout, t'as peut-être raison, le mieux c'est qu'on prenne nos distances ! lâché-je en colère, tout en continuant de d'avancer.
Il se retourne vivement, tandis que je le laisse planté là, son regard empli de tristesse.
- Nine, attends ! lance-t-il, espérant que je me retourne.
Mais je ne peux pas faire demi-tour. Même si cela me fend le cœur de le laisser là, il faut qu'il comprenne qu'il a un choix à faire, que c'est soit il est mon ami pour de bon, soit, il ne l'est pas. En tout cas, en ce qui me concerne, je ne le suis jamais à moitié, c'est à prendre ou à laisser.
Alors que je m'apprête à tourner à droite en direction des bureaux, je l'entends frapper violemment dans l'un des casiers métalliques. Je m'arrête, inspire à fond, pour ne pas me tourner vers lui, puis continue ma route.
Je me dirige vers la sortie de l'établissement presque en courant, laissant tomber le fait que je doive résoudre mon problème de carte de cantine. Je passe devant Nico et Aurore qui m'appellent, mais je ne leur réponds pas. Je me retourne, pour leur adresser un semblant de sourire, mais ils ne sont pas dupes, ils voient bien les larmes qui menacent encore de couler. Lorsque je leur souris, j'aperçois Yann qui arrive en trottinant, comme s'il voulait me rattraper, mais sans vraiment le vouloir. Il sait que s'il le fait il devra faire un choix...
Je lui ai donné une dernière chance de tout m'expliquer, mais ça n'a pas suffi. Sans le savoir, il me pousse à tout découvrir par moi-même et à me rendre là où il ne voudrait pas que j'aille.
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